DES DEFIS SOCIÉTAUX MAJEURS ET DES MOTIFS D'INQUIÉTUDE

par Paul KLOBOUKOFF

Parmi les multiples changements qui parcourent notre société, quatre évolutions démographiques d'envergure attirent le regard par les défis majeurs qu'elles posent, par des tensions, des antagonismes qui les accompagnent et par de graves motifs d'inquiétude qu'elles portent. Ce sont : le vieillissement de la population et l'explosion du nombre de seniors, le délitement, la désunion des familles, des couples et l'irrésistible montée de la monoparentalité, la croissance accélérée des nombres d'immigrés et des enfants d'immigrés, ainsi que celle de la communauté musulmane.

En résumé, en quelques chiffres 

- En 2013, le nombre des seniors de 65 ans et plus était de 11,5 millions (Mi), soit 17,5 % de la population de la France. Dans moins de quinze ans, il y en aura 16,5 Mi. En 2030, avec les « jeunes seniors » de 60 à 64 ans, l'effectif des seniors sera proche de 21 Mi, soit 30 % de la population du pays, estimée alors à  70,3 Mi de personnes. 

D'ici 2070 notre croissance démographique totale (+ 10,7 Mi) ne dépassera pas celle du nombre des 65 ans et plus (+ 10,4 Mi). Et, à cette échéance, il y aura 13, 7 Mi de seniors de 75 ans et plus, dont 270.000 centenaires. On sait maintenant comment « réparer des ans l'irréparable outrage ».

- En 30 ans, de 1982 à 2012, parmi les personnes de 15 ans et plus, la proportion des hommes vivant en couple a reculé de 65 % à 60,2 %, et celle des femmes vivant en couple, de 60,3 % à 55 %.

Parallèlement, de 1990 à 2012, le nombre de familles monoparentales a crû de + 60 %... et représente  8,5 % du nombre total des ménages, tandis que le nombre de personnes composant ces familles représente 9,6 % de la population de la France. Plus préoccupant, en 2013 un enfant sur cinq faisait partie d'une famille monoparentale.

- En 2012, la population de la France, évaluée à 65,24 millions de personnes, comprenait 5,71 Mi d'immigrés et 6,82 Mi d'enfants d'immigrés. 12,3 Mi, ensemble, soit 19,2 % de la population. Une proportion en rapide augmentation. Si les tendances se poursuivent, la France comptera 16,1 Mi d'immigrés et d'enfants d'immigrés en 2025, soit 24,1 % de sa population. Après, nous irions vers une proportion de l'ordre du tiers à l'approche de 2050.

- Selon le Pew research center, en 2010, la communauté musulmane représentait 7,5 % de la population en France métropolitaine (FM), soit 4,7 Mi de personnes. Cet effectif monterait à un peu plus de 5,3 Mi en 2016, soit à environ 8 % de la population. Avec une « immigration prévisible », la prolongation des tendances devrait porter le pourcentage des musulmans en FM à près de 11 % en 2050. 

Une étude « pionnière » récente indique que l'adoption de nos us et coutumes, ainsi que des règles de la République, est loin d'être uniforme parmi les musulmans en France.

Comment la France pourra-t-elle faire face  à ces défis et répondre à ces inquiétudes ?

 La place et les rôles des « seniors » dans la société doivent être redessinés, réinventés. La « silver economy », ou « économie d'argent », vise surtout à inciter les anciens à la dépense dans l'espoir d'en faire un moteur auxiliaire de la croissance de l'économie. Le bénévolat solidaire est une « bonne » activité pour occuper des seniors désœuvrés. Le « tout numérique », qui va jusqu'à pousser, voire forcer les 65 ans et plus à recevoir leurs factures d'électricité, de gaz, de téléphone, de télévision, leurs relevés de la Sécu... par « email » et à faire leurs déclarations fiscales par Internet est de mauvais augure pour la difficile adaptation d'une part croissante de la population à l'usage des « outils de la modernité ». De telles tentations et tentatives ne sont pas à la hauteur du défi.

Par ailleurs, il serait honnête de renoncer à présenter les retraités comme les « nouveaux riches » afin de les passer à la tondeuse fiscale pour alimenter la redistribution et rétablir ainsi « la justice sociale ». J'ouvrirai une parenthèse sur ce sujet, qui illustrera des problèmes que pose, aux retraités notamment, le déséquilibre entre la croissance du nombre de seniors et celle des actifs cotisants. 

Les seniors votent plus que les autres citoyens.  Cela n'autorise pas à proclamer que « la politique française est verrouillée par le vote des seniors » et à laisser entendre que nous abandonnons une république démocratique pour une gérontocratie égoïste. J'ouvrirai aussi une large parenthèse  sur le  vote des seniors, actualité oblige.

Toujours plus de familles monoparentales, c'est aussi plus d'enfants qui ne peuvent vivre sous le même toit que leur père et leur mère, sans qu'on leur ait demandé leur avis la plupart du temps, car en France le droit des enfants passe après le « bonheur » ou le plaisir de chacun de leurs procréateurs. C'est aussi plus de familles pauvres, auxquelles la société doit apporter des soutiens... et davantage d'enfants pauvres. 

 La réduction du nombre de couples et la « fragilisation » de ceux-ci se traduisent, qu'on le veuille ou non, par une baisse de la solidarité familiale. La société ne pourra pas la remplacer indéfiniment par une « solidarité étatique », financée principalement par les prélèvements obligatoires.

Il ne faut pas se mettre martel en tête, mais il ne faut pas s'interdire de regarder la réalité en face et de s'interroger sur les incidences, les conséquences dans la société des augmentations rapides des proportions d'immigrés et d'enfants d'immigrés, ainsi que de musulmans, dans la population résidant en France. Elles ne sont pas indépendantes l'une de l'autre ne sont pas sans impact sur la constitution d'une mosaïque  du communautarisme, sur le durcissement de tensions dans la société, sur la «radicalisation islamiste» en France... 

