Compte rendu du dîner-débat du 4 octobre 2006 en présence de

M. AL KUBAYSI, (président de l'Alliance Patriotique Irakienne)

par Christine ALFARGE

INTERVENTION DE JACQUES DAUER

Cher Monsieur,

Notre ami Amir Alfarge m'a beaucoup parlé de vous, de votre engagement, de votre courage. Dans quelques instants, il vous présentera, aussi, je dirai succinctement, que vous êtes un résistant. Résistant à la dictature de Saddam Hussein, résistant aux envahisseurs américains, résistant au gouvernement fantoche qu'ils ont mis en place comme nous le fîmes à celui de Vichy sous l'occupation nazie. Bref, pour parler de vous comme du Général de Gaulle, vous êtes un rebelle. Ce sont-là vos lettres de noblesse.

Président de l'Alliance patriotique irakienne, vous n'avez pas hésité, après trente ans d'exil, à revenir en Irak pour votre engagement pour la liberté de votre pays. Ce qui vous vaut d'être arrêté le 3 septembre 2004, peu après la chute de Bagdad, par l'armée américaine.

Mais je ne voudrais pas dévoiler les propos d'Amir, avant qu'ils ne les prononcent. En revanche, j'aimerai rappeler que vous êtes d'un pays qui a une longue histoire que les Américains ne connaissent point, car ils n'ont aucune culture, aucune mémoire, aucune connaissance de l'Histoire.

Savent-ils seulement que la Mésopotamie, la Chaldée existaient avant l'Empire chinois et que c'est la famille de Bak, venue de cette région des Deux Fleuves, qui créa cet Empire chinois. Que l'Empire mésopotamien existait avant l'Égypte ! Que le théorème de Pythagore était connu depuis plus de mille ans auparavant par vos ancêtres. Pythagore qui fut instruit à Babylone par l'Assurien Zaratos. Qu'ils inventèrent l'écriture et qu'ils furent des philosophes qui inspirèrent les Grecs.

Voilà, Monsieur, pourquoi nous sommes honorés de vous recevoir ce soir et d'écouter votre réflexion sur le présent et surtout sur l'avenir de cette région fondatrice de notre monde politique et spirituel.

COMPTE RENDU

L'invasion de l'Irak depuis 2003 par les forces d'occupation américaines a montré sur ce point une divergence fondamentale entre la France et les États-Unis. Sur ce problème extrêmement sensible de géopolitique, la France s'est démarquée avec dignité ne voulant pas faire les frais d'un conflit meurtrier et inutile qui desservirait ses intérêts à terme notamment dans les pays arabes de la région. Cette prise de position française très louable n'a malheureusement pas inspiré la sagesse aux forces de coalition présentent aux côtés des américains, afin qu'elles renoncent à leurs exactions en Irak.

Aujourd'hui, de quelle manière les choses évoluent-elles ?

Avec la présence de M. Al Kubaysi, président de l'Alliance Patriotique Irakienne, nous allons tenter de montrer la réalité de l'Irak. Tout d'abord M. Al Kubaysi tient à saluer l'appel du Général de Gaulle, le 18 juin 1940, l'appel contre l'envahisseur pour dégager les forces d'occupation. Son souhait le plus cher serait d'avoir une autre personnalité comme celle du Général de Gaulle. Tout le monde se rappelle le refus de la guerre, la mobilisation européenne et surtout celle de la France. Des millions de gens ont refusé l'agression, la fraternité peut avoir de la force grâce aux règles internationales et confirmer que la guerre n'est pas un chemin obligatoire mais une décision mentale de l'homme. La guerre n'était pas une fatalité, elle est devenue inévitable.

Aujourd'hui, personne ne peut nier le rôle des résistants irakiens qui ont fait subir des pertes énormes aux occupants. La résistance irakienne se caractérise parce qu'elle a constitué une surprise pour tout le monde. Dès le début, la résistance s'est organisée autour d'un certain nombre de soldats, au bout d'une année des milliers d'irakiens se sont engagés (environ cent mille dans les réseaux de la résistance). Aujourd'hui 350.000 personnes participent à la résistance. La culture dominante est celle de la résistance invincible. Selon M. Al Kubaysi « Ils ne pourront pas venir à bout de la résistance irakienne, chaque jour 75 à 150 actes ont lieu contre les forces d'occupation, les pertes matérielles sont énormes. Il ajoute : les américains n'ont pas l'espoir de gagner la guerre en Irak et 72 % des soldats américains veulent quitter ce pays ».

Après l'invasion, les États-Unis ont pris la responsabilité d'assurer la sécurité en Irak mais ils ne peuvent pas remplir cette mission. M. Al Kubaysi nous indique « qu'il y aurait entre 5.000 et 7.000 soldats américains qui ont déserté au Canada. Le coût des pertes matérielles pour les américains se chiffre à 120 milliards. On assiste progressivement à des refus d'obéir de la part de soldats placés sous l'autorité des forces d'occupation américaines ainsi que des abandons de poste. Dans les zones de combat autour de Bagdad, les pertes de soldats américains seraient signalées autour de 162.000 morts dans l'armée américaine et 34.000 morts provenant d'armées privées. » Même si les américains ont abandonné leur idée de « démocratisation en Irak », ils n'abandonnent pas pour autant l'ambition d'être présent dans cette région où se trouvent les sources énergétiques les plus riches au monde. Si la situation sur le terrain est difficilement gérable, la présence des américains en Irak demeure stratégique.

Sur un plan militaire, les choses ne sont pas aussi simples qu'avaient pu imaginer les État-Unis. La résistance s'installe sur l'échiquier politique et oblige les américains à repenser leur stratégie. Des négociations seraient même envisagées entre les États-Unis et les grandes composantes de l'Irak à savoir les Sunnites, les Chiites sans oublier les Kurdes.

Qui est gagnant ?

Dans ce contexte, les États-unis doivent reconnaître qu'il n'est pas possible d'occuper l'Irak par l'action militaire. Ce qui les obligent à chercher d'autres solutions.

Les Etats-Unis pourraient-ils quitter l'Irak ?

Pour les raisons stratégiques évoquées précédemment, les État-Unis tentent de se maintenir en Irak. Le retrait des troupes en zones urbanisées vers des zones plus frontalières de l'Irak notamment au Nord et à l'Est permettrait aux Américains de maintenir une pression sans s'engager dans une guerre sans issue. Il n'en demeure pas moins qu'au regard de la communauté internationale cette situation difficile exige de la part de la France et de l'Allemagne des conditions que les État-Unis ne sont pas prêts d'accepter.

L'Irak continue de payer le prix fort pour son pétrole, la guerre civile menace. Malgré toutes les souffrances humaines il faut continuer d'espérer vers un règlement de ce conflit car après toute guerre d'occupation, il y a une guerre de libération. .

 

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