L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE

ET LA SCIENCE DE L'ÉDUCATION RÉPUBLICAINE

(Deuxième partie)

par Jean-Louis GUIGNARD

L

’histoire de la Révolution française a été si mystifiée que les simples «  droits démocratiques » et la «  liberté » dont jouissent aujourd’hui les citoyens de France et des autres nations capitalistes européennes passent pour la principale conquête de cette période révolutionnaire, une conquête que nous devrions aux Jacobins, aux Sans-culottes et à la prise de la Bastille. Il est grand temps de démonter la supercherie et de jeter aux poubelles de l’histoire ces instruments de la politique britannique, les Mirabeau, Danton et autres Marat tenus aujourd’hui encore pour les grandes figures de la Révolution française. II est surtout grand temps que les hommes qui ont, eux, dirigé l’authentique Révolution française, relégués à un rang secondaire de l’histoire ou enfouis plus profondément sous des calomnies, soient connus du grand public pour la contribution cruciale qu’ils ont faite au développement de la civilisation humaine.

Le texte qui suit a été initialement publié dans La science de l’éducation républicaine, Campaigner Publications, 1980.

L’« École des Pythagore et des Platon »

« Le Comité doit vous dire que la grandeur de cette école est digne du peuple auquel elle est consacrée ; qu’elle satisfera doublement et aux besoins de la République et à l’instruction générale que le peuple réclame depuis cinq ans ; qu’elle répandra, de proche en proche, et dans toute la République, le goût si avantageux des sciences exactes, et que c’est enfin un puissant moyen de faire marcher d’un pas égal, le perfectionnement des arts utiles et celui de la raison humaine ».

Antoine Fourcroy, Rapport sur la fondation de l’École polytechnique, 1794.

L’École polytechnique fut essentiellement une victoire de la « science continentale » à un moment critique de l’histoire où l’antagonisme fondamental entre deux conceptions du monde avait été exacerbé de manière décisive par la Révolution américaine et la victoire du Système américain d’économie politique sur le système britannique. Historiquement, il existe deux approches opposées à la science, qui correspondent à deux points de vue épistémologiques généraux : celle pour laquelle l’univers est une collection de particules et phénomènes discrets considérés comme premiers en eux-mêmes, et qui tente de définir les processus physiques selon un ensemble de lois fixes ; et celle pour laquelle ce ne sont pas les phénomènes particuliers qui sont fondamentaux mais le principe selon lequel la totalité qui les englobe est sujette à un changement continu, changement qui est médié par les phénomènes particuliers, vers des ordres supérieurs d’organisation. La première de ces deux conceptions de l’univers est celle des « atomistes », Aristote, Newton, Hume, Locke, Voltaire et Rousseau, celle de l’empirisme britannique. Ces réductionnistes veulent que l’homme soit rivé à des lois fixes, ils lui nient la faculté de créer les outils avec lesquels découvrir des ensembles de lois supérieurs. La deuxième vision du monde est celle de Platon et du courant néo-platonicien lié à Descartes, Leibniz et aux « hydrodynamistes » du XVIIIe siècle que les Britanniques détestaient et appelaient par dérision la « science continentale ».

Pour les néo-platoniciens qu’étaient Monge et Carnot, l’objet de la science était d’accroître le pouvoir de l’homme sur l’univers par la découverte et la maîtrise de nouvelles lois, et ils avaient compris que ce faisant, l’homme s’engage dans un processus de soi-perfectionnement où la rationalité de cet univers qu’il peut maîtriser se reflète dans celle de son propre esprit. La science permet à la société de se développer vers des ordres d’efficacité de plus en plus grands en termes de pratique humaine, et c’est précisément à travers ce processus que l’homme peut accéder à la raison. Contrairement aux mécanistes britanniques, pour Monge et Carnot la finalité du progrès scientifique ne réside pas tant dans ses applications pratiques que dans la moralité auquel il donne accès. À leurs yeux la science est nécessaire car elle est fondamentalement morale. C’est là son ultime objet, comme les grands géomètres et économistes politiques du début du XIXe siècle le comprirent. Et c’est comment, au déchaînement de sauvagerie orchestré par Marat et à l’obscurantisme voltairien (3), voués l’un comme l’autre à préparer le terrain à la règle de l’empirisme et du bestialisme britanniques pour le compte des intérêts impérialistes de l’Angleterre, Monge, Carnot et Prieur opposèrent le projet extraordinaire de l’École : ce projet, qui était en quelque sorte l’application sur le tas du principe de moindre action qui trouva toute son expression scientifique dans les travaux de Carnot en physique, représentait un défi direct lancé à la notion britannique d’univers fixe et une intervention décisive dans une situation de crise dont l’effet fut celui d’une « onde de choc ».

