Compte
rendu du dîner-débat du 12 décembre 2007 en présence de
M.
Jean-François PROBST
LA
MÉDIATISATION POLITIQUE ET LE GAULLISME
par
Christine Alfarge
Jean-François
Probst, consultant en communication, est un fin
connaisseur de la chiraquie.
Ancien
conseiller spécial de Jacques Chirac et de nombreux ténors de l’actuelle
majorité, il ne mâche pas ses mots sur certains d’entre eux. Dans «
Chirac,
mon ami de trente ans »,
Jean-François Probst mêle souvenirs, révélations, indiscrétions et analyses. Sa
carrière au RPR lui a donné accès aux coulisses du pouvoir. La langue de bois,
il ne connaît pas. Après avoir fait partie de l’entourage proche de Jacques
Chirac Premier ministre (1974-1976), président du RPR, puis maire de Paris,
Jean-François Probst a notamment participé à la fondation du RPR en 1976,
aujourd’hui conseiller en communication indépendant, il met son expérience au
service du débat politique.
En
venant à l’Académie du Gaullisme, l’ancien maire RPR de Bois-Colombes qu’il fut
de 1986 à 1989, évoque trente-trois années de sa vie politique avec la modestie
de ceux qui en ont vu un peu, beaucoup parfois, même des violentes disputes,
querelles ou projections de haines. Il reconnaît lui-même son franc-parler en le
mettant notamment au service de ses mandats électifs ou politiques notamment au
Sénat et n’en demeure pas moins un gaulliste de conviction. Pendant les dix
années qu’il passera à la tête de son groupe au Sénat, il aura la chance de
parler, de rencontrer d’éminents personnages qui ont marqué l’aventure gaulliste
pas seulement des sénateurs mais des gens qui rendaient visite, des
associations, des colloques, des séminaires et aussi à travers de nombreux
voyages. Jean-François Probst se définit avant tout comme un homme de
communication, selon lui « Quand
on est fidèle à une doctrine et que l’on est convaincu soimême, on peut débattre avec n’importe qui
».
L’information
et la communication, vecteurs du pouvoir politique.
En
1974, nous assisterons à la première bataille politico-médiatique entre Giscard
et Mitterrand qui se traduira par la victoire de ceux qui voulaient battre les
gaullistes. Ce fut un tournant déterminant de la vie politique française faisant
émerger une nouvelle pensée collective élaborée dans l’espace même de la
communication touchant l’ensemble de la société. En effet, c’est dans l’espace
même de la communication que viennent les images, les informations, les opinions
lesquelles en façonnant les esprits deviennent un enjeu
fondamental.
La
force du Gaullisme, c’est le rassemblement.
Comme
le souligne Jean-François Probst, « Notre
chance en 1977, c’est qu’une énorme machine municipale se met en route, il y
aura bien sûr le RPR, les associations, les clubs d’obédience gaulliste mais
aussi le rassemblement que Chirac a constitué dans chaque arrondissement et qui
a été le plus communiquant en 1977 et c’était court deux mois face à Michel
d’Ornano, les giscardiens mettaient le paquet, la presse, la télévision toute la
machine giscardienne était antigaulliste, anti-chirac,
elle voulait faire perdre les équipes d’union pour Paris. Face à Michel d’Ornano
et à la puissance étatique de Giscard et de leurs amis, Chirac a réussi
arrondissement par arrondissement parce que c’est la première fois qu’il y avait
une élection municipale à Paris et qu’il y avait vingt élections, ce que
d’ailleurs les journalistes oublient souvent et qui va se reproduire dans
quelques semaines c’est qu’il faut d’abord gagner arrondissement par
arrondissement et si nous avons perdu en 2001 c’est parce que nous avons eu
cette terrible division Seguin-Tibéri et des divisions
fratricides arrondissement par arrondissement dont nous avons tous les uns et
les autres été les victimes ».
Il
faut des idées, il faut des projets.
