|
LÉGISLATIVES
: ATTENTION AUX VRAIS ENJEUX ET AUX DANGERS.
NE VOTONS PAS LES YEUX FERMÉS.
par
Paul KLOBOUKOFF
Intro : des points
cruciaux à souligner
La polarisation des campagnes présidentielles et législatives
sur l’antagonisme mortel (pour la France) entre la gauche et droite qu’il
faudrait faire disparaître à tout prix, en rassemblant gauche et droite dans un
même parti, « unique » si possible, est un leurre. Entre la gauche et la droite modérées, les
positions se sont beaucoup rapprochées. Alternance au pouvoir et cohabitation
leur ont permis de s’affronter sans excès, au moins jusqu’à 2007. Au point
qu’ils ont pu être accusés de constituer, ensemble, l’UMPS. Sarkozy avait aussi
nommé des ministres de gauche dans son Gouvernement. Ils ne sont pas restés
longtemps.
En voulant rassembler dans un parti des citoyens « de gauche
et de droite », Macron a mobilisé contre lui les partis de gauche, ceux de
droite et les autres. En Allemagne et dans un grand nombre de pays d’Europe,
les gouvernements s’appuient sur des alliances, des ententes et des accords
entre des partis, qui gardent leurs identités, leurs spécificités. Pourquoi pas
en France ? Notre système électoral s’y oppose-t-il ?
Aujourd’hui, en France, les deux fractures majeures sont : 1
- le fossé qui s’est approfondi, avec une animosité persistante, entre deux
blocs, celui des partis dits modérés, de gouvernement ou « républicains », et
les partis dits extrêmes. Ils se partagent l’électorat à parts presque égales.
Et celle des « extrêmes » progresse ; 2 -
les positions divergentes sur la mondialisation et l’Union européenne
(UE), entre ceux qui en sont satisfaits ou s’en accommodent, tant bien que mal
et/ou par crainte de « pire », et ceux qui demandent des changements radicaux,
notamment en matière de protection, de conception de l’UE, et désirent que la
France retrouve plus de souveraineté. La
« trahison » qui a suivi le rejet du traité européen lors du référendum de 2005
n’est pas oubliée. Les motivations du rejet restent d’autant plus vives que les
errements de l’UE sont perceptibles.
Point commun entre les deux fractures : c’est dans les partis
« extrêmes » et leurs électeurs que se trouvent les gros bataillons des plus
critiques envers l’UE. Ce sont ces deux France qu’il importe de réconcilier.
Ces questions ont été très largement sous-estimées (et/ou
évacuées) lors de la campagne présidentielle et ne semblent pas pouvoir trouver
leur place dans celle des législatives. Pourtant, elles doivent faire partie de
nos critères de choix aux législatives, car selon les résultats, l’avenir peut
être sensiblement différent pour nous.
Nettement plus inquiétant si M Macron obtient une « majorité
présidentielle », synonyme de pouvoir absolu pendant cinq ans. Comme ses
prédécesseurs, Sarkozy et Hollande, il risque fort d’abuser de son
inamovibilité et de l’impossibilité pour les oppositions parlementaires
(minoritaires) de faire entendre leurs voix. Un « abus de position dominante »,
une aberration spécifique à la France qu’ont instituée les changements
constitutionnels de 2000 et de 2001. Ils ont remplacé le septennat par le
quinquennat et modifié le calendrier des élections législatives afin de favoriser,
précisément, la constitution de majorités présidentielles. Sans anticiper sur
les problèmes que cette omnipotence présidentielle allait poser. Le «
gouvernement par ordonnances » et l’usage du 49-3 sont des illustrations de
cette facilité offerte au Gouvernement d’aller à l’affrontement, qu’il est sûr
de gagner, plutôt que de dialoguer et de rechercher, par la concertation et des
amendements constructifs, des solutions acceptables par le plus grand nombre.
Car, en France, le mode de scrutin majoritaire à deux tours permet à un parti
qui n’obtient que de l’ordre du 1/3 des voix aux législatives d’avoir une
majorité des sièges à l’Assemblée. Ces dispositions et les comportements des
gouvernants conduisent la population à aspirer désespérément à l’alternance. Si
l’on veut préserver la paix sociale et la démocratie, des réformes de la
Constitution s’imposent. Institution immédiate d’élections parlementaires à
mi-mandat (comme aux États-Unis). Retour au septennat, unique ou renouvelable.
Et, dans le cas où les partis « extrêmes » n’obtiennent pas aux législatives de
2017 une représentation leur permettant de s’exprimer, introduction, sans
attendre 2022, d’une dose de proportionnelle aux législatives. Sans de telles
réformes, les problèmes majeurs s’aggraveront.