Ils organisèrent consciemment l’École sur la base du principe de l’étude du processus de la science, du processus créateur menant aux découvertes scientifiques, le processus grâce auquel l’on découvre le pouvoir de ses propres facultés créatrices. Et ce, pour que ce pouvoir soit rapidement développé, « multiplié », comme le dit Carnot, dans la population : éveiller l’esprit du plus grand nombre le plus vite possible, telle était la première condition à satisfaire pour bâtir une nation républicaine, de même que c’était la meilleure arme contre la subversion britannique. « Mieux vaut avoir des républicains sans République qu’une République sans républicains », affirmait Monge.

Avant et durant la mobilisation militaro-scientifique de 1793, la nécessité d’une école d’ingénieurs unique regroupant tous les corps existants avait été souvent discutée par Carnot, Monge et Prieur. Il existait alors principalement quatre écoles d’ingénieurs : l’école militaire de Mézières, où Monge enseigna et où Carnot et Prieur furent ses élèves, la plus avancée de toutes, réservées aux fils de la noblesse, l’école d’artillerie de Châlons-sur-Marne et les écoles d’ingénierie civile des Ponts et Chaussées et des Mines à Paris. Les divisions très strictes qui séparaient ces différentes écoles leur étaient grandement préjudiciables. Les officiers de Mézières, par exemple, n’avaient pas le droit de communiquer leur connaissance plus avancée aux élèves de l’école d’artillerie de Châlons, dont les plus sérieux d’entre eux devaient se rendre à Paris pour suivre des cours particuliers de physique et de chimie lorsqu’ils pouvaient se le permettre.

Lamblardie, qui était alors à la tête de l’École des ponts et chaussées à Paris (ayant succédé à Trudaine), préconisait vivement la création d’une école préparatoire où les ingénieurs militaires et civils se verraient enseigner tous ensemble les « principes généraux des sciences ». Une telle école, faisait-il valoir, permettrait, en mettant immédiatement un terme aux rivalités inutiles entre les différents corps d’ingénieurs, de commencer à former dans le pays une force de cadres scientifiques et techniques compétents.

La Commission chargée d’élaborer le plan d’enseignement et d’organisation de l’École centrale des travaux publics comme l’École polytechnique s’appela la première année, fut choisie parmi les scientifiques qui avaient travaillé avec le Comité de salut public et le Comité d’instruction publique, et qui représentaient en fait le « noyau dur » de la mobilisation scientifique et militaire de 1793, tels Monge, Prieur, Lamblardie, Fourcroy, Berthollet, Chaptal, Guyton de Morveaux, Hassenfratz et Vauquelin. L’idée centrale qui guida leur réflexion était que toutes les branches des services publics devaient se recouper dans leur théorie et leur pratique ; qu’elles requièrent toutes la même connaissance générale de base des arts graphiques ; et que de telles études générales « ne peuvent qu’être menées sous les plus grandes autorités scientifiques, dans le centre même des arts et sous la supervision des savants les plus distingués », comme le dit Pinet, un historien de l’École. Ainsi, explique Biot pour sa part, l’École fut fondée « premièrement, pour former des ingénieurs ; deuxièmement, pour répandre les lumières dans la société civile ; et troisièmement, pour éveiller les talents qui peuvent faire avancer la science. »

Gaspard Monge fut en fait le principal architecte de l’École. En véritable savant républicain, son premier souci était de créer les moyens avec lesquels réaliser le progrès économique et social qui permet d’élever la population à la moralité ; l’École, qui allait incarner le meilleur de la tradition néo-platonicienne, fut l’instrument de ce dessein. « C’était une idée éminemment philosophique, éminem-ment nationale que de donner à chaque élève dans un service public une connaissance générale suffisante de tous les autres services », affirma Dupin, pour qui l’École était celle « des Pythagore et des Platon ».

