LÉGISLATIVES : ATTENTION AUX VRAIS ENJEUX ET AUX DANGERS.

NE VOTONS PAS LES YEUX FERMÉS.

par Paul KLOBOUKOFF

Intro : des points cruciaux à souligner

La polarisation des campagnes présidentielles et législatives sur l’antagonisme mortel (pour la France) entre la gauche et droite qu’il faudrait faire disparaître à tout prix, en rassemblant gauche et droite dans un même parti, « unique » si possible, est un leurre. Entre la gauche et la droite modérées, les positions se sont beaucoup rapprochées. Alternance au pouvoir et cohabitation leur ont permis de s’affronter sans excès, au moins jusqu’à 2007. Au point qu’ils ont pu être accusés de constituer, ensemble, l’UMPS. Sarkozy avait aussi nommé des ministres de gauche dans son Gouvernement. Ils ne sont pas restés longtemps.

En voulant rassembler dans un parti des citoyens « de gauche et de droite », Macron a mobilisé contre lui les partis de gauche, ceux de droite et les autres. En Allemagne et dans un grand nombre de pays d’Europe, les gouvernements s’appuient sur des alliances, des ententes et des accords entre des partis, qui gardent leurs identités, leurs spécificités. Pourquoi pas en France ? Notre système électoral s’y oppose-t-il ?

Aujourd’hui, en France, les deux fractures majeures sont : 1 - le fossé qui s’est approfondi, avec une animosité persistante, entre deux blocs, celui des partis dits modérés, de gouvernement ou « républicains », et les partis dits extrêmes. Ils se partagent l’électorat à parts presque égales. Et celle des « extrêmes » progresse ; 2 - les positions divergentes sur la mondialisation et l’Union européenne (UE), entre ceux qui en sont satisfaits ou s’en accommodent, tant bien que mal et/ou par crainte de « pire », et ceux qui demandent des changements radicaux, notamment en matière de protection, de conception de l’UE, et désirent que la France retrouve plus de souveraineté. La « trahison » qui a suivi le rejet du traité européen lors du référendum de 2005 n’est pas oubliée. Les motivations du rejet restent d’autant plus vives que les errements de l’UE sont perceptibles.

Point commun entre les deux fractures : c’est dans les partis « extrêmes » et leurs électeurs que se trouvent les gros bataillons des plus critiques envers l’UE. Ce sont ces deux France qu’il importe de réconcilier.

Ces questions ont été très largement sous-estimées (et/ou évacuées) lors de la campagne présidentielle et ne semblent pas pouvoir trouver leur place dans celle des législatives. Pourtant, elles doivent faire partie de nos critères de choix aux législatives, car selon les résultats, l’avenir peut être sensiblement différent pour nous. Nettement plus inquiétant si M Macron obtient une « majorité présidentielle », synonyme de pouvoir absolu pendant cinq ans. Comme ses prédécesseurs, Sarkozy et Hollande, il risque fort d’abuser de son inamovibilité et de l’impossibilité pour les oppositions parlementaires (minoritaires) de faire entendre leurs voix. Un « abus de position dominante », une aberration spécifique à la France qu’ont instituée les changements constitutionnels de 2000 et de 2001. Ils ont remplacé le septennat par le quinquennat et modifié le calendrier des élections législatives afin de favoriser, précisément, la constitution de majorités présidentielles. Sans anticiper sur les problèmes que cette omnipotence présidentielle allait poser. Le « gouvernement par ordonnances » et l’usage du 49-3 sont des illustrations de cette facilité offerte au Gouvernement d’aller à l’affrontement, qu’il est sûr de gagner, plutôt que de dialoguer et de rechercher, par la concertation et des amendements constructifs, des solutions acceptables par le plus grand nombre. Car, en France, le mode de scrutin majoritaire à deux tours permet à un parti qui n’obtient que de l’ordre du 1/3 des voix aux législatives d’avoir une majorité des sièges à l’Assemblée. Ces dispositions et les comportements des gouvernants conduisent la population à aspirer désespérément à l’alternance. Si l’on veut préserver la paix sociale et la démocratie, des réformes de la Constitution s’imposent. Institution immédiate d’élections parlementaires à mi-mandat (comme aux États-Unis). Retour au septennat, unique ou renouvelable. Et, dans le cas où les partis « extrêmes » n’obtiennent pas aux législatives de 2017 une représentation leur permettant de s’exprimer, introduction, sans attendre 2022, d’une dose de proportionnelle aux législatives. Sans de telles réformes, les problèmes majeurs s’aggraveront.

Emmanuel Macron a été élu président dans des circonstances très particulières. Sur un terrain miné par les divisions que les quinquennats précédents, ainsi que les primaires de la gauche et de la droite, avaient avivées. Puis, les « affaires » Fillon ont été «décisives ». Elles ont fait capoter l’alternance attendue, qui paraissait acquise. L’« habileté » de Macron et ses soutiens ont su tirer parti de cette confusion.

Dans le présent article je reviens sur les causes du chambardement que nous avons connu, ainsi que sur les menaces qui nous guettent, surtout si les électeurs optent pour un « parti unique ». À cet égard, les résultats des présidentielles n’ont pas « légitimé » Macron autant qu’on nous le serine. Ses premiers pas de président, la constitution retorse de son Gouvernement, le recrutement « centralisé » des candidats de son parti pour les législatives et le début de la campagne, sont révélateurs de la personnalité du président. De la façon dont, avec sa garde rapprochée, il entend gouverner. Cela me paraît très peu rassurant.

J’espère donc que les 11 et 18 juin, les électeurs ne voteront pas les yeux fermés, les oreilles assourdies par la propagande qui nous envahit, et que, suivant la coutume, ils ne voudront pas « mettre tous les œufs dans le même panier », confier le pouvoir absolu à un homme et à son parti, et préfèreront élire une Assemblée qui représente vraiment la France et les Français, dans la diversité de leurs situations et de leurs convictions.

 

I. – Pourquoi ce chambardement et quels dangers nous guettent ?

Des causes majeures du mécontentement et du désir de changement

Le manque de croissance réelle, le recul du pouvoir d’achat de beaucoup de Français, une fiscalité confiscatoire, le chômage de masse, un avenir incertain, inquiétant, avec l’absence de perspectives de progrès, sont les principales raisons de fond du rasle-bol qui s’est manifesté à l’occasion des présidentielles. Croissance et réduction du chômage sont donc des priorités, sur lesquelles les propositions ont manqué de précision. Et il ne faut pas trop compter sur la « flexibilité » et une loi El Khomri renforcée pour créer plus d’emplois. Elle favorisera sans doute le « renouvellement ». Mais pour l’embauche par les entreprises, ce sont le chiffre d’affaires et les commandes qui commandent. Dans un monde concurrentiel, la compétitivité, la productivité, avec les efforts de recherche et développement, sont essentiels. Mais, au-delà de ces mots, il faut une vraie stratégie et des actes.

Tous dans le même sac ! Ceux qui ont gouverné ont échoué. Ce sont eux les principaux coupables… avec l’Union européenne (UE), pour certains, de plus en plus nombreux. Lassitude aussi de voir les mêmes têtes et espoir, savamment instillé, que des « nouveaux », plus jeunes, « issus de la société civile » notamment, feront mieux que les incompétents actuels. Avec le corollaire, bien vendu, que les responsabilités politiques doivent être temporaires et non devenir des professions. Et la condamnation, voire l’interdiction, du « cumul des mandats » est un moyen complémentaire pour libérer des postes et redistribuer les cartes. Secouer le cocotier est une vielle recette universelle. Bien que ce ne soient, en général, pas les mieux accrochés qui tombent les premiers.

Voilà de bonnes idées pour déstabiliser les partis en place, pousser à remplacer les « ennemis » et les réticents par des amis et des sympathisants. Pour pratiquer, aussi, les « prises de guerre » spectaculaires parmi les hésitants d’autres partis ou les « impatients » qui souffrent de vivre éloignés du pouvoir.