Emmanuel Macron a été élu président dans des circonstances
très particulières. Sur un terrain miné par les divisions que les quinquennats
précédents, ainsi que les primaires de la gauche et de la droite, avaient
avivées. Puis, les « affaires » Fillon ont été «décisives
». Elles ont fait capoter l’alternance attendue, qui paraissait acquise. L’« habileté » de Macron et ses soutiens ont su tirer parti
de cette confusion.
Dans le présent article je reviens sur les causes du
chambardement que nous avons connu, ainsi que sur les menaces qui nous
guettent, surtout si les électeurs optent pour un « parti unique ». À cet
égard, les résultats des présidentielles n’ont pas « légitimé » Macron autant
qu’on nous le serine. Ses premiers pas de président, la constitution retorse de son Gouvernement,
le recrutement « centralisé » des candidats de son parti pour les législatives
et le début de la campagne, sont révélateurs de la personnalité du président.
De la façon dont, avec sa garde rapprochée, il entend gouverner. Cela me paraît
très peu rassurant.
J’espère donc que les 11 et 18 juin, les électeurs ne
voteront pas les yeux fermés, les oreilles assourdies par la propagande qui
nous envahit, et que, suivant la coutume, ils ne voudront pas « mettre tous les
œufs dans le même panier », confier le pouvoir absolu à un homme et à son
parti, et préfèreront élire une Assemblée qui représente vraiment la France et
les Français, dans la diversité de leurs situations et de leurs convictions.
I. – Pourquoi ce
chambardement et quels dangers nous guettent ?
Des causes majeures du mécontentement et du
désir de changement
Le manque de croissance réelle, le recul du pouvoir d’achat
de beaucoup de Français, une fiscalité confiscatoire, le chômage de masse, un
avenir incertain, inquiétant, avec l’absence de perspectives de progrès, sont
les principales raisons de fond du rasle-bol qui
s’est manifesté à l’occasion des présidentielles. Croissance et réduction du
chômage sont donc des priorités, sur lesquelles les propositions ont manqué de
précision. Et il ne faut pas trop compter sur la « flexibilité » et une loi El
Khomri renforcée pour créer plus d’emplois. Elle favorisera sans doute le «
renouvellement ». Mais pour l’embauche par les entreprises, ce sont le chiffre
d’affaires et les commandes qui commandent. Dans un monde concurrentiel, la
compétitivité, la productivité, avec les efforts de recherche et développement,
sont essentiels. Mais, au-delà de ces mots, il faut une vraie stratégie et des
actes.
Tous dans le même sac ! Ceux qui ont gouverné ont échoué. Ce
sont eux les principaux coupables… avec l’Union européenne (UE), pour certains,
de plus en plus nombreux. Lassitude aussi de voir les mêmes têtes et espoir,
savamment instillé, que des « nouveaux », plus jeunes, « issus de la société
civile » notamment, feront mieux que les incompétents actuels. Avec le
corollaire, bien vendu, que les responsabilités politiques doivent être
temporaires et non devenir des professions. Et la condamnation, voire l’interdiction,
du « cumul des mandats » est un moyen complémentaire pour libérer des postes et
redistribuer les cartes. Secouer le cocotier est une vielle recette
universelle. Bien que ce ne soient, en général, pas les mieux accrochés qui
tombent les premiers.
Voilà de bonnes idées pour déstabiliser les partis en place,
pousser à remplacer les « ennemis » et les réticents par des amis et des
sympathisants. Pour pratiquer, aussi, les « prises de guerre » spectaculaires
parmi les hésitants d’autres partis ou les « impatients » qui souffrent de
vivre éloignés du pouvoir.
Un jeu appuyé sur l’indispensable « moralisation de la vie
publique » en réponse au « tous pourris », dont François Fillon a été pris
comme « référence » dès le lendemain de son élection aux primaires de la
droite. Moraliser : une mission prioritaire, confiée tambour battant à un
orfèvre, François Bayrou, le nouveau garde des Sceaux… qui est lui-même mis en
examen
(1). Il sera jugé le 19 janvier 2019 pour diffamation en 2015
contre une association travaillant à l’inclusion sociale. Pour des broutilles,
donc. Par ailleurs, Le Canard enchaîné a dévoilé le 24 mai (2) une « affaire »
concernant le nouveau ministre de la Cohésion territoriale, Richard Ferrand.
