DU RETOUR DE LA FRANCE

DANS LE COMMANDEMENT INTÉGRÉ DE L’ OTAN

 

par Claude GAUCHERAND, contre-amiral (2S)

Il convient d’avoir conscience qu’il n’y a pas à Washington une politique des Démocrates et une autre des Républicains, mais une politique étatsunienne : c’est Clinton qui a réuni les chefs d’État ou de gouvernement en 1999 pour le cinquantième anniversaire de l’Alliance, non pour constater la fin de sa raison d’être mais bien au contraire pour lui donner un second souffle, un nouvel horizon, de nouvelles ambitions en dépit d’un péril rouge en voie de disparition, d’un pacte de Varsovie réduit à l’état de souvenir, une Russie dans un incertain chaos économique et sociétal.

 

Naturellement les mots « Atlantique nord » n’ont plus guère de signification puisque l’alliance ne cesse de gagner de nouveaux membres qui n’ont aucun accès à l’océan Atlantique voire à aucune mer, toujours plus à l’Est vers les frontières Ouest et Nord de la Chine, nouvel ennemi déclaré, nouveau géant économique et militaire à abattre, le péril jaune en somme. Parfaite illustration des propos tenus à Berlin en juin 1991 au lendemain de la chute du mur et de la première guerre du Golfe par James Baker, alors secrétaire d’État de Bush-père, propos portant sur « la création d’une communauté euro-atlantique de Vancouver à Vladivostok dans les vingt ans à venir ». 1991, 2011… Nous arrivons à quatre années du terme de la feuille de route, comme on dit.

 

L’OTAN est une machine économique et politique et une machine de guerre.

 

Machine économique parce que totalement maîtrisée par Washington, elle impose des matériels répondant à des normes définies outre-Atlantique et forcément fabriqués à meilleur prix surtout avec un dollar dévalué par rapport à l’euro. C’est ainsi que l’industrie de l’armement « made in USA » s’impose ; machine politique à plusieurs niveaux : remarquons que tous les nouveaux membres de la communauté européenne ont commencé par adhérer à l’Alliance avant de devenir membres de la CE… avec équipements militaires américains et mise en place de bases aériennes et/ou navales…

 

Bien sûr cela rapporte aux dits pays mais cela crée aussi un rapport de sujétion : tous ou presque ont soutenu Washington dans la croisade pour la « démocratie » et contre les « armes de destruction massives » en Irak : mensonges que tous connaissaient mais faisaient mine de croire. Politique encore quand les États-Unis cherchent l’accord de l’ONU pour les guerres préventives qu’ils entendent conduire: les gentils membres de l’OTAN sont toujours là pour les soutenir et dans les meilleurs des cas mettre la machine de guerre OTAN en branle avec l’accord de l’ONU que ce soit au Kosovo puis en Yougoslavie et enfin en Afghanistan.

 

L’OTAN c’est l’outil forgé par Washington pour faire payer partiellement les frais d’entretien de leur machine de guerre, les frais de fonctionnement aussi quand il s’agit de faire vraiment la guerre ou de maintenir des forces d’occupation, c’est aussi le moyen de s’assurer que leurs alliés, conformément à la doctrine militaire de Washington, ne possèdent aucun système d’armes qui soit supérieur ni même à parité avec ceux qu’ils détiennent. À titre d’illustration il convient de considérer les efforts faits par Washington avec succès pour faire capoter Galileo, le projet européen concurrent du GPS. S’il voit le jour, il est d’ores et déjà acquis que le système n’aura aucune application militaire. CQFD.

L’OTAN vue de Washington peut se résumer ainsi : donne moi ta montre, je te donnerai l’heure. Avec la lutte contre le terrorisme, la machine de guerre OTAN cherche et trouve de nouveaux horizons : cette lutte devient mondiale. On est loin de l’Atlantique nord…. Comme si le terrorisme se combattait avec des armes alors qu’il est avant tout enfant du désespoir et que ses causes profondes et donc son traitement curatif relèvent à l’évidence du domaine politique.

 

La professionnalisation des armées a été voulue dès1991 par Jacques Chirac et mise en oeuvre dès son accession à la présidence de la République avec l’assentiment quasi unanime de la classe politique à la notable exception de J.-P. Chevènement et du Parti Communiste, justifiée alors par de soit-disantes raisons d’économies que la réalité a bien vite démenties. Dès lors que la défense dite nationale devait s’inscrire dans une défense dite européenne c’est-à-dire dans l’OTAN, une armée professionnalisée pouvait s’angliciser pour le langage et s’américaniser pour les procédures et les équipements sans trop de difficultés et se déployer sur des théâtres d’opérations sans que l’opinion réagisse : après tout, un professionnel qui meurt en luttant contre le terrorisme pour la défense de notre belle civilisation, cela fait partie du contrat et n’empêche personne d’aller jouer au loto.

 

Plus grave peut-être à long terme, la création au sein des armées d’un groupe de pression. Dans les étatsmajors de l’OTAN, ce sont les mieux notés et donc ceux appelés à de futurs postes de responsabilités que l’on affecte. À l’image de nos fonctionnaires de la CE qui oublient qu’ils sont Français pour devenir Européens (M.Trichet en est l’exemple bien connu), les militaires deviennent membres de l’OTAN, communauté d’élite parlant le sabir impérial : à fréquenter les maîtres, ne se sent-on pas un peu des leurs ?

 

En un mot l’on peut dire que les initiales mêmes de OTAN constituent un mensonge ; que vient donc faire la France dans ce machin et surtout dans le commandement militaire intégré sinon mettre ses forces aux ordres de Washington, devenir le sujet de la puissance dominante dont on nous dit de temps à autre – est-ce de la désinformation ? – qu’elle est sur le point de s’écrouler, dont on nous répète à l’envie qu’elle est notre amie et notre libératrice, dont force est de constater qu’elle est la seule nation à avoir effectué des bombardements massifs y compris nucléaires à uranium riche ou appauvri, sur les quatre continents dont quelques grandes villes de France ont d’ailleurs le souvenir sans oublier qu’elle ne cesse de combattre les intérêts français en Afrique ou… en Irak.

 

L’OTAN, une machine de guerre au service de guerres coloniales d’un nouveau genre menées au nom de la lutte contre le terrorisme, de la défense du Bien contre le Mal et de la civilisation contre la barbarie. Rien de bien nouveau en somme ; mais est-ce là la philosophie de notre nation dans sa relation au monde ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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