Un jeu appuyé sur l’indispensable « moralisation de la vie publique » en réponse au « tous pourris », dont François Fillon a été pris comme « référence » dès le lendemain de son élection aux primaires de la droite. Moraliser : une mission prioritaire, confiée tambour battant à un orfèvre, François Bayrou, le nouveau garde des Sceaux… qui est lui-même mis en examen

(1). Il sera jugé le 19 janvier 2019 pour diffamation en 2015 contre une association travaillant à l’inclusion sociale. Pour des broutilles, donc. Par ailleurs, Le Canard enchaîné a dévoilé le 24 mai (2) une « affaire » concernant le nouveau ministre de la Cohésion territoriale, Richard Ferrand. Lorsqu’il était DG des Mutuelles de Bretagne, il aurait permis à son épouse de réaliser une juteuse opération immobilière. Légale, se défend-il. Et, en 2014, il a employé son fils comme assistant parlementaire. Pour un travail réel, assure son entourage. En même temps, un autre proche de Macron, Alain Tourrel, député PRG sortant investi par LREM dans le Calvados est accusé d’avoir abusé de son indemnité parlementaire pour financer des dépenses personnelles (3). L’opération « mains propres » ne commence donc pas sous les meilleurs auspices.

Malgré l’état d’urgence et un danger pesant, la menace terroriste islamiste a été soigneusement poussée sous le tapis pendant la campagne par les partis « républicains » avec la connivence des médias. En ce 23 mai, l’horrible attentat de Manchester, avec ses 22 morts et ses 60 blessés, est un violent rappel aux réalités. Le réveil est brutal. On redécouvre que la sécurité doit être la première priorité. La France est en guerre (ce n’est pas moi qui le dit) ! Les victimes françaises (morts, blessés…) les plus nombreuses ne sont pas dans le Sahel ou en Syrie. Elles sont sur notre sol. Il serait bon que nos chefs guerre en soient plus conscients.

Un terrain propice, miné par les divisions et les querelles intestines

Le grand chambardement a commencé au PS et chez Les Républicains (LR), qui ont recouru à des primaires pour élire leur candidat aux présidentielles. Des primaires qui se sont révélées catastrophiques pour eux.

Aux primaires de la droite, coups de tonnerre, les têtes des favoris tombent : Nicolas Sarkozy éliminé au premier tour et, au second, très large majorité à François Fillon devant Alain Juppé. Enthousiasme et espoir chez les votants ! L’Alternance était sur les rails. Les « affaires » ont tout changé. Légitimé par les primaires, Fillon n’a pas voulu se retirer. Des « alternatives » ont été recherchées, décrédibilisant le candidat. Les « tendances », qui s’étaient rapprochées à l’issue des primaires, se sont remises à s’écarter. Les fillonistes, les juppéistes et les sarkozistes redevenaient rivaux. Entre une droite « dure » et une droite plus centriste, les positions se différenciaient sur l’évolution de la société et sur l’immigration. Sur l’austérité budgétaire pour redresser le pays et la réduction du nombre de fonctionnaires, aussi. Par contre, sur « l’Europe », pas d’accrochage. Même si tous ne sont pas également européistes. Bref, les primaires et l’affaire Fillon ont ébranlé sérieusement la droite et suscité quelques tentations de changement… de camp. Maintenant, François Baroin a fort à faire pour rétablir l’unité et faire regagner à la droite une juste place dans la représentation nationale.

Le quinquennat Hollande a été néfaste pour la France et a fini en désastre pour la gauche socialiste. Pendant cinq ans, le monarque a pu régner grâce à une confortable majorité parlementaire élue en 2012. Des députés dociles. Sur les 322 élus de gauche et de centre gauche, seuls 40 « frondeurs » ont osé voter contre le Gouvernement. En fait, la crainte d’une dissolution de l’Assemblée et de nouvelles élections qui seraient fatales aux députés en exercice est un frein puissant à la « contestation parlementaire » au sein du parti au pouvoir. Quant aux partis « d’opposition », ils sont impuissants… car ils sont minoritaires. Cette garantie de pérennité (voulue) du pouvoir en place quelles que soient les décisions prises, les résultats de la gouvernance et l’opinion de la population, est une des failles majeures de notre système. Elle nourrit aussi les dissensions.

D’abord larvées, timides, puis plus insistantes, les divisions ont explosé dès que le roi a perdu sa couronne en renonçant à briguer sa succession. Macron avait déserté pour se poser en concurrent, et Valls n’avait pas caché ses ambitions. Ensuite, avec sept candidats, les primaires ont mis sur les rangs un éventail de presque toutes les nuances de rose et de vert. Avec Manuel Valls, l’emblème social libéral, Vincent Peillon, fidèle à Hollande et hostile à Valls, Arnaud Montebourg, rebelle, chantre du « made in France » et défenseur des PME, Benoît Hamon, socialiste de la gauche du PS, « keynésien » ennemi de l’austérité et partisan du « revenu universel », Jean-Louis Benhamias et François de Rugy, tous deux écologistes, et Sylvia Pinel, du Parti Radical de gauche, de tendance centriste. La surprise fut grande quand Benoît Hamon, minoritaire, presque ignoré au sein du PS, a remporté la primaire. Cette victoire initiait la descente aux enfers du PS, qui allait être grignoté, à sa gauche par « La France insoumise » de Mélenchon, et dévoré sur son aile sociale libérale par « En marche » de Macron.

Du côté de Jean-Luc Mélenchon, l’alliance avec le Parti communiste a connu des soubresauts et donné lieu à peu de commentaires de nos médias. Au contraire, ceux-ci se sont régalés avec les divisions qui « déchirent » le FN, les frasques du père fondateur, les états d’âme de Florian Philippot devant le recul de Marine sur la question de l’euro, « l’opposition » entre celle-ci et sa nièce Marion, très attachée aux « valeurs traditionnelles » du Parti. Et, il est vrai qu’au sein du FN et parmi ses électeurs, les points de vue n’apparaissent pas uniformes.

Le terrain sur lequel se sont engagées les présidentielles était donc miné, rongé par des divisions latentes ou exprimées.

Cependant, la diversité des opinions au sein d’un parti, lorsqu’elle n’engendre pas les disputes et les divisions, pousse à la concertation, à l’échange des idées, à la confrontation des projets, à la recherche d’accords, avec une saine émulation. Encore faut-il que les différentes opinions ou tendances s’articulent autour d’un tronc commun cohérent, reconnu, admis de tous. Et c’est bien une gageure, un défi pour un parti politique, que de trouver et d’adapter en permanence ce tronc commun, sans se livrer à des synthèses qui « tournent autour du pot », qui ramènent les consensus au plus petit commun dénominateur, qui laissent les convives sur leur faim, en contrarient certains, et enterrent les germes des conflits pour en retarder l’éclosion.

Le risque de concentrer dans un parti unique toutes les contradictions,

les rivalités, les divisions… pour plus d’instabilité

Malgré la promotion médiatique en cours, la crainte semble encore partagée chez les électeurs de voir, lors des législatives, le parti LREM obtenir une majorité parlementaire lui permettant de gouverner la France seul, sans garde-fous, pendant cinq ans, suivant des orientations et un « programme » flous. Les expériences des quinquennats Sarkozy et Hollande sont toujours présentes dans les esprits. Le risque de voir s’installer un « parti unique » ne parait pas exclu, par les partis concurrents, en particulier. D’autant que la stratégie du président vise à réduire autant que possible les représentations parlementaires des partis ouvertement de gauche ou de droite. Quant aux partis dits extrêmes, il entend les réduire à la portion congrue. C’est cela aussi, le rassemblement !