Lorsqu’il était DG des Mutuelles de Bretagne, il aurait permis à son épouse de
réaliser une juteuse opération immobilière. Légale, se défend-il. Et, en 2014,
il a employé son fils comme assistant parlementaire. Pour un travail réel,
assure son entourage. En même temps, un autre proche de Macron, Alain Tourrel, député PRG sortant investi par LREM dans le
Calvados est accusé d’avoir abusé de son indemnité parlementaire pour financer
des dépenses personnelles (3). L’opération « mains propres » ne commence donc
pas sous les meilleurs auspices.
Malgré l’état d’urgence et un danger pesant, la menace
terroriste islamiste a été soigneusement poussée sous le tapis pendant la
campagne par les partis « républicains » avec la connivence des médias. En ce
23 mai, l’horrible attentat de Manchester, avec ses 22 morts et ses 60 blessés,
est un violent rappel aux réalités. Le réveil est brutal. On redécouvre que la
sécurité doit être la première priorité. La France est en guerre (ce n’est pas
moi qui le dit) ! Les victimes françaises (morts, blessés…) les plus nombreuses
ne sont pas dans le Sahel ou en Syrie. Elles sont sur notre sol. Il serait bon
que nos chefs guerre en soient plus conscients.
Un terrain propice, miné par les divisions et
les querelles intestines
Le grand chambardement a commencé au PS et chez Les
Républicains (LR), qui ont recouru à des primaires pour élire leur candidat aux
présidentielles. Des primaires qui se sont révélées catastrophiques pour
eux.
Aux primaires de la droite, coups de tonnerre, les têtes des
favoris tombent : Nicolas Sarkozy éliminé au premier tour et, au second, très
large majorité à François Fillon devant Alain Juppé. Enthousiasme et espoir chez les votants !
L’Alternance était sur les rails. Les « affaires » ont tout changé. Légitimé
par les primaires, Fillon n’a pas voulu se retirer. Des « alternatives » ont
été recherchées, décrédibilisant le candidat. Les « tendances », qui s’étaient
rapprochées à l’issue des primaires, se sont remises à s’écarter. Les fillonistes, les juppéistes
et les sarkozistes redevenaient rivaux.
Entre une droite « dure » et une droite plus centriste, les positions se
différenciaient sur l’évolution de la société et sur l’immigration. Sur
l’austérité budgétaire pour redresser le pays et la réduction du nombre de fonctionnaires,
aussi. Par contre, sur « l’Europe », pas d’accrochage. Même si tous ne sont pas
également européistes. Bref, les primaires et l’affaire Fillon ont ébranlé
sérieusement la droite et suscité quelques tentations de changement… de camp.
Maintenant, François Baroin a fort à faire pour rétablir l’unité et faire
regagner à la droite une juste place dans la représentation nationale.
Le quinquennat Hollande a été néfaste pour la France et a
fini en désastre pour la gauche socialiste. Pendant cinq ans, le
monarque a pu régner grâce à une confortable majorité parlementaire élue en
2012. Des députés dociles. Sur les 322 élus de gauche et de centre gauche,
seuls 40 « frondeurs » ont osé voter contre le Gouvernement. En fait, la
crainte d’une dissolution de l’Assemblée et de nouvelles élections qui seraient
fatales aux députés en exercice est un frein puissant à la « contestation
parlementaire » au sein du parti au pouvoir. Quant aux partis « d’opposition »,
ils sont impuissants… car ils sont minoritaires. Cette garantie de pérennité
(voulue) du pouvoir en place quelles que soient les décisions prises, les
résultats de la gouvernance et l’opinion de la population, est une des failles
majeures de notre système. Elle nourrit aussi les dissensions.
D’abord larvées, timides, puis plus insistantes, les
divisions ont explosé dès que le roi a perdu sa couronne en renonçant à briguer
sa succession. Macron avait déserté pour se poser en concurrent, et Valls
n’avait pas caché ses ambitions. Ensuite, avec sept candidats, les primaires
ont mis sur les rangs un éventail de presque toutes les nuances de rose et de
vert. Avec Manuel Valls, l’emblème social libéral, Vincent Peillon, fidèle à
Hollande et hostile à Valls, Arnaud Montebourg, rebelle, chantre du « made in France
» et défenseur des PME, Benoît Hamon, socialiste de la gauche du PS, «
keynésien » ennemi de l’austérité et partisan du « revenu universel »,
Jean-Louis Benhamias et François de Rugy, tous deux écologistes, et Sylvia Pinel, du Parti
Radical de gauche, de tendance centriste. La surprise fut grande quand Benoît
Hamon, minoritaire, presque ignoré au sein du PS, a remporté la primaire. Cette
victoire initiait la descente aux enfers du PS, qui allait être grignoté, à sa
gauche par « La France insoumise » de Mélenchon, et dévoré sur son aile sociale
libérale par « En marche » de Macron.
