ÉditoriaL

Par Jacques Dauer

Je professe depuis longtemps que le gaullisme a l’avantage sur maintes idéologies de n’en être pas une. Il est la foi historique en la France. ; ce n’est pas une doctrine, c’est une philosophie, en bref c’est un idéal. Cet idéal s’est heurté justement au cours de l’Histoire à différentes idéologies dont il a triomphé par la foi. Des hommes ont plus ou moins (plutôt moins) menacé cet idéal, mais ils se basaient au départ sur un même sentiment. Sans remonter trop loin, il y a eu successivement Louis XI, Henri IV, Richelieu, Louis XIV, Napoléon. Aucun d’entre eux ne s’est appuyé sur la France. Ce n’est pas le cas du Général de Gaulle. Nous n’avons pas compris tout de suite, mais nous l’avons suivi et soutenu. Il faut dire qu’en 1940 nous avions entre quatorze et vingt ans. Le choix pour nous fut cependant clair : De Gaulle incarnait la France. C’était une époque dont les générations qui nous ont suivis n’ont pu et ne peuvent se faire une idée complète.

 

Il est facile aujourd’hui d’être accusé par ceux-là mêmes qui n’ont pas été au centre de la bataille pour l’avenir de la France. Les gaullistes ne sont pas anti-européens, même s’ils repoussent le mini-traité de Lisbonne qui est la reprise totale ou presque du texte de Giscard. Au contraire, ils estiment que la Nation, que les Nations ont une existence propre et que chacune d’elles doit préserver son identité et sa liberté de décision sans négliger pour autant des alliances comme naguère ni la recherche des solidarités effectives.

 

L’Europe, elle, ne sera jamais une Nation(ou dans temps si lointain qu’il est illusoire de s’y référer aujourd’hui), mais elle pourra être un État d’ici un siècle. À cause de fumeuses théories et idéologies, on a perdu quelque cinquante ans. Une Europe à vingt-sept ne peut être viable, elle est vouée à l’échec. Je maintiens ce que j’ai écrit, il y a quelque quinze ans, dans un livre intitulé Une France vivante dans une Europe libre (éditions Albatros) : « Nous opposons face à l’Europe de l’irrationnel l’Europe du sacré. Ainsi l’Europe à construire ne sera pas une Europe des mots, des sentiments, mais une Europe fondée sur les réalités et les traditions de notre civilisation commune. », et plus loin : « Qu’on le veuille ou non, nier l’identité nationale équivaut à nier les attaches sociales, culturelles, linguistiques et religieuses, c’est finalement nier la personne humaine, qui n’est pas indépendante de la société dont elle est issue. »

 

Les Nations européennes apprendront à vivre côte à côte, puis ensemble. Mais dans ce dessein, il faut distinguer au départ entre plusieurs États dans une Union confédérale qui les unira petit à petit pendant le temps nécessaire. Il est évident que cela gêne certains États, notamment les É.-U. qui veulent régenter l’univers. L’Amérique croit qu’elle est le successeur désigné de l’Empire romain. Peut-être aurons-nous l’ingénuité de le lui laisser croire. Il ne faut pas oublier que Rome dura quinze siècles et que, même en tenant compte de l’accélération de l’Histoire, l’Amérique n’est déjà plus qu’à quelques années de sa déchéance totale malgré sa puissance apparente. Rome est morte de surestimer ses fortunes, l’Amérique en est arrivée là en trois siècles et demi.

 

On ne cesse de nous parler de la démocratie, des Droits de l’Homme, mais on se fout du monde. Où la démocratie existe-t-elle ? Que l’on me cite un pays démocratique ! Dans certains pays, on est plus ou moins libre dans la mesure où on laisse le politique aux politiciens. Les Droits de l’Homme sont bafoués partout, ils ne servent aux uns et aux autres que pour attaquer, vouer aux gémonies les pays qui ne plaisent pas. Le pays qui se croit le meilleur représentant de la démocratie dans le monde, les États- Unis, est avec le Patriot Act, l’ État le moins démocratique. Les Américains sont d’autre part les rois de la concussion et de la corruption comme le confirme le comportement de leurs responsables en Irak !.

 

 

Quant à la Commission européenne de Bruxelles, il faut se souvenir que 6o % des commissaires sont membres de la CIA. Cela ne nous étonne guère ! Toutes les décisions de ces serviteurs des É.-U. sont prises en fonction des intérêts américains, et en particulier beaucoup de celles qui touchent la France. Il n’y a qu’à suivre les discours de Barnier. Il est difficile de faire pis (il est vrai que Bruxelles veut aider le Portugal et surtout l’Espagne dans ce conflit de pêcheurs contre la France)… N’oublions pas Trichet, au nom prédestiné, qui se sert de l’euro pour secourir les É.-U. aux dépens de l’Europe.

