ONU où es-tu ?
Par Pierre
Chastanier,
Malgré les remarquables efforts de plus
en plus coordonnés de nos services de renseignement, nos fichiers S, nos surveillance de proximité, nous restons toujours la
cible potentielle d’odieux attentats commis par de pauvres hères déboussolés se
ficelant autour du ventre une ceinture d’explosifs.
Mais nombreux sont les Kamikazes qui viennent d’Europe
et ne sont donc pas les victimes directes de guerres menées souvent à la légère
par les coalitions occidentales (Afghanistan, Irak, Libye, Yémen, Somalie,
Syrie) dont Al-Qaïda, ACMI, Boko-Aram et jusqu’à hier Daesh en attendant le
suivant sont indubitablement les conséquences directes…preuves s’il en est que
la leçon vietnamienne n’a pas servi à grand-chose !
Certes une majorité d’Européens musulmans d’origine
maghrébine dénoncent ces crimes et n’acceptent en rien de sombrer dans le
radicalisme mais, sur eux, la pression est forte, dans les quartiers où les
familles n’osent pas s’opposer aux barbus, dans la rue où la drogue, dominée
par des dealers locaux eux-mêmes à la solde de cartels mafieux, achète tout et
d’abord les consciences, dans les mosquées où l’électoralisme ambiant n’ose
expulser les imams étrangers grassement payés par les monarchies du Golfe, qui
déversent la haine sur des fidèles qui en ont guère besoin.
L’Islam qu’on le veuille ou non vit à l’heure de
l’Hégire. Pour ses dévots nous sommes en 1437! Et le
Coran dont l’exégèse reste singulièrement à la discrétion de chacun permet
toutes les interprétations dont certaines, les plus violentes, sont
fondamentalement contraires à notre conception de la Laïcité et aux valeurs
humanistes dont nous nous réclamons.
3800 personnes en 2015 ont péri au Pakistan sous des
tirs de missiles télécommandés par des drones, sur lesquels on n’a finalement
dénombré que 45 djihadistes. Les 3755 autres n’avaient qu’un seul tort :
s’être trouvés là au mauvais moment et le Pakistan, pour qui 3800 personnes ne
représentent pas grand-chose, ne proteste pas car en contrepartie, pour ces
sacrifiés du nouveau jeu vidéo piloté depuis Las Vegas, il reçoit une forte
compensation financière qui, soyons en certains,
n’arrive pas aux familles des victimes !
3745 personnes qui au fin fond des zones tribales
pakistanaises n’avaient ni aucun moyen ni aucune envie
de s’en prendre aux Américains mais dont maintenant les parents ou amis émigrés
en Occident ont des raisons de se venger en se radicalisant !
Je ne veux évidemment en aucun cas justifier le djihâd
et je suis même convaincu qu’on a laissé les choses aller beaucoup trop loin.
Espérons qu’il ne s’agit pas d’un point de non-retour ! Mais il faudra du
temps pour que de part et d’autres les plaies se
referment car chez nous aussi des cris de vengeance ne vont pas manquer de
s’élever qui, guère plus que chez les parents des victimes pakistanaises, ne
feront le tri entre les bons et les méchants !
Mais, sans remonter aux derniers
conflits successifs postcoloniaux (Etats Unis au Vietnam, Russie en
Afghanistan) revenons quelque peu en arrière :
Le 17 janvier 1991, une coalition de vingt-huit pays
(dont la France) emmenée par les Etats-Unis lançait l’opération « Tempête
du Désert » contre l’Irak.
La guerre aérienne qualifiée de « frappes
chirurgicales » allait pendant trente-huit jours écraser ce pays sous les
bombes et faire plus de 100 000 morts. Quand commença l’offensive terrestre, la
coalition engagea 700 000 hommes dans le conflit, dont 450 000 soldats
américains, utilisant un armement perfectionné disproportionné par rapport à la
force réelle d’une armée en déroute.
Que Saddam Hussein ait été un odieux dictateur, chacun
en conviendra. Ses répressions successives contre les communistes puis contre
les kurdes avaient fait des dizaines de milliers de victimes mais cela
n’empêchait en rien les puissances occidentales, France en tête, d’entretenir
avec lui les meilleures relations commerciales (Chirac ne l’appelait-il pas
son ami de vingt ans !), allant même pour les Etats-Unis, après
l’arrivée au pouvoir de Khomeiny en Iran, jusqu’à le considérer comme le seul
homme capable de faire régner l’ordre dans cette partie du monde !
Le 25 juillet 1990, April Glaspie, ambassadrice
américaine à Bagdad, devant le déploiement massif de l'armée irakienne du côté de la frontière koweïtienne
indiqua à Saddam Hussein que « les États-Unis n'avaient pas l'intention
de commencer une guerre économique avec l'Irak » propos qui firent
croire à ce dernier qu'il avait reçu le feu vert des États-Unis pour
envahir le Koweït !
Mais le coup de force de Saddam Hussein représentait
un sérieux danger pour les compagnies pétrolières qui firent agir tous leurs
lobbies pour que le dictateur soit écrasé et les États-Unis, gendarmes du
monde, au nom de l’ONU, s’engagèrent dans une croisade pour faire « respecter
le droit » et pour « la liberté » afin de sauver un
pays, le Koweït (que de tout temps les irakiens considéraient comme une de
leurs provinces historiques, comme nous, notre Alsace-Lorraine) où le
« droit » et la « liberté » sont tels que 6 %
seulement de la population a le droit de vote…!
En fait très vite le gouvernement américain changea
d’attitude choisissant finalement d’arrêter la guerre avant d’avoir totalement
anéanti l’armée de Saddam Hussein, le laissant plus de 10 années encore au
pouvoir pour réprimer sa propre population, Chiites qui s’étaient révoltés dans
le sud, Kurdes qui réagissaient dans le nord du pays.