Du côté de Jean-Luc Mélenchon, l’alliance avec le Parti
communiste a connu des soubresauts et donné lieu à peu de commentaires de nos
médias. Au contraire, ceux-ci se sont régalés avec les divisions qui «
déchirent » le FN, les frasques du père fondateur, les états d’âme de Florian
Philippot devant le recul de Marine sur la question de l’euro, « l’opposition »
entre celle-ci et sa nièce Marion, très attachée aux « valeurs traditionnelles
» du Parti. Et, il est vrai qu’au sein du FN et parmi ses électeurs, les points
de vue n’apparaissent pas uniformes.
Le terrain sur lequel se sont engagées les présidentielles
était donc miné, rongé par des divisions latentes ou exprimées.
Cependant, la diversité des opinions au sein d’un parti,
lorsqu’elle n’engendre pas les disputes et les divisions, pousse à la
concertation, à l’échange des idées, à la confrontation des projets, à la
recherche d’accords, avec une saine émulation. Encore faut-il que les
différentes opinions ou tendances s’articulent autour d’un tronc commun
cohérent, reconnu, admis de tous. Et c’est bien une gageure, un défi pour un
parti politique, que de trouver et d’adapter en permanence ce tronc commun,
sans se livrer à des synthèses qui « tournent autour du pot », qui ramènent les
consensus au plus petit commun dénominateur, qui laissent les convives sur leur
faim, en contrarient certains, et enterrent les germes des conflits pour en
retarder l’éclosion.
Le risque de concentrer dans un parti unique toutes les
contradictions,
les rivalités, les divisions… pour plus d’instabilité
Malgré la promotion médiatique en cours, la crainte semble
encore partagée chez les électeurs de voir, lors des législatives, le parti
LREM obtenir une majorité parlementaire lui permettant de gouverner la France
seul, sans garde-fous, pendant cinq ans, suivant des orientations et un «
programme » flous. Les expériences des quinquennats Sarkozy et Hollande sont
toujours présentes dans les esprits. Le risque de voir s’installer un « parti
unique » ne parait pas exclu, par les partis concurrents, en particulier.
D’autant que la stratégie du président vise à réduire autant que possible les
représentations parlementaires des partis ouvertement de gauche ou de droite.
Quant aux partis dits extrêmes, il entend les réduire à la portion congrue. C’est cela aussi, le rassemblement !
La majorité à laquelle LREM aspire ne peut-être
qu’hétérogène, constituée de candidats transfuges de partis politiques divers,
voire opposés, et de candidats de la société civile sans doute souvent engagés
politiquement, mais pas avec de mêmes convictions. Aussi, le parti sera exposé
aux difficultés évoquées ci-dessus davantage encore que l’ont été le PS et les
Républicains… ainsi qu’à des menaces de divisions et d’instabilité plus fortes
que les précédentes. Il y a peu de chances, aussi, que les politiciens
deviennent subitement vertueux, qu’ils délaissent leurs réseaux de relations et
abandonnent toutes ambitions personnelles. Finis les clans et les querelles
d’egos ? Cela n’est déjà pas le cas. Des élus LREM conserveront une « identité
antérieure », une appartenance, autorisée, à leur famille d’origine, tels ceux
du Modem. Et ils ne seront pas les seuls à afficher ce type de parenté.
En cas d’élection d’une majorité parlementaire LREM, on peut
s’attendre à une forte centralisation de la décision et du commandement autour
du président et de sa garde rapprochée (de son cabinet, en particulier),
assortie d’une discipline de fer exigée des ministres, venus d’horizons divers,
des députés LREM, du personnel des différentes instances du parti et des
militants actifs. Le contrôle de l’information interne et de la communication,
autres clés de sa stratégie, ont déjà commencé. Au prix de la limitation de
libertés d’expression et d’initiative.
Exception faite de
l’Union européenne (UE), dont il accepte la tutelle (qu’il souhaite même
renforcer), le président Macron n’est, visiblement, pas disposé à partager le
pouvoir. Contrairement à ce qu’il a annoncé pendant la campagne, il ne se
contente pas de fixer le cap, de grands objectifs ainsi que des orientations,
et de laisser au Gouvernement le soin de préciser les politiques, les
programmes, les mesures à mettre en œuvre, les lois à voter…. Ses premiers pas
le montrent. Hyperactif, omniprésent, il est très en vue sur le devant des
photos. Il se méfie de ses ministres, de ceux dont la loyauté ne lui paraît pas
assurée, de ceux qu’il juge moins compétents que lui, comme de ceux qui peuvent
lui faire de l’ombre. Il a constitué le Gouvernement et distribué les domaines
d’exercice et les tâches de façon retorse (voir la partie III). La méfiance
imprègne ses choix et ses actes.
