JE T’AIME, Ô MA FRANCE !

par Jacques DAUER

Écrire chaque mois un éditorial devient une quasi punition, car rien ne change sauf la montée des périls. J’ai l’impression sinon la certitude de me répéter sans cesse. Je prie nos lecteurs de m’en excuser mais je me sens obligé de me répéter afi n que chacun de nous se pénètre du bien-fondé de nos prises de position. Nous en sommes revenus à la IVe République mais en pire. Le régime des partis avec en prime le totalitarisme non seulement des politico-énarques mais aussi celui de la fonction publique et des managers-voyous du MEDEF. Il y a cinquante ans, nous avions les mêmes lâches, les mêmes voyous, les mêmes corrompus, mais – car il y a un mais – il y avait dans les partis quelques hommes courageux, surtout parmi les gaullistes. Il n’y en a plus un aujourd’hui au plan national ni au gouvernement, ni au Sénat, ni à l’Assemblée. Les soi-disant représentants du peuple n’ont que le choix d’obéir ou de ne pas être réélus.

Alors ils obéissent, je dirai même qu’ils rampent. Quant à la fonction publique, elle se tait en bas de l’échelle, elle rampe dans les hautes sphères. Quand ceux, issus de ces dernières, vont dans les institutions internationales, ils n’ont qu’un souci trahir la France, n’est-ce pas MM. Lamy et Trichet ? La preuve première, ils ont honte de parler français, leur langue maternelle. Comme patron (on me permettra de préférer ce terme à celui de chef d’entreprise), j’ai eu quelques diffi cultés avec le CNPF. Pourtant, il y avait là des femmes et des hommes qui avaient le sens des responsabilités, qui avaient une haute idée de leur fonction. Aujourd’hui, les managers qui les ont remplacés ne pensent qu’au fric, encore le fric, toujours le fric : pour eux-mêmes (stocks-options et délits d’initiés) et à la rigueur pour leurs actionnaires importants. Ce sont des êtres amoraux. Ils n’ont que mépris pour ceux qui travaillent, ils les considèrent non pas comme des êtres humains mais comme des moins que rien, comptant moins que le bureau sur lequel ils travaillent ou la machine qu’ils font tourner. Quand j’ose dire que la révolte est à nos portes, au mieux on plaisante, au pire on s’en fout ! (J’ose aussi une nouvelle fois affi rmer que cette révolte concernera d’autres pays européens. Les résultats des élections néerlandaises en sont les prémices.)

Au moment où j’écris ce pensum, nous nous trouvons entre deux importantes manifestations d’insubordination ouverte d’agents de l’État chargés de la protection civile ou du maintien de l’ordre. La première, il y a cinq ans, c’était la mutinerie des gendarmes, contre lesquels aucune sanction n’a été engagée. C’était une mutinerie, il n’y a pas d’autre terme pour qualifi er un désordre avec défi lé de véhicules d’intervention et d’armes de service. La provocation était tellement évidente que, sur l’avenue de la Grande-Armée, les hommes de la police nationale et les CRS ont refusé de serrer la main des gendarmes.

Aujourd’hui, c’est la révolte violente des pompiers professionnels qui ont pris le risque de compromettre la bienveillance, à leur égard, des citoyens. À côté de cela, ce sont les CRS qui bastonnent dans les Ardennes des grévistes qui avaient trouvé leur entreprise vidée de son matériel et ses ateliers fermés. Et que dire de la Justice qui enferme un homme qui a osé tirer en l’air pour empêcher des agriculteurs, entraînés par José Bové, de brûler son bien ? Je ne prends que ces deux exemples mais ils sont nombreux et témoignent tous du désordre qui s’est installé dans les esprits par la faute de gouvernants incompétents qui ne savent pas répondre aux attentes des uns et des autres mais qui multiplient les causes de mécontentement et les provocations.

Symbole de la fracture sociale chère à Jacques Chirac, être jeune, est devenu une tare pour ces salopards de l’énarchie dominante. La manière dont ils font traiter les jeunes par certains policiers me fait mieux comprendre les réactions brutales des premiers. Comme j’ai eu l’occasion de le dire à un policier qui me demandait mes papiers d’une manière plus que disgracieuse, il ne faut pas s’étonner que les jeunes se révoltent. Il m’arrive aussi de comprendre la perte de sang-froid de jeunes policiers. Mais pourrait-on m’expliquer les raisons, alors qu’un policier faisait son devoir après le match Tel Aviv-PSG, qui ont poussé certains policiers ou CRS à ne pas intervenir immédiatement. Est-ce parce que ce policier était noir ? Estce parce que l’homme était noir et ne portait pas de brassard de police ? Est-ce parce qu’il était noir et qu’il protégeait des Israéliens ? Cet homme courageux faisait tout simplement son devoir d’HOMME. Les ratiocinations des uns, les errements des autres donnent raisons aux « bastards » qui l’ont frappé.

Comment faire autrement, quand aussi bien à l’UMP qu’au PS, on considère que la jeunesse est délinquante par essence. Ces gens-là ne le sont-ils pas encore plus ? Notamment les champions des privatisations et les managers-voyous qui s’empiff rent de salaires, d’émoluments et de stocks-options… Quand on voit qui les médias soutiennent, on comprend pourquoi : la quasi totalité d’entre-eux appartiennent ou sont dirigés par les mêmes managers-¬voyous, lesquels ne défendront jamais les PME-PMI d’autant que ces entreprises sont à leur botte. Donneurs d’ordre irresponsables, peu leur importe qu’elles licencient ou délocalisent pourvu qu’elles satisfassent leur rapacité.

Alors Ségolène ou Sarközy, ce sera du pareil au même, voire pire. L’un et l’autre ne parlent guère de l’Europe et des contraintes qu’elle impose et qui vident par avance de tous sens leurs propositions électorales. Comble d’hypocrisie et de malhonnêteté intellectuelle, tous les deux sont des européistes fédéralistes, c’est-à-dire des gens aux ordres des Américains, de Bush en particulier. Jamais ils n’oseront s’opposer aux salopards de Bruxelles. Ils acceptent que certains pays européens (Bulgarie, Slovaquie, Pologne, Roumanie, et d’autres à découvrir) pratiquent la tortures et les interrogatoires sous la vigilance des services secrets américains. Si j’avais eu le temps, et surtout si je n’avais pas lu Chateaubriand, je les mépriserais. En tout état de cause, il faut, à l’égard des candidats des médias, appliquer le fameux principe de précaution. Même si l’on peut espérer que l’un sera chassé, restera l’autre ! Les citoyens français ne veulent pas que la France soit un immense Guentanamo… Qu’ils soient ignares, c’est une évidence. Qu’eux-mêmes et leurs bandes de trissotins méditent et comprennent, s’ils le peuvent, cette réfl exion de saint Augustin : Donne-moi, Seigneur, la chasteté et la pureté, mais je t’en prie pas tout de suite.
 

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