 

La démocratie est contrariée en France comme ailleurs. Nous prendrons comme exemples, sans pour autant les classer dans un ordre quelconque, Mme Albanel faisant décider (c’est voté) que les patois deviendront des langues à étudier à l’école (c’est du communautarisme et l’obéissance à l’Allemagne) ; Mme Lagarde qui demande à son cabinet et à ses fonctionnaires les plus proches que toutes les notes et rapports qui lui sont remis soient écrits en américain et non en français ; que toutes les demandes à caractère économique présentées par les É.-U. soient satisfaites, quand bien même un secteur sensible comme la santé des Françaises et des Français est en cause ;

 

Mme Rachida Dati, qui a un sens de la Justice assez particulier obéissant aux critères les plus durs et non à celui d’une Justice de l’humanisme ; cet état d’esprit s’apparente, selon nous, au Patriot Act (il faut aussi que les magistrats cessent de n’avoir aucun compte à rendre de leurs décisions) ; Mme Alliot-Marie pour qui il faut toujours plus de répression son leitmotiv étant la répression, toujours plus de répression ! Mais l’imposteur, c’est Barnier, l’ex-séparatiste savoyard. Il ne vit que par Bruxelles où il pense sans doute retrouver bientôt un poste supranational de commissaire et pourquoi pas de ministre des Affaires étrangères de l’Union. Que ça ! En attendant, il fait montre de son incompétence dans le conflit des pêcheurs. « Y en a marre de l’Europe, déclarait l’un d’entre eux à TF1 ». Il y a de quoi, et tous les européistes de droite comme de gauche qui nous ont promis des lendemains qui chantent européens feraient bien d’entrer en repentance.

 

 Ils nous ont mis dans la merde – et pour longtemps – et il est très possible d’ailleurs que l’on ne puisse s’en sortir que par une violence générale qui se réclamerait de la souveraineté des

peuples parce que ce n’est pas le seul secteur touché. J’enrage parce que cela ne peut qu’aboutir à un nouvel échec au plan national. Je n’ai jamais eu quant à moi une sympathie particulière pour Nicolas Sarközy, mais le bon sens était de lui laisser le temps de mettre en oeuvre ses propositions de la campagne électorale. Il lui fallait pour cela un an et sans doute plutôt deux. Or que voiton? De minables politiciens à gauche et même parmi les siens n’arrêtent pas de lui savonner la planche. Et pourtant il n’y a pas d’alternative crédible à gauche. Quel gâchis !

 

En France, nous restons sous la coupe des syndicats de fonctionnaires. Ceux des enseignants se moquent totalement des élèves, ce qu’ils veulent, c’est continuer à profiter de leurs avantages exorbitants. Leurs représentants n’enseignent pas, ils sont soit calés dans leurs fauteuils au ministère de la rue de Grenelle en compagnie des plus imbéciles de leurs comparses, les pédagogues. Que les enfants sortant des écoles primaires soient à près de 12 à 15 % des analphabètes avant d’entrer en 6e, peu leur chaud ; qu’à la fin de la 3e ou après le bac, il y ait encore 9 à 11% de quasi illettrés, c’est le dernier de leur souci. Qu’on ne leur parle pas de supprimer l’UIFM, cours de formation des futurs maîtres où l’on n’apprend rien, mais où l’on forme à la subversion.

 

Bref, en tous domaines, ces gens ne font rien pour assurer l’avenir, ils agissent contre la Nation et contre l’intérêt des enfants, quel que soit leur âge. Ils ne veulent pas que les élèves apprennent et réfléchissent mais qu’ils discutent et même rejettent les connaissances que l’Éducation nationale a pour raison d’être de leur transmettre. Quant aux syndicats de lycéens et d’étudiants, ils sont là pour relayer les syndicats d’enseignants dans leurs réclamations et dans leurs manifestations subversives. Ils sont la première marche pour une carrière politique, bien sûr de gauche et d’extrême-gauche. Les jeunes travailleurs ne sont jamais pris en compte dans ces groupements de jeunes.

 

C’est édifiant. Je n’oublie certes pas les parents d’élèves qui se conduisent de manière inadmissible, d’autant plus que souvent ils appartiennent à la même corporation. Tous les enseignants ne se conduisent pas ainsi, mais on ne peut les entendre, les syndicats savent les faire taire… Les syndicats de fonctionnaires ont finalement la haute main sur la gestion des affaires de l’État et sur son organisation. Non seulement ils en jouent mais ils imposent souvent leurs vues. Ainsi les fonctionnaires du ministère des Finances, Bercy pour faire court, ont réussi à mettre quasiment leur veto à sa réorganisation. Ceux qui dépensent et ceux qui reçoivent devraient être regroupés en un seul corps. Cela a été refusé par les syndicats. Par ailleurs, sur un plan général, les fonctionnaires s’opposent au remplacement total des départs à la retraite –, cela les forcerait à travailler, inadmissible ! Je ne suis pas soit la bonne solution. Il ne faut pas prendre ministère par ministère, mais globalement. Armée, police, justice, entre autres, doivent être redéployés. Qu’ils se taisent et fassent leur travail, surtout les hauts fonctionnaires, sortis pour la plupart de l’ÉNA et qui pratiquent par trop le corporatisme au profit du monde des affaires. Ceux qui y prospèrent ne sont pas d’ailleurs des patrons mais tout juste des managers qui ne rêvent que du fric aux dépens des vrais créateurs de richesse. Ah, les braves gens, et dire que l’on a payé leurs études… Il faut paraît-il une réforme de la Constitution. La seule réforme qui vaille serait non pas de retoucher encore une fois à celle qui nous régit depuis cinquante ans, il faut sans doute permettre que le président de la République puisse s’adresser aux parlementaires.