Nous avons vu également ce centralisme, cette absence de
délégation, pour des raisons en partie analogues, dans la procédure, éloignée
du terrain, qui a été retenue pour la sélection des candidats LREM aux
législatives. Après le tri effectué par la Commission des investitures, c’est
Macron qui a choisi, ou rejeté, chacun des candidats… en essayant, d’ailleurs,
de ne pas faire entrer de grands loups dans la bergerie. Valls a pu le
constater. Pour Martine Aubry, très directe, « Les petits nouveaux de chez
Macron qu’on a choisi au pif ou parce que ce sont des copains, c’est mieux que
des gens de gauche qui se sont battus pendant cinq ans ? Ça me rend malade »
(4). Elle reproche aussi à Macron de vouloir « une assemblée de béni-ouioui », « un Parlement à sa botte ».
Un tel contrôle sur tout, peut-il durer sans rébellions ? La
plupart des élus LREM seront dociles, comme l’ont été ceux de la majorité de
Hollande. Pour des raisons analogues Au moins dans un premier temps. Ensuite,
cela dépendra aussi des textes qui seront soumis aux votes, de la réussite et
de la popularité du Gouvernement et, plus encore, de la majorité absolue ou
relative obtenue en juin 2017, ainsi que des poids respectifs des autres
partis.
Il n’en sera sans doute pas de même aux sommets, parmi les «
prises de guerre » nommées au Gouvernement et parmi celles, telles Borloo, qui
lui apportent un appui remarqué. Surtout si elles sont réservées ou critiques
sur le respect de la démocratie, notamment lors d’éventuels usages des
ordonnances et du 49-3. Ou si elles estiment leur influence insuffisante.
L’alliance Bayrou/Macron a montré sa fragilité. L’évacuation à NotreDame des Landes et l’arrêt de la centrale nucléaire de
Fessenheim interpellent déjà le tandem Hulot/Macron. La distribution des rôles
au Gouvernement peut aussi poser des problèmes. Enfin, un remaniement
ministériel est annoncé à la suite des législatives, avec de possibles
changements non négligeables en fonction des résultats. L’incertitude prévaut.
Il serait préférable qu’à l’AN, les sièges soient répartis
plus « équitablement
» entre les partis, en tenant compte de leur audience réelle, sans monopole de
l’un d’eux sur la vie publique, intouchable pendant 5 ans. Mieux vaut la
concertation et la recherche d’accords sur les questions essentielles entre des
partis… qui représentent les opinions différenciées des Français. Et il semble
que des côtés des socialistes, des radicaux de
gauche, des centristes de droite et de LR,
les partis seraient prêt à jouer le jeu. Reste, cependant, que les deux grands
partis dits « extrêmes », La France insoumise et le FN, qui, ensemble, ont
obtenu 40 % des votes au premier tour des présidentielles, sont écartés de la vie
parlementaire. Ce déni de démocratie est dangereux pour l’avenir.
Des réformes constitutionnelles indispensables
Il ne faut plus ignorer les conséquences désastreuses de
l’instauration du quinquennat en 2000 en lieu et place du septennat, associée
au changement du calendrier législatif en 2001. La date des législatives,
maintenant fixée au lendemain de l’élection du président de la République,
favorise l’élection d’une majorité parlementaire présidentielle. La durée du
mandat de l’Assemblée est fixée à cinq ans. Pleins pouvoirs au président roi
pour tout le quinquennat, donc. Entre le système en vigueur sous la IVe
République et 2002, en altérant la Constitution de 1958 qui a créé la Ve
République, nous sommes passés d’un excès à l’excès inverse.
Après une longue période d’instabilité caractérisée par de
fréquents changements de gouvernements, la révision constitutionnelle de 1958 a
mis fin à la IVe République. Pour les législatives, le mode de scrutin à la
proportionnelle a été remplacé par le scrutin majoritaire à deux tours, dans le
but d’œuvrer à la constitution de « majorités stables ». C’était, il y a
presque soixante ans. Le contexte économique, social et politique n’avait pas
grand-chose de commun avec celui d’aujourd’hui. La durée du mandat présidentiel
était de sept ans. L’Assemblée nationale était élue pour quatre ans, sauf «
accident de parcours ». Le système fonctionnait sans inconvénient majeur.