On s'accorde presque à reconnaître que la France est « débordée », qu'elle n'est plus en mesure « d'intégrer » toutes les personnes « issues de l'immigration ». Michel Rocard avait expliqué dès décembre 1989  que  « nous  ne pouvons pas héberger toute la misère du monde.  La France doit rester ce qu'elle est, une terre d'asile politique ». Au demeurant, il se trouve qu'une partie des personnes accueillies est réticente à adopter nos us et coutumes, notre langue et notre école, et qu'une  « minorité » est même ouvertement hostile au respect des lois de la République, plaçant celles de la charia audessus d'elles. Des aiguilles dans une botte de foin, seulement ?

L'insécurité éprouvée, ou « ressentie », par la population (et par les touristes étrangers) a crû à la suite des attentats terroristes islamistes, perpétrés notamment par des personnes vivant sur notre sol ou dans des pays voisins, avec les départs (non sans retours) de « Français » allant faire le jihad au Moyen-Orient. La croissance exponentielle de la « communauté musulmane » en France peut-elle ne pas inquiéter ? Et les querelles byzantines sur « l'islam de France » et « l'islam en  France », la volonté affichée « d'organiser » la pratique du Culte musulman ne sont-elles que des écrans de fumée, sans rapport avec la nature, l'ampleur et l'acuité des problèmes actuels ?

 - De plus en plus de seniors. Dominants, privilégiés ou sacrifiés ?

Vieillissement de la population et longévité sans limite (?)

 Projeter à l'horizon de 2070, comme l'a fait l'INSEE (1), c'est un peu tirer des plans sur la comète. Et, à cette échéance, des écarts   considérables séparent les résultats des variantes étudiées, au nombre de 7, qui correspondent à des hypothèses différenciées principalement par les évolutions de la fécondité, des migrations et de l'espérance de vie. Aussi, j'ai été surtout attentif aux évolutions, déjà assez spectaculaires, prévues  pour les 15 prochaines années. À l'horizon 2030, les écarts entre les populations des variantes « extrêmes » et le scénario central (référence dans le présent article) sont plus resserrés : entre 2 et 3 Mi de personnes... tout de même. Avant de parler des « plus vieux », il  faut noter les stagnations des effectifs des groupes de personnes moins âgées. 

Celui des jeunes de moins de 20 ans reste « bloqué » à 16,2 Mi. Sa proportion dans la population totale diminue un peu, de 24,6 % en 2013 à 23 % en 2030. Et elle ne serait plus que 21,3 % en 2070.

Quant à l'effectif du groupe, le plus « actif » des 20 à 59 ans (qui compte le plus de cotisants aux caisses de retraite , il perd 630.000 membres, descendant de 51,6 % de la population en 2013 à 47,4 % en 2030.

 Celui des « jeunes seniors » de 60 à 64 ans, qui voient de plus près l'âge de la retraite s'éloigner, continue à progresser un peu, de + 5,1 % de 2013 à 2030, pour se situer à 6,2 % de la population, contre 6,3 % en 2013.

L'évolution très défavorable de l'effectif des 20 à 59 ans provient en partie du vieillissement des classes abondantes des « baby-boomers », qui se déplacent de ce groupe  (ainsi que du groupe des 60 à 64 ans) vers les groupes des « vieux seniors ». Elle s'explique aussi par les hypothèses sur les évolutions projetées de la fécondité et de l'immigration. Des hypothèses qui traduisent la poursuite de tendances observées.

La stagnation du nombre des moins de 20 ans est en partie due, « mécaniquement », à la contraction de l'effectif des 20 à 59 ans, qui compte le plus de procréateurs.

Conséquences du « baby boom » de l'après-guerre de 1940 et de l'allongement de la durée de vie, en 2013, le nombre des seniors de 65 ans et plus était déjà de 11,5 millions, soit 17,5 % de la population totale. En 2030, au nombre de 16,5 Mi, ils en formeront 23,4 %. De 2013 à 2030, leur effectif aura crû de + 43 % (+ 41 % pour les 65 à 74 ans et + 45 % pour les 75 ans et plus), tandis que celui de la population totale n'aura augmenté que de + 6,8 %. 

Après 2030, il est attendu que la croissance de l'effectif des 65 à 74 ans s'essouffle (près de + 5 % entre 2030 et 2070) pendant que celle du nombre des plus de 75 ans s'accélère. L'INSEE met donc en relief : « Deux fois plus de personnes de 75 ans ou plus qu'en 2013 à l'horizon 2070 » (1). L'espérance de vie a-t-elle des limites ?

21.000 centenaires en 2016, soit 20 fois plus qu'en 1970. 270.000 en 2070, d'après le scénario central. La moitié des centenaires vivront à domicile, apprenons nous aussi, et 5 centenaires sur 6 seront des femmes.

Mammouth électoral, mais pas gérontocratie conservatrice et égoïste

Au printemps 2016, un article accusait : « La politique française est verrouillée par le vote des seniors » et «Les retraités pèsent de manière démesurée sur la définition de l'offre politique » (2). Effectivement, la participation des seniors aux élections est supérieure à celles de leurs cadets. Notons qu'une telle « surparticipation » n'est pas spécifique à la France. Au Royaume-Uni, c'est bien aux votes des seniors qu'a été attribué le choix du Brexit.

Cet article porte un jugement, pour le moins « abrupt » sur l'influence de l'électorat des seniors  : « Son objet est de faire déplacer les arbitrages rendus nécessaires par les contraintes budgétaires en faveur des inactifs âgés contre les actifs (employés et chômeurs), d'où la concentration des ajustements sur les actifs et sur le marché du travail plutôt que sur le niveau des pensions ou le système de santé ».

Les statistiques montrent qu'il n'en est rien. Si leur vote est déterminant dans le choix des élus, ensuite, le « pouvoir » des anciens est assez limité. Ils ont peu de capacités de nuisance. Ils ne « font pas la grève », manifestent relativement peu, et toujours sans violences. Les syndicats ont tendance à les oublier. La vraie  « majorité silencieuse », c'est en grande partie eux. Et s'ils vont voter plus que les autres, c'est que le bulletin de vote est un de leurs rares moyens de s'exprimer, à défaut de se faire entendre. 