La majorité à laquelle LREM aspire ne peut-être qu’hétérogène, constituée de candidats transfuges de partis politiques divers, voire opposés, et de candidats de la société civile sans doute souvent engagés politiquement, mais pas avec de mêmes convictions. Aussi, le parti sera exposé aux difficultés évoquées ci-dessus davantage encore que l’ont été le PS et les Républicains… ainsi qu’à des menaces de divisions et d’instabilité plus fortes que les précédentes. Il y a peu de chances, aussi, que les politiciens deviennent subitement vertueux, qu’ils délaissent leurs réseaux de relations et abandonnent toutes ambitions personnelles. Finis les clans et les querelles d’egos ? Cela n’est déjà pas le cas. Des élus LREM conserveront une « identité antérieure », une appartenance, autorisée, à leur famille d’origine, tels ceux du Modem. Et ils ne seront pas les seuls à afficher ce type de parenté.

En cas d’élection d’une majorité parlementaire LREM, on peut s’attendre à une forte centralisation de la décision et du commandement autour du président et de sa garde rapprochée (de son cabinet, en particulier), assortie d’une discipline de fer exigée des ministres, venus d’horizons divers, des députés LREM, du personnel des différentes instances du parti et des militants actifs. Le contrôle de l’information interne et de la communication, autres clés de sa stratégie, ont déjà commencé. Au prix de la limitation de libertés d’expression et d’initiative.
 

Exception faite de l’Union européenne (UE), dont il accepte la tutelle (qu’il souhaite même renforcer), le président Macron n’est, visiblement, pas disposé à partager le pouvoir. Contrairement à ce qu’il a annoncé pendant la campagne, il ne se contente pas de fixer le cap, de grands objectifs ainsi que des orientations, et de laisser au Gouvernement le soin de préciser les politiques, les programmes, les mesures à mettre en œuvre, les lois à voter…. Ses premiers pas le montrent. Hyperactif, omniprésent, il est très en vue sur le devant des photos. Il se méfie de ses ministres, de ceux dont la loyauté ne lui paraît pas assurée, de ceux qu’il juge moins compétents que lui, comme de ceux qui peuvent lui faire de l’ombre. Il a constitué le Gouvernement et distribué les domaines d’exercice et les tâches de façon retorse (voir la partie III). La méfiance imprègne ses choix et ses actes.

Nous avons vu également ce centralisme, cette absence de délégation, pour des raisons en partie analogues, dans la procédure, éloignée du terrain, qui a été retenue pour la sélection des candidats LREM aux législatives. Après le tri effectué par la Commission des investitures, c’est Macron qui a choisi, ou rejeté, chacun des candidats… en essayant, d’ailleurs, de ne pas faire entrer de grands loups dans la bergerie. Valls a pu le constater. Pour Martine Aubry, très directe, « Les petits nouveaux de chez Macron qu’on a choisi au pif ou parce que ce sont des copains, c’est mieux que des gens de gauche qui se sont battus pendant cinq ans ? Ça me rend malade » (4). Elle reproche aussi à Macron de vouloir « une assemblée de béni-ouioui », « un Parlement à sa botte ».

Un tel contrôle sur tout, peut-il durer sans rébellions ? La plupart des élus LREM seront dociles, comme l’ont été ceux de la majorité de Hollande. Pour des raisons analogues Au moins dans un premier temps. Ensuite, cela dépendra aussi des textes qui seront soumis aux votes, de la réussite et de la popularité du Gouvernement et, plus encore, de la majorité absolue ou relative obtenue en juin 2017, ainsi que des poids respectifs des autres partis.

Il n’en sera sans doute pas de même aux sommets, parmi les « prises de guerre » nommées au Gouvernement et parmi celles, telles Borloo, qui lui apportent un appui remarqué. Surtout si elles sont réservées ou critiques sur le respect de la démocratie, notamment lors d’éventuels usages des ordonnances et du 49-3. Ou si elles estiment leur influence insuffisante. L’alliance Bayrou/Macron a montré sa fragilité. L’évacuation à NotreDame des Landes et l’arrêt de la centrale nucléaire de Fessenheim interpellent déjà le tandem Hulot/Macron. La distribution des rôles au Gouvernement peut aussi poser des problèmes. Enfin, un remaniement ministériel est annoncé à la suite des législatives, avec de possibles changements non négligeables en fonction des résultats. L’incertitude prévaut.

Il serait préférable qu’à l’AN, les sièges soient répartis plus « équitablement » entre les partis, en tenant compte de leur audience réelle, sans monopole de l’un d’eux sur la vie publique, intouchable pendant 5 ans. Mieux vaut la concertation et la recherche d’accords sur les questions essentielles entre des partis… qui représentent les opinions différenciées des Français. Et il semble que des côtés des socialistes, des radicaux de

gauche, des centristes de droite et de LR, les partis seraient prêt à jouer le jeu. Reste, cependant, que les deux grands partis dits « extrêmes », La France insoumise et le FN, qui, ensemble, ont obtenu 40 % des votes au premier tour des présidentielles, sont écartés de la vie parlementaire. Ce déni de démocratie est dangereux pour l’avenir.

Des réformes constitutionnelles indispensables

Il ne faut plus ignorer les conséquences désastreuses de l’instauration du quinquennat en 2000 en lieu et place du septennat, associée au changement du calendrier législatif en 2001. La date des législatives, maintenant fixée au lendemain de l’élection du président de la République, favorise l’élection d’une majorité parlementaire présidentielle. La durée du mandat de l’Assemblée est fixée à cinq ans. Pleins pouvoirs au président roi pour tout le quinquennat, donc. Entre le système en vigueur sous la IVe République et 2002, en altérant la Constitution de 1958 qui a créé la Ve République, nous sommes passés d’un excès à l’excès inverse.

Après une longue période d’instabilité caractérisée par de fréquents changements de gouvernements, la révision constitutionnelle de 1958 a mis fin à la IVe République. Pour les législatives, le mode de scrutin à la proportionnelle a été remplacé par le scrutin majoritaire à deux tours, dans le but d’œuvrer à la constitution de « majorités stables ». C’était, il y a presque soixante ans. Le contexte économique, social et politique n’avait pas grand-chose de commun avec celui d’aujourd’hui. La durée du mandat présidentiel était de sept ans. L’Assemblée nationale était élue pour quatre ans, sauf « accident de parcours ». Le système fonctionnait sans inconvénient majeur. L’abandon du septennat a été motivé principalement par le refus de limiter à un mandat l’exercice de la Présidence, et de « prolonger » le premier mandat de Chirac. Deux mandats successifs (possibles) de cinq ans ont été préférés à un seul de sept ans. À cet égard, le quinquennat a été un échec. Les deux présidents qui l’ont expérimenté après JC n’ont pas été réélus. La stabilité forcée, leur pouvoir absolu et des résultats très contestés ont « dégouté » les citoyens… obligés d’attendre cinq ans pour « voter l’alternance »… et « repartir pour un tour de cinq ans ». C’est, probablement, ce qui se serait encore passé en 2017 s’il n’y avait eu les affaires Fillon.

Le retour au septennat, éventuellement unique, accompagné d’élections législatives à mi-mandat me parait bien préférable à notre système actuel, trop déséquilibré et pas en résonnance avec l’époque actuelle.

Le premier tour de la présidentielle a vu une forte montée des « extrêmes ». Pour certains analystes, en comptant les partis souverainistes, les électeurs de Hamon et les petits partis « contestataires », ils seraient majoritaires (voir la partie II). C’est un peu excessif. Ils représentent, en fait, environ la moitié de l’électorat.

Cette partition marque une fracture entre deux parties à peu près égales des citoyens. Ceux qui sont relativement satisfaits du système socio-économico-politique ou s’en accommodent

Et ceux qui en sont mécontents, n’y trouvent pas leur compte et/ou leur place… et voudraient changer le système (si on reprend la terminologie du FN). Ces derniers n’ont presque pas de représentants à l’Assemblée (AN). C’est une anomalie d’un autre temps, qu’il importe de corriger. En 1958, ce n’était, d’ailleurs pas pour éliminer l’extrême droite et/ou l’extrême gauche des débats parlementaires que la proportionnelle a été abandonnée. Elles comptaient alors très peu d’adhérents. Le FN n’existait pas. Aujourd’hui, le mode de scrutin majoritaire à deux tours, accompagné, en ce qui concerne le FN, de l’opposition d’un « Front républicain » (de moins en moins populaire) fait de l’AN une chasse gardée des partis dits « républicains », précisément, ou « de gouvernement », ou encore « du système ».

