Par Christine Alfarge
« Que veut-on faire de l’Europe ? »
Les
perspectives européennes.
L’élection présidentielle de 2017
est décisive concernant la place de la France en Europe. Quelle impulsion
va-t-elle provoquer ? Redonner un équilibre entre la France et l’Europe
sera un défi majeur, fidèle à l’idée européenne du Général de Gaulle :« L’Europe doit compléter les nations
qui la composent et non s’y substituer ».
Répondre
à la question de l’avenir face à l’ordolibéralisme
allemand.
Le seul espoir, voir émerger
une Europe politique, c’est la grande question qui continue de se poser parce
que nous ne sommes pas sortis de la crise, conséquence d’une monnaie unique qui
a été décidée sans avoir défini en commun les secteurs de compétitivité, de
l’inflation, des problèmes sociaux conduisant fatalement au chaos que nous
connaissons. Il faut se mettre d’accord sur toute la conduite à tenir basée sur
le rapprochement franco-allemand, la stabilité de la monnaie ayant toujours été
perçue, dans la culture politique de l’Allemagne fédérale, comme la condition
indispensable de la stabilité politique.
Aujourd’hui, quel est le risque politique ?
Selon Olivier Delorme :« Conséquence
structurelle de l’Europe et de l’euro, il apparaît une modification en
profondeur impliquant une restructuration du jeu politique, une tentative de
renouvellement totalement cosmétique. Réduire sans cesse la base
électorale des partis traditionnels provoquant l’émergence de partis
« kleenex » avec des caractéristiques semblables comme POTAMI en
Grèce ou PODEMOS en Espagne et un leader jeune se réclamant du modernisme.
En France, le risque politique est celui d’une configuration
sans majorité avec deux ou trois forces équivalentes dont celle d’une montée
aux extrêmes. Quant à la perspective européenne du nouveau président français,
elle oscille entre les propos tenus par Juncker : « les Français dépensent trop » et
l’intransigeance allemande qui après les élections du mois d’octobre, continuera
à ne faire aucune concession.
Pour le président Macron : « Faisons les réformes pour être pris au sérieux »,
Olivier Delorme s’exprime : « Qu’y
a-t-il dans son programme ? La transcription des grandes orientations
de Bruxelles qui posent des questions de souveraineté. Il propose des
conventions démocratiques, pour quel aboutissement ? ».
Olivier Delorme ajoute :« Le
président français veut un socle social commun, il a refusé de se prononcer
pour les travailleurs détachés, il demanderait une révision partielle qui
n’aboutira pas, la main d’œuvre à bas coût est trop bénéficiaire à l’Allemagne.
Concernant la Défense, il veut une intégration plus poussée. »
Trois grandes innovations proposées dans les mains d’un
ministre européen.
-Un Budget de la zone euro.
-Des investissements d’avenir
-Une assistance financière en cas d’urgence avec un parlement
de la zone euro.
Sur ce point, Olivier Delorme précise que : « La jurisprudence de Karlsruhe est
constante, on peut douter que la Cour valide. Un reproche, éloigné du citoyen et
illisible, totalement opaque. Rajouter une institution supplémentaire,
l’Allemagne y mettra des conditions encore plus drastiques. » Il faut rappeler
que l’Allemagne n’a pas de Constitution, le peuple est souverain dans les Länder.
La Cour de Karlsruhe qui régit tout notamment sur les traités, est garante de
la souveraineté allemande.
L’Allemagne a toujours souhaité l’union politique, malgré
ses réticences sur sa participation financière à l’Union européenne. Il y a une
ambiguïté constante de sa position face à l’Europe politique, idéologiquement
plus fédéraliste que la position française prônant depuis de nombreuses années
un gouvernement de la zone euro en dehors de toutes perspectives d’institutions
supranationales.
Aujourd’hui, la crise économique et financière qui est
sans précédent, a conduit notamment à l’affaiblissement de l’Europe.
