Dîner-débat du 9 mai 2017

En présence de Monsieur Olivier DELORME

QUELLE EUROPE APRÈS LES PRÉSIDENTIELLES ?

Par Christine Alfarge

« Que veut-on faire de l’Europe ? »

Les perspectives européennes.

L’élection présidentielle de 2017 est décisive concernant la place de la France en Europe. Quelle impulsion va-t-elle provoquer ? Redonner un équilibre entre la France et l’Europe sera un défi majeur, fidèle à l’idée européenne du Général de Gaulle :« L’Europe doit compléter les nations qui la composent et non s’y substituer ».

Répondre à la question de l’avenir face à l’ordolibéralisme allemand.

Le seul espoir, voir émerger une Europe politique, c’est la grande question qui continue de se poser parce que nous ne sommes pas sortis de la crise, conséquence d’une monnaie unique qui a été décidée sans avoir défini en commun les secteurs de compétitivité, de l’inflation, des problèmes sociaux conduisant fatalement au chaos que nous connaissons. Il faut se mettre d’accord sur toute la conduite à tenir basée sur le rapprochement franco-allemand, la stabilité de la monnaie ayant toujours été perçue, dans la culture politique de l’Allemagne fédérale, comme la condition indispensable de la stabilité politique.

Aujourd’hui, quel est le risque politique ?

Selon Olivier Delorme :« Conséquence structurelle de l’Europe et de l’euro, il apparaît une modification en profondeur impliquant une restructuration du jeu politique, une tentative de renouvellement totalement cosmétique. Réduire sans cesse la base électorale des partis traditionnels provoquant l’émergence de partis « kleenex » avec des caractéristiques semblables comme POTAMI en Grèce ou PODEMOS en Espagne et un leader jeune se réclamant du modernisme.

En France, le risque politique est celui d’une configuration sans majorité avec deux ou trois forces équivalentes dont celle d’une montée aux extrêmes. Quant à la perspective européenne du nouveau président français, elle oscille entre les propos tenus par Juncker : « les Français dépensent trop » et l’intransigeance allemande qui après les élections du mois d’octobre, continuera à ne faire aucune concession.

Pour le président Macron : « Faisons les réformes pour être pris au sérieux », Olivier Delorme s’exprime : « Qu’y a-t-il dans son programme ? La transcription des grandes orientations de Bruxelles qui posent des questions de souveraineté. Il propose des conventions démocratiques, pour quel aboutissement ? ».

Olivier Delorme ajoute :« Le président français veut un socle social commun, il a refusé de se prononcer pour les travailleurs détachés, il demanderait une révision partielle qui n’aboutira pas, la main d’œuvre à bas coût est trop bénéficiaire à l’Allemagne. Concernant la Défense, il veut une intégration plus poussée. »

Trois grandes innovations proposées dans les mains d’un ministre européen.

-Un Budget de la zone euro.

-Des investissements d’avenir

-Une assistance financière en cas d’urgence avec un parlement de la zone euro.

Sur ce point, Olivier Delorme précise que : « La jurisprudence de Karlsruhe est constante, on peut douter que la Cour valide. Un reproche, éloigné du citoyen et illisible, totalement opaque. Rajouter une institution supplémentaire, l’Allemagne y mettra des conditions encore plus drastiques. » Il faut rappeler que l’Allemagne n’a pas de Constitution, le peuple est souverain dans les Länder. La Cour de Karlsruhe qui régit tout notamment sur les traités, est garante de la souveraineté allemande.

L’Allemagne a toujours souhaité l’union politique, malgré ses réticences sur sa participation financière à l’Union européenne. Il y a une ambiguïté constante de sa position face à l’Europe politique, idéologiquement plus fédéraliste que la position française prônant depuis de nombreuses années un gouvernement de la zone euro en dehors de toutes perspectives d’institutions supranationales.