Il se peut que les partis « extrêmes » réussissent une petite percée aux législatives de mai, et soient alors en mesure de représenter leurs électeurs à l’AN. Ce serait préférable. Sinon, je pense qu’il serait juste et prudent d’introduire une dose de proportionnelle dans la représentation des électeurs, sans attendre l’échéance des législatives de 2022. Le candidat Macron s'est, d’ailleurs, proposé d'instiller un peu de « proportionnelle » aux législatives. Mais, sans « accident imprévu », après celles de 2017, les prochaines législatives doivent avoir lieu en 2022. Ne nous trompons pas, si les tendances se poursuivent, les « extrêmes » peuvent effectivement devenir majoritaires d’ici cinq ans. Il faut changer de regard et d’attitude.

L’UE et la mondialisation doivent être au cœur des débats et des décisions politiques. Les questions relatives à l’euro, à l’UE et à la mondialisation ont été escamotées pendant les discussions des présidentielles. Pourtant, la monnaie unique est un boulet pour la France. Pas parce que l’euro est sur évalué

par rapport au dollar et aux autres monnaies, puisque l’euro a été dévalorisé de l’ordre de 30 % depuis 2008. Et la balance commerciale de la France hors de l’UE est positive. Un peu grâce à nos exportations d’aéronefs et d’armement, ainsi qu’à la baisse des prix des hydrocarbures, il faut le dire. C’est à l’intérieur de la zone euro et de l’UE que le bât blesse le plus. Notre balance y est déficitaire. En raison d’une surévaluation de la parité de l’euro pour la France par rapport à l’Allemagne, aux Pays-Bas et à d’autres pays plus compétitifs que la France, d’une part, de concurrences dans l’UE qui ne sont pas très loyales (cf. le cas des travailleurs détachés), d’autre part. Notre fiscalité et notre protection sociale sont peu compatibles avec la compétitivité exigée sur les marchés internationaux, d’Europe et d’ailleurs. J’ai abondamment traité de ces sujets dans trois de mes articles récents. En rappelant que la France était trop endettée, qu’elle ne respectait pas le critère de Maastricht sur le déficit public, et que s’y soumettre rendrait très difficile la conservation de tous les « acquis » de notre modèle social.

L’avenir de la France s’annoncerait aussi plus serein dans une UE moins déprotégée. Inutile d’ajouter que de nombreux Français sont contrariés par la perte de la souveraineté nationale, la soumission aux diktats de Bruxelles, et veulent retrouver plus de liberté et de solidarité dans une UE radicalement changée.

M. Macron est un européiste et un mondialiste convaincu. Aussi, n’est-il pas certain qu’il soit allé porter un tel message à Mme Merkel lors de la visite qu’il lui a rendue aussitôt après son élection.

Il serait normal que la position et la politique de la France vis-àvis de l’UE soient expliquées et débattues à l’Assemblée. Cela permettrait aux citoyens d’être un peu informés et peut-être de faire part de leur avis.

II. – De premiers événements instructifs et des attitudes révélatrices

Score médiocre de l'élu au second tour et renforcement des "extrêmes"

Remettre les pendules à l'heure

Après « une ascension irrésistible », le jeune prodige Emmanuel Macron est devenu « Le Président ». Avec un score écrasant de 66,1 % contre seulement 33,9 % à Marine Le Pen ! Une performance extraordinaire, qu'il a accomplie... seul contre tous. Enfin, presque ! Nous avons pu le constater. Oui, la propagande des médias qui poussent au culte Macron depuis des mois n'a pas cessé avec son élection à la présidence. Elle redouble pour les législatives.

En réalité, le résultat obtenu par Macron au second tour de l’élection est très médiocre. L'abstention a été de 25,44 % des électeurs inscrits. Plus forte qu'au premier tour. Du presque jamais vu. Le nombre des votes blancs et nuls (8,51 % et 2,96 %) a atteint 11,47 % du nombre des votants. Un record. Ainsi, sur les 47,569 Mi d'inscrits, les 20,754 Mi qui ont voté Macron (« Front républicain » compris) ne représentent que 43,63 % du corps électoral.

C'est un peu plus que son prédécesseur. En 2012, François Hollande a réuni sur sa candidature 39,08 % du corps électoral. Quant au gladiateur précédent, Nicolas Sarkozy, en mai 2007, dans son corps à corps contre Ségolène Royal, il avait recueilli 42,68 % des suffrages de l'ensemble des inscrits... sans l'assistance du Front républicain.

Macron n'est pas JC. En mai 2002, Jacques Chirac et le Front républicain avaient laminé l'adversaire du second tour, JeanMarie Le Pen, avec un score de 82,21 % des suffrages exprimés, contre 17,79 %. Malgré une forte abstention, sans surprise, 62 % des électeurs inscrits avaient voté pour JC.

Marine n'est pas Jean-Marie Le Pen. Le FN s'est « dé diabolisé ». Ses adversaires n'ont toujours pas compris que les attaques très excessives, même si elles ont des effets escomptés immédiats, renforcent le FN dans la durée. Sa progression vient aussi de

l'échec des partis qui ont gouverné. Un échec qui motive le désir de changement très partagé qui s'est manifesté depuis des mois. Toujours est-il que la « grande perdante » de la présidentielle a recueilli 10,664 millions de suffrages le 7 mai... soit près du double des 5,525 Mi obtenus par son père en 2002.

En outre, le sondage Ipsos/Sopra Steria du 7 mai (5) est plutôt mauvais pour Macron : 43 % de ses électeurs ont voté en opposition à Le Pen. Il indique aussi que le second motif du vote Macron, pour 33 % de ses électeurs, est le désir de « renouvellement politique ». Son « programme » n'en motive que 16 %... et sa personnalité, 8 %. Autre mauvaise nouvelle pour LREM, un sondage Kantar SofresOnePoint réalisé juste avant le second tour pour RTL, Le Figaro et LCI (6), indiquait déjà que seulement 34 % des personnes interrogées espéraient qu'aux élections législatives des 11 et 18 juin le nouveau chef de l'État obtienne « une majorité pour gouverner ». 49 % préféraient que les élections donnent « une autre majorité à l'assemblée » que celle qui a élu Macron président.

« Les extrêmes sont majoritaires »

Dans une analyse publiée par Contrepoints le 5 mai (7) sous le titre « Les résultats de la présidentielle promettent des lendemains difficiles », son auteur pronostiquait qu'au vu des résultats du premier tour et aux reports attendus au second, « les jeux sont faits et on peut prédire une paralysie du pouvoir durant cinq ans en France ». Une cause majeure à cela, « les extrêmes sont majoritaires », « 54,2 % contre 44 % ». Cette estimation à l’emporte-pièce, classe dans l'extrême gauche tous les électeurs de Hamon (6,36 % des votes) avec ceux de Mélenchon (19,58 %), de Florence Arthaud (0,64 %) et de Poutou (1,09 %). En face, à l'extrême droite, avec les électeurs de Marine Le Pen (21,3 %), elle met tous les « souverainistes » ayant voté Dupont-Aignan (4,7 %) et les électeurs d'Asselineau (0,92 %). Cela donne une extrême gauche à 27,27 % et une extrême droite à 26,92 %.

Entre les extrêmes ne restent, ainsi, que les 24,1 % d'électeurs de Macron (tous considérés comme de gauche) et les 20,1 % d'électeurs de droite de Fillon.