Une intéressante étude sur le vote des seniors dans la perspective de l'élection présidentielle de 2017 a été réalisée  par le CEVIPOF, Centre d'études de Sciences Po (3). Elle a fait appel à une enquête électorale française effectuée en trois vagues d'une dizaine de jours chacune entre le 20 novembre 2015 et le 30 mars 2016. Plus de 20.000 personnes ont été interrogées lors de chaque vague.

Les seniors « forment un électorat informé, fortement politisé »... au sein duquel le sentiment d'abandon par  la classe politique est plus fort que chez les plus jeunes. Les seniors sont les plus déçus par « le quinquennat Hollande ». Ils sont majoritairement attachés à la droite parlementaire, de laquelle ils ont cependant tendance à se détourner, et constituent « un bloc conservateur dont le soutien sera décisif pour le candidat républicain ». 

Des chiffres illustrent la plus forte participation des seniors aux élections (scrutin présidentiel de 2012, européennes de 2014, régionales de 2015) ; le taux moyen est progressif avec l'âge : 17 % chez les 18 à 24 ans, 47 % chez les 25 à 34 ans, 60 % chez les 35 à 49 ans, 68 % chez les 50 à 64 ans et 76 % chez les 65 ans et plus.

Les « valeurs » des seniors sont : - en premier lieu, « le pouvoir régalien », à 82 %, (c'est aussi le cas des autres groupes d'âge) ; - en second lieu, le libéralisme économique, à 49 % (en cela, les seniors sont nettement au-dessus des autres groupes) ; - en troisième lieu, le libéralisme culturel, à 2 6% ;  et enfin, la défense du  « welfare » (ici : attachement à l'État providence). Les seniors sont donc catalogués comme « des libéraux autoritaires ».

Et, concernant les intentions de vote des seniors de 65 ans et plus au premier tour de la présidentielle de 2017, Alain Juppé était en tête du sondage avec 44 % des votes, devant Marine Le Pen, à 20,7 %, et  François Hollande, à 17 %. 

En octobre, le site internet du JDD a affiché « Pourquoi le FN peut gagner gros avec le vote des seniors » (4). Le FN ne susciterait « Pas plus de 20 % d'intentions de vote auprès des plus âgés ». Son score est plus élevé chez les moins âgés. Aussi, si les seniors votaient moins, les chances de succès de Marine Le Pen seraient plus fortes.

Dernière minute : Au second tour des primaires de la droite et du centre, le 27 novembre, parmi les votants,  34 % ont 65 ans et plus, 21 % ont 50 à 64 ans, 24 % ont  35 à 49 ans, 13 % ont de 25 à 34 ans et 8 % ont de 18 à 24 ans. La progressivité avec l'âge est un peu plus marquée chez ceux qui ont voté pour François Fillon : les « jeunes » de 18 à 34 ans ne sont que 17 %, les 35 à 49 ans sont 21 %,  les 50-64 ans sont aussi 21 %, et les 65 ans et plus, 41 % (5).

Pourquoi en vouloir aux seniors et aux retraités ?

Un égalitarisme maladif, la désinformation et la recherche de prétextes pour aider le fisc à prendre de l'argent là où c'est le plus facile ont engendré et/ou stimulé des sentiments de «jalousie» et des attitudes  hostiles à l'égard des retraités. « Ils sont plus riches que les actifs », « il est anormal que leurs revenus soient supérieurs à ceux qui travaillent (même si ceux-ci sont des débutants) et que leurs patrimoines soient  aussi consistants », etc. 

J'ai déjà exposé la supercherie consistant à répandre, avec le soutien de la Cour des comptes, que le niveau de vie (NDV) des retraités était supérieur à celui des actifs de 18 ans et plus... en comptant les chômeurs dans les actifs. Une entourloupe, que les statistiques de l'INSEE démontent depuis peu (6). En 2013, en France métropolitaine, le NDV moyen des retraités a été de 24.630 €. Celui des actifs occupés (en emploi) a été de 25.450 €, tandis que celui des chômeurs n'a été que de 16.170. Et, en mêlant les chômeurs aux actifs employés, on obtient  un NDV des «actifs» de 24.530 €... de 100 € inférieur à celui des retraités !

Il faut aussi regarder avec circonspection, le taux de pauvreté monétaire  relative « officiel » des personnes de 65 ans et plus. Il est «relativement» faible : 7,4  % en 2013, contre 13,4 % pour la population entière de la

France (avec un seuil de pauvreté égal à 60 % du revenu médian). Le nombre correspondant de pauvres seniors est de 802.000. Problème : les « ménages » sur lesquels portent les évaluations de la pauvreté ne comprennent pas les personnes vivant en communautés (plus de 1,6 million), et parmi elles les centaines de milliers de personnes âgées, valides ou non, dont les coûts des  « pensions » doivent le plus souvent être pris en charge par leurs familles et/ou par la collectivité... pour cause de pauvreté. Le nombre réel de seniors pauvres est donc supérieur au chiffre «officiel». 

Les retraités et leurs ayant-droits étaient 13,260 millions en 2005, 15,080 Mi en 2010 et 15,629 millions en 2013 (7). Le ralentissement observé au cours des dernières années, malgré l'arrivée à l'âge de la retraite des « babyboomers » est surtout attribuable aux réformes ayant reporté l'âge de la retraite et augmenté le nombre de «trimestres « nécessaires pour toucher des pensions «à taux plein ».  Le montant mensuel moyen brut des pensions, lui, est monté de 1.062 € en 2005 à 1.216 € en 2010, puis à  1.326 € en 2013 et à 1.322 € en 2014. Les statisticiens précisent que cette hausse provient uniquement de  « l'effet de noria », c'est-à-dire du remplacement des retraités les plus âgés  décédés en cours d'année par de nouveaux retraités disposant, en général, de carrières salariales plus favorables. 