La démonstration était faite pour tous les régimes du
Tiers Monde, que les Etats-Unis pouvaient faire régner l’ordre des
multinationales à l’échelle de la planète. Et cerise sur le gâteau, le contrat
« pétrole contre nourriture » allait permettre aux vainqueurs
d’encaisser les gigantesques profits espérés auxquels s’ajoutait la
contribution «volontaire» du Koweït à ses
libérateurs !
La deuxième guerre du Golfe a été également menée
en 2003 sous l'impulsion des États-Unis qui suspectaient (disaient-ils)
des liens entre le régime irakien et les terroristes d'Al-Qaïda (accusations
démontrées par la suite comme non fondées, Saddam Hussein considérant au
contraire l'extrémisme islamiste comme une menace pour son propre régime).
Cette fois, Chirac, à l’inverse de Mitterrand n’a pas
suivi !
On se souvient encore des fausses accusations
pitoyablement lancées devant le Conseil de Sécurité de l’ONU par un Général
Collins aux ordres de Georges Bush junior sur les prétendues armes de
destruction massive (ADM) qu'était censé détenir l'Irak.
Nous connaissons la suite, chaos inextricable qui par
contagion allait déborder sur tous les Pays de la région, alimenter les
« Printemps arabes » détruire la Libye et la Syrie d’autres
dictateurs qui tout à coup devenaient infréquentables (même si peu de temps auparavant Nicolas Sarkozy avait invité Bachar El
Assad et son épouse au défilé du 14 juillet suivi de peu par Mouammar Kadhafi
qu’on laissa même camper sous sa tente caîdale dans
les jardins de l’Hôtel de Marigny !).
Daesh fût le rejeton de toutes ces erreurs et malgré
sa chute il faudra sans doute encore de nombreuses victimes innocentes, cette
fois dans nos rangs, pour que cesse cette furie sanguinaire qui remonte
finalement à l’incurie de 1948 où les Nations Unies à peine nées se révélèrent
incapables d’organiser le plan de partage de la Palestine voté en 1947 et,
rappelons-le, approuvé par l’Irgoun, faisant place à Israël tout en maintenant
une Palestine arabe viable et plaçant la ville trois fois sainte de Jérusalem
sous contrôle international, situation désormais irrécupérable dont pourtant
rêveraient aujourd’hui bien des arabes palestiniens!
Nous sommes dans un monde ouvert où les
télécommunications nous font vivre en direct le moindre incident et où les
flots de migrants attirés tels les papillons par les lumières de la ville ne font
que commencer.
Alors, puisque les problèmes sont
mondiaux, il est grand temps de leur donner une réponse mondiale crédible.
Mais pour cela il faudra enfin accepter le principe
sacro-saint de la subsidiarité si mal appliqué jusque-là en Europe, car si une
gouvernance mondiale doit pouvoir s’exercer, l’appartenance nationale,
consubstantielle à l’Homme attaché à sa famille, à sa tribu, à sa patrie, ne
peut être gommée d’un trait de plume par un ultra capitalisme débridé qui,
pour tout sacrifier au marché unique, voudrait supprimer les Etats!
Cela signifie qu’une organisation supra étatique ne
doit pas s’occuper de tout sinon elle se paralyse.
On le voit bien chez nous avec nos stupides
« Directives européennes » qui finiront par faire exploser notre belle
Union à force de vouloir tout régenter !
La chose la plus urgente est d’organiser entre les
Nations une véritable « Armée de la Paix », s’interposant sur les
lieux des conflits au nom de l’Humanité toute
entière et non en tant que force d’intervention néocoloniale des seules grandes
puissances, toutes les fois que les Droits de l’Homme sont bafoués, même si,
pour que l’adhésion du plus grand nombre soit possible, elle doit au départ se
cantonner à la lutte contre le terrorisme et aux affrontements entre
Etats ?
En Syrie, en Libye, en Irak, au Yémen, en Somalie, en
Corée, en RCA, et ailleurs, les chantiers ne manqueraient pas qui, associant
les Nations à la résolution en commun des problèmes, leur permettrait de mieux
se comprendre, de lutter contre les trafics (drogue, armes, esclavagisme), de
favoriser les Conférences de Paix (on ne négocie évidemment qu’entre ennemis)
au besoin en redistribuant des territoires à des peuples victimes d’un
découpage postcolonial peu équitable (Kurdes par exemple), en faisant respecter
les décisions de l’ONU restées lettre morte (arrêt de l’extension des colonies
en Cisjordanie), en favorisant par la fin des combats et par une formidable
aide au développement le maintien sur place dans des conditions humaines des
candidats à l’exil.
Si l’on dépensait pour l’éducation, la santé, le
développement, 10% seulement des sommes partant en
fumée dans les conflits armés, on résoudrait déjà la plupart des problèmes.
Mais que pouvons-nous faire ?
Rappelons-nous l’exemple du colibri qui devant un
immense incendie de forêt tropicale apporta une petite goutte d’eau : il
fit rire tous les animaux jusqu’à ce qu’il leur expliquât que lui au moins
avait fait quelque chose.
Autour de nous, par nos rencontres, lors de nos
débats, faisons comprendre que nous appartenons à une même famille humaine et
que loin des rancœurs du passé, nous devons nous élever au-dessus de ce qui
nous divise pour qu’en Fraternité, dans le respect des croyances de chacun
pourvu qu’elles soient compatibles avec les valeurs qui fondent notre humanité,
nous puissions vivre en paix, dans le partage et dans l’entente cordiale des
habitants d’une même planète.
© 03.09.2019 |