SAUVER L’EUROPE

MARS 2007:

COMMÉMORATION OU NOUVELLE ÉTAPE ?

par Patrick BONTE

C’est par l’expression d’un refus, que les Françaisse sont réappropriés l’espérance européenne à l’issue de la campagne référendaire de 2005. Leur décision étant l’expression de la souveraineté nationale et les réticences qu’éprouvent nos compatriotes à l’égard de ce traité constitutionnel étant partagées par de nombreux pays, le vote du 29 mai confère à la France, une responsabilité singulière. Il apparaît en effet que la poursuite des discussions à « partir du projet actuel » de traité constitutionnel comme Mme Merkel en avait exprimé le souhait, contraindrait à reprendre ces conversations à reculons en contraignant les partisans de l’Europe fédérale à faire des concessions qu’ils ne sont en l’état, nullement disposés à faire.

POURQUOI ?

Poursuivre à vingt-sept, l’Europe des Six pour unir pareillement des nations de plus en plus différentes par des réglementations de plus en plus contraignantes ruinerait l’espérance européenne. Les bureaucraties y verraient de nouveau matière à prospérer, les nations, mais les peuples n’y trouveraient pas leur compte. Le gouvernement français en prit acte en reconnaissant le 29 août dernier lors de la Conférence des ambassadeurs que l’intégration qui constituait l’objectif et même l’objet des politiques communautaires, suscite aujourd’hui « une méfiance quasi générale ». Et comme cet objectif était la raison d’être des institutions communautaires, celles-ci paraissent frappées d’une sorte d’illégitimité.

Les préoccupations de Mme Merkel sont donc compréhensibles. Les positions adoptées le 26 janvier 2005 à Madrid par les pays ayant ratifié le traité constitutionnel n’ont pas tenu compte de la nécessité de réexaminer cet objectif. Le refus qu’opposa le même jour le président Klaus à la démarche qu’entreprit Mme Merkel auprès de lui à Prague, fait apparaître les lignes d’opposition. Si nous n’y prenions garde, il en résulterait des antagonismes insurmontables. Ni l’Allemagne, ni la France ne le souhaitent. De part et d’autre du Rhin, au-delà des divergences, une préoccupation commune existe :

SAUVER L’EUROPE.

Troisième constat : à raison des divergences que les scrutins référendaires des 29 mai et 1er juin 2005 ont fait apparaître, il revient à notre pays d’entreprendre un examen approfondi de ces questions avec l’Allemagne, car les différences d’appréciation entre nos deux pays correspondent aux divergences existant entre les pays qui demeurent attachés au cadre national d’exercice de la démocratie et ceux qui, à la suite de l’Allemagne proclament l’avènement d’une démocratie post-nationale qui serait fondée sur l’adhésion à des valeurs communes. Par suite, en proposant de conforter le deuxième pilier celui des démocraties nationales en lui conférant un caractère permanent et des attributions pérennes, nous aurons ouvert une voie nouvelle à l’espérance des peuples à laquelle les plus réticents pourront se rallier.

Quatre objectifs de consensus :

- réexaminer l’objectif de l’intégration « sans cesse accrue » qui a pour effet de rejeter les préoccupations nationales dans les camps farouchement anti-européens ;

- sanctuariser le champ des compétences propres des États pour ne pas assujettir les questions ressortissant aux intérêts propres des États à des combinaisons aléatoires ;

- conférer à la préférence communautaire, la valeur fondatrice qui inspira les pères de l’Europe ; l’Allemagne ne pourrait contester ces objectifs, car le délitement du tissu industriel de nos pays est une préoccupation partagée de nos gouvernements.

Les États, second pilier de l’Europe : la réalité communautaire étant un système quotidien de décisions et d’orientations, il convient que les États y soient chaque jour associés, c’est-à-dire qu’une organisation pérenne des États, représente les peuples en tant que tels. En effet, il ne revient ni aux commissaires de le faire, ni au Parlement, ni même au coreper d’assumer cette mission de vigilance, d’initiative et de concertation. Et puisque cette mission doit être quotidienne, une Chambre haute siégeant perpétuellement, la Chambre des États doit l’assumer. En son sein, les États seront représentés de manière égale puisqu’ils sont égaux dans leur dignité et leur singularité de sujets de droit international .Il s’agit de construire avec ce second pilier la deuxième étape de la construction européenne : une Europe fondée sur la liberté des nations et non malgré elles, non en dépit des expériences propres à chaque pays, mais sur leur fondement, non en faisant fi de leurs préoccupations propres, mais en permettant leur expression.

COMMENT parvenir à définir ce pacte nouveau sinon par une concertation entre les États ? La France et l’Allemagne s’y sont déjà engagés, puisqu’elles sont convenues dans le traité de l’Élysée de définir « autant que possible » une position analogue sur les questions d’intérêt commun et les problèmes relatifs aux communautés européennes et à la coopération politique. Or, le champ du possible est très vaste quand il s’agit de l’avenir de l’Europe et qu’il est examiné entre partenaires de bonne foi. Il s’agit donc d’un engagement de moyens extrêmement fort auxquels nos pays ne sauraient se soustraire au moment où cette concertation apparaît plus nécessaire à raison même de nos divergences. à la faveur de la présidence allemande, il nous appartient de faire revivre le traité de l’Élysée en attendant l’heure de la présidence de la France. Au regard des réticences qu’éprouvent à raison de leur tradition, l’Angleterre et le Danemark, de leur histoire et de leurs souffrances, des pays aussi déterminés que la Pologne et la république tchèque, la recherche d’une position analogueentre nos deux pays est la voie la moins incertaine du salut, puisqu’elle serait entreprise entre des partenaires résolus et conscients de leurs responsabilités partagées.

« Si le prix à payer pour faire passer une réforme institutionnelle qui reprenne l’essentiel du traité est de lever l’étendard,

de dire qu’il n’y aura pas de super État en Europe, pourquoi pas. Ce n’est que de l’habillage. »

Thierry de Montbrial, directeur de l’Institut français des relations internationales, Journal du Dimanche, 25 mars 2007, page 3.

 

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