Equilibre des régimes de retraite oblige, au cours des trois dernières années, les pensions n'ont pas été revalorisées. Aussi, de 2005 au 1er novembre 2016, les retraites de base versées par la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) n'ont été revalorisées que de + 11,4 %. Pour les retraites complémentaires versées par l'ARRCO, la revalorisation  a été de + 12,7 %,  et pour celles payées par l'AGIRC (cadres), elle a été de + 10,5 % (8). 

De leur côté, entre 2005 et 2015, les salaires et traitements bruts moyens ont progressé de 25,2 % (9).

Par catégories, entre 2005 et 2014, les augmentations des salaires (évalués en équivalent temps plein) ont été de + 8,9 % pour les cadres, de + 18,3 % pour les professions intermédiaires, de + 23,3 % pour les employés, de + 20 % pour les ouvriers (10). Et le SMIC horaire a été majoré de + 18,7 %.

Si l'on excepte les cadres, l'écart s'est donc creusé entre les salaires et les pensions. En 2014, le salaire mensuel moyen d'un ouvrier à temps plein, 2.238 €, était de 69 % supérieur au montant moyen des pensions.

 

De plus, en 2005 le taux de la CSG pour les retraités a été relevé de 6,2 % à 6,6 %, en 2008 la demi part fiscale attribuée aux veuves a été supprimée, et 2012 a vu entrer en vigueur la fiscalisation des majorations des pensions des parents ayant eu trois enfants ou plus. De très délicates attentions !

En outre, contrairement aux salariés, dont au moins une partie des frais d'assurance complémentaire santé est prise charge par leurs employeurs, les retraités doivent payer ces frais en totalité, sans même pouvoir les déduire de leur revenu imposable. Dans un article de La Lettre du 18 Juin de décembre 2012, intitulé« Pourquoi punir les retraités », j'avais déjà dénoncé cette situation. Les tarifs de ces assurances étant très progressifs avec l'âge, pour une personne de 60 ans ou plus, une couverture  « d'entrée de gamme », coûtait alors couramment de  96O € à 1.500 € par an à partir de quatre-vingts ans. Pour une assurance meilleure (remboursement des frais dentaires, d'optique...) les tarifs correspondants s'étalaient de 1.320 € à 2.160 € par an. La réparation de cette injustice devrait être une priorité.

II. - Désunions et montée de la monoparentalité

 Moins de goût pour le partage du destin en couple (avec le même époux ou « compagnon ») et plus de propension à la séparation sont deux des expressions de la liberté  « conjugale » en France qui ont conduit à ce qu'en 30 ans, de 1982 à 2012, parmi les personnes de 15 ans ou plus, la proportion des hommes vivant en couple a reculé de 65 % à 60,2 %, et celle des femmes vivant en couple, de 60,3 % à 55 % (11). 

Ces évolutions ne sont pas marginales et vont pas s'interrompre au cours des décennies à venir. Personne ne songe à pousser des personnes qui ne s'aiment plus, qui s'entendent mal ou qui ont trouvé chaussure pour prendre leur pied ailleurs, à rester unies, en couple. La tendance serait plutôt à faciliter, à simplifier, les divorces et les autres formes de «ruptures d'unions», sans se soucier exagérément de l'avis et du sort des enfants pris au piège de ces désunions.

Ces changements comportementaux se sont accompagnés de l'explosion de la monoparentalité. Il y a huit ans, l'INSEE observait qu'en 2005, le nombre de familles monoparentales était 2,5 fois plus élevé qu'en 1968, et que 17,7 % des « enfants de moins de 25 ans » vivaient dans une famille monoparentale. Les auteurs notaient aussi que « seule la moitié des mères de familles monoparentales occupent un emploi à temps complet... » et que « Signe des difficultés à vivre seul avec des enfants, 10 % de ces familles partagent leur logement avec d'autres personnes, habituellement un parent ».

 Des statistiques plus récentes (12) montrent que de 1990 à 2012, le nombre de familles monoparentales est monté de 1,490 million à 2,392 millions (Mi), soit de + 60 %... et représente  8,5 % du nombre total des ménages. Pourquoi pas 10% dans une dizaine d'années ?

Le nombre de personnes composant ces familles a crû dans les mêmes proportions (+60 %) pour atteindre  6,145 Mi, et représente déjà 9,6 % de la population totale de la France. 

Plus préoccupant encore, des statistiques (13) indiquent qu'en 2013, un enfant sur cinq fait partie d'une famille monoparentale : 19,9 % des enfants de moins de 18 ans, et 21,3 % si on ajoute ceux de 18 à 24 ans.

Et la pauvreté touche plus du tiers des familles monoparentales. Leur taux de pauvreté était de 34,5 % en 2013 (contre 13,9 % pour l'ensemble de la population) et de 35,9 % en 2014. 

Alors que le niveau de vie (NDV) annuel moyen des personnes en France était de 23.150 € en 2013 (23.490 € pour les hommes et 22.830 € pour les femmes), il n'était que de 15.640 € dans les familles monoparentales (dont 11.580 € pour celles des femmes inactives) (14).

Il y a donc des motifs « sérieux et concordants » de ne pas se réjouir et de déplorer l'augmentation des nombres de familles et d'enfants qui souffrent de la pauvreté plus que les autres... et auxquelles l'État et les collectivités locales apportent des aides sociales de plus en plus coûteuses pour la collectivité. Il est décevant qu'une plus grande attention ne soit pas accordée à ces questions, car le phénomène va se prolonger, contribuant à dessiner une société minée par plus d'instabilité, de fragilité et de pauvreté. Qu'en pensent nos candidats présidents ?