L’Allemagne qui rechigne à mettre la main à la poche, n’a pourtant pas d’autres
choix que de rester dans la zone euro dont elle a été le plus grand
bénéficiaire de cette monnaie. Actuellement, si le deutschemark était utilisé,
il serait surévalué et pénaliserait les exportations des entreprises locales.
Les banques allemandes qui détiennent 216 milliards
d’obligations publiques de la zone euro répartis entre autres sur l’Espagne
35%, la Grèce 19%, l’Italie 77% et la France 21% seraient exposées à un risque
de faillite en cas de cessation de paiement de tous ces pays. La zone euro est
un marché vital pour l’Allemagne, le commerce vers ces pays représente 16% de
sa richesse.
Comment les choses pourraient évoluer dans les prochains
mois ?
Aujourd’hui, la France et l’Allemagne ont la même volonté
de redonner une impulsion au projet européen, la coalition de centre droit de
la chancelière Angela Merkel a les yeux tournés vers la France avec laquelle
elle a su travailler pour la stabilité de l’euro. Les bases d’un accord
existent pour un meilleur équilibre entre solidarité et responsabilité au sein
de la zone euro. Cette crise n’est-elle
pas une opportunité pour les Européens d’élaborer une vraie politique commune
face au monde. Les crises, alimentaire, énergétique, écologique, financière, ont
suscité de nombreuses questions. Qui peut-y répondre légitimement ?
Commission, Conseil, Parlement européen, Banque centrale européenne,
gouvernements nationaux ?
L’architecture européenne connaît des limites qu’il
faudra bien redéfinir, les institutions actuelles sont trop impuissantes et
trop contestées. L’amélioration du fonctionnement des institutions européennes
est nécessaire à la réconciliation des opinions publiques de ses Etats membres
avec le projet européen.
Selon Olivier Delorme : « Chaque citoyen doit être conscient que « la question
européenne » détermine aujourd’hui la plupart des choix politiques. »
La priorité pour la France est de mener les réformes
nécessaires pour regagner la confiance de Berlin ainsi que nos principaux
partenaires européens, il nous faut démontrer que nous sommes un partenaire
fiable. Il nous faut également respecter nos engagements budgétaires sur nos déficits
publics en dessous de 3% du PIB. C’est au regard de tous ces efforts que la
France pourra rééquilibrer ses relations avec l’Allemagne et lui demander de
réduire ses excédents commerciaux, l’une des causes des divergences économiques
croissantes au sein de la zone euro.
De
Robert Schuman au Général de Gaulle et Konrad Adenauer, la construction
européenne exigera d’abord que l’opposition séculaire de la France et de
l’Allemagne soit éliminée. Le dépassement des nationalismes sera l’objectif
majeur pour créer les conditions d’une paix durable dont le socle se trouvera
dans la réconciliation franco-allemande. Si le Général de GAULLE s’oppose fermement
à la Communauté européenne de défense en 1954et dira : « Dix ans
après la Libération, il semble qu’une fois encore, un sursaut venu des
profondeurs va sauvegarder l’indépendance de la France. La conjuration qui vise
à la priver de sa souveraineté, à lui prendre son armée, à la séparer des
terres et des Etats qui la prolongent outre-mer, paraît sur le point d’échouer
devant le refus national », en revanche, il ne condamnera pas la
constitution du Traité de Rome le 25 mars 1957 dont il en accélèrera la mise en
œuvre à son retour au pouvoir en 1958. Le marché commun s’affirmera comme le
premier moteur de la croissance intensive dans les années 1960.
Si l’Europe
est encore à un échelon pertinent sur la scène internationale, un partenariat
renforcé entre la France et l’Allemagne sera cependant primordial pour l’avenir
du projet européen.
Une
refonte des Traités européens s’imposera pour un meilleur fonctionnement
économique, monétaire et surtout politique, à condition que la France soit
fidèle à elle-même, à la hauteur de ses ambitions pour se réformer, devenir la
première puissance en Europe dans les dix années qui viennent.