par Luc BEYER de RYKE
Les récents tremblements de terre dans les Abruzzes sont là
pour nous rappeler que la nature peut être dangereuse, hostile. Il en va de
même avec la politique. Des plaques tectoniques faites d’idéologie, de
sectarisme, d’idéalisme et d’ambition, charrient le meilleur et le pire.
Des carrières peuvent
être brisées par un destin quand c’est le Général de Gaulle qui ramasse le
glaive, s’en saisit et restaure la France défaite, abaissée. Mais le plus
courant auquel nous assistons nous conduit dans ce Jurassicparc,
ce « trop-plein » prophétisé par de Gaulle, laissant cours aux férocités
débridées ouvertes à toutes les vilenies. Sans porter de jugement sur les uns
et sur les autres, les plumeaux noirs des corbillards se sont succédés à
l’entrée des cimetières des ambitions évanouies.
Celui de François Hollande ouvrait la marche. Suivi par
Manuel Valls. Les écologistes ont apporté des chrysanthèmes à Cécile Duflot. À droite, celui qu’on tenait pour le lapin Duracell, Nicolas Sarkozy, cette fois ne s’est pas
relevé. Et Alain Juppé a vu s’envoler les certitudes tranquilles, élyséennes,
qui lui paraissaient promises. Ce n’est pas le propre de la France. Que dire de
David Cameron qui s’est enterré lui-même. Comme Matteo Renzi.
Ce chapitre des défunts pourrait continuer à s’égrener. Ainsi, à quelqu’horizon que vous apparteniez vous pouvez être
emporté par un séisme.
D’autant que les opinions publiques ont évolué. Mieux
informées elles ont déplacé le seuil de tolérance qui était le leur. Au-delà de
ces considérations générales il en est une autre qui se rapporte aux idéologies
portées aux nues à certaines époques, discréditées à d’autres.
Le vin nouveau...
C’est le cas pour la social-démocratie. Un des derniers
exemples en date en fut offert au Parlement européen. Comme il est de tradition
il avait en ce début d’année à se donner un nouveau président. Depuis
l’avènement du Parlement au suffrage universel, mise à part les élections de
Simone Veil et de lord Plumb (conservateur
britannique), on a connu une alternance portant successivement au perchoir un
démocrate-chrétien et un socialiste.
Cette fois c’était le tour du PPE d’y accéder pour remplacer
Martin Schultz.
Ce dernier, personnalité forte, charismatique, a su donner
une épine dorsale au Parlement. Il aurait vu avec faveur celui-ci lui accorder
les prolongations. Mais précisément, en raison de ce charisme, ses amis
politiques avaient besoin de lui en Allemagne. Les sociaux-démocrates n’y sont
pas au mieux de leur forme. Face à une Angela Merkel, elle-même mise en
difficulté par une extrême-droite dressée vent debout contre sa politique
migratoire, un Martin Schultz est un atout non négligeable. À Strasbourg, les
démocrates-chrétiens qui comprennent dans les rangs du PPE les adhérents de Forza Italia, présentèrent un de
ceux-ci, l’Italien Antonio Tajani. Cette fois les
socialistes rompirent la tradition en présentant l’un des leurs, un autre
Italien, Gianni Pitella. De leur côté les libéraux nourrissait
des prétentions... ou des espérances pour Guy Verhofstadt, l’ancien Premier
ministre belge et fédéraliste ardent. Lequel essuya coup sur coup deux échecs.
Le premier lorsqu’il a, il y a peu, tenté d’attirer chez les libéraux les ovnis
du Mouvement cinq étoiles de Peppe Grillo. Le
second lorsqu’il se rendit compte que le perchoir était hors de portée. Il
monnaya alors son ralliement à la candidature d’Antonio Tajani.
Ancien commissaire européen et ancien vice-président du Parlement, l’Italien
l’emporta largement par 351 voix contre 282 allant à son compatriote.
Un mot à propos du nouvel élu. Un parcours haut en couleurs.
Il débuta sa carrière au parti monarchiste auprès du maire de Naples,
l’emblématique Achile Lauro,
adepte des vieilles pratiques clientélistes. On se souvient des campagnes
électorales où le maire faisait distribuer à ses partisans une chaussure
droite. Si le vote avait suivi et si le résultat s’était avéré positif la
chaussure gauche allait rejoindre la première. Autres temps, autres mœurs.
Antonio tajani fut plus tard porte-parole du cavaliere, Silvio Berlusconi.
Le reflux des socialistes
Il n’empêche que l’homme est apprécié. je me suis informé
auprès d’amis italiens très éloignés politiquement du nouvel élu. On m’a parlé
d’un homme cultivé, sérieux et bénéficiant d’une bonne renommée. La leçon à
tirer de cette élection s’entend bien au-delà. Les socialistes se voient
désormais dans l’opposition. À leur détriment ils ont rompu l’équivalent de ce
qu’en France on nommait l’UMPS.
En cela le Parlement européen constitue une caisse de
résonnance à la veille des scrutins majeurs qui vont se produire en France, en
Allemagne et aux Pays-Bas. Ne nous méprenons pas. Les socialistes auront encore
leur mot à dire. Ils figurent toujours dans l’influent groupe informel G5 qui
se réunit mensuellement pour discuter des dossiers législatifs. Groupe qui
comprend les président et vice-président de la Commission, Jean-Claude Junker
et Frans Timmermans (socialiste néerlandais) mais aussi le président du Parlement
européen, les chefs du PPE, du groupe socialiste et, désormais, le président du
groupe libéral. En bref l’UMPS élargi aux libéraux, prix du ralliement de Guy
Verhofstadt. Reste que les socialistes sont affaiblis. Sur l’ensemble de la
scène européenne. Aussi les observateurs à Bruxelles accordent-ils peu de
chance à celui qui, dit-on, aimerait succéder au Polonais Donald Tusk à la tête du Conseil européen dont le mandat s’achève
en juin.
Ce prétendant supposé, je vous le donne en mille, serait un «
président normal », un président libéré de sa tâche antérieure, un président
qui aurait pour ambition d’aboutir à toutes les synthèses susceptibles de
favoriser une gouvernance européenne.
Il vous aura été aisé de reconnaître dans cette charade, François
Hollande...
Faites vos jeux...