III. - « En 2025, un quart de la population résidant en France sera d'origine étrangère »

J'ai  déjà cité ces propos tenus en 2014 par le démographe G.F. Dumont dans mon article de La Lettre du 18 Juin d'avril 2016 intitulé « Ni racistes, ni xénophobes ». J'y faisais le point sur les données et les perspectives d'évolution des populations étrangère, d'immigrés et d'enfants d'immigrés dans une France qui attire et subit l'immigration, malgré les intentions répétées de la maîtriser. J'y faisais aussi une comparaison avec l'Allemagne « terre d'accueil et d'immigration choisie », où l'immigration est plus forte encore, mais où (jusqu'à 2015, au moins), elle répond en quantité et « qualitativement » davantage à la volonté des gouvernants et aux besoins spécifiques du pays. 

Je ne ferai que de brefs rappels ici car notre appareil statistique et les sources extérieures compétentes n'ont pas produit d'informations ou de projections nouvelles sur ces sujets importants.

En 2012, la population de la France, évaluée à 65,24 millions de personnes, comprenait 5,71 Mi d'immigrés et 6,82 Mi d'enfants d'immigrés (15). 12,3 Mi, ensemble, soit 19,2 % de la population. Les origines géographiques étaient européennes pour 41 % d'entre eux, africaines pour 41%, turques pour 4 %, et d'autres pays pour 14 %. Avec  une croissance de cette population nettement plus rapide que celle de la population totale de la France. Entre 2007 et 2012, le nombre d'enfants d'immigrés s'est accru de + 700 000 personnes, ce qui représente la moitié de l'augmentation de la population totale de la France au cours de ces 5 ans (16).

Si les tendances se poursuivent, selon les projections effectuées par le professeur Dumont, la France comptera 16,1 Mi d'immigrés et d'enfants d'immigrés en 2025, c'est à dire 24,1 % de la population totale. Au-delà, nous irions vers une proportion de l'ordre du tiers à l'approche de 2050.

Cette augmentation s'accompagne de celles des effectifs des étrangers et des doubles nationalités. Toutefois, la politique de naturalisation massive ralentit la croissance du nombre d'étrangers, qui étaient 4,8 Mi (7,3 % de la population) en France. On a enregistré plus de 140.000 acquisitions de la nationalité française en moyenne par an entre 2000 et 2009, puis pas moins de 110 000 de 2010 à 2014 (17). 

Une enquête « Trajectoires et Origines » (TeO) de l'INED (18) portant sur 22.000 personnes et réalisée en 20082009 indiquait qu'en France métropolitaine 3,3 Mi de personnes de 18 à 50 ans étaient des double-nationaux, que près de la moitié des immigrés naturalisés avaient conservé leur nationalité d'origine, et que c'était le cas de plus des deux tiers des Maghrébins, de 55 % des immigrés de Turquie... et de moins de 10 % des Asiatiques. 

D'après les rédacteurs de l'INED, cela avait « Peu d'impact sur leur sentiment d'être Français ». Néanmoins, curieusement, « en revanche, la double nationalité est significativement associée à un plus fort sentiment d'appartenance au pays d'origine (le sien ou celui de ses parents)». Et, recommandation « engagée » : « Il importe de reconnaître et de respecter le pluralisme des identités, plutôt que de les concevoir comme des allégeances exclusives ». On ne saurait être plus clair ! 

La proportion des immigrés dans la population (8,8 % en 2012) paraît anodine à certains et constitue même un alibi pour minimiser des problèmes réels posés. Aux niveaux régional et local, la répartition des immigrés sur le territoire est très inégale (19), avec de fortes concentrations, notamment en Ile-de-France (18,2 % de la population, 28,4 % en Seine-Saint-Denis, 20,3 % à Paris...), mais aussi dans des départements, des villes et des localités plus petites. Sans reprendre tous les chiffres que j'ai cités en avril, je rappellerai ici que des « sommets » de l'immigration culminaient en 2012 à 42,6 % à FerneyVoltaire, petite ville de l'Ain, ainsi qu'à Aubervilliers,  42,2 %, et à Saint-Denis, 36,6 %, dans la banlieue parisienne. 20 villes de plus de 50.000 habitants comptaient entre 20 % et 30 % d'immigrés. À l'opposé, il y avait relativement peu d'immigrés en Vendée, 2,1 %, dans la Sarthe, 3,3 %... dans la « France profonde », assez loin des grands pôles d'activité, d'emploi... et de regroupement familial.

Il est à noter que les pourcentages des immigrés + enfants d'immigrés sont forcément plus forts que les précédents. Ils peuvent sans doute atteindre, voire dépasser  les 60 %. On peut donc comprendre le malaise de Français, « de souche » ou non,  confrontés à ces « changements »,  qui sont aussi vus comme un  « remplacement » des populations autochtones par des allochtones, souvent aux us et coutumes différents des leurs.

Après la publication en janvier 2016 des résultats de l'enquête TeO, réalisée en 2008 - 2009, que j'ai citée plus haut (18), de nombreux articles sur le net ont rapporté le désarroi des immigrés « mal intégrés ». europe1.fr et francetvinfo.fr s'en sont fait les échos sous des titres parlants : « Les immigrés mal intégrés même s'ils se sentent ‘’massivement» français’»,  et « Africains, Maghrébins et Asiatiques victimes d'un ’’déni de francité’’, (20). On peut en retenir que la France peine à intégrer ses immigrés, qu'il y a « une intégration à sens unique » avec la persistance de discriminations multiples. Les immigrés se heurtent à « un déni de francité » qui les renvoie à leurs origines... « la francité n'est pas attribuable sur la base de la nationalité ou des codes culturels » comme la langue, mais sur une idée de ceux qui « ressemblent à des Français » ou non. Un déni de francité qui « témoigne des résistances de la société française à intégrer certains descendants d'immigrés pourtant nés en France ». 

Ce qui contredit « la théorie assimilationniste ». Les principales victimes sont les originaires d'Afrique, du Maghreb et d'Asie. « Plus de 50 % des immigrés originaires d'Afrique  qui ont obtenu la nationalité française pensent qu'on ne les perçoit pas comme Français.  Pourtant, ils ont le sentiment d'être Français. » La cohérence de ces observations avec celles ci-dessus concernant les double-nationaux ne saute pas aux yeux. Un appel à la repentance ?