Personnellement, je suis dubitatif sur les positions « extrêmes » de tous les électeurs de Hamon et de Dupont-Aignan. Quant à la répartition droite/gauche, les électeurs de Macron sont plus « mélangés ». Et, entre électeurs de Mélenchon et de Le Pen, une certaine « porosité », lorsque ce n'est une « affinité », a été constatée.

L'électorat est ainsi divisé (fracturé, disent certains) entre quatre à six blocs qui vont s'affronter aux législatives, pour donner une Assemblée dont il serait hasardeux de prédire qu'elle permettra une gouvernance sereine de la France. Ajoutons que Mélenchon, « le tribun charismatique », « le philosophe lyrique » qui a été encensé par les médias, entend « croquer » ce qui reste du PS de Hamon et des siens, pour faire de « La France insoumise » le 1er parti d'opposition. Et Macron fait son possible pour faire exploser « Les Républicains ». Peut-être pas tout à fait conscient qu'en cas de « succès », il précipitera une partie des cadres de LR... et de leurs électeurs dans les bras de Debout la France et du FN. Renforçant encore davantage les « extrêmes ».

Avant même l'investiture, des masques ont commencé à tomber

Intox et désinformation

Plus que chez les autres partis, les médias grand-public aidant, la stratégie électorale de LREM use de la « communication ». Et, hélas, la communication n'exclut pas l'instrumentalisation, l'intox et la désinformation. Ainsi, LREM, n'a cessé de mettre en avant ses prestigieuses « prises de guerre », et notamment celles de MM. Bayrou, Le Driant et Borloo. Sur la lancée, le 11 mai, RTL a annoncé un accord « scellé » entre Juppé et Macron. Un « scoop » (de quelle source ?) vite relayé par d'autres médias. Il visait à accréditer un rapprochement entre les deux hommes et la bénédiction par Juppé de l'entrée dans le Gouvernement de Macron de « plusieurs ténors de la droite modérée, notamment Édouard Philippe, pressenti pour occuper le poste de Premier ministre ». La clarification de Juppé a été cinglante: « La capacité d'invention et de mensonge de certains médias n'a aucune limite. Il n'y a évidemment aucun accord Juppé/Macron » a-t-il déclaré le 12 mai (8).

Autre « prise de guerre » remarquée, démentie par l'intéressé : celle de Mourad Boudjelal, président du Rugby Club de Toulon, qui a figuré sur la liste des candidats investis par LREM pour les législatives. Ce n'était, d'ailleurs, pas le seul « couac » de ce genre dans la liste du 11 mai. 14 auraient été relevés « (plus les petits couacs locaux...) ». Un article sur lemonde.fr, le 12 mai, intitulé « Les erreurs dans les investitures d'En marche montrent l'amateurisme du mouvement » (9), est très révélateur du caractère réel de la procédure de sélection des candidats LREM, par laquelle, « Au-delà des couacs, on a l'impression que cette liste ne résulte que de calculs politiciens. Est-on vraiment loin de l'ancienne politique sur ce plan ? » C'est une interrogation de Glam, faisant partie des questions posées par des internautes et des journalistes au chef du service politique du Monde auxquelles il répond dans cet intéressant article.

Autre type de leurre, le sondage que l'on pourrait qualifier de « bidon ». La liste des noms des 428 candidats à la députation sélectionnés par LREM a été « dévoilée » (aux médias) le jeudi 11 mai. La plupart de ces candidats (provenant pour 52 % de la « société civile ») sont inconnus du public. De plus, seulement un minuscule pourcentage des Français a pu prendre connaissance de la liste puis se donner la peine de l'éplucher (étudier) dans la journée... pour se forger une opinion. Il fallait vraiment être très motivé et disponible pour cela. Quel crédit peut-on alors accorder à un « Sondage réalisé en ligne le 11 mai après 20 h après la présentation des candidats de la République en marche aux élections législatives de 2017, sur un échantillon de 1.017 personnes, représentatif des Français âgés de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas » (10). Pourtant, sans perdre de

de temps, dès 6 h 58 le 12 mai, était diffusé ce « résultat » selon lequel « 76 % » des Français jugent positivement la liste République en marche. Ce n'est pas tout. L'échantillon sondé a aussi pu se prononcer sur la qualité des « projets » concurrents. Parmi les sondés, 39 % pensent que LREM a « un bon projet pour les législatives », tandis que ce n'est que 27 % pour celui de la France insoumise (LFI) de Mélenchon, 24 % pour celui de LR, ainsi que pour celui du FN, et 17 % pour celui du PS. Le total de ces pourcentages (qui ne comprend pas ceux en faveur des « petits partis ») est de 131 %. Les préférences partisanes indiquées ne sont donc pas exclusives... et très assurées.

Un autre résultat mérite d’être signalé. Six « candidats » au poste de Premier ministre ont été proposés aux sondés. 52 % d'entre eux n'en ont retenu aucun. 15 % ont choisi Bayrou, 10 % ont préféré Louis Borloo, 8 %, Jean-Yves Le Drian, 6 %, Sylvie Goulard (députée européenne, LREM de la première heure), 5 %, Richard Ferrand (secrétaire général de LREM)... et 4 % ont opté pour Édouard Philippe (député et maire du Havre).

C'est ce dernier que Macron a nommé Premier ministre ce 15 mai, après « un insoutenable suspense ». Se souviendra-t-on de ce résultat très négatif du sondage ? J'en doute. Au contraire, on a entendu fleurir les hommages à Macron et à sa « prise de guerre »... présentée comme destructrice pour Les Républicains.

« Le méli-mélo des investitures »

Cette formule figure dans l’article du 14 mai de Contrepoints précité (11). Il indique que 19.000 dossiers de candidatures ont été déposés sur le site d’En marche depuis le 19 janvier, que sur les 428 noms dévoilés le 11 mai se trouvent ceux de 214 femmes et de 214 hommes, que l’âge des candidats va de 24 ans à 72 ans, et que la moyenne en est de 46 ans. 52 % sont issus de la société civile. Ils n’ont jamais exercé de mandat électif. La liste comprend aussi 24 parlementaires venus du PS. Parmi les candidats, 93 % sont en activité professionnelle, 4 % sont à la retraite, 2 % en recherche d’emploi, et 1% sont des étudiants.

Ce tableau statistique, de source « La République en marche » est la principale info « globale » diffusée pour montrer l’ampleur de l’élan vers LREM. La liste du 11 mai laissait 149 circonscriptions sans candidats. Pourquoi ? C’est le flou. Certaines resteraient « libres » pour ne pas faire opposition à des candidats d’autres partis, surtout de droite et du centre, jugés « macron-compatibles ». Mais, Évry, avec Valls, serait aussi dans ce cas. Et, « Le Foll, Touraine et El Khomri pourraient bénéficier de la même mansuétude s’ils abandonnent l’étiquette PS ». En définitive, le 19 mai, jour de clôture des dépôts de candidatures, la liste de LREM a compté 522 noms.

La constitution de la liste a soulevé nombre de questions. Sur quoi, sur quel programme, s’engagent les candidats d’horizons et de convictions différenciées ? Les futurs députés LREM devront leur élection plus à leur « label » qu’à leur notoriété personnelle. Cela en fera-t-il des « godillots » qui vont voter les yeux fermés suivant les directives du parti ? Quels ont été les véritables critères de sélection entre les 19.000 candidats qui

ont transmis leurs CV à la Haute Commission chargée de les dépouiller et de soumettre ses choix à Macron ? Une démarche très centralisée, secrète, sans consultations des électeurs concernés. LREM n’a pas cessé d’en vanter le caractère professionnel et innovant, garantissant la grande qualité des sélectionnés, malgré les couacs observés.