 

Le Général de Gaulle y avait pensé dans les années 60, mais il avait remis cette idée à d’autres temps. Pourquoi ? Je ne sais pas. Une réforme nécessaire serait que tout fonctionnaire élu ne puisse retrouver sa place dans la fonction publique que cinq ans minimum après la fin de son mandat ; qu’une loi sur le cumul des mandats soit établie à l’encontre de tout élu parlementaire interdisant son élection au conseil régional, au conseil général ou comme maire ou conseiller municipal d’une commune de plus 10.000 habitants ; que le vote blanc soit enfin décompté dans les suffrages exprimés.

 

Nous verrions avec intérêt le septennat reprendre sa place dans les Institutions qu’il rééquilibrerait. Cela conforterait le président et donnerait un nouvel élan aux travaux parlementaires. Sans doute fautil encore que la possibilité de réélection du président soit elle-même limitée à deux mandats. Il faudrait aussi cesser de confondre déconcentration des services de l’État, laquelle est nécessaire, et décentralisation, qui contrevient à l’unité de la Nation depuis des siècles. Tout le reste n’est que billevesée. Je ne sais pourquoi, j’ai gardé le problème des médias pour la fin. La presse est entre les mains d’hommes d’affaires aux intérêts économiques et financiers. Ce qui fait qu’on est certain qu’elle joue leur jeu, jamais celui des lecteurs. Cela est vrai aussi bien pour la presse nationale et encore plus pour la presse régionale et locale. Quant à l’information radiotélévisée, elle n’a qu’un seul vrai souci : faire du fric. Pour cela tous les moyens sont bons, avec des journalistes qui pour la plupart ne connaissent que rarement leur sujet et dont le respect de la langue française est le dernier des soucis. Pour ce qui est des animateurs des émissions radiotélévisées, les fautes sont quotidiennes au contraire on sait faire-valoir les mots américains, de façon d’ailleurs incongrue. Bref, ces gens-là ne seraient pas du niveau d’une classe de CM1. Ajoutons à cela, les directives des propriétaires qui veulent que le radiotéléspectateur soit abêti le plus possible pour devenir un parfait et exclusif consommateur ! Ils ne sont pas loin de réussir, surtout avec les moins de trente ans… La bureaucratie bien évidemment les aide abusivement. Le prochain scandale est celui de l’augmentation de la redevance au profit d’une télévision de merde – c’est le mot qui convient - qui n’enrichit que des parasites. (Les noms sont dans tous les livres.)

 

Je ne puis terminer sans rappeler que le monde est à la veille de conflits de tous ordres dont certains seront l’expression d’une révolte difficilement contrôlable contre les injustices qui s’accumulent. Si la presse nous rappelle les catastrophes que vivent des populations asiatiques aujourd’hui, américaines du Sud hier, elle oublie de nous tenir au courant des famines qu’engendre l’augmentation du pétrole, des céréales, etc. Nous ne sommes tenus au courant des révoltes que de quelques populations abusivement soumises à des régimes dictatoriaux. C’est oublier que l’Europe n’en sera pas exempte. Elles prendront tôt ou tard nos gouvernements en défaut comme on le voit avec les pêcheurs. Mais ceux-ci continueront à s’en foutre, ou plutôt y trouveront un moyen de maintenir leur domination. Dois-je évoquer les guerres en cours qui s’embourbent. Une est à nos portes, c’est la Guerre des civilisations ! Elle fait plus que se profiler, elle est non seulement à nos portes mais elle est tous les jours dans nos rues. Il ne sert à rien de développer le sujet, les parlementaires s’en moquent, à commencer par le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, Jean-François Copé, qui n’a que deux idées en tête, gagner du fric et devenir président de la République. Pour contrecarrer cette ambition démesurée, Yves Jégo a été nommé secrétaire d’État et Christian Jacob se tient en embuscade. Mais ce n’est pas sérieux. Cela ne nous amuse nullement.

 

Que l’on ne s’étonne pas que nous restions gaullistes, nous pensons à nos enfants, petits-enfants et, pour quelques-uns, à nos arrière petits-enfants. C’est pour eux que nous nous battons, et je leur livre un vers, dont ma mémoire défaillante se souvient avec erreur certes, car je l’ai écrit lorsque j’avais quinze ans, à propos d’Hélène et de Paris : « (La pomme,) Paris ne l’eût pas prise de vous, il vous l’eût donnée.» Au cours de la guerre, mais surtout au fil des ans, je l’ai quelque peu transformé en hommage à Charles de Gaulle : « (Les jeunes,) la France, ils ne l’eurent pas prise de vous, ils vous l’eurent offerte.

 

 

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