Si une partie des 5,595 Mi d'immigrés (sans compter les clandestins) éprouvent des difficultés d'intégration, il faut aussi savoir que leurs revenus sont, en moyenne, inférieurs à ceux des non immigrés. En 2013, le revenu disponible (après impôts) d'un ménage d'immigrés en France métropolitaine était de 28.420 €, et de 25.720 € s'il était né en Afrique. Celui d'un ménage non immigré était de 36.120 €. Ce dernier revenu ne comprenait que 4,8 % de prestations sociales. Ces prestations constituaient 23,4 % du revenu du ménage d'origine africaine (21). 

En effet, le taux de pauvreté (avec un seuil de pauvreté à 60 % du niveau de vie médian) est très élevé, 37,6 %,  chez les personnes des ménages immigrés, et 44,3 % dans les ménages des personnes nées en Afrique (y compris les prestations sociales reçues). Plus de la moitié des personnes (56 %) de ces derniers ménages font partie des 20 % de la population aux revenus les plus bas. Contre 16,7 % dans les ménages de non immigrés. Ainsi, malgré les aides reçues, nombre d'entre eux vivent dans une grande pauvreté... par rapport aux non immigrés. Leur nombre ne va pas baisser, et les déficits publics sont très difficiles à contenir.

IV. - Islam, islamisme radical. Beaucoup d'inquiétude

Les attentats perpétrés par des « islamistes radicaux » se réclamant de Daech, d'Al-Qaïda ou d'autres obédiences secouent la France et traumatisent la population. L'état d'urgence qui se prolonge, le renforcement des surveillances et des protections policières et militaires pourront-ils être levés dans un avenir proche ? On peut se demander pour quelles bonnes raisons une « accalmie » durable interviendrait. La médiatisation (excessive ?) et la sensibilisation à ces sujets sont très fortes. Mon propos n'est pas d'insister sur eux ici.

Sans m'éloigner trop de mes domaines de compétence, je préfère apporter aux lecteurs de La Lettre des informations quantitatives, très controversées, qu'ils ne connaissent pas forcément sur l'expansion démographique des musulmans en France, d'une part, et profiter de la publication de résultats d'une étude récente, originale, « pionnière », qui tente de mieux nous faire connaître « qui sont les musulmans de France », d'autre part. Et ces informations ne sont pas particulièrement rassurantes.

Islam en France :  « Établir la transparence et lever les ambiguïté s »

Un rapport du Sénat de juillet 2016 (22), titrant « De l'Islam en France à un Islam de France, établir la transparence et lever les ambiguïtés », s'interroge (ingénument ?) : « Une communauté musulmane en expansion ? ».

En l'absence (très regrettable, incompréhensible) de statistiques publiques françaises sur les religions, les rapporteurs se sont tournés vers une source internationale réputée et peu contestée, le Pew research center (PRC). Ce centre a estimé qu'en 2010, les musulmans représentaient 7,5 % de la population de la France métropolitaine (FM), soit 4,7 Mi de personnes. Pour la démographe Michèle Tribalat, cet effectif a dépassé les 5 Mi à partir de 2014 (23). La prolongation des tendances devrait porter le pourcentage des musulmans en FM à environ 8 % en 2016, ce qui correspond à un peu plus de 5,3 Mi de personnes.

 

 

Ainsi, la croissance de la population de la FM entre 2010 et 2016 (+ 1,7 Mi de personnes) proviendrait pour un tiers de celle du nombre de musulmans (+ 0,6 Mi de personnes)... Et cette « tendance lourde » devrait persister.

Le PRC a effectué des projections à l'horizon 2050. Sous une hypothèse (irréaliste) de l'absence de nouvelle immigration, le pourcentage des musulmans dans la population de la FM serait limité à 9 % en 2050, l'augmentation de cette proportion provenant essentiellement du différentiel de fécondité entre musulmans et non musulmans. Avec une immigration  « prévisible », cette proportion serait de 10,9 % en 2050. 

La forte croissance de la population musulmane en France semble corroborée par les recensements des lieux de culte effectués par le ministère de l'Intérieur. De 2004 à 2014, le nombre de mosquées est passé de 1.600 à 2.450. Avec des implantations « surtout situées dans les grands bassins de population et majoritairement en région parisienne (459 mosquées), puis en région lyonnaise (319) et autour de Marseille (218). Resterait à déterminer la part de l'augmentation correspondant à un ‘’rattrapage par rapport aux besoins forts de la communauté musulmane en lieux de culte’’ », ajoute le rapport avec une prudence de sénateur.  

« Religion, famille, société :  qui sont vraiment les musulmans de France »

C'est le titre « ambitieux » de la présentation en septembre 2016 par le JDD, en exclusivité, de résultats d'une étude de l'Institut Montaigne réalisée avec l'appui d'enquêtes de l'IFOP. Baptisé « Un islam français est possible », le rapport rédigé par Hakim El Karoui, met en évidence, selon la rédactrice du JDD, « une bonne intégration de la population musulmane, mais aussi l'inquiétante rupture des plus jeunes  avec les valeurs républicaine s » (24). 

Un reproche lui a été adressé sur la méthodologie utilisée. L'étude « se base » sur un panel  de 15.459 personnes de quinze ans et plus, sensé être représentatif de la population musulmane de la France métropolitaine. Elle s'est « concentrée » sur un petit échantillon de 1.029 personnes, dont 874 « se définissent » comme musulmans (25). Or, les recensements de l'INSEE et des autres instituts nationaux ne collectent pas d'informations de caractère ethnique et religieux. C'est interdit. On peut donc émettre des réserves sur la représentativité du panel et de l'échantillon retenu.  Des réserves confortées par ce qui suit.

