Les accords d’Oslo (1993-1995), ceux conclus au Caire en 1994 d’une part, le recours du Hezbollah aux salves de roquettes d’autre part, placent l’Etat d’Israël dans une situation
critique.
Les accords d’Oslo et les négociations qui suivirent à Hebron et à Wye Plantation ont institutionnalisé l’imbrication en Cisjordanie des populations juives et arabes en créant des
zones territoriales relevant respectivement de l’Etat d’Israël d’une part, et de l’autorité palestinienne. Yossi Beilin, un des principaux négociateurs israéliens, croyait même que les
colons juifs pourraient demeurer là où ils étaient implantés, sous la souveraineté palestinienne. Espérait-on que ces imbrications favoriseraient des rapprochements et que Palestiniens et
Israéliens accepteraient de vivre ensemble, pacifiquement ? C’était sacrifier à l’illusion. Mais aussi donner en otages des centaines de milliers d’Israéliens et neutraliser l’atout maître
du dernier recours, l’arme nucléaire israélienne perdant toute capacité d’intimidation, son éventuelle utilisation en Cisjordanie y eut fait au moins autant de victimes israéliennes que
palestiniennes.
L’utilisation, par le Hezbollah, de tirs massifs de roquettes Katiousha vient de mettre en évidence un péril nouveau, imprévisible jusqu’à maintenant.
En effet, il se peut que soit, à nouveau, brandi le vieux cliché dont se sert aujourd’hui Téhéran : rayer l’Etat d’Israël de la carte.
Si le président Ahmadinejad incite l’Union européenne à renoncer au soutien de l’Etat d’Israël, qu’il déclare condamné à disparaître, est-ce parce qu’il en a les moyens et
que, par exemple, il pourrait matérialiser l’hypothèse qui suit :
-Expédier clandestinement, en pièces détachées, des dizaines de milliers de roquettes et les répartir entre les implantations palestiniennes en Cisjordanie, dans la bande de Gaza et au
Liban sud.
-Assembler peu à peu les éléments de ces roquettes pour en faire des armes redoutables parce que difficilement parables.
-Une fois cette panoplie offensive jugée suffisante, déclencher successivement un grand nombre de salves en prenant l’habitat israélien pour cible. La configuration géographique de
l’Etat d’Israël est telle qu’à partir des implantations palestiniennes de Gaza, Cisjordanie et du Sud-Liban, avec une portée de 20 à 30 kilomètres, les roquettes couvrent la quasi-totalité du
territoire, du moins sa partie la plus active. Il y a là le moyen de matérialiser l’extrême vulnérabilité d’Israël. Et de disposer d’un fort élément de chantage dans les négociations
relatives à l’arme nucléaire iranienne. (voir Annexe).
Comment conjurer à la fois le péril et l’arme du chantage ? Il semblerait que ce soit en réunissant les conditions d’un nouveau conflit armé.
C’est ainsi, par exemple, que l’Etat d’Israël pourrait renoncer aux dispositions des accords d’Oslo, et de leur suite, c’est-à-dire aux implantations juives en Jordanie,
substituant à l’actuelle « peau de léopard » une Cisjordanie confessionnellement homogène au profit des Palestiniens. Ainsi serait restauré le pouvoir d’intimidation de l’arme atomique
israélienne, du moins vis-à-vis de la Palestine et de ses alliés. Mais l’accès au Jourdain n’est-il pas indispensable ?
-Autre solution, plus radicale encore, réoccuper les territoires d’où pourraient surgir les salves de Katiousha, opération difficilement concevable puisqu’elle signifierait de longues
et douloureuses hostilités et qu’elle susciterait une réprobation quasi générale.
Le paradoxe c’est que c’est une arme rudimentaire utilisée durant la Seconde Guerre mondiale, qui met en péril un Etat puissamment armé. Paradoxe également que d’avoir, en quelque
sorte, dilapidé le potentiel de sécurité acquis à la suite de la victorieuse guerre des Six Jours. Avec l’assentiment, voire les injonctions de Washington.