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Pacificateurs ou otages?
par Mordicus
Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a voté une Résolution condamnant les violations des Droits de
l’Homme commises par l’Etat d’Israël au Liban. Les représentants des gouvernements européens, Russie,
exceptée, ont voté contre un texte approuvé par 27 des 45 participants.Bien évidemment ce Conseil des droits
de l’homme aurait dû, simultanément, adopter une autre Résolution condamnant le Hezbollah et ses tirs de
roquettes Katiousha frappant la population et détruisant également des objectifs n’ayant aucun caractère
militaire. C’est là une bonne image du poids moral et politique de la majorité de la population mondiale et un
revers pour le parti de l’Occident, en fait celui du monde anglo-saxon – champion des libertés et du droit – du
moins jusqu’à ces dernières années. Les exigences de la politique pétrolière – plus généralement énergétique –
des Etats-Unis ont bouleversé un ordre moral que l’on croyait consubstantiel à l’Occident.Les événements
récents du Moyen-Orient lui portent un nouveau coup. Ne serait-ce que par la série de fiascos dont témoigne la
crise du Liban. Le plus inattendu étant la crise politique interne dont souffre maintenant, l’Etat d’Israël au
prestige militaire et gouvernemental sévèrement atteint.Si l’on en juge, à la fin de ce mois d’août, d’après ce
qu’est la situation dans la zone du conflit, le fiasco général, le grand fiasco, serait celui des Etats-Unis.
Le 21 juillet dernier Mme Condoleeza Rice, Secrétaire d’Etat déclarait ce qui suit à la presse : … « Ce que
nous voyons ici, d’une certaine manière, c’est le commencement, les contractions de la naissance d’un nouveau
Moyen-Orient… nous devons être certains que nous poussons vers le nouveau Moyen-Orient et que nous ne
retournerons pas à l’ancien ».A ce jour, le nouveau Moyen-Orient de madame Rice c’est le chaos à la fois au
Liban et en Israël, chaos dominé par le renforcement politique du Hezbollah, sur place, et de l’Iran et la
Syrieadversaires d’Israël et des Etats-Unis ?C’est aussi la mise en évidence des faiblesses des Nations-Unies et
du pouvoir politique et militaire du Hezbollah qui intimide les gouvernements des grandes puissances ayant
cherché tous les prétextes pour ne pas fournir les contingents d’une force d’interposition au Liban.La crise du
Moyen-Orient consacre l’échec de l’éviction de la Syrie, du moins en ce qui concerne le Liban. Un Etat libanais
souverain, politiquement viable conformément aux volontés de l’ONU et à l’instigation de Washington et de
Paris, s’est révélé être une illusion. Le temps a manqué pour faire une nation d’un pays aux nombreuses ethnies
et confessions, aux multiples partis politiques et aux Institutions marquées par la diversité de la population.Avec
un gouvernement pro-syrien le Liban est devenu l’antenne avancée de l’Iran des mollah farouchement
anti-sionistes tandis que les autres voisins d’Israël, l’Egypte et la Jordanies’accommodent de son existence et se
trouvent dans le sillage de la politique des Etats-Unis.En ce qui nous concerne ici l’armée du Liban – à laquelle
l’ONU a fait appel – est à l’image du pays.Elle compte 70.000 hommes répartis en une dizaine de brigades
d’infanteries, deux régiments d’artillerie, met en œuvre une centaine de chars d’assaut et se trouve privée de
toute aviation, ne possédant qu’une défense contre avions limitée en nombre et en performances.
