Par Christine Alfarge
« Les partis
peuvent disparaître, les institutions restent »
C’est une question qui soulève à la fois l’aspect institutionnel et
démocratique. Jamais depuis la fondation
de la Ve République l'élection présidentielle n'a été aussi décisive. Face
à une croissance économique insuffisante, la persistance du chômage, la
stagnation du pouvoir d’achat, la montée en puissance de la violence urbaine, une
menace terroriste omniprésente, un risque de faillite financière avec une dette
publique de 2160 milliards d’euros, la position délicate de la France dans
l’Union européenne et sur la scène internationale, un choix déterminant pour notre pays se
dessine, soit la France sort de l'histoire ou bien elle renoue avec la
croissance et le plein-emploi répondant aux sollicitations de la mondialisation
et l’exigence des citoyens vis-à-vis du pouvoir.
Selon
Bertrand Renouvin : « Nous
avons des gens à droite et à gauche avec peu de convictions. La classe
politique dans son ensemble n’a plus de principes à cause de sa communication. Est-ce
le communiquant pour séduire ? »
Décomposition ou non, il faut une analyse institutionnelle.
Presque cinquante-neuf
ans après sa fondation, la Vème République est en crise. A-t-elle atteint le
point limite de son dysfonctionnement ? Etablie en 1958 par un état
souverain et centralisé, la Constitution de la Vème a de plus en plus de mal
aujourd’hui de s’accommoder de la démultiplication des niveaux de décision.
En reprenant la question
de la Constitution de la Vème République qui connaît une rupture majeure depuis
1958, Bertrand Renouvin évoque trois phases dans l’évolution de nos
institutions :
Une République gaullienne, parlementariste
avec un gouvernement se référant à l’article 20 de la Constitution :
« Le Gouvernement détermine et
conduit la politique de la Nation.
Il dispose de l'administration
et de la force armée.
Il est responsable devant le
Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49
et 50.
Quant au Président de la République,
il veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le
fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat.
» Selon
l’article 5 : « Il est le
garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect
des traités. »
C’est bien ce que le
Général de Gaulle a toujours su incarner, pour la politique, il laissait le premier
ministre et les ministres gouverner.
Après ce tour
présidentialiste, l’Elysée s’est mis à diriger très directement, sous François Mitterrand
tout remontait à la présidence, des affaires partisanes comme des affaires de
moindre importance.
La troisième phase voit
l’entrée de l’oligarchie, le passage à l’euro, le quinquennat changeant
l’équilibre institutionnel, un super premier ministre, nous n’avons plus de
président, des premiers ministres chefs de cabinet, une responsabilité
politique qui n’est pratiquement pas reconnue en France, un pouvoir
institutionnel perçu au service de l’image et non de l’action.
C’est par l’exemple et la cohérence qu’on arrive à convaincre.
A son époque le Général
de Gaulle disait : « La
politique, quand elle est un art et un service, non point une exploitation,
c’est une action pour un idéal à travers des réalités ».
Aujourd’hui, il faut
recomposer les rapports entre citoyens mais aussi les rapports de pouvoir et
les rapports économiques. On peut le faire de différentes manières par des
propositions nouvelles. Selon Bertrand Renouvin : « Il y a un projet de rationaliser l’oligarchie de droite et de
gauche par un bloc oligarchique sur des oppositions complètement éclatées avec
d’un côté un socialisme à la grecque de l’autre une droite aspirée, un front
national copiant Jacques Sapir en étant incapable de le comprendre, une France
insoumise qui n’est pas plus cohérente. Alors le bloc oligarchique a sa
cohérence, ça peut marcher encore cinq ans. La loi de moralisation est une
plaisanterie. Depuis Jacques Chirac, on parle de la fracture sociale en ne
tirant aucune conséquence. On reste dans une logique ultralibérale, on ne fera
rien notamment sur l’écologie. » Il ajoute : « Je pense que le système ne durera pas, le débat s’engage dans
une stratégie de la main mise, il ne faut jamais oublier le plan humain ».
Quelles sont les marges de manœuvre par rapport à l’Europe
?
C’est la rigueur, un
système ne permettant plus de souveraineté. La France est fracturée, subissant
la baisse du coût du salaire. Pour Bertrand Renouvin : « Nous sommes dans une situation où le
système institutionnel ne fonctionne plus, il est remis en cause par les
décisions de Bruxelles et l’abandon de souveraineté. »
Qu’en est-il de ce nouveau couple franco-allemand ?
La première priorité pour la France est de mener à bien chez elle
les réformes nécessaires. Ce sont les initiatives que prendra la France
aujourd’hui qui créeront les conditions du succès d’un dialogue renouvelé entre
la France et l’Allemagne. Dans ses Mémoires d’espoir, le Général de Gaulle
écrivait : « J’ai ressenti
de tous temps ce qu’ont en commun les nations qui peuplent l’Europe, toutes
étant liées entre elles par d’innombrables relations de pensée, d’art, de
science, de politique, de commerce, il est conforme à leur nature qu’elles en
viennent à former un tout, ayant au milieu du monde son caractère et son
organisation ». Pour regagner la confiance de Berlin et de nos
principaux partenaires européens, il nous faut démontrer que nous sommes un
partenaire fiable. Pour cela, nous devons respecter nos engagements budgétaires
en ramenant nos déficits publics en dessous de 3 % du PIB, mais également mener
à bien les réformes nécessaires.
Depuis de très nombreuses années, la France plaide pour
l’instauration d’un gouvernement économique de la zone euro, sans pour autant
en tirer toutes les conséquences. L’Allemagne a toujours exprimé des réticences
face à ce qu’elle pensait comme une volonté de la France de ne pas respecter les
règles communes. Aujourd’hui, les bases d’un accord existent pour un meilleur
équilibre entre solidarité et responsabilité au sein de la zone euro. Selon
Bertrand Renouvin : « Le
président Macron est allé à Berlin avec des promesses de réformes, on verra le
résultat dans cinq ans, on verra si l’Allemagne voudra changer sa
politique. »
Par des
moments forts de notre histoire, la fin de la IIIème République, la défaite de
1940, la France libre, l’organisation du gouvernement provisoire à la
Libération, le début de la IVème République, nous sommes les héritiers d’un
état restauré par Charles de Gaulle pour notre liberté. Il n’y a jamais eu une plus
belle ambition que celle du Général de Gaulle pour le redressement de la
France, pour l’honneur de la France. Celui qui a toujours su s’adapter aux
circonstances, façonnera la Vème République par la primauté présidentielle, le
concours direct du peuple contre les partis politiques avec pour toile de fond
les référendums, l’élection du Président de la République, le suffrage
universel.
Aujourd’hui,
une simple révision constitutionnelle du régime politique de la Vème République
ne suffira pas à la France pour maîtriser le changement de société auquel elle
est confrontée. Il faudra qu’elle redéfinisse les rapports de l’Etat avec les
collectivités territoriales ainsi qu’avec l’Union européenne, qu’elle opère une
véritable reconversion de ses relations avec la société civile à l’image de la
citoyenneté renouant avec la confiance envers le politique capable d’accepter de
se remettre en cause comme toute personne responsable de ses actes.
« L’évidence
ne suffit pas toujours à convaincre » disait Charles de Gaulle. Pour
Bertrand Renouvin, « il reste le problème du leader qui peut entraîner
tout le monde car il ne faut pas sous-estimer les logiques de classe… »
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