Dîner-débat du 6 juin 2017

En présence de Monsieur Bertrand RENOUVIN

Paysage politique, recomposition ou décomposition ?

 

Par Christine Alfarge

« Les partis peuvent disparaître, les institutions restent »

C’est une question qui soulève à la fois l’aspect institutionnel et démocratique.  Jamais depuis la fondation de la Ve République l'élection présidentielle n'a été aussi décisive. Face à une croissance économique insuffisante, la persistance du chômage, la stagnation du pouvoir d’achat, la montée en puissance de la violence urbaine, une menace terroriste omniprésente, un risque de faillite financière avec une dette publique de 2160 milliards d’euros, la position délicate de la France dans l’Union européenne et sur la scène internationale,  un choix déterminant pour notre pays se dessine, soit la France sort de l'histoire ou bien elle renoue avec la croissance et le plein-emploi répondant aux sollicitations de la mondialisation et l’exigence des citoyens vis-à-vis du pouvoir.

Selon Bertrand Renouvin : « Nous avons des gens à droite et à gauche avec peu de convictions. La classe politique dans son ensemble n’a plus de principes à cause de sa communication. Est-ce le communiquant pour séduire ? »

Décomposition ou non, il faut une analyse institutionnelle.

Presque cinquante-neuf ans après sa fondation, la Vème République est en crise. A-t-elle atteint le point limite de son dysfonctionnement ? Etablie en 1958 par un état souverain et centralisé, la Constitution de la Vème a de plus en plus de mal aujourd’hui de s’accommoder de la démultiplication des niveaux de décision.

En reprenant la question de la Constitution de la Vème République qui connaît une rupture majeure depuis 1958, Bertrand Renouvin évoque trois phases dans l’évolution de nos institutions :

Une République gaullienne, parlementariste avec un gouvernement se référant à l’article 20 de la Constitution :

« Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. 

 Il dispose de l'administration et de la force armée.

Il est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50. 

Quant au Président de la République, il veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat. » Selon l’article 5 : « Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités. »

C’est bien ce que le Général de Gaulle a toujours su incarner, pour la politique, il laissait le premier ministre et les ministres gouverner.

Après ce tour présidentialiste, l’Elysée s’est mis à diriger très directement, sous François Mitterrand tout remontait à la présidence, des affaires partisanes comme des affaires de moindre importance.

La troisième phase voit l’entrée de l’oligarchie, le passage à l’euro, le quinquennat changeant l’équilibre institutionnel, un super premier ministre, nous n’avons plus de président, des premiers ministres chefs de cabinet, une responsabilité politique qui n’est pratiquement pas reconnue en France, un pouvoir institutionnel perçu au service de l’image et non de l’action.

C’est par l’exemple et la cohérence qu’on arrive à convaincre.

A son époque le Général de Gaulle disait : « La politique, quand elle est un art et un service, non point une exploitation, c’est une action pour un idéal à travers des réalités ».

Aujourd’hui, il faut recomposer les rapports entre citoyens mais aussi les rapports de pouvoir et les rapports économiques. On peut le faire de différentes manières par des propositions nouvelles. Selon Bertrand Renouvin : « Il y a un projet de rationaliser l’oligarchie de droite et de gauche par un bloc oligarchique sur des oppositions complètement éclatées avec d’un côté un socialisme à la grecque de l’autre une droite aspirée, un front national copiant Jacques Sapir en étant incapable de le comprendre, une France insoumise qui n’est pas plus cohérente. Alors le bloc oligarchique a sa cohérence, ça peut marcher encore cinq ans. La loi de moralisation est une plaisanterie. Depuis Jacques Chirac, on parle de la fracture sociale en ne tirant aucune conséquence. On reste dans une logique ultralibérale, on ne fera rien notamment sur l’écologie. » Il ajoute : « Je pense que le système ne durera pas, le débat s’engage dans une stratégie de la main mise, il ne faut jamais oublier le plan humain ».

Quelles sont les marges de manœuvre par rapport à l’Europe ?

C’est la rigueur, un système ne permettant plus de souveraineté. La France est fracturée, subissant la baisse du coût du salaire. Pour Bertrand Renouvin : « Nous sommes dans une situation où le système institutionnel ne fonctionne plus, il est remis en cause par les décisions de Bruxelles et l’abandon de souveraineté. »

Qu’en est-il de ce nouveau couple franco-allemand ?

La première priorité pour la France est de mener à bien chez elle les réformes nécessaires. Ce sont les initiatives que prendra la France aujourd’hui qui créeront les conditions du succès d’un dialogue renouvelé entre la France et l’Allemagne. Dans ses Mémoires d’espoir, le Général de Gaulle écrivait : « J’ai ressenti de tous temps ce qu’ont en commun les nations qui peuplent l’Europe, toutes étant liées entre elles par d’innombrables relations de pensée, d’art, de science, de politique, de commerce, il est conforme à leur nature qu’elles en viennent à former un tout, ayant au milieu du monde son caractère et son organisation ». Pour regagner la confiance de Berlin et de nos principaux partenaires européens, il nous faut démontrer que nous sommes un partenaire fiable. Pour cela, nous devons respecter nos engagements budgétaires en ramenant nos déficits publics en dessous de 3 % du PIB, mais également mener à bien les réformes nécessaires.

Depuis de très nombreuses années, la France plaide pour l’instauration d’un gouvernement économique de la zone euro, sans pour autant en tirer toutes les conséquences. L’Allemagne a toujours exprimé des réticences face à ce qu’elle pensait comme une volonté de la France de ne pas respecter les règles communes. Aujourd’hui, les bases d’un accord existent pour un meilleur équilibre entre solidarité et responsabilité au sein de la zone euro. Selon Bertrand Renouvin : « Le président Macron est allé à Berlin avec des promesses de réformes, on verra le résultat dans cinq ans, on verra si l’Allemagne voudra changer sa politique. »

Par des moments forts de notre histoire, la fin de la IIIème République, la défaite de 1940, la France libre, l’organisation du gouvernement provisoire à la Libération, le début de la IVème République, nous sommes les héritiers d’un état restauré par Charles de Gaulle pour notre liberté. Il n’y a jamais eu une plus belle ambition que celle du Général de Gaulle pour le redressement de la France, pour l’honneur de la France. Celui qui a toujours su s’adapter aux circonstances, façonnera la Vème République par la primauté présidentielle, le concours direct du peuple contre les partis politiques avec pour toile de fond les référendums, l’élection du Président de la République, le suffrage universel.

Aujourd’hui, une simple révision constitutionnelle du régime politique de la Vème République ne suffira pas à la France pour maîtriser le changement de société auquel elle est confrontée. Il faudra qu’elle redéfinisse les rapports de l’Etat avec les collectivités territoriales ainsi qu’avec l’Union européenne, qu’elle opère une véritable reconversion de ses relations avec la société civile à l’image de la citoyenneté renouant avec la confiance envers le politique capable d’accepter de se remettre en cause comme toute personne responsable de ses actes.

« L’évidence ne suffit pas toujours à convaincre » disait Charles de Gaulle. Pour Bertrand Renouvin, « il reste le problème du leader qui peut entraîner tout le monde car il ne faut pas sous-estimer les logiques de classe… »

 

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© 27.08.2017