« Nous
avons perdu la guerre pour préparer le monde à la démocratie, « Nous avons perdu
le guerre pour en finir avec toutes les guerres…
»
Cet
extrait
d’un poème d’Andy Clausen figure dans une anthologie
de la poésie protestataire des USA intitulée Changer
l’Amérique. Clausen
appartient à une génération de poètes et d’écrivains contestataire postérieure à
celle des
beatnik.
Elle
arrive après l’élection de Ronald Reagan. La guerre du Vietnam appartient au
passé, mais elle ne cesse de ronger les esprits et les consciences. Le
tiers-mondisme n’est pas l’apanage d’une partie des européens. Il est le credo
d’une gauche américaine plus proche du gauchisme que d’une gauche établie et
consacrée. Il se mêle à la doctrine anticolonialiste des pères fondateurs si
souvent bafouée et reniée. Une doctrine qui survit dans les groupes
minoritaires. Moins les Indiens qui ne sont plus en nombre pour peser sur le
destin des États-Unis que les noirs. Il faut certes distinguer la population des
ghettos, celle de Harlem, d’une classe moyenne allant jusqu’à une classe
bourgeoise nantie qui est représentée aux plus hauts échelons du pouvoir
lorsqu’il s’agit de CondolizaRice ou de Colin Powell…
Il
n’empêche que c’est une Amérique longtemps tenue en sujétion, marginalisée,
discriminée, voire occultée par une majorité anglo-saxonne, blanche, protestante
et puritaine qui prend sa revanche avec la victoire de Barak Obama. Même s’il y a loin entre le jeune et brillant futur
président et le peuple des ghettos, la distance est moindre avec sa femme
Michèle, véritable afro-américaine au caractère trempé, issue d’un milieu
modeste. Qu’il devienne président de la première puissance mondiale, qu’elle
devienne la première dame des États-Unis symbolise sans conteste une révolution.
Davantage encore qu’une femme jeune, jolie, intelligente, chanteuse et mannequin
de son état, devienne première dame de France. Encore qu’on puisse méditer sur
le chemin parcouru entre mamie Eisenhower et Michèle Obama, entre Yvonne de Gaulle et Carla Bruni… Autres temps,
autres moeurs. Aux esprits chagrins de revenir à
l’aphorisme latin O
Tempora, O Mores…
Saluer
l’évolution de la société, ne pas se complaire dans une nostalgie exclusive du
passé, ne doit pas pour autant conduire à l’abdication de tout esprit
critique.
La « feuille de route » d’Obama
Reconnaître que l’élection de Barak Obama est propre à
restaurer le prestige des États-Unis et leur faire obtenir un état de grâce
n’abolit pas incertitudes et préventions. Avant de les énumérer il me semble
équitable de saluer le civisme des Américains. John Mc Cain ne fut pas un candidat médiocre. Il fut remarquable de
dignité lorsqu’il félicita le vainqueur. Même les très contestables et très
contestés Sarah Palin et George Bush ont su trouver les mots qu’il fallait.
Peut-être pourrons-nous nous en inspirer en temps et lieux ? Cela étant,
l’engouement pour Barak Obama me paraît relever de
dévotions moralistes plus que d’une analyse critique.
Il
est hasardeux de prévenir l’avenir, je m’en garderai bien. Mais il est un
postulat préalable qui ne souffre aucune discussion. Dégoulinant de bonne
conscience, un collaborateur du Figaro
écrivait
de Barak Obama qu’il «
est par procuration une sorte de président mondial désigné par acclamation avant
même le verdict des urnes ». C’est
de la rhétorique. Les faits sont autres. Une majorité d’Américains se sont
choisis un président. Un président des États-Unis investi de la charge
d’illustrer et de défendre les intérêts de son pays. Comme l’aurait fait Mc
Cain s’il avait été élu. Comme a voulu le faire George
Bush même si nous estimons qu’il l’a fait mal et a plongé le monde dans le
chaos.
La
politique de Barak Obama marquera-t-elle une rupture ?
Pour répondre rien de tel que de se tourner vers Obama
lui-même. Pour l’Irak
il n’a pas dissimulé ses intentions. Il souhaite dégager les G, I’s. Mais en paraphrasant le mot de Cavour, l’homme d’État
italien du XIXe siècle, lorsqu’il proclamait : «
Hâtons-nous. Lentement. »
Un accord entre les États-Unis et l’Irak prévoit l’achèvement du retrait
américain fin 2011. Ce qui peut se comprendre. S’engager en Irak en s’appuyant
sur des prémices mensongers (les armes de destruction massive) fut une erreur
politique aggravant le déséquilibre mondial. Un retrait précipité équivaudrait,
lui, à un triomphe pour les islamistes du monde entier. Tout en préparant de
désengagement américain en Irak, le nouveau président entend accroître
sensiblement son effort en
Afghanistan. À
ses yeux la lutte contre le terrorisme y trouve son principal
enjeu.
Le
disant il ne veut pas pour autant afficher l’image d’un homme de guerre. C’est
ainsi qu’à l’encontre de son prédécesseur il se dit prêt à dialoguer avec
l’Iran.
Difficile
de savoir jusqu’où les interlocuteurs pourront accepter un compromis. L’Iran
aspire à devenir une puissance nucléaire. Les États-Unis y mettent leur veto.
Que le président soit Barak Obama au lieu de George
Bush n’y change rien. Et que sera son attitude dans l’épineux problème
israélo-palestinien,
véritable
épicentre du mal-être au Proche-Orient ? Aucun candidat à la présidence des
États-Unis n’aurait pu ni voulu se distancier d’Israël. Force est de constater
que dans la surenchère Barak Obama l’a emporté en
proclamant que
« Jérusalem était la capitale éternelle d’Israël ».
Les
organisations sionistes américaines en furent comblées. Comme elles ont dû
applaudir au choix du futur secrétaire général de la Maison Blanche, Rahm Israël Emanuel. Son père, Benjamin, qui est médecin et
vit en Israël, fit partie du groupe Etzel, soit
l’Irgoun, au temps des Britanniques. C’est à l’Irgoun qu’on doit l’attentat
meurtrier contre l’hôtel King
David.
À la fois golden
boy et
« chien d’attaque » des démocrates le fils, Rahm,
surnommé Rambo a été volontaire dans Tsahal
(l’armée israélienne) durant la guerre du Golfe. Ce qui laisse augurer des
influences qui s’exercent sur Obama émanant de sa
garde rapprochée. Demeurent les intentions américaines à l’égard de
l’Europe
et
de la Russie.
Comme
l’écrivait il y a pau Hubert Védrine dans un entretien
accordé à Libération
: « C’est aux européens d’aller de l’avant et de proposer un vrai système de
consultations et de propositions.» Avec
humour et sagacité l’ancien ministre des Affaires étrangères relevait que
«
dire non à notre ami Obama sera plus difficile
».
Par
exemple lorsqu’on nous demandera d’envoyer des troupes supplémentaires pour
soutenir l’effort de guerre en Afghanistan… On peut s’interroger sur le nouvel
équilibre à trouver entre des États-Unis puissance impériale à l’influence
érodée et une Russie retrouvant lentement mais sûrement son statut de grande
puissance. Autant d’interrogations. Les espérances mises en Barak Obama, légitimes ou non, ne doivent pas faire oublier que
lorsque Martin Luther King s’écriait : «
I have adream »,
ce
rêve ne pouvait être qu’américain. Il l’est.