« Imbroglio entre Bayrou et Macron » et réouverture du bal des cocus

Cette dénomination pudique « imbroglio » se trouve dans un article de Contrepoints du 14 mai intitulé « Législatives : les choses se compliquent pour Macron » (11). En échange de son ralliement à Macron et de son très précieux appui, Bayrou a assuré avoir négocié un accord garantissant que de l’ordre de 120 investitures aux législatives seraient réservées à des candidats du Modem. Dans la liste des 428 candidats LREM du 11 mai, il n'en a trouvé que 38… contre 153 ex-PS et Radicaux de gauche, notamment. D'où son courroux et l’affirmation : « L'accord que nous avions négocié depuis des mois a été foulé aux pieds, En tout état de cause, je ne participerai pas à une opération de recyclage du PS ». Embarras chez LREM, et timide contrefeu mettant en avant, qu'il n'y avait pas eu de tractations, d'accords d'appareils, mais seulement une entente sur les idées et les valeurs, que le président du Modem voulait « aider, rien d'autre ».

Or, Marianne indiquait dès le mois de mars « qu'un accord législatif existait bel et bien et qu'il accordait 96 investitures au centre, dont au moins 80 au Modem » (11). Le 23 mars, d’ailleurs, dans un article intitulé « Elections législatives : Emmanuel Macron annonce un accord avec François Bayrou », Marianne (comme RTL et d’autres médias) confirmait cet accord législatif, dont l’hebdomadaire avait déjà annoncé la préparation dès le 23 février. Un accord qui a donné lieu à près d’un mois de « tractations d’appareils ». Par cet accord, « le Modem aura d’ailleurs le droit de conserver son « identité propre » au sein de l’éventuelle majorité présidentielle » (12). « Fin février, l’entourage d’Émmanuel Macron évoquait auprès de Marianne au moins un sixième des places, soit 96 investitures, pour un pôle comprenant des élus du Modem, du parti Radical de gauche (PRG) et du Parti radical valoisien ». Les tractations et les comptes d’apothicaire ont donc repris de plus belle.

« Le flou a été largement cultivé de part et d’autre avant la présidentielle pour ne pas trop ternir les concepts macroniens de politique autrement, renouveau et fraicheur printanière »… « Il n’empêche que sa petite aventure jette une lumière plutôt blafarde sur tous les flous qui sont en quelque sorte, ça se confirme, la marque de fabrique du modus vivendi politique d’Emmanuel Macron » (11).

Le 12 mai, dans les mots clés relevés dans les 36 000 citations des internautes concernant « l’affaire Bayrou », les termes « trahi » et « cocu » étaient très présents (13)… et, sur Twitter, un commentaire, parmi d’autre, ironisait : « Rien ne va déjà plus entre @Bayrou et #Macron. En matière de rouerie, @Bayrou a trouvé plus tordu que lui. ».

Bayrou est un « dangereux » récidiviste. En 2012, il avait appelé à voter pour Hollande, scellant la défaite de Sarkozy. Avec l’espoir de quelque reconnaissance, telle un poste de Premier ministre, ou le « perchoir » à l’Assemblée, par exemple. Il a vite déchanté. Aussitôt élu Président, Hollande lui a tourné le dos. Cocu ! L’imbroglio 2017 « Bayrou/Macron » n’est pas sans similitudes avec le « séisme Bayrou/Hollande ».

Hollande lui-même n’a pas manqué d’être « trahi ». Par les « frondeurs » et par Manuel Valls, qui lui ont fermé la porte de la candidature à sa propre succession. Et, le coup de grâce lui a été porté par son fils putatif Emmanuel macron, pour lequel il semble avoir conservé beaucoup de tendresse.

Valls est aussi entré bruyamment dans cette famille recomposée de têtes à cornes. Avec la déconfiture du PS, Manuel n’a pas tardé à déclarer sa flamme à Emmanuel. Malgré son expérience du 49-3, la proximité (présumée) de ses idées sociales libérales avec celles de Macron et son « envergure » politique, LREM lui a refusé son investiture pour les législatives dans son fief d’Evry. Vexation supplémentaire, LREM a fait savoir avec force pub qu’elle ne lui opposerait pas de candidat. Il a dit « merci » (pitié, autrefois). Il lui a fallu plusieurs jours pour se rendre compte de l’humiliation subie, pour exprimer sa colère et pour « s’en prendre » à Macron le 14 mai, date de l’investiture de ce dernier (14). « On joue jusqu’au bout, on l’humilie, on l’isole, le tout pour finir par une solution de compromis », a-t-il affirmé, parlant de lui-même. « Mais ils l’ont fait de façon tellement appuyée que ça s’est retourné contre Macron. C’est devenu le cas Valls », a-t-il ajouté.

Il est évident que Macron a besoin de Bayrou. Jusqu’aux législatives, tout du moins. Aussi, après des dénégations de LREM, des passes d’armes à fleurets mouchetés, pour sauver les faces, sans compromettre des retrouvailles espérées, une nouvelle liste de candidats aux législatives a été présentée le 15 mai. Elle porte 511 noms, dont environ 80 de candidats du Modem (15). Parmi ceux-ci se trouve sa fidèle Marielle de Sarnez. Son investiture fait polémique chez les macronistes. Elle en est à son quatrième mandat de députée européenne, alors que Macron a décidé de fermer les investitures à des personnes ayant déjà vécu trois mandats de parlementaires. Une « entorse » dont Valls n’a pas bénéficié. Quoi qu’il en soit, la candidate, dans le 14e arrondissement de Paris, n’est pas du tout sûre d’être élue. Elle affrontera un poids lourd socialiste, le député sortant Pascal Cherki.

Le 17 mai, nous étions informés de la nomination de François Bayrou au gouvernement en tant que ministre d’Etat, garde des Sceaux, ministre de la Justice. En même temps, Marielle de Sarnez était nommée ministre chargée des affaires européennes. Avec un petit souci, tout de même. En cas d’échec aux législatives, comme les 5 autres ministres qui sont aussi candidats, elle devra quitter le gouvernement. Quitte ou double.

En cas de réussite, elle restera ministre et la fonction de député échoira à sa suppléante. Des électeurs ont compris qu’en réalité il ne s’agit pas de voter pour une candidate à la députation, mais pour qu’elle garde son poste de ministre.

III. – A quoi serviront les ministres ?

L’encadrement par l’Elysée, la technostructure et l’énarchie

La garde rapprochée de Macron aussitôt installée à l’Elysée

Dès le 14 mai trois collaborateurs de Macron lorsqu’il était ministre de l’Économie ont été nommés à l’Élysée (16) : Alexis Kohler, 44 ans, énarque, succède au redoutable Jean-Pierre Jouyet au secrétariat général de l’Élysée ; Patrice Strzoda, 64 ans, énarque, devient directeur de cabinet du président de la République ; Ismaël Emelien, 30 ans, « stratège » et spécialiste en communication d’En marche.

Ce trio est complété par Philippe Étienne, 61 ans, énarque, ambassadeur de France en Allemagne, après l’avoir été dans d’autres pays et avoir travaillé dans plusieurs cabinets ministériels. C’est le « sherpa » de Macron en matière de politique étrangère.

La méfiance à l’égard des cabinets ministériels

La multitude et la complexité des dossiers à traiter peuvent inciter des ministres, surtout s’ils sont inexpérimentés et/ou viennent de la société civile, à se doter de cabinets étoffés, de véritables technostructures, qui peuvent avoir tendance à prendre le pouvoir. Pour limiter ce risque et les déviations, les dérives, qui peuvent en découler, Macron a décidé de contrôler la situation. Sans attendre, il a produit un décret présidentiel encadrant le fonctionnement des cabinets (17). La procédure est inhabituelle ; elle relève normalement du Premier ministre. Le décret limite à 10 le nombre de conseillers d’un cabinet ministériel et fixe des règles de « transparence » concernant l’emploi et les tâches de ces conseillers.

Macron se méfie d’autant plus des cabinets que nombre d’entre eux sont tenus par des conseillers de droite. Et les cabinets ministériels ont la réputation d’être « les principaux vecteurs d’une politisation de la fonction publique », contre laquelle il entend lutter… maintenant qu’il est président.