 

Les Développements sur l’Education adoptés pour l’École des travaux publics qui circulèrent largement avant le décret établissant l’École elle-même en 1794, sont fortement empreints de l’influence de Monge, notamment lorsqu’il y est souligné que le besoin de cadres scientifiques découle de la nécessité de développer l’industrie nationale - un progrès à son tour nécessaire pour consolider la République, comme Monge l’explique par ailleurs clairement dans le Programme qui sert d’introduction à son Traité de Géométrie descriptive (voir encart ci-dessous intitulé « La géométrie descriptive et le perfectionnement de l’espèce humaine »).

La géométrie descriptive et le perfectionnement de l’espèce humaine

Pour tirer la nation française de la dépendance où elle a été jusqu’à présent de l’industrie étrangère, il faut premièrement, diriger l’éducation nationale vers la connaissance des objets qui exigent de l’exactitude, ce qui a été totalement négligé jusqu’à ce jour, et accoutumer les mains de nos artistes au maniement des instruments de tous les genres, qui servent à porter la précision dans les travaux, et à mesurer ses différents degrés : alors les consommateurs, devenus sensibles à l’exactitude, pourront l’exiger dans les divers ouvrages, y mettre le prix nécessaire ; et nos artistes, familiarisés avec elle dès 1’âge le plus tendre, seront en état de l’atteindre.

Il faut, en second lieu, rendre populaire la connaissance d’un grand nombre de phénomènes naturels, indispensable aux progrès de l’industrie, et profiter, pour l’avancement de l’instruction générale de la nation, de cette circonstance heureuse dans laquelle elle se trouve, d’avoir à sa disposition les principales ressources qui lui sont nécessaires.

Il faut enfin répandre, parmi nos artistes, la connaissance des procédés des arts, et celle des machines qui ont pour objet, ou de diminuer la main-d’œuvre, ou de donner aux résultats des travaux plus d’uniformité et plus de précision ; et, à cet égard, il faut l’avouer, nous avons beaucoup à puiser chez les nations étrangères.

On ne peut remplir toutes ces vues qu’en donnant à l’éducation nationale une direction nouvelle.

C’est, d’abord, en familiarisant avec l’usage de la Géométrie descriptive tous les jeunes gens qui ont de l’intelligence, tant ceux qui ont une fortune acquise, afin qu’un jour ils soient en état de faire de leurs capitaux un emploi plus utile, et pour eux et pour l’Etat, que ceux mêmes qui n’ont d’autre fortune que leur éducation, afin qu’ils puissent un jour donner un plus grand prix à leur travail.

Cet art a deux objets principaux.

 

Le premier est de représenter avec exactitude, sur des dessins qui n’ont que deux dimensions, les objets qui en ont trois, et qui sont susceptibles de définition rigoureuse. Sous ce point de vue, c’est une langue nécessaire à l’homme de génie qui conçoit un projet, à ceux qui doivent en diriger l’exécution, et enfin aux artistes qui doivent eux-mêmes en exécuter les différentes parties.

Le second objet de la Géométrie descriptive, est de déduire de la description exacte des corps tout ce qui suit nécessairement de leurs formes et de leurs positions respectives. Dans ce sens, c’est un moyen de rechercher la vérité ; elle offre des exemples perpétuels du passage du connu à l’inconnu ; et parce qu’elle est toujours appliquée à des objets susceptibles de la plus grande évidence, il est nécessaire de la faire entrer dans le plan d’une éducation nationale. Elle est non-seulement propre à exercer les facultés intellectuelles d’un grand peuple, et à contribuer par là au perfectionnement de l’espèce humaine, mais encore elle est indispensable à tous les ouvriers dont le but est de donner aux corps certaines formes déterminées ; et c’est principalement parce que les méthodes de cet art ont été jusqu’ici trop peu répandues, ou même presque entièrement négligées, que les progrès de notre industrie ont été si lents.