C’est cette carence militaire qui a incité l’état-major israélien à mener une campagne de bombardements aériens
dont il était assuré qu’elle serait conduite sans pertes. Contre un mouvement politique puissamment armé par
l’Iran et la Syrie, c’est une occupation terrestre du Liban qui eût été en mesure de neutraliser le Hezbollah. Mais
au prix de pertes très élevées.Faute d’autres moyens immédiatement disponibles, l’ONU a fait appel à cette
armée du Liban pour occuper le terrain évacué par Tsahal. Mais majoritairement chiite, cette armée est plus
portée à s’entendre avec le Hezbollah qu’à le neutraliser en le désarmant. Le fiasco de la démarche «
occidentale » est manifeste et il se répercute dangereusement sur la politique intérieure d’Israël. Une double
victoire pour le Hezbollah et pour l’Iran.qAutre victoire du Hezbollah – du moins dans un premier temps : les
difficultés qu’a rencontrées l’ONU à porter la force intérimaire des Nations-Unies au Liban de 2.000 à 15.000
hommes. (Et à au moins 3.500 hommes avant le début de septembre).qLes principales puissances intéressées à
la crise se sont dérobées en invoquant, d’ailleurs, de bonnes raisons. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne sont
trop proches d’une des parties, Israël ; l’Allemagne avance la Shoa ; Israël récuse des pays qui n’entretiennent
pas de relations diplomatiques avec l’Etat hébreu, la France, d’abord empressée a réclamé des directives de l’ONU et d’abord réduit les ambitions initialement affichées.
L’ONU, a aussitôt, rédigé deux documents :ql’un relatif au « concept général » des opérationsql’autre fixant les
règles d’éventuels engagements.En réalité ces demandes de précision ne sont que des prétextes pour retarder
l’envoi de contingents renforcer la FINUL.Aucun des documents de l’ONU n’empêchera des attentats comme
ceux dont Américains et Français furent les victimes au Liban, en 1983. C’est pourquoi, le blocus maritime, la
surveillance du littoral est recherchée de préférence à la mise à terre des homme de la future FINUL.Ce serait
donc à la légère que la France s’était offerte pour diriger la force internationale à laquelle elle aurait fourni 3 à
4.000 hommes. Voici que Washington évoque une nouvelle Résolution visant – spécifiquement – à désarmer le
Hezbollah. C’est recourir à la force et mener de bien coûteuses opérations. Et aussi ce serait, pour la France,
heurter les millions de musulmans français qui pèsent désormais sur la vie politique et sociale de la France.A la
demande du gouvernement libanais l’Italie prendrait le risque en déployant 3.000 soldats, mais c’était avant qu’il
ne soit question de la nouvelle Résolution. Si M. Bush maintient ses exigences, grandes seront les réticences des
gouvernements sollicités. Et l’impasse serait un autre fiasco de « la communauté internationale ».En effet, l’ONU
ne peut donner aucune garantie quant aux éventuelles manifestations de terrorisme comme celle qui, en 1983
frappa les contingents armés des Etats-Unis et de la France. Ce qui se passe quotidiennement en Irak avec les
attentats à la voiture piégée défie toute recommandation de l’ONU. Et en dépit de leur puissance militaire les
Américains sont bien incapables d’y mettre un terme. Comment se comportera le Hezbollah ? Assagi et parti de
gouvernement ou, au contraire, va-t-il rendre la vie dure à la nouvelle FINUL ? Peut-être est-ce Téhéran qui
décidera disposant ainsi d’un moyen de chantage pour conduire, comme il l’entend, sa politique d’indépendance
nucléaire. Aussi considérables sont les risques que doit courir cette force d’interposition qu’en réalité aucune «
garantie » ne peut protéger. D’ailleurs, les textes onusiens sont eux-mêmes ambigus et contradictoires : Si les
casques bleus n’auront pas à désarmer le Hezbollah, mission à charge du gouvernement libanais, en revanche il
est spécifié que la FINUL pourrait faire usage de ses armes pour se « défendre et désarmer les miliciens ». Allez
comprendre ce que signifie cette contradiction et comment, sur place elle sera interprétée : on ne désarme pas le
Hezbollah mais, éventuellement, il se peut que l’on participe à son désarmement.Important est le risque et il est
puéril de croire que les règles de l’ONU seront observées et que la réédition des tristes événements de 1983 est
exclue.Le cessez-le-feu a été intentionnellement retardé pour laisser à Tsahal le temps de neutraliser le
Hezbollah, le gouvernement libanais n’en ayant ni les moyens ni l’intention. Mais, une fois proclamé il a été
violé.A bon droit selon les Israéliens si, effectivement, la Syrie continuait à acheminer des armes au Liban sud, à moins que ce ne soit qu’un prétexte pour affaiblir .