Pour l'IFOP, les musulmans ne seraient qu'entre trois et quatre millions. L'Institut Montaigne ose un chiffre  sur la présence - souvent fantasmée - de musulmans dans notre pays. On est loin des 8 % à 10 % de la population brandis par les théoriciens catastrophistes du « grand remplacement ».  Selon l'IFOP, « ils représenteraient 5,6 % des plus de 15 ans vivant en France, et 10 % des moins de 25 ans. Il s'agit d'un groupe social particulièrement jeune :  84 % ont moins de 50 ans...». « Moins nombreux qu'on ne le dit, mais des jeunes », souligne le JDD. 

De nombreux jeunes, d'accord. Mais, combien ? Il est difficile de se fier aux chiffres indiqués car l'estimation de la population totale des musulmans est vraisemblablement sous-estimée de l'ordre de 30 % par l'IFOP.

Pour ma part, je ne classerai pas le Pew research center (et les rapporteurs de notre Sénat) parmi les théoriciens du grand remplacement. Et je n'oserai pas placer les compétences de l'IFOP sur le sujet au-dessus de celles du PRC et de la démographe Michèle Tribalat. Ces erreurs d'appréciation et cette agressivité qui nourrissent la polémique, nuisent à la cause défendue. Je ne peux donc prendre au pied de la lettre tous les chiffres fournis résultant d'extrapolations (ou généralisations) se rapportant à la population musulmane totale. Par contre, je regarde avec moins de circonspection les pourcentages portant sur les réponses des personnes de l'échantillon enquêté, exprimant les opinions de cet échantillon. 

Cette enquête fournit des indications intéressantes, détaillées ici, même si les questions posées, assez liées à l'actualité, manquent un peu d'originalité et ont évité des sujets qui fâchent. « Cette étude s'intéresse à la sociologie des musulmans de France ; elle évacue l'ersatz perturbateur qui ensanglante notre pays. » « Pas de mélange entre islam et islamisme terroriste.» C'est la  « preuve d'un grand discernement », que met en relief un article sur lefigaro.fr (26) intitulé « Sondage du JDD sur l'islam en France : l'échec de l'intégration culturelle ». Tous les médias n'ont pas tiré les mêmes conclusions des résultats de l'étude. À chacun de se forger son opinion.

Le Halal et le voile seraient des « marqueurs d'identité ».

Parmi les personnes interrogées, 83 % des « musulmans déclaré s» estiment que les enfants devraient pouvoir manger halal dans les cantines scolaires. Ce pourcentage est de 68 % chez « les personnes d'origine musulmane ».

58 % des hommes et 70 % des femmes sont favorables à ce qu'une femme porte « le voile-hijab ». Concernant le port du voile intégral (niqab ou burka), ces pourcentages sont de 20 % chez les hommes et 28 % chez les femmes.

Pour 65 % des musulmans déclarés, « les filles devraient avoir le droit de porter le voile au collège et au lycée »; c'est aussi l'avis de 36 % des personnes d'ascendance musulmane.

Absent de l'enquête, un autre vêtement « clivant », le burkini, n'avait pas encore eu les honneurs de la presse.

25 % des musulmans trouveraient aussi anormal que la polygamie soit interdite en France.

Certains comportements relatifs  à la mixité sont aussi des marqueurs 

Ils ont fait l'objet de cinq questions (présentées par le JDD) aux 874 personnes de religion musulmane. J'en ai retenu trois, d'intérêt inégal : 97 % des hommes disent accepter de se faire soigner par un médecin ou un (e) infirmier(e) de l'autre sexe, contre 85 % des femmes ;  77 % des hommes « font la bise » à une femme, alors que 59 % des femmes font la bise à un homme ; 75 % des hommes acceptent d'aller dans une piscine mixte (hommes et femmes), contre 56 % des femmes.  

Une asymétrie entre les deux sexes peut ainsi être observée dans les opinions et les pratiques, et « l'identité » des femmes se révèle plus «marquée» que celle des hommes.

La laïcité 

Sur les lieux de travail est-elle en danger? Pour 48 % des musulmans déclarés et pour 46 % des personnes d'ascendance musulmane, « on devrait pouvoir affirmer son identité religieuse au travail ». 

Pour 41 % des musulmans déclarés et pour 30 % des personnes d'ascendance musulmane, « l'employeur doit s'adapter aux obligations religieuses de ses employés ». L'utilisation du terme « obligation » pourrait appeler à réflexion dans un pays ou la liberté est une valeur (déclarée) de la République... la laïcité aussi.

Plus grave et inquiétant, pour 32 % des musulmans déclarés et pour 13 % des personnes d'ascendance musulmane, « la loi islamique (charia) est plus importante que la loi de la République ». 

Une majorité de laïcs, un tiers de « rigoristes », résume sobrement  le JDD... en ajoutant quelques informations. L'IFOP a classé les musulmans en trois groupes : « les  ‘’sécularisés’’ (46 %), totalement laïcs même lorsque la religion occupe une place importante dans leur vie; les ‘’islamic pride’’, fiers de leur religion, (25 %), «qui revendiquent l'expression de leur foi dans l'espace public, mais rejettent le niqab et la polygamie, respectent la laïcité... ; les ‘’ultras’’ (28 %), au ‘’profil autoritaire’’, dont certains vivent en rupture avec les valeurs républicaines, plébiscitent le port du niqab ou de la burka et la polygamie. Ils semblent surreprésentés parmi les jeunes (50 % des moins de 25 ans)... ainsi que chez les inactifs et les précaires. Les auteurs de l'étude « postulent qu'il s'agit d'un effet de génération ». Il est à craindre que ces signes ne s'atténuent pas avec la majorité... et, en conséquence, que la proportion des « ultras » ne baisse pas au cours des années à venir.

Les musulmans fréquenteraient peu les lieux de culte et ignoreraient le CFCM

Un tiers des musulmans ne se rendraient jamais à la mosquée, un tiers ne s'y rendraient que pour les fêtes religieuses, 29 % s'y rendraient chaque semaine, le vendredi, et 5 % chaque jour. Pour le JDD, cela mérite réflexion « au moment où le gouvernement essaie d'organiser l'islam de France autour des lieux de culte ». 