L’importance stratégique des cabinets et de l’énarchie

L’obtention de l’accord d’Édouard Philippe pour exercer les fonctions de Premier ministre a été laborieux notamment parce que Macron a voulu lui imposer un directeur de cabinet de son choix, Nicolas Revel, DG de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). Refus catégorique. Philippe a préféré Benoît Ribadeau-Dumas, un camarade de promo de l’ÉNA, qui a été conseiller technique de Raffarin et qui a une expérience de l’entreprise.

 

Plusieurs autres ministres ont choisi des directeurs de cabinet énarques. Bruno Lemaire, a pris un ex-conseiller économique de Sarkozy. Nicolas Hulot a retenu une conseillère à la Cour des comptes. Entre hauts dirigeants, il est important de parler la même langue, de partager un même esprit de corps… et de s’associer des compétences qui nous manquent. Au risque d’une certaine consanguinité.

Un Premier ministre aux convictions évolutives

« Avec Édouard Philippe, le changement, c’est normand ! ». C’est le titre d’un article de Nathalie MP sur contrepoints.org (18), qui s’est plongée « dans les circonvolutions de sa biographie ». 46 ans, énarque, conseiller d’État, spécialisé en droit public, il commence sa carrière politique en militant pour la gauche de Michel Rocard. En 2001, il est attiré vers la vie locale par le maire RPR du Havre, Antoine Rufenacht. La même année, Alain Juppé l’appelle pour participer à la création de l’UMP. Ils deviennent amis. Il reste auprès de Juppé jusqu’en 2004, quand celui-ci doit démissionner pour emplois fictifs à la mairie de Paris. Après des détours par un cabinet d’avocats, par Areva, et un bref passage en 2007 par le cabinet de Juppé, alors ministre de l’Écologie, il réintègre le Conseil d’État, avant des revenir au Havre et d’y être élu maire en 2010, suite à la démission de son mentor local. Maire, il devient aussi député de Seine-Maritime en 2012. On le retrouve porte-parole de Juppé en 2016, lors des primaires de la droite. Juppé défait, il suit François Fillon, puis le quitte en 2017.

À ses débuts de maire du Havre, Philippe avait « théorisé » le « ni de droite, ni de gauche » ou le « à la fois de droite et de gauche », plus tard enfourché par Macron. Maire et député, il était notoirement opposé au « non cumul des mandats ». Il était aussi foncièrement hostile aux déclarations de patrimoine des élus et a rempli la sienne sans trop de précision sur la valeur de ses propriétés. Soutien de Fillon, il a déclaré « Macron (…) n’assume rien mais promet tout, avec la fougue d’un conquérant juvénile et le cynisme d’un vieux routier (si j’ose dire, s’agissant du promoteur des autocars), Libération, 18 janvier 2017 ».

Emmanuel Macron avait donc maintes raisons de lui proposer d’être Premier ministre. Ses deux mentors, Juppé et Rufenacht, lui auraient fortement déconseillé de « s’embarquer dans cette galère ». L’ambition, sans doute, l’a poussé à accepter. Avec son recrutement et la tactique de « la main tendue », l’idée était de susciter beaucoup de ralliements d’élus et de personnalités de droite. Les résultats ont été nettement plus modestes qu’espéré.

Un gouvernement équilibré, satisfaisant, fait pour durer ?

Une popularité à géométrie variable

Le 18 mai, au lendemain de la nomination du Gouvernement, un article titrait « Macron et Philippe privés d’état de grâce » (19).

Un sondage indiquait que « les Français ne sont pas prêts à faire confiance les yeux fermés au nouveau couple exécutif. Le président de la République bénéficie de 45 % de cote de confiance. 46 % des Français ne lui font pas confiance, 9 % sont sans opinion… » Au même stade, la côte de confiance était de 58 % pour Hollande en 2012, de 59 % pour Sarkozy en 2007 et, pour Chirac, de 61 % en 1995 et 53 % en 2002.

Que s’est-il passé entre le 18 et le 21 mai ? Les sondeurs se sontils fait remonter les bretelles ? Toujours est-il que le 21 on pouvait lire « Popularité : 62 % des Français satisfaits du président Macron, 55 % du Premier ministre Philippe » (20). C’était des résultats d’un « sondage réalisé par interview au téléphone les 19 et 20 mai auprès d’un échantillon de 973 personnes représentatif… ».

Le tir avait été rectifié ? Pas sûr. Car, mis bout-à-bout, ces deux sondages réalisés à très peu de temps d’intervalle peuvent laisser penser que 62 % des Français sont satisfaits de Macron, mais que 45 % seulement lui font confiance. Ceci n’est qu’un détail, qui montre combien il est difficile de maîtriser l’information à toute fin utile.

Un Gouvernement resserré, équilibré aux forceps

Nous savons que la formation du Gouvernement a été laborieuse. Il devait, en particulier obéir à des contraintes arithmétiques : 1 - comprendre des ministres des différents partis, de façon a bien apparaître « de droite et de gauche » ; 2 – ne pas compter trop de ministres, pour être resserré ; 3 - réserver une place significative à la « société civile » ; 4 - avoir autant de femmes que d’hommes, parité oblige.

Après des tractations et de « subtiles » combinaisons, la réussite n’est pas au rendez-vous. Certes, le nombre de ministres nommés par Macron (et Philippe ?) est limité à 18 + 3 secrétaires d’État. Mais certains domaines, tels le logement, la politique de la ville, le commerce extérieur et le tourisme, ne sont pas couverts, au moins explicitement. Le travail reste à finir. Et il pourrait y avoir de nouvelles entrées après les législatives.

Le Gouvernement (21) compte 12 ministres et secrétaires d’État ayant un passé politique. 2 sont de droite, ex LR, 3 sont du Modem, 3 sont d’ex PS ou PRG, et 4 sont de LREM, dont 2 ex PS. Il pencherait donc plutôt à gauche et au centre-gauche. Mais, il se présente surtout comme un puzzle dont il sera difficile d’ajuster les pièces.

Parmi les 10 ministres issus de la société civile, 2 seulement sont des hommes, et il on ne peut pas dire que Nicolas Hulot ainsi que le ministre de l’Éducation, Jean Michel Blanquer, n’ont pas touché à la politique. Ainsi, les 8 ministres véritablement issus de la société civile sont tous des femmes… qui apparaissent un peu comme des « variables d’ajustement » de choix « multicritères » trop compliqués, en grande partie « autoimposés ». Ces choix dénotent aussi des visions spéciales de l’égalité hommes/femmes et de la société civile. Les médias, trop occupés à louer, n’ont (évidemment ?) pas relevé ces « spécificités ».

les ministres qu’il faut, aux places qu’il faut ?

Des titres prestigieux ont été décernés à deux éminentes prises de guerre de LREM. Derrière Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’Intérieur, fidèle conseiller de Macron, Nicolas Hulot a été nommé ministre d’État, ministre des Transitions écologiques et solidaires, et François Bayrou a été nommé ministre d’État, garde des Sceaux, ministre de la Justice. Or, il n’a pas de compétences juridiques reconnues. Un handicap pour diriger un ministère chargé de questions souvent d’une grande complexité technique. Il est déjà dans le bain, en prise avec la moralisation de la vie publique (d’après des sondages non représentatifs, les Français n’y croient pas), la régulation du non cumul des mandats et la dépénalisation du cannabis. A la fin mai, « l’Affaire Richard Ferrand », comparée à « l’affaire Fillon », laisse toujours la Justice indifférente, et fait de plus en plus jaser (22).

Jean-Yves Le Drian, pourrait prendre ombrage de ne pas être ministre d’État. On le dit surtout mécontent de ne pas avoir été nommé ministre de la Défense, alors que son ralliement avait été porté aux nues par LREM et les médias car il renforçait les compétences régaliennes du parti et apportait à Macron une haute autorité dans un domaine où elle lui faisait défaut. Mais, le poids lourd Le Drian ne doit pas faire de l’ombre au chef de l’État. C’est pourquoi (si l’on peut dire) il a été nommé ministre de l’Europe et des Affaires étrangères.