Aujourd’hui, la crise économique et financière qui est sans précédent, a conduit notamment à l’affaiblissement de l’Europe. L’Allemagne qui rechigne à mettre la main à la poche, n’a pourtant pas d’autres choix que de rester dans la zone euro dont elle a été le plus grand bénéficiaire de cette monnaie. Actuellement, si le deutschemark était utilisé, il serait surévalué et pénaliserait les exportations des entreprises locales.

Les banques allemandes qui détiennent 216 milliards d’obligations publiques de la zone euro répartis entre autres sur l’Espagne 35%, la Grèce 19%, l’Italie 77% et la France 21% seraient exposées à un risque de faillite en cas de cessation de paiement de tous ces pays. La zone euro est un marché vital pour l’Allemagne, le commerce vers ces pays représente 16% de sa richesse.

Comment les choses pourraient évoluer dans les prochains mois ?

Aujourd’hui, la France et l’Allemagne ont la même volonté de redonner une impulsion au projet européen, la coalition de centre droit de la chancelière Angela Merkel a les yeux tournés vers la France avec laquelle elle a su travailler pour la stabilité de l’euro. Les bases d’un accord existent pour un meilleur équilibre entre solidarité et responsabilité au sein de la zone euro. Cette crise n’est-elle pas une opportunité pour les Européens d’élaborer une vraie politique commune face au monde. Les crises, alimentaire, énergétique, écologique, financière, ont suscité de nombreuses questions. Qui peut-y répondre légitimement ? Commission, Conseil, Parlement européen, Banque centrale européenne, gouvernements nationaux ?

L’architecture européenne connaît des limites qu’il faudra bien redéfinir, les institutions actuelles sont trop impuissantes et trop contestées. L’amélioration du fonctionnement des institutions européennes est nécessaire à la réconciliation des opinions publiques de ses Etats membres avec le projet européen.

Selon Olivier Delorme : « Chaque citoyen doit être conscient que « la question européenne » détermine aujourd’hui la plupart des choix politiques. »

La priorité pour la France est de mener les réformes nécessaires pour regagner la confiance de Berlin ainsi que nos principaux partenaires européens, il nous faut démontrer que nous sommes un partenaire fiable. Il nous faut également respecter nos engagements budgétaires sur nos déficits publics en dessous de 3% du PIB. C’est au regard de tous ces efforts que la France pourra rééquilibrer ses relations avec l’Allemagne et lui demander de réduire ses excédents commerciaux, l’une des causes des divergences économiques croissantes au sein de la zone euro.

De Robert Schuman au Général de Gaulle et Konrad Adenauer, la construction européenne exigera d’abord que l’opposition séculaire de la France et de l’Allemagne soit éliminée. Le dépassement des nationalismes sera l’objectif majeur pour créer les conditions d’une paix durable dont le socle se trouvera dans la réconciliation franco-allemande. Si le Général de GAULLE s’oppose fermement à la Communauté européenne de défense en 1954et dira : « Dix ans après la Libération, il semble qu’une fois encore, un sursaut venu des profondeurs va sauvegarder l’indépendance de la France. La conjuration qui vise à la priver de sa souveraineté, à lui prendre son armée, à la séparer des terres et des Etats qui la prolongent outre-mer, paraît sur le point d’échouer devant le refus national », en revanche, il ne condamnera pas la constitution du Traité de Rome le 25 mars 1957 dont il en accélèrera la mise en œuvre à son retour au pouvoir en 1958. Le marché commun s’affirmera comme le premier moteur de la croissance intensive dans les années 1960.

Si l’Europe est encore à un échelon pertinent sur la scène internationale, un partenariat renforcé entre la France et l’Allemagne sera cependant primordial pour l’avenir du projet européen.

Une refonte des Traités européens s’imposera pour un meilleur fonctionnement économique, monétaire et surtout politique, à condition que la France soit fidèle à elle-même, à la hauteur de ses ambitions pour se réformer, devenir la première puissance en Europe dans les dix années qui viennent.

 

© 02.06.2017