L’abandon du septennat a été motivé principalement par le refus de limiter à un
mandat l’exercice de la Présidence, et de « prolonger » le premier mandat de
Chirac. Deux mandats successifs (possibles) de cinq ans ont été préférés à un
seul de sept ans. À cet égard, le quinquennat a été un échec. Les deux
présidents qui l’ont expérimenté après JC n’ont pas été réélus. La stabilité
forcée, leur pouvoir absolu et des résultats très contestés ont « dégouté » les
citoyens… obligés d’attendre cinq ans pour « voter l’alternance »… et « repartir pour un tour de cinq ans ». C’est, probablement, ce qui se serait encore
passé en 2017 s’il n’y avait eu les affaires Fillon.
Le retour au septennat, éventuellement unique, accompagné
d’élections législatives à mi-mandat me parait bien préférable à notre système
actuel, trop déséquilibré et pas en résonnance avec l’époque actuelle.
Le premier tour de la présidentielle a vu une forte montée
des « extrêmes ». Pour certains analystes, en comptant les partis
souverainistes, les électeurs de Hamon et les petits partis « contestataires »,
ils seraient majoritaires (voir la partie II). C’est un peu excessif. Ils
représentent, en fait, environ la moitié de l’électorat.
Cette partition marque une fracture entre deux parties à peu
près égales des citoyens. Ceux qui sont relativement satisfaits du système socio-économico-politique
ou s’en accommodent
Et ceux qui en sont mécontents, n’y trouvent pas leur compte
et/ou leur place… et voudraient changer le système (si on reprend la
terminologie du FN). Ces derniers n’ont presque pas de représentants à
l’Assemblée (AN). C’est une anomalie d’un autre temps, qu’il importe de
corriger. En 1958, ce n’était, d’ailleurs pas pour éliminer l’extrême droite
et/ou l’extrême gauche des débats parlementaires que la proportionnelle a été
abandonnée. Elles comptaient alors très peu d’adhérents. Le FN n’existait pas.
Aujourd’hui, le mode de scrutin majoritaire à deux tours, accompagné, en ce qui
concerne le FN, de l’opposition d’un « Front républicain » (de moins en moins
populaire) fait de l’AN une chasse gardée des partis dits « républicains »,
précisément, ou « de gouvernement », ou encore « du système ».
Il se peut que les partis « extrêmes » réussissent une petite
percée aux législatives de mai, et soient alors en mesure de représenter leurs
électeurs à l’AN. Ce serait préférable. Sinon, je pense qu’il serait juste et
prudent d’introduire une dose de proportionnelle dans la représentation des
électeurs, sans attendre l’échéance des législatives de 2022. Le candidat
Macron s'est, d’ailleurs, proposé d'instiller un peu de « proportionnelle » aux
législatives. Mais, sans « accident imprévu », après celles de 2017, les
prochaines législatives doivent avoir lieu en 2022. Ne nous trompons pas, si
les tendances se poursuivent, les « extrêmes » peuvent effectivement devenir
majoritaires d’ici cinq ans. Il faut changer de regard et d’attitude.
L’UE et la mondialisation doivent être au cœur des débats et
des décisions politiques. Les questions relatives à l’euro, à l’UE et à la
mondialisation ont été escamotées pendant les discussions des présidentielles.
Pourtant, la monnaie unique est un boulet pour la France. Pas parce que l’euro
est sur évalué
par rapport au dollar et aux autres
monnaies, puisque l’euro a été dévalorisé de l’ordre de 30 % depuis 2008. Et la
balance commerciale de la France hors de l’UE est positive. Un peu grâce à nos
exportations d’aéronefs et d’armement, ainsi qu’à la baisse des prix des
hydrocarbures, il faut le dire. C’est à l’intérieur de la zone euro et de l’UE
que le bât blesse le plus. Notre balance y est déficitaire. En raison d’une
surévaluation de la parité de l’euro pour la France par rapport à l’Allemagne,
aux Pays-Bas et à d’autres pays plus compétitifs que la France, d’une part, de
concurrences dans l’UE qui ne sont pas très loyales (cf. le cas des
travailleurs détachés), d’autre part. Notre fiscalité et notre protection sociale
sont peu compatibles avec la compétitivité exigée sur les marchés
internationaux, d’Europe et d’ailleurs. J’ai abondamment traité de ces sujets
dans trois de mes articles récents. En rappelant que la France était trop
endettée, qu’elle ne respectait pas le critère de Maastricht sur le déficit
public, et que s’y soumettre rendrait très difficile la conservation de tous
les « acquis » de notre modèle social.
L’avenir de la France s’annoncerait aussi plus serein dans
une UE moins déprotégée. Inutile d’ajouter que de nombreux Français sont
contrariés par la perte de la souveraineté nationale, la soumission aux diktats
de Bruxelles, et veulent retrouver plus de liberté et de solidarité dans une UE
radicalement changée.
