Entre ploutocratie conservatrice

et anticapitalisme trotskiste :

À quand le « Gaulisme social-libéral » ?

 

par Pierre Chastanier

 

Un monde va-t-il basculer : celui des vieilles querelles idéologiques et des découpages partisans du passé ? Depuis la fin des Trente glorieuses qui laissaient encore à notre vieux système keynésien un espoir d’avenir ; Depuis la chute du mur de Berlin et l’avènement, sur fond de mondialisation, d’un ultra capitalisme débridé balayant à Moscou comme à Pékin les rêves de grand soir d’un communisme liberticide ; Depuis la montée d’un terrorisme islamique sur fond de conflit israélopalestinien, de dictatures corrompues dans la plupart des pays arabomusulmans face à une croisade évangéliste contre l’axe du mal ; La démographie galopante des pays émergents qui entraînera demain des guerres de la faim et des mouvements de population impossibles à endiguer,

La crise de l’énergie que l’aveuglement des peuples et de leurs dirigeants ne permettra véritablement d’affronter qu’une fois la planète irrémédiablement pillée ; L’étalage, à l’heure accélératrice des médias, de l’opulence des nantis face à la paupérisation des masses aggravée par une hyper-concentration urbaine exposant une jeunesse mal formée et mal intégrée à la délinquance ; Tout cela constitue un cocktail explosif qui, si nous ne réagissons pas suffisamment vite, risquera une nouvelle fois, comme ce fut le cas lors de la chute de l’Empire romain, ou de la Grande révolution française, de marquer l’histoire de l’humanité d’une nouvelle borne sanglante.

En France, la réponse des politiques est déjà dépassée. Tant de promesses non tenues, à droite comme à gauche, ont rendu leurs discours inaudibles. Et si quelques égarés s’enflamment encore aux harangues d’un tribun comme Jean-Marie Le Pen à l’extrême droite ou au jeunisme apparent d’un Olivier Besancenot à l’extrême gauche, un dépit désabusé s’empare progressivement d’une majorité de nos concitoyens, insensibles aux charmes carriéristes des élus d’une UMP déliquescente, d’un centre moribond ou d’un PS décapité. Certes, tenant les appareils partisans et, par là, les investitures, les « représentants du peuple » peuvent, un temps encore, faire illusion en prétendant réformer dans tous les domaines, continuer à s’affronter dans ces débats stériles qui ne trompent personne, gérer l’argent public avec les résultats que l’on sait dans une agitation donquichottesque ou l’incurie des uns ne subsiste finalement que grâce à la connivence des autres.

Mais le peuple français, dont la tendance atavique à la division a largement été encouragée par tous ceux, ploutocrates conservateurs et révolutionnaires trotskistes qui ont intérêt à dresser entre les hommes des cloisons mentales les maintenant comme ennemis de classe, se réveillera, pour autant qu’on fasse appel à son intelligence, pour autant qu’on lui explique avec pédagogie la complexité du monde dans lequel nous entrons, pour autant qu’il ait le sentiment que ceux qui prétendent l’éclairer, le conduisent vers une « société de partage, suffisamment libérale pour que l’économie fonctionne, récompensant équitablement ceux qui risquent et entreprennent par une juste rétribution de leurs efforts et suffisamment sociale pour que persiste le désir de vivre ensemble dans une solidarité fraternelle ne laissant personne au bord de la route même si elle exige de tous un comportement vertueux ».

Un « gaulisme social libéral » doit être inventé (bien que gaulliste, je l'ai écrit avec un seul l pour faire référence à un modèle gaulois que nous pouvons, une fois de plus, dans la tradition universaliste de la France, imaginer, pour être utiles aux autres) où les hommes et les femmes de bonne volonté, d’où qu’ils viennent, soucieux de dialogue, dans un esprit de tolérance et de fraternité, rechercheront des solutions concrètes aux problèmes de notre temps, à la lumière de notre histoire et du génie de notre peuple. Oublions donc ces vieux carcans hérités du passé. Il restera bien sûr à l’extrême droite comme à l’extrême gauche quelques manipulateurs irréductibles et quelques égarés toujours prêts à les croire. Il restera, un temps, dans les formations républicaines traditionnelles, des gens en place qui préfèreront que rien ne change, des défaitistes peu tentés de remuer des montagnes, des cyniques ne croyant pas aux utopies, des individualistes, adeptes du « chacun pour soi ». Mais, comme depuis vingt ans, leurs combinaisons et cohabitations successives à droite comme à gauche n’ont rien résolu, comme leurs tentatives de réforme ne se ramènent, le plus souvent, qu’à des effets d’annonces, le peuple déçu, tôt ou tard, décidera de tourner la page.

