TABLEAU D'UNE EXPOSITION MÉDIATIQUE

Par Georges AIMÉ

Je suis capable de faire et de dire exactement le contraire de ce que je fais et pense, ce n’est pas grave tous les gens faisant commerce de politique font la même chose ; j’appartiens au même parti politique depuis des lustres et ai voté toutes les lois qu’il a proposé ; j’ai été Premier ministre durant cinq ans et je suis sûr que les réformes que je propose aujourd’hui sont novatrices, bonnes et  qu’elles sortiront notre pays de la chienlit dans laquelle j’ai contribué à le mettre ; enfin, je suis candidat ( ?) à la présidence de la République. Qui suis-je ?

Je suis le Messie ; je suis capable de me mettre en transe et, tel un Sauveur, les bras en croix, je peux proposer un programme que je ne chiffrerai qu’en été (les Échos); je peux  débiter sottise sur sottise, utiliser la phrase d’un autre en ne me rendant pas compte que j’aboutis à l’inverse du but recherché ; je ne connais pas l’Histoire mais ça ne fait rien je suis jeune, ambitieux et ai de puissants commanditaires qui me permettent d’occuper la première place dans les médias ; j’ai réussi à obtenir le soutien d’un de mes détracteurs les plus virulents et d’un ancien Premier ministre flamboyant ; je me suis spécialisé dans l’optimisation fiscale de mon patrimoine ; enfin, je suis candidat à la présidence de la République. Qui suis-je ?

Je suis capable d’affirmer que libérer l’usage de la drogue est une œuvre de santé publique, que payer des gens à ne rien faire est une œuvre de salut  public, qu’interdire à certaines femmes d’entrer, en France, dans un débit de boissons est normal car culturel, j’ai une conception élastique de la laïcité que j’appelle « laïcité positive », je peux dire à un journaliste du Télégramme qu’à  Brest il y a trop de blancs ; j’ai fait partie d’un Gouvernement et d’un parti qui, eux aussi, ont contribué à enfoncer un peu plus la France dans la mouise, j’ai promis, si je suis élu, à un ex concurrent qui ne représente que 2 % des électeurs plus de quarante sièges de députés ;  enfin, je suis candidat à la présidence de la République. Qui suis-je ?

Je cultive le culte de la personnalité ; je suis partout, je me dédouble ; je porte l’uniforme du révolution- naire-bobo-parisien, blue-jean du soixante-huitard attardé et vareuse de l’ex maoïste ; j’aime faire les cent pas sur une estrade en dispensant mes certitudes ; j’ai le verbe haut et considère que 50 %  des électeurs ne sont pas fréquentables puisqu’ils ne pensent pas comme moi ; pour donner l’illusion que j’appartiens au même monde qu’eux il m’arrive de chanter un hymne d’artisans-ouvriers en colère ; enfin, je suis candidat à la présidence de la République. Qui suis-je ?

Sur 73 représentants français au Parlement européen, en compagnie de mon bras droit nous sommes dans le top 5 des parlementaires les moins assidus aux séances ; je fais du retour sur investissement (en quelque sorte de l’avoir fiscal)  en utilisant l’argent qui m’est dû en ma qualité de député pour payer les salaires de certains de mes collaborateurs ; je pense qu’en entourant mon pays de fils de fer barbelés je deviendrai cet irréductible village objet dans un siècle d’une bande dessinée traduite dans toutes les langues sauf le français qui n’existera plus ; je pense qu’en faisant taire tous ces médias qui dévoilent toutes ces choses que seuls les initiés ont à connaître tout irait pour le mieux ; enfin, je suis la seule candidate à la présidence de la République. Qui suis-je ?

Les quatre premiers ont un point commun : il ne parle jamais du fonctionnement et des règles arbitraires du « machin ».

Par contre, tous sont muets sur le rôle et la place de la France et de la francophonie dans le monde ; sur le déséquilibre de nos échanges commerciaux et industriels avec l’Allemagne, la Chine, les USA, la Corée, le Japon et autres pays du sud-est asiatique ; ils n’ont rien à dire aux peuples des pays d’Afrique qui souhaitent que nous leur apportions une aide dans leur développement et dans leur lutte contre la corruption. Pourquoi leur poser des questions sur nos relations avec la Russie, elles sont celles décidées par le couple américano-allemand. 

