COMPTE-RENDU DU DÎNER-DEBAT DU 20 NOVEMBRE 2007 

En présence de Monsieur Jean-Pierre RAZAFY-ANDRIAMIHAINGO 

Ambassadeur de MADAGASCAR en FRANCE 

LA FRANCE ET MADAGASCAR 

Par Christine Alfarge 

“ Madagascar, quatrième île du monde suscite un grand intérêt à tout point de vue.”

A ce titre, Monsieur Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo, ambassadeur de Madagascar en France,  incarne avec une grande éloquence l'image de son pays. Il fut avocat à la Cour d'Appel de Paris et Chargé de conférences auprès de plusieurs universités françaises ainsi que consultant-expert à l'Agence Intergouvernementale de la Francophonie. Mais il veut avant tout souligner son engagement gaulliste que nous saluons avec ferveur. Ce passionné d'histoire et de peinture figurative nous fait partager sa vision humaniste sur le passé et  l'avenir de son pays.  

L'origine de Madagascar.

Madagascar a une origine asiatique dont l'image est faussée par rapport à l'Afrique. Cet état insulaire est situé dans la partie occidentale de l'Océan Indien au large des côtes de l'Afrique de l'est et représente une population de dix huit millions de malgaches dont le culte des ancêtres est très présent.

Au premier millénaire, une étude en génétique des populations montre que la première vague migratoire passe par l'Indochine, l'Indonésie, l'Afrique orientale via Madagascar et s'installe sur les côtes. A partir du 13ème siècle, les vagues indonésiennes prendront un trajet direct entre l'Indonésie et Madagascar, ceux qui cherchaient leur terre promise, maîtrisaient extraordinairement les étoiles et les pirogues pour se diriger. Ces vagues passeront sur les hauts plateaux situés dans les régions centrales et se constitueront en chefferie ou royaume ce qui donnera des guerres inter groupes ou inter royaumes. Les influences africaines et arabes se  renforceront au fil des années. L'ambassadeur Razafy-Andriamihaingo revendique Madagascar comme une partie de l'Afrique et déclare “A partir de cette pluralité, nous nous inscrivons avec toutes nos spécificités.”

Le malgache parlé sur toute l'île, est une des langues les plus anciennes et une branche de la famille maleo-polynésienne. Même si la langue et la communauté de culture donnent une unité à la population malgache, il faut distinguer une vingtaine de groupes ethniques avec pour chacun des caractères spécifiques.

L'histoire de Madagascar.

A l'origine, les malgaches étaient des roturiers exerçant le métier de marin ou d'agriculteur en développant leur propre dynastie. A la naissance des principautés, les roturiers se sont effacés au profit des nobles.

En 1500, les portugais seront les premiers européens à venir à Madagascar où ils découvriront une île immense que leur chef Diego Dias baptisera Île Saint-Laurent, mais ils ne resteront pas. Située sur la route des Indes, Madagascar attirera la convoitise d'autres européens comme les Hollandais à la fin du 16ème siècle puis un peu plus tard ce sera le tour des Anglais mais finalement le lien se développera avec les Français pendant une trentaine d'années de 1642 à 1672 avec Etienne de Flacourt nommé “commandant de Madagascar”, qui s'installera sur  le site de Fort-Dauphin, place forte de la France et véritable comptoir qui permettait à cette France de l'Orient de revendiquer et de s'étendre sur toute la côte est. Après le départ des Français de Fort-Dauphin, Madagascar fut très fréquentée par les pirates dont le plus célèbre était Diego Suarez.

L'expansion des royaumes.

Au 17ème siècle, ils existent de nombreux royaumes indépendants. A l'ouest, se sont formés les grands royaumes Sakalava du Menabe et du Boina, sur la partie orientale règnent les Betsimisaraka alors que sur les hauts plateaux du centre les royaumes Betsileo et Merina sont tous puissants. La domination Sakalava s'affaiblira à la fin du 19ème siècle et on assistera à l'expansion du royaume Merina grâce à un homme providentiel le roi Andrianampoinimerina de 1786 à 1810, décrit comme un grand roi avec l'ambition d'un royaume éclairé. Il prônait l'idée d'unité et désirait avoir la mer comme frontières. A sa mort, il désignera un de ses fils Radama 1er pour lui succéder  jusqu'en 1828, celui-ci redouté des roturiers avait également pour ambition de conquérir toute l'île aidé en cela par les Britanniques qui le reconnaîtront roi de Madagascar et lui apporteront un soutien militaire et culturel. Pendant son règne l'influence étrangère sera importante tant du côté anglais que du côté français dont le rôle sera déterminent à cette époque là à Madagascar.

A la mort de Radama 1er dont le règne fut très court, les oligarques de l'île voulaient désigner pour la première fois une femme au pouvoir pensant que sa docilité leur laisserait le champ libre pour gouverner. Ils se sont trompés, cette reine qui s'appelait Ranavalona 1ère épouse du roi Radama 1er, régna pendant trente trois ans jusqu'en 1861 d'une manière autoritaire et répressive désirant chasser tous les étrangers.