M. Macron est un européiste et un mondialiste convaincu.
Aussi, n’est-il pas certain qu’il soit allé porter un tel message à Mme Merkel
lors de la visite qu’il lui a rendue aussitôt après son élection.
Il serait normal que la position et la politique de la France
vis-àvis de l’UE soient expliquées et débattues à
l’Assemblée. Cela permettrait aux citoyens d’être un peu informés et peut-être
de faire part de leur avis.
II. – De premiers
événements instructifs et des attitudes révélatrices
Score médiocre de l'élu au second tour et renforcement des
"extrêmes"
Remettre les pendules à l'heure
Après « une ascension irrésistible », le jeune prodige
Emmanuel Macron est devenu « Le Président ». Avec un score écrasant de 66,1 % contre
seulement 33,9 % à Marine Le Pen ! Une performance extraordinaire, qu'il a
accomplie... seul contre tous. Enfin, presque ! Nous avons pu le constater.
Oui, la propagande des médias qui poussent au culte Macron depuis des mois n'a
pas cessé avec son élection à la présidence. Elle redouble pour les
législatives.
En réalité, le résultat obtenu par Macron au second tour de
l’élection est très médiocre. L'abstention a été de 25,44 % des électeurs
inscrits. Plus forte qu'au premier tour. Du presque jamais vu. Le nombre des
votes blancs et nuls (8,51 % et 2,96 %) a atteint 11,47 % du nombre des
votants. Un record. Ainsi, sur les 47,569 Mi d'inscrits, les 20,754 Mi qui ont voté
Macron (« Front républicain » compris) ne représentent que 43,63 % du corps
électoral.
C'est un peu plus que son prédécesseur. En 2012, François
Hollande a réuni sur sa candidature 39,08 % du corps électoral. Quant au
gladiateur précédent, Nicolas Sarkozy, en mai 2007, dans son corps à corps
contre Ségolène Royal, il avait recueilli 42,68 % des suffrages de l'ensemble
des inscrits... sans l'assistance du Front républicain.
Macron n'est pas JC. En mai 2002, Jacques Chirac et le Front
républicain avaient laminé l'adversaire du second tour, JeanMarie
Le Pen, avec un score de 82,21 % des suffrages exprimés, contre 17,79 %. Malgré
une forte abstention, sans surprise, 62 % des électeurs inscrits avaient voté
pour JC.
Marine n'est pas Jean-Marie Le Pen. Le FN s'est « dé
diabolisé ». Ses adversaires n'ont toujours pas compris que les attaques très
excessives, même si elles ont des effets escomptés immédiats, renforcent le FN
dans la durée. Sa progression vient aussi de
l'échec des partis qui ont gouverné. Un
échec qui motive le désir de changement très partagé qui s'est manifesté depuis
des mois. Toujours est-il que la « grande perdante » de la présidentielle a
recueilli 10,664 millions de suffrages le 7 mai... soit près du double des
5,525 Mi obtenus par son père en 2002.
En outre, le sondage Ipsos/Sopra Steria du 7 mai (5) est plutôt mauvais
pour Macron : 43 % de ses électeurs ont voté en opposition à Le Pen. Il indique
aussi que le second motif du vote Macron, pour 33 % de ses électeurs, est le
désir de « renouvellement politique ». Son « programme » n'en motive que 16
%... et sa personnalité, 8 %. Autre
mauvaise nouvelle pour LREM, un sondage Kantar SofresOnePoint réalisé juste avant le second tour pour RTL,
Le Figaro et LCI (6), indiquait déjà que seulement 34 % des personnes
interrogées espéraient qu'aux élections législatives des 11 et 18 juin le
nouveau chef de l'État obtienne « une majorité pour gouverner ». 49 %
préféraient que les élections donnent « une autre majorité à l'assemblée » que
celle qui a élu Macron président.
« Les
extrêmes sont majoritaires »
Dans une analyse publiée par Contrepoints le 5 mai (7) sous
le titre « Les résultats de la présidentielle promettent des lendemains
difficiles », son auteur pronostiquait qu'au vu des résultats du premier tour
et aux reports attendus au second, « les jeux sont faits et on peut prédire une
paralysie du pouvoir durant cinq ans en France ». Une cause majeure à cela, «
les extrêmes sont majoritaires », « 54,2 % contre 44 % ». Cette estimation à
l’emporte-pièce, classe dans l'extrême gauche tous les électeurs de Hamon (6,36
% des votes) avec ceux de Mélenchon (19,58 %), de Florence Arthaud (0,64 %) et
de Poutou (1,09 %). En face, à l'extrême droite, avec les électeurs de Marine
Le Pen (21,3 %), elle met tous les « souverainistes » ayant voté Dupont-Aignan
(4,7 %) et les électeurs d'Asselineau (0,92 %). Cela
donne une extrême gauche à 27,27 % et une extrême droite à 26,92 %.