On contribuera donc à donner à l’éducation nationale une direction avantageuse, en familiarisant nos jeunes artistes avec l’application de la Géométrie descriptive aux constructions graphiques qui sont nécessaires au plus grand nombre des arts, et en faisant usage de cette Géométrie pour la représentation et la détermination des éléments des machines, au moyen desquelles l’homme, mettant à contribution les forces de la nature, ne se réserve, pour ainsi dire, dans ses opérations, d’autre travail que celui de son intelligence

Il n’est pas moins avantageux de répandre la connaissance des phénomènes de la nature, qu’on peut former au profit des arts.

Le charme qui les accompagne pourra vaincre la répugnance que les hommes ont en général pour la contention d’esprit, et leur faire trouver du plaisir dans l’exercice de leur intelligence, que presque tous regardent comme pénible et fastidieux (...)

Gaspard Monge, « Programme » de son Traité de Géométrie descriptive, 1795.

Monge joua également un rôle instrumental dans l’élaboration du Plan d’instruction pour l’École, et c’est là que s’exprime tout le génie de ces hommes qui avaient déjà défié la crise en appliquant le principe de moindre action durant la mobilisation militaire. À ce moment-là, l’État n’avait plus de fonds, plus de crédit. Un million de soldats avaient été mobilisés mais il n’y avait pas d’armes à leur donner. Jusque-là, le bronze, le fer, l’acier et même la poudre à canon avaient été fournis par l’étranger, notamment l’Angleterre et l’Allemagne. Une mobilisation scientifique nationale fut déclarée pour remédier à cette situation désastreuse. Monge dirigea la production de toutes les armes et entreprit de donner un développement soudain et massif à la productivité des métallurgistes, des mécaniciens et des chimistes, les formant intensivement aux nouvelles techniques qu’il avait lui-même mises au point avec Berthollet et leurs collaborateurs. Monge se rendait dans toutes les fonderies pour y introduire ces nouvelles techniques et donner des cours de formation sur le tas aux ouvriers, tandis que circulait partout un Avis aux Ouvriers en Fer qu’il avait rédigé avec Vandermonde pour leur donner « les notions qui doivent vous guider dans une entreprise qui est généreuse pour le moment et sera utile à notre industrie future ». Des milliers de travailleurs qualifiés furent ainsi formés pendant cette mobilisation.

L’École, de même, devait amorcer un processus permettant à la science et aux techniques de progresser le plus efficacement possible, avec des moyens aussi réduits qu’ils pouvaient l’être. L’une des plus grandes difficultés fut celle d’impulser le premier mouvement à l’instruction générale qui allait ensuite transformer la situation de manière exponentielle. Ce problème avait été mis en relief par l’échec de l’École normale l’année précédente, une école où devaient être formés les futurs enseignants, où, pour citer Dupin, « la science même de l’éducation allait être enseignée ». L’écart entre la qualité de l’éducation qui devait y être donnée et le niveau médiocre des élèves s’avéra pratiquement insurmontable. Il fallait résoudre ce problème en ce qui concerne l’École polytechnique, et pour ce faire, il fallait l’aborder selon le principe physique de néguentropie tel qu’il joue, par exemple, dans le domaine de la fusion thermonucléaire contrôlée : pour obtenir une réaction en chaîne de fusion nucléaire et la libération d’une masse d’énergie à très haute densité, l’apport initial d’énergie doit être très élevé et transmis efficacement. Il fallait trouver le moyen de transmettre le plus efficacement possible une connaissance « à densité élevée » aux élèves qui devaient en reproduire les effets. Avec toutes les ressources morales et intellectuelles de sa profonde adhésion à l’idée républicaine de progrès, Monge mit au point la méthode qui permit à l’École polytechnique de démarrer : ce fut le système des « chefs de brigades ». Sur les 396 élèves qui avaient été admis à l’École à la suite d’un examen national, seul un tiers avait reçu une éducation du niveau du collège. Les élèves furent divisés en 25 brigades et chaque brigade reçut un « chef » que Monge sélectionna parmi les plus avancés de ces jeunes ; il leur donna lui-même initialement une formation très intense lors d’une véritable école de cadres à laquelle il se consacra jour et nuit, alternant les cours particuliers et les cours par groupes. L’idée était de permettre rapidement aux chefs de brigades de s’assurer que tous les élèves de l’École allaient progresser d’un même élan sur une voie « où chacun devait avancer à pas de géant » comme le dit Dupin, en aidant systématiquement ceux qui rencontraient des difficultés pour que ne soit pas entamée l’efficacité générale recherchée.