Pour moi, cela fait douter de la représentativité au niveau national de l'échantillon enquêté sur ces questions, et paraît en contradiction avec les prières pratiquées dans la rue et d'autres lieux publics, avec l'augmentation du nombre des mosquées, ainsi que les revendications pour en construire davantage.

68 % des musulmans (enquêtés) ne connaîtraient pas le Conseil du culte musulman (CFCM), 16 % se sentiraient représentés par le recteur de la grande mosquée de Paris et Dalil Boubakeur, et 12 % des sondés se sentiraient représentés par l'Union des organisations islamiques de France (UOIF).

Il semble pourtant que les musulmans de France ne se désintéressent pas de la pratique de leur religion, puisque pour 59 % des musulmans déclarés et pour 69 % des personnes d'ascendance musulmane, « il faudrait pouvoir élire (choisir) un grand imam de France » ; pour 55 % despremiers et pour 65 % des seconds, « les imams devraient être formés en France plutôt qu'à l'étranger » ; pour 42 % des premiers et 32 % des seconds « une femme devrait pouvoir devenir imam ». Rapproché des informations précédentes, ce dernier «progressisme» surprend un peu.

Enfin, quelques informations pourraient intéresser les candidats aux prochaines élections présidentielles et législatives. Comme pour les autres Français, l'emploi est la première préoccupation des musulmans, qui rêvent aussi d'être fonctionnaires, propriétaires, de payer moins d'impôts et d'assurer des études longues à leurs enfants. Ils ont eu tendance à voter plutôt à gauche, mais 45 % se déclareraient ni à droite ni à gauche maintenant. À l'élection présidentielle de 2017, un musulman sur deux

se dirait certain d'aller voter (contre 62 % pour tous les Français). S'il y avait un candidat musulman, seulement  22 % voteraient « systématiquement » pour lui. Malgré le sentiment (croissant) de 38 % d'entre eux d'être  « discriminés », « un chiffre témoigne de leur confiance dans la République : 47 % pensent qu'à l'avenir la France pourrait faire entrer un musulman à l'Elysée ». 

L'étude ne précise pas les parts respectives des  « sécularisés », des « islamic pride » et des « ultras » dans ces 47 %. Vu que nous avons plusieurs ministres musulmans, que le maire de Londres est musulman, que les Américains ont élu président Obama puis Trump, tous les espoirs sont permis, et une telle perspective ne peut être exclue.

Sources et références

(1) INSEE, « Projections de population 2013-2070 pour la France », novembre 2016 + INSEE Première, n° 1619, novembre 2016.

(2) « La politique française est verrouillée par le vote des seniors », slate.fr/story/115675/politique..., le 21/03/2016.

(3) SciencesPo  Cevipof, « L'enquête électorale française : comprendre 2017 », La Note / #17 / vague 3, avril 2016.

(4) « Pourquoi le FN peut gagner gros avec le vote des seniors », leJDD.fr, le 20/10/2016. 

(5) slideshare.net/HarrisInteractiveFrance/sondage-jour-du-vote-2me-tour-de, le 27/11/2016.

(6) INSEE Références, édition 2016 - Fiches – Revenus.

(7) DREES du ministère de la santé et des affaires sociales. 

(8) « Fiche pratique des revalorisations des retraites 2016 », toutsurmesfinances.com/retraite..., le 17/11/2016 + site agirc-arrco.fr,  « Valeur de point et salaire de référence », le 11/11/2016.

(9) INSEE, tableau 2.101, « Revenu disponible brut des ménages... », le 06/11/2016.

(10) INSEE Première, n° 1617, septembre 2016, « Salaires mensuels moyens et répartition des effectifs... ».

(11) INSEE Première, n° 1195, juin 2008, « Population - Les familles monoparentales - Des difficultés à travailler et à se loger ».

(12) INSEE Références, édition 2015, fiches « Cadrage - Personnes seules, couples, familles » + fiches « Population – Ménages ». 

(13) INSEE, « Population - Enfants des familles par âge et type de famille en 2013 ».  

(14) INSEE Références, édition 2015, fiches « Niveaux de vie et redistribution » + INSEE Première,  n° 1614, septembre 2016 +  INSEE Références, édition 2016, fiches « Revenu disponible et niveau de vie par sexe ».

(15) INSEE Références,  édition 2015, « Immigrés et enfants d'immigrés », fiches « Population ».

(16) « Démographie des descendants d'immigrés » (source « Enquête emploi en continu »), Infos migrations, n° 66, avril 2014.

(17) INSEE,  « Les acquisitions de nationalité française », sources MI-DESD, ministère de la Justice.

(18) « Double nationalité et identité nationale », Focus « Les mémos de la démo »,  Ined Institut... 

(19) INSE, « Population - Immigrés en 2012 : comparaisons régionales et départementales ». + linternaute.com/villes/classement/villes/immigrés (source INSEE 2012).

(20) europe1.fr/societe/les-immigres-mal-integres-meme..., le 09/01/2016 + francetvinfo.fr/societe/africains-maghrebins-et-asiatiques...,  le 08/01/2016.

(21) INSEE Références, édition 2016, « Revenu disponible et niveau de vie des immigrés », fiches « Revenus ». 

(22) senat.fr/rap/r15-757/r15-7573.html, le 05/07/2016 + Pew research center, « The future of world religions : population growth projections 2016-2050 ». 

(23) Atlantico.fr/decryptage..., le 20/09/2016.

(24) lejdd.fr/Societe/Religion/Religion-famille-societe-qui-sont..., le 18/09/2016.

(25) « Musulmans de France : les questions que pose l'Institut Montaigne », lesechos.fr/politique/societe/0211304392617-musulmans....,  le 19/09/2016.

(26) lefigaro.fr/vox/politique/2016/09/19/31001-20160919ARTFIG00126...

 

 

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