Entre les extrêmes ne restent, ainsi, que les 24,1 %
d'électeurs de Macron (tous considérés comme de gauche) et les 20,1 % d'électeurs
de droite de Fillon.
Personnellement, je suis dubitatif sur les positions «
extrêmes » de tous les électeurs de Hamon et de Dupont-Aignan. Quant à la
répartition droite/gauche, les électeurs de Macron sont plus « mélangés ». Et,
entre électeurs de Mélenchon et de Le Pen, une certaine « porosité », lorsque
ce n'est une « affinité », a été constatée.
L'électorat est ainsi divisé (fracturé, disent certains)
entre quatre à six blocs qui vont s'affronter aux législatives, pour donner une
Assemblée dont il serait hasardeux de prédire qu'elle permettra une gouvernance
sereine de la France. Ajoutons que Mélenchon, « le tribun charismatique », « le
philosophe lyrique » qui a été encensé par les médias, entend « croquer » ce
qui reste du PS de Hamon et des siens, pour faire de « La France insoumise » le
1er parti d'opposition. Et Macron fait son possible pour faire exploser « Les
Républicains ». Peut-être pas tout à fait conscient qu'en cas de « succès », il
précipitera une partie des cadres de LR... et de leurs électeurs dans les bras
de Debout la France et du FN. Renforçant encore davantage les « extrêmes ».
Avant même l'investiture, des masques ont commencé
à tomber
Intox et désinformation
Plus que chez les autres partis, les médias grand-public
aidant, la stratégie électorale de LREM use de la « communication ». Et, hélas,
la communication n'exclut pas l'instrumentalisation, l'intox et la
désinformation. Ainsi, LREM, n'a cessé de mettre en avant ses prestigieuses «
prises de guerre », et notamment celles de MM. Bayrou, Le Driant et Borloo. Sur
la lancée, le 11 mai, RTL a annoncé un accord « scellé » entre Juppé et Macron.
Un « scoop » (de
quelle source ?) vite relayé par d'autres médias. Il visait à accréditer un
rapprochement entre les deux hommes et la bénédiction par Juppé de l'entrée
dans le Gouvernement de Macron de « plusieurs ténors de la droite modérée,
notamment Édouard Philippe, pressenti pour occuper le poste de Premier ministre
». La clarification de Juppé a été cinglante: « La
capacité d'invention et de mensonge de certains médias n'a aucune limite. Il
n'y a évidemment aucun accord Juppé/Macron » a-t-il déclaré le 12 mai (8).
Autre « prise de guerre » remarquée, démentie par l'intéressé
: celle de Mourad Boudjelal, président du Rugby Club
de Toulon, qui a figuré sur la liste des candidats investis par LREM pour les
législatives. Ce n'était, d'ailleurs, pas le seul « couac » de ce genre dans la
liste du 11 mai. 14 auraient été relevés « (plus les petits couacs locaux...)
». Un article sur lemonde.fr, le 12 mai, intitulé « Les erreurs dans les
investitures d'En marche montrent l'amateurisme du mouvement » (9), est très
révélateur du caractère réel de la procédure de sélection des candidats LREM,
par laquelle, « Au-delà des couacs, on a l'impression que cette liste ne
résulte que de calculs politiciens. Est-on vraiment loin de l'ancienne
politique sur ce plan ? » C'est une interrogation de Glam, faisant partie des
questions posées par des internautes et des journalistes au chef du service
politique du Monde auxquelles il répond dans cet intéressant article.
Autre type de leurre, le sondage que l'on pourrait qualifier
de « bidon ». La liste des noms des 428 candidats à la députation sélectionnés
par LREM a été « dévoilée » (aux médias) le jeudi 11 mai. La plupart de ces
candidats (provenant pour 52 % de la « société civile ») sont inconnus du
public. De plus, seulement un minuscule pourcentage des Français a pu prendre
connaissance de la liste puis se donner la peine de l'éplucher (étudier) dans
la journée... pour se forger une opinion. Il fallait vraiment être très motivé
et disponible pour cela. Quel crédit peut-on alors accorder à un « Sondage
réalisé en ligne le 11 mai après 20 h après la présentation des candidats de la
République en marche aux élections législatives de 2017, sur un échantillon de
1.017 personnes, représentatif des Français âgés de 18 ans et plus, selon la
méthode des quotas » (10). Pourtant, sans perdre de
|