Bien sûr vous avez reconnu ceux des candidats que la chaîne de télévision TF1 considère comme devant être écoutés des Français. Peu importe la cohérence de leurs propos ; peu importe qu’ils ne s’appliquent pas les sacrifices qu’ils demandent à leurs concitoyens ; peu importe qu’ils ne sachent pas ce que veut dire vivre avec 800 € par mois, eux qui n’ont jamais eu à se soucier de leur salaire ; peu importe qu’ils n’aient qu’une vision théorique du chômage et ne sachent pas ce que vit celui ou celle qui vient de perdre son emploi et qui ne pourra pas trouver de travail là où il vit ; peu importe qu’ils n’aient aucune idée des  affres du petit dirigeant d’entreprise qui ne sait pas s’il pourra faire face à ses obligations parce que telle ou telle administration (dont ils ont été parfois à la tête) tarde à le payer, que tel ou tel passeur d’ordre a fait faillite ou a délocalisé ses fabrications; peu leur chaut que tel ou tel agriculteur se suicide tous les trois jours faute de pouvoir vivre du fruit de son travail ; peu leur chaut également que tel ou tel couple de retraités voit les économies de toute une vie s’envoler parce que le bien qu’il avaient réussi à constituer et qu’il comptait vendre pour aller vivre ailleurs n’a plus de valeur parce que l’environnement dans lequel il se situe s’est dégradé au fil du temps, etc.

Pourtant tous affirmeront qu’ils savent tout cela. D’ailleurs, ils savent tout sur tout ! C’est vrai que pour au moins quatre d’entre eux on leur a appris à répondre à toutes les questions concernant tous les sujets, surtout ceux qu’ils ne connaissent pas ou n’ont jamais étudiés. 

Selon TF1, les Français parlent aux Français : quatre hauts fonctionnaires nantis n’ayant aucun problème de fin de mois, leurs moyens découlant d’une source inépuisable s’appelant argent public, cultivant un entre soi de bon aloi qu’il convient à tout prix de préserver ; une avocate dont une moitié du parti est composée de nostalgiques d’un temps révolu nauséabond et l’autre moitié de conseillers jaloux, envieux et prêts à tout mettre en œuvre pour prendre la place des premiers.

Quel tableau ! Quel choix !

Sous le prétexte fallacieux de non représentativité dans les sondages, sont privés de parole les candidats qui apportent un nouveau souffle à la vie politique et dont on est sûr qu’ils auront leurs cinq cents signatures.

TF1 n’est pas le seul média à incriminé. Depuis le début des réunions publiques des candidats à l’élection présidentielles, BFMTV nous a abreuvé1 de 426 mn de macronite, 182 mn de filllonite, 135 mn de mélenchonite, 63 mn de lepenite et enfin 60 mn d’hamonite (décompte arrêté au 27 février).   Ainsi Nicolas Dupont-Aignan, porteur d’un réel projet  pour la France est-il privé de débat et ne peut-il démontrer aux téléspectateurs ce qui le différencie de tous les autres candidats. 

À qui profite le crime ? On peut légitimement se poser la question. Il ne faut pas aller bien loin pour chercher la réponse. Comme il ne peut être accusé de racisme, de xénophobie, d’antisémitisme, de corruption et que les propos qu’il tient sur le fonctionnement de l’Europe, sur nos relations internationales, sur la place de la France dans le monde, sur l’immigration, sur la désindustrialisation de notre Pays sont partagés par bon nombre de nos citoyens de toutes conditions sociales (ceux qui ont fait l’effort de lire son programme2 en allant le télécharger) et par de vrais spécialistes  (pour certains prix Nobel)  il ne faut pas qu’il puisse les exposer ! En tenants de la financiarisation de l’économie, au service de l’Europe des banquiers, restons entre européistes convaincus, continuons à préserver nos intérêts et pour donner le change identifions Nicolas Dupont Aignan à la représentante du parti d’extrême-droite ! Vive la démocratie et le pluralisme de l’information revus et corrigés par TF1 et BFMTV !

Eh bien ça ne marche plus ! Nous vous censurerons à notre tour !

1.      Source Marianne.

2.      Voir son programme : http://www.nd2017.fr/themes/nda/ file/PROJET%20NDA%202017%20vf.pdf – 177 pages

 

 

© 04.02.2017