Ce fut durant ces trois premiers mois que Monge forma le noyau de l’École, par des efforts considérables, et que le programme de l’École fut présenté et les méthodes d’enseignement testées. C’était aussi, après la brève expérience de l’École normale de l’année précédente, la première fois que Monge enseignait en public sa géométrie descriptive (qui avait été frappée au sceau du secret militaire à Mézières pendant de longues années auparavant), recherchant toujours les meilleurs résultats pédagogiques, recourant à des manuscrits en sa possession pour remédier au manque de manuels, utilisant des modèles de bois ou de pierre, des heurismes graphiques, etc. Monge avait refusé de prendre la tête de l’École afin de pouvoir se consacrer entièrement à ses activités scientifiques et pédagogiques ; mais en fait, c’était lui qui représentait la plus grande autorité. Comme Dupin, Biot et de nombreux autres l’ont noté, ses qualités remarquables de savant et de pédagogue jouèrent un rôle déterminant ; les plus brillants de ses élèves devaient marquer profondément les développements humanistes au cours de la première moitié du XIXe siècle en Europe.

Bien que tous les instituteurs de l’École n’eussent pas la dimension de Monge, figuraient parmi eux les plus grandes autorités scientifiques et artistiques du pays, des hommes dont le nom était lié aux travaux les plus avancés dans le domaine des mathématiques, de la physique et de la chimie, tels Lagrange, Guyton de Morveau, Fourcroy, Berthollet.

Monge : un pédagogue passionné

Monge ne se contentait pas d’expliquer aux élèves, dans ses leçons périodiques et dans les salles d’études, les théories de la science et leurs applications. Il aimait à conduire ses disciples partout où les phénomènes de la nature et les travaux de l’art pouvaient rendre sensibles et intéressantes ces applications. Le terrain qui entoure Mézières, par sa variété, sa richesse minérale et ses accidents, est éminemment propre aux démonstrations de la physique et de la géologie. En même temps, cette contrée, exploitée par des hommes industrieux, présente une foule de manufactures, soit pour les arts civils, soit pour les arts militaires. Monge étudiait avec une égale ardeur et les phénomènes de la nature et les phénomènes de l’industrie ; il acquérait des lumières pratiques qui devaient un jour puissamment contribuer au salut de la patrie, et s’empressait d’en faire jouir la jeunesse studieuse.

Dans ces excursions, faites aux jours de congé, par les plus beaux temps de l’année, au milieu des sites les plus pittoresques, l’imagination de Monge semblait s’agrandir comme les aspects offerts à ses regards par la nature ; il communiquait à ses disciples son ardeur et son enthousiasme, et changeait en plaisirs passionnés des observations, des recherches appliquées à des objets sensibles, qui, faites dans l’enceinte d’une salle et par des considérations abstraites, n’eussent paru qu’une pénible étude.

Il est arrivé parfois que, pour gagner plus tôt quelque usine sans aller chercher des routes et des ponts, Monge continuant ses explications à ses élèves, s’avançait à travers un large ruisseau, le passait à gué sans s’interrompre, sans que les jeunes gens qui l’entouraient cessassent de se presser autour de lui, en silence, et tout absorbés par les vérités qu’il dévoilait à leur intelligence : tant était grande et magique la puissance qu’il exerçait sur leurs esprits !

Charles Dupin, Essai historique sur les travaux scientifiques et les services de Gaspard Monge, 1819

 


(3) Voltaire, loin d’être ce « philosophe » des véritables lumières était un trafiquant d’esclave fondamentalement opposé à l’éducation, au progrès humain et à la raison.

 

 

Fin de la deuxième partie (sur cinq).

Deuxième partie : «  Le journal de L’École polytechnique :

faire avancer les lumières générales  ».


 

 

 

© 10.05.2017