Le cessez-le-feu est plutôt l’arrêt des hostilités de grande envergure. L’état-major israélien fait survoler le Liban
afin d’y surveiller les livraisons d’armes par la Syrie. Plus la force d’interposition tarde à intervenir, plus l’Etat
hébreu est obligé de tenir tête au Hezbollah et de maintenir le blocus aérien et maritime du Liban ce qui n’allège
pas les souffrances de sa population.L’avalanche des Katiousha ouvre à l’Etat d’Israël d’inquiétantes
perspectives. En effet, on peut imaginer qu’un jour, à partir de la bande de Gaza au sud, et de certaines
implantations palestiniennes de Cisjordanie au centre, des milliers d’engins balistiques, Katiousha et autres
missiles semblables soient lancés sur les agglomérations de l’Etat hébreu.Acheminés en pièces détachées, ces
engins pourraient être clandestinement assemblés et simultanément tirés sans qu’il existe de parade.Pareille
hypothèse remet en question le bien fondé des accords d’Oslo (1993 – 1995). Il se peut qu’elle contribue à la
décision du chef du gouvernement israélien renonçant à se retirer davantage de la Cisjordanie. A moins qu’au
cours d’une nouvelle série d’hostilités Tsahal ne réussisse à neutraliser militairement – et durablement – le
Hezbollah… et que Washington obtienne, au moins, la neutralité de la Syrie. Ce qui est peu probable. Ne
serait-ce qu’en raison de l’audience de Hassan Nasrallah au sein du monde musulman. Les évènements de ce
mois de juillet devraient tirer l’Etat d’Israël de sa torpeur politique et stratégique et justifier d’embarrassantes
questions :qComment se fait-il que la Syrie et le Hezbollah ont pu être abondamment ravitaillés en armements,
par milliers de tonnes, à l’insu des satellites américains censés scruter chaque mètre carré de la planète, et aussi sans que les services de renseignement israélien – le fameux Mossad – s’en inquiètent ?
Tout s’est passé comme si l’état-major israélien n’était pas informé.qAutre interrogation, la FINUL et ses
2.000 hommes, là où ils étaient déployés ne pouvaient ignorer les importants travaux de fortification du sud
Liban et les préparatifs guerriers du Hezbollah. Ceux-ci ont néanmoins bénéficié de l’avantage de l’effet de
surprise.qAutre fiasco : comment l’ONU pouvait-elle décider de l’application d’un cessez-le-feu sans avoir
l’ombre d’une force d’interposition pour en imposer le respect ? Et pourtant, depuis le 12 juillet le temps ne lui a
pas fait défaut.qEn dépit des talents reconnus de ses cadres Tsahal n’a pas manqué de commettre l’erreur
traditionnelle du haut commandement militaire : prendre exemple sur le passé et faire la nouvelle guerre
d’aujourd’hui comme furent victorieusement conduites celles de 1967 et de 1973. Les forces armées de l’Etat
hébreu s’étaient déployées pour affronter des armées nationales à terre et dans les airs, alors que l’ennemi, cette
fois était la guérilla et l’attaque balistique des villes. Comment se fait-il qu’une telle erreur ait été commise en
dépit de tout ce que l’on devait savoir du Hezbollah ? Si nombreuses et si pertinentes sont les interrogations que
suscitent les événements du Moyen-Orient que des esprits chagrins ont cru y voir une manœuvre de haute politique qu’auraient planifiée ensemble Washington et Tel Aviv :
° Laisser mûrir l’expansion du Hezbollah de manière à avoir le prétexte de s’en prendre au Liban.
° Détruire le Liban et, à l’instar de la démarche tentée en Irak, y établir un régime ami du couple : Etats-Unis – Israël.
° Utiliser l’armée de l’Etat hébreu pour atteindre pareil objectif et créer, grâce à elle, et son profit, le Nouveau Moyen-Orient.
En réalité, l’état d’impréparation de Tsahal démonte le mécanisme d’une telle manœuvre et prouve qu’elle est imaginaire.
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