JOURNAL DE CAMPAGNE

 par Luc BEYER de RYKE

Les élections présidentielles françaises nous revoient à une évidence : le gaullisme politique est mort et nous le savions pas. Plus exactement nous nous efforcions de biaiser, de contourner l’évidence, de l’occulter. Pourtant elle ne date pas d’hier. Georges Pompidou, même s’il a fait rimer gaullisme avec orléanisme, fut le Premier ministre du Général. La filiation existe. Jacques Chirac dans sa jeunesse politique fut un poulain fringant sorti de l’écurie pompidolienne. Là se situait pour lui les références et les fidélités. Si le candidat Chirac a pu en évoquant la « fracture sociale » retrouver l’accent social de la « Participation » ses gouvernements ne l’ont pas mis en oeuvre. Le président Chirac a, lui, érodé les Institutions de la ve République en ramenant le mandat présidentiel à cinq ans.

Reste, et il faut lui en savoir gré, son refus flamboyant d’engager la France dans la désastreuse guerre d’Irak. Ce qui malgré tout ne fait pas oublier les « déréglements » de sa politique européenne passant des excès de l’Appel de Cochin à la ferveur « maëstrichtienne » et aux ardeurs tant référendaires que « constitutionnelles »… Au soir de son long exercice présidentiel le bilan chiraquien est contrasté. Que penser des prétendants ? Lorsque l’occasion m’en est offerte, je ne me contente pas de les voir et de les entendre à la radio ou à la télévision. J’aime être le spectateur des rassemblements qu’ils organisent. Successivement, je me suis rendu à la fête « Bleu, banc, rouge » où Jean-Marie Le Pen assure seul le spectacle puis, au « sacre » de Nicolas Sarközy, à Villepinte enfin où Ségolène Royal apparaissait comme la vierge révélée au PS. « J’ai changé » clame Sarközy. Le Pen aussi J’ai retrouvé chez lui la verve de l‘orateur mais le verbe s’est assagi.

Le bretteur s’est mué en gros matou à la griffe rentrée, l’oeil cajoleur prêt à étendre la patte l’occasion venue. L’âge discipline la fougue, tempère les écarts et Marine, jolie et intelligente, s’efforce de civiliser le « père indigne ». À la porte de Vincennes Nicolas Sarközy officiait encadré de ses acolytes. De Raffarin à Juppé tous avaient revêtu l’étole et balançaient l’encensoir. Celle qui mis le plus de « talent » à le faire fut Michèle Alliot-Marie. Elle avait été chahutée lorsqu’elle s’opposait à Sarközy quinze jours plus tôt, elle fut ovationnée pour son ralliement… et son reniement. Je l’ai vu, devant moi, sauver sa carrière.

La politique est cruelle.

À Villepinte, une autre femme, après avoir affronté son parti, persévère dans son ambition. Le ton, le geste, l’apparence, tout chez Ségolène Royal déconcerte. Elle est jolie, habillée avec une élégance qui évoque, par moment, Jacky Kennedy, les traits fins du visage éclairés d’un sourire perpétuel comme le mouvement du même nom. L’éloquence est absente, le geste à peine ébauché, saccadé, le discours mécanique semble artificiel, fabriqué comme celle qui le prononce. Puis soudain, lorsque Ségolène parle de ses enfants, de la famille, des souffrances de tant de Français, le courant s’établit. Elle émeut. Cette femme que l’on dit froide, insupportable pour ses collaborateurs, décidant seule, sans aucun égard pour ses collègues de sa majorité en Poitou-Charente, révèle un sens de l’humain.

Mais fonde-t-on une politique sur le compassionnel ? Peut-on gouverner la France sans expérience et certains ajouteront dans l’ignorance des affaires du monde ? C’est pourquoi se profile, sans aucune garantie de réussir, celui qu’on attendait pas, François Bayrou. Pour les gaullistes de tradition, cet héritier du MRP n’enthousiasme pas. Mais au moins ce fédéraliste européen, s’il est élu, dit vouloir consulter les Français sur un nouveau projet de constitution. Nicolas Sarközy, lui, le ferait adopter, à la sauvette, par la voix de la procédure parlementaire. Des quatre « grands » seul Jean-Marie Le Pen a voté non au référendum. Mais il est inacceptable aux yeux de la majorité des Français..

- Nicolas Sarközy, le « visiteur de la Maison-blanche. », « l’ami » de George Bush inquiète.

- Ségolène entraînée dans une danse avec les « éléphants » du PS déconcerte.

- François Bayrou se fait le chantre d’un « Tiers-parti » qui n’a jamais séduit les Français.

- Autour d’eux, une pléiade de « petits » candidats font la courte échelle et multiplient les crocs-en-jambe pour participer aux enchères.

Le départ est donné. qui trouvera-t-on à l’arrivée ? Il n’y a pas que les Français pour s’y intéresser…

 

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