Le chef de l’État est le chef des armées. Il semble très attaché à cette fonction, qui a été si gratifiante pour son prédécesseur. Il nous l’a montré, debout sous la pluie dans un command car sur les Champs-Élysées, très sécurisées, le 14 juillet, ainsi qu’en visite à nos forces militaires au Mali.

Sylvie Goulard, Modem, proche de Macron, a été nommée ministre des Armées (et non de la Défense). Logique : elle est députée au parlement européen et sa spécialité, ce sont les Affaires européennes.

Bruno Le Maire, nommé ministre de l’Économie, a été secrétaire d’État aux Affaires européennes puis ministre de l’Agriculture sous Sarkozy. Lors de sa candidature malheureuse aux primaires de la droite, il s’était déclaré pour une baisse de la CSG à 6 %, la suppression de l’ISF, une taxation uniforme à 25 % des revenus de l’épargne et le statu quo sur l’assurance-vie (21). Pas très macronien, tout cela. Il s’adaptera sans doute au changement… s’il est élu député dans sa circonscription, où il est attendu au tournant, et reste ministre.

Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, a 34 ans. Il est juriste, sans connaissance approfondie des mécanismes budgétaires, et n’a pas d’expérience ministérielle. Il a été député du Nord, maire de Tourcoing, porte-parole de Sarkozy pendant la campagne de 2014 pour la présidence de l’UMP, et a lâché Fillon en pleine campagne en 2017. Il a des responsabilités importantes et étendues dans le Gouvernement, puisqu’il a en charge le budget de l’État, les comptes de la Sécu, ainsi que la fonction publique et la réforme de l’État (21)… sur le papier, du moins. Car les observateurs avisés estiment que « Le plus probable, donc, si Macron veut assurer la maîtrise des comptes publics comme nos partenaires européens l’attendent, est qu’il recentre le processus budgétaire à l’Élysée et qu’il soit le vrai ministre du Budget » (37). Nous avons vu qu’il s’est équipé pour.

« Du côté de la Sécurité sociale, la situation sera pire ». Agnès Buzyn, nommée ministre des Solidarités et de la Santé, est un médecin issu de la société civile. Elle n’a pas l’expérience du maquis financier et budgétaire de la protection sociale (23). Pourtant, le programme de Macron est ambitieux, puisqu’il veut fiscaliser les recettes de la Sécu, réformer en profondeur le système des retraites et en réviser le mode de gestion paritaire (24).

Macron s’est « inquiété » de la question. Il a voulu imposer à Philippe un directeur de cabinet, Nicolas Revel. Un « homme- clé », directeur général de la CNAM. Philippe l’ayant refusé, si Revel reste à son poste actuel, la ministre de la Santé ne fera pas le poids face à lui. Inutile d’allonger ici, notamment avec celles d’autres ministres issus de la société civile, la liste des nominations « bizarres » qui peuvent nuire à une gouvernance de la France démocratique et efficace. Les cas précédents sont suffisants pour nous alerter sur le type de domination sans partage qui menace.

Informons nous, ne nous laissons pas endormir ou manipuler ! Ne votons pas les yeux fermés.

NB : A l’aide de « tête-à-tête » et de poignées de main appuyées très médiatisées, Macron a montré sa sympathie pour les présidents Erdogan et Trump (qui avait refusé de serrer la main d’Angela Merkel). Ils sont mal vus en Europe. Trump a beaucoup déçu, négatif quant au traité de Paris sur le climat et en recul sur l’engagement américain, au moins financier, dans l’OTAN. Le président Poutine a été reçu avec le faste dû à un tsar à Versailles. Condamné dans l’UE pour « l’annexion » de la Crimée et son soutien à Bachar El Hassad en Syrie, notamment, il était encore exclu du G7 la veille. Une stupidité ! Mais, était-ce à Macron de le dédiaboliser, seul, sans contreparties ? En diplomatie, il est déconseillé de confondre vitesse et précipitation. Au-delà des postures, mieux vaut ne pas méconnaître la puissance réelle de ses interlocuteurs, ne pas oublier Jean de La Fontaine et sa fable « la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf.

Sources et références

(1) Pau : François Bayrou mis en examen pour diffamation publique, larepubliquedespyrenees.fr/17/01/2017 + Pourquoi François Bayrou reste au Gouvernement malgré sa mise en examen francetvinfo.fr/ politique…, le 21/05/2017 - (2) Les arrangements très lucratifs de Richard Ferrand, orange.fr/politique…, le 24/05/2017 + francetvinfo.fr/politique/gouvernement-d-edouard-philippe/soupcon-d-emploi-fictifrichard-ferrand-assure-que-le-travail-de-son-fils-etait-reel, le 24/05/2017 - (3) Un proche de Macron accusé d’avoir abusé de son indemnité, orange.fr/France…, le 24/04/2017 - (4) Martine Aubry. « On a cassé la politique », orange.fr/politique, le 25/05/5017 - (5) Sondage : 43 % des électeurs de Macron ont voté en opposition à Le Pen, publicsenat.fr/article/politique/sondage 07 mai - (6) Législatives : près d'un Français sur deux souhaite une cohabitation, lefigaro.fr/politique/2017/05/07... + Macron face au piège des législatives, premium.lefigaro.fr/elections/presidentielles/2017/05/07... - (7) contrepoints.org/ 2017/05/05/288736.... - (8) Juppé dément tout accord avec Macron, le 12/05/2017, elections2017.actu.orange.fr/news/juppe... - (9) lemonde.fr/elections-legislatives-2017/article/2017/05/12/les-erreurs... - (10) Législatives : 76 % des Français jugent positivement la liste République en marche ! selon un sondage (Atlantico et Harris Interactive), actu.orange.fr, source : AFP, publié le 12 mai 2017 à 06 h 58 + Législatives : 76 % des Français jugent positivement la liste de la République en marche europe1.fr/politique/legislatives-76..., le 12/05/2017 - (11) contrepoints.org/2017/05/14/289372-legislatives-choses-secompliquent... - (12) marianne.net/politique/elections-legislatives-emmanuel-macron…, le 23/03/2017 - (13) Législatives : Bayrou ne marche plus pour Macron, pop2017.presidentielles.actu. orange.fr/billet/ 485…, le 12/05/2017 - (14) Valls s’en prend à Macron, « méchant » qui n’a eu « rien de magnanime » envers lui, AFP, publié le dimanche 14/05/2017 - (15) Législatives : de nouveaux candidats MoDem investis par le parti de Macron, Europe 1, le JDD, 16/05/2017 - (16) La nouvelle équipe de Macron à l’Élysée, lesechos.fr/politique-societe…, le 14/05/2017 - (17) Ce que vous ignorez dans l’ombre des cabinets ministériels par Eric Verhaeghe, contrepoints.org/2017/05/21/289915… - (18) Avec Édouard Philippe, le changement c’est normand !, contrepoints.org/2017/05/19/289757… - 19) Sondage : Macron et Philippe privés d’état de grâce, lefigaro.fr, le 18/05 2017 - (20) Popularité : 62 % des Français satisfaits du président Macron, 55 % du Premier ministre…, orange.fr/politique/popularite…, le 21/05/2017 – (21) Gouvernement Edouard Philippe : qui sont les ministres de Macron, lefigaro.fr/elections/presidentielles/201/05/1735003… + Bercy : les nouveaux locataires, contrepoints.org/2017/05/21/289938… - (22) Affaire Richard Ferrand : la moralisation de la vie politique attendra, contrepoints.org/2017/05/27/290422… - (23) Emmanuel Macron sera-t-il le vrai ministre du Budget ?, contrepoints.org/2017/05/ 18/289702… - (24) Quel sera l’impact du Gouvernement Philippe sur la Sécurité sociale ?, contrepoints.org/2017/05/19/289750...

 

 

 

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