Les
technocrates, les énarques, les polytechniciens ont parfois pris le dessus sur
le politique et lorsque Jacques Chirac en 1995 est élu, les diplomates prennent
le pouvoir, ceux qui n’ont jamais milité sur le terrain, ceux qui n’ont jamais
été des combattants, des résistants, des candidats. Selon Jean-François Probst «
La
plus grande erreur de Chirac a été de ne pas dissoudre dès l’élection de 1995
comme d’ailleurs Giscard en 1974 en revanche la prérogative présidentielle de
dissoudre en 1997 suite aux difficultés du Premier ministre de l’époque Alain
Juppé, fut un échec. Peut-être avait-il fait le choix d’une cohabitation pour
garder la France au calme ? Alors le deuxième grief que j’ai contre Jacques
Chirac c’est 2002, parce qu’au terme de cette cohabitation très infructueuse
pour la France avec les 35 heures, par miracle, Chirac se retrouve face à Le Pen
au deuxième tour et gagne avec82,5 % des voix, c’est la chance de sa vie de
ramasser des compagnons, mais cela ne l’a pas empêché avant même de connaître le
résultat des élections législatives de former un gouvernement orienté à droite
et qui n’était sans doute pas porteur d’espoir puisqu’en 2004, il y a une
bérézina, on perd toutes les régions sauf l’Alsace et la Corse ».
On
ne pense toujours que tout part de la communication, non, la preuve en est que
tout part du politique, du projet, des convictions que l’on défend, la bataille
que l’on mène. Et puis au-delà des leaders, des élites politiques, des
décideurs, il y a le peuple de France.
Politique
et médiatisation se confondent-elles ?
Dans
notre société, la politique prend immédiatement une dimension médiatique, que ce
soit la nature même du système politique ou les décisions qui en découlent. Mais
cela ne signifie pas pour autant que le pouvoir se trouve inévitablement aux
mains des médias ou que le public se décide en fonction de ce qu’on lui suggère.
Dans cette nouvelle société de communication, la nécessité d’exister
médiatiquement pour exister politiquement implique de faire passer des messages
aussi bien à la télévision qu’à la radio, dans la presse écrite ou sur Internet
sur des sujets qui ne sont pas technocratiques, qui ne sont pas de la démocratie
participative dans laquelle il n’y a pas de véritable capacité à
rassembler.
Le
politique peut-il changer la société ?
Aujourd’hui,
les hommes et les femmes politiques peuvent-ils vraiment changer le cours des
choses ? On assiste à une sorte de désaffection des citoyens pour la politique
qui se traduit vers davantage de présence dans des actions de solidarité, de
manifestation dont la principale cause est la défiance vis-à-vis des pouvoirs
alors que la fonction politique est d’organiser la confiance entre les citoyens
et le pouvoir.
Face
à cette défiance, le politique doit agir notamment dans l’accomplissement des
réformes nécessaires au redressement du pays, savoir prendre des risques car il
s’agit surtout d’une manifestation d’exigence vis-à-vis du pouvoir. Même si le
risque de contestation est fort, il ne doit pas paralyser l’action politique, la
critique est toujours plus facile que la proposition. Une démocratie digne de ce
nom implique un bon fonctionnement de notre société, visible sur les décisions à
prendre ou les conflits à gérer.
Il
faut établir de nouveaux rapports entre médias, citoyens et
pouvoir.
Aujourd’hui,
il faut recomposer les rapports entre citoyens, les rapports de pouvoir et les
rapports économiques. Le changement dépend d’hommes et de femmes de bonne
volonté déterminés à agir et en ayant les moyens. Il peut venir de l’intérieur
même du monde politique avec des propositions nouvelles, mais ce changement peut
venir aussi de la connaissance sociale drainée par l’information et la
communication qui offrent à la société une plus grande capacité de contrôle et
d’intervention.
L’aventure
audio-visuelle a une longue histoire avec le gaullisme, c’est avant tout la
volonté d’un homme, le général de Gaulle de faire connaître sa politique et de
la diffuser au plus grand nombre. Dans l’esprit des français, il restera l’homme
de la radio de l’Appel du 18 juin 1940 et aussi l’homme de la première
télévision alors on peut être certain d’une chose, c’est que l’avenir des
nouvelles formes de politiques se jouera dans le champ de la communication en
tenant compte de la nouveauté des moyens technologiques.
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