Un Français Jean Laborde, aventurier, échoua à Madagascar lors d'une tempête. Recueilli par Napoléon de Lastelle qui reconnaît en lui un génie, le présente à la reine. Celle-ci ne pouvant l'épouser, il devint son amant et exécutait toutes les missions extraordinaires que lui confiait la reine, il était capable de tout. La reine le récompensa en le nommant au rang le plus élevé parmi les dignitaires du royaume.

Le rôle de la France était fondamental, la reine était devenue francophobe. A sa mort, en 1861 son fil Radama II  monte à son tour sur le trône, signe un traité d'amitié avec la France en 1862 sous Napoléon III, mais les forces traditionalistes le font assassiner en 1863. Son règne aura duré moins de trois années. On installe alors la première femme de Radama II, Rasoherina qui gouvernera avec son premier ministre Rainilaiarivony  et épousera ce dernier. Pendant son règne le traité signé en 1862 entre Radama II et les Français ne fut pas respecté ce qui conduisit à de nombreux affrontements.

A la mort de la reine Rasoherina en 1868, arrive une troisième reine Ranavalona II deuxième épouse du roi Radama II, elle fut la première reine chrétienne à Madagascar et affranchit tous les esclaves venus d'Afrique. Après quinze de règne, elle meurt en 1883.

Le 1er ministre Rainilaiarivony qui avait épousé successivement la reine Rasoherina puis la reine Ranavalona II, choisit à l'âge de soixante cinq ans une belle et jeune princesse, Ranavalona III qui fut la dernière reine de la monarchie Hova car en 1895 la France lance un corps expéditionnaire qui s'emparera de la capitale Antananarivo.

Période de la colonisation.

A l'arrivée du général Gallieni en 1896, un arrêté abolissant la royauté à Madagascar sera rendue le 28 février 1897 et provoquera la destitution et l'exil de la reine vers Alger. Gallieni continue sa politique de “ pacification” et met en œuvre sa stratégie de “ la tache d'huile” qui consistait à sécuriser des régions au besoin par la force tout en rassurant les populations avec l'installation de dispensaires ou d'écoles.

La résistance du peuple malgache.

Dès 1895, une résistance s'organise constituée d'un groupe d'insurgés nationalistes et traditionalistes qui veulent conserver la religion de leurs ancêtres et revendiquent leur fidélité à la royauté. Face au pouvoir colonial, la volonté d'indépendance se radicalise sur toute l'île et l'insurrection de 1947 est décisive dans la lutte pour l'indépendance. En septembre 1958, le peuple malgache votera pour la communauté proposée par le Général de Gaulle et le 26 juin 1960, l'indépendance de Madagascar sera proclamée. 

Monsieur l'ambassadeur Razafy-Andriamihaingo nous rappelle que “ les peuples ont leur propre destinée, quand une force extérieure s'impose, c'est inacceptable. Madagascar a importé des valeurs chrétiennes qui nous ont renforcées vers la modernité. Notre besoin de régénérescence passe par d'autres contacts, nous devons nous inspirer de l'Asie. Le respect des peuples est essentiel, mais ils ne doivent pas se replier sur eux-mêmes. Il ajoute “ Je considère que j'ai cette chance d'avoir assimilé toutes ses valeurs et je crois que mes compatriotes rejettent ce fait parce que c'est français, il faut passer outre ou on s'aliène soi-même. Certains peuples n'ont pas cette capacité mentale d'aller au-delà car ils gagneraient à agréer cette analyse.”

Aujourd'hui, la France fait-elle ce qu'il faut ?

Depuis 2006, il existe un Document Cadre de Partenariat visant à accorder une aide financière d'ici 2010 pour Madagascar dans des secteurs prioritaires comme l'éducation, l'agriculture, les infrastructures et la santé. Il existe une véritable volonté politique de coopérations entre les deux pays. Parmi les efforts réalisés en faveur du développement de Madagascar, il y a l'accord de coopération contre le terrorisme et la lutte anti-drogue.

D'autres moyens plus spécifiques sont mis en œuvre pour le développement du système éducatif visant à promouvoir la langue française, la création du Centre Culturel Albert Camus, le réseau des trente Alliances Françaises ainsi qu'un programme soutenu dans le cadre de la formation professionnelle pour adultes.

Madagascar, aujourd'hui ?

Sur le plan historique, Madagascar s'inscrit dans un cycle long de tensions. Mais la vocation d'une île est de s'ouvrir sur le large. Un homme, le président Ravalomanana a compris la nécessité pour son peuple de s'ouvrir au monde et souhaite y remédier en mobilisant les esprits par un exercice d'humilité, en se situant par rapport aux autres.

Sur le plan politique et économique, il prône la libéralisation et le développement rapide et durable. Son plan d'actions prévoit d'être un pays émergent d'ici 2012 avec  notamment la mise en place d'institutions pour inciter les investissements, la création d'entreprises, le développement du tourisme sous fond de réformes en matière de bonne gouvernance à la fois sur l'articulation des institutions et l'assainissement des finances.

Le respect de la diversité culturelle et la francophonie sont des liens fondamentaux qui unissent la France et Madagascar, mais ils peuvent apporter davantage à la réconciliation des mémoires.

 

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