Ceux qui veulent éclairer les hommes doivent adopter une démarche exclusivement altruiste, ne recherchant ni poste ni récompense sinon celle d’avoir pu, un temps, servir leur patrie et l’humanité. Ils doivent s’élever au-dessus des partis qui étymologiquement séparent, à la fois pour élargir leur champ de perception et pour faire bénéficier le plus grand nombre de la « lumière » de leur réflexion. Aucun des problèmes qui agitent le monde politicomédiatique ne saurait résister à la pensée convergente de ces « éclaireurs » de tous bords, libres et désintéressés, cherchant inlassablement, dans une vision humaniste, des compromis acceptables, pourvu qu’ils s’engagent dans une démarche pédagogique indispensable en démocratie, à former le peuple et à l’entraîner dans une ascension vertueuse seule capable de vaincre l’égoïsme des hommes. Allons ! Il est temps de rassembler tous ceux qui, prenant conscience des difficultés à venir, renonçant au confort d’un individualisme égoïste, veulent montrer aux hommes que, dans la joie du partage, un nouveau chemin est possible, demandant à chacun selon ses capacités et récompensant chacun selon ses mérites.

Le « gaulisme social-libéral » oubliera d’où viennent tous ceux qui veulent le rejoindre. Seule comptera pour chaque question sociétale, éthique, économique, politique ou morale la réponse collective raisonnable qui, au pays de Descartes, doit pouvoir être trouvée par des hommes sincères. Les tenants d’un véritable libéralisme, doctrine profondément émancipatrice qui, contrairement à la seule loi d’airain des marchés, veut faire triompher progrès et équité en assurant l’autonomie et le bien-être de chaque individu, y trouveront leur compte car rien ne s’obtiendra sans effort. Les sociaux-démocrates, lassés de voir depuis près d’un siècle une gauche dogmatique imposer ses alliances avec des idéologies dépassées, prétendant faire le bonheur des peuples malgré eux pour aboutir, à force de tyrannie, à un retour de balancier ultra-capitaliste, s’émanciperont enfin, sans perdre leur âme. Cette troisième voie que le gaullisme historique avait fait naître avant d’être incompris par les pauvres et trahi par les nantis, cette troisième voie que l’élection inespérée de2002 aurait permis de retrouver si des chefs clairvoyants avaient guidé le pays, émergera peut-être de l’accumulation de nos échecs, si tant est que pour rebondir il faille d’abord toucher le fond. Entre la ploutocratie conservatrice qui, aveuglée par l’argent, épuisera la planète, démantèlera l’économie des pays développés pour la traite de nouveaux esclaves, abandonnera à leur sort, sans état d’âme, ceux qui, un temps, l’auront aidée à prospérer jusqu’à ce qu’elle périsse dans une révolution mondiale, Et l’anticapitalisme trotskiste, réfutant les lois du marché, cherchant à imposer, s’il le faut, par la force une vision dogmatique liberticide de la marche de l’humanité, suscitant par réaction des contre-révolutions tout aussi destructrices, Il y a place pour cette voie de la sagesse, en France, en Europe, dans le monde.

Oubliez d'où vous venez car un débat fraternel s'engage sans a priori doctrinal. Accordez-vous sur le cap, car une marche, même tâtonnante, ne doit jamais perdre de vue le but à atteindre : une société libre, solidaire et responsable, une société qui met l'homme au centre de la politique, une société de partage équitable de la planète, une société où le bonheur des uns ne naît pas de l'asservissement des autres. Le « gaulisme social libéral » entre ces deux mortelles dérives qui conduiraient immanquablement notre pays à la ruine, forme réactualisée du sursaut des peuples qui ne veulent pas mourir, sera, n'en doutons pas, l'ultime salve du gaullisme historique tant que des hommes et des femmes de notre pays, plaçant l'intérêt général et l'amour de la patrie bien au-dessus des misérables et éphémères intérêts particuliers, seront prêts à se mobiliser, à s'engager dans les combats de notre temps. Au travail. Fourbissons nos armes car comme disait le R.P. Teilhard de Chardin: « Rien dans l’Univers ne peut résister à l’ardeur convergente d’un nombre suffisamment grand d’intelligences groupées et organisées. »
 

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