Par
Christine Alfarge
« Construire l’Europe, c’est-à-dire
l’unir, est pour nous un but essentiel. »
Pour cela il convient de
procéder « non pas d’après des rêves, mais suivant des réalités. Or,
quelles sont les réalités de l’Europe… ? En vérité ce sont les
Etats… » Telle fut la vision du
Général de Gaulle sur l’Europe qu’il écrivait dans ses Mémoires d’espoir.
Le projet politique européen.
La notion de projet politique concernant l’Europe existe
depuis que l’Europe existe, il désigne la paix dans le concert des nations
prêtes à coopérer en vue de réalisations communes. Cependant, deux visions
différentes continuent de diviser les européens, d’un côté la tendance des
fédéralistes pour une Europe supranationale, de l’autre la tendance des
souverainistes voulant que les Etats gardent le maximum d’autonomie, de
compétence, de pouvoir et au niveau européen, coopèrent en gardant leur liberté
d’actions.
Au regard des hommes politiques qui se sont succédés,
l’idée européenne ne revêt pas forcément la même vision. Le Général de Gaulle a
empêché tout mécanisme supranational prônant la nécessité de rétablir une
réconciliation avec l’Allemagne. Jacques Sapir souligne : « Le
Général de Gaulle se heurtera à l’élite allemande faisant preuve de raidissement
comme les Etats-Unis. »
La signature le 22 janvier
1963 du Traité de l’Elysée portant sur une coopération politique, économique,
sociale et militaire entre la France et l’Allemagne, marquera la réconciliation
définitive de ces deux pays. Pour autant ce Traité sera mal perçu par les
autres pays occidentaux qui parlaient même de « nationalisme
franco-allemand ».Le Général de Gaulle ne tardera pas à le savoir au
moment où Adenauer démissionnera en septembre 1963 car son successeur Erhard s’était
positionné dès mai 1958 contre lui, avait pris ses distances avec l’Union
franco-allemande, ce qui amena le Général, abandonné par la RFA, ayant de
mauvaises relations avec les pays anglo-saxons, à repenser à son idée
« l’Europe de l’Atlantique à l’Oural ». Son regard vers le bloc
oriental était en quelque sorte le contrepoids à l’hégémonie anglo-saxonne, le
moyen d’empêcher toute construction supranationale en Europe.
Ce traité franco-allemand
était un substitut au projet d’Europe politique qui pouvait comme le pensait le
Général de Gaulle rassembler les autres pays européens. Mais ce substitut du
projet d’Europe politique est mis en échec par un préambule additif allemand, évoquant
notamment « une étroite coopération entre les Etats-Unis et l’Europe, la
défense commune dans le cadre de l’OTAN, l’Union de l’Europe y compris la
Grande-Bretagne ». Selon Jacques Sapir : « La Grande-Bretagne et l’Allemagne sont
pourtant différentes. La Grande-Bretagne n’oublie jamais qu’elle était une
nation contrairement à l’Allemagne qui veut l’oublier et se refuse d’être une
nation, il ajoute :
« Avec
François Mitterrand, la question s’est posée, est-ce qu’il doit reprendre
l’habit du Général de Gaulle car il y a des choses inacceptables et la France
défendra ses intérêts nationaux ou le seul espoir pour qu’une Europe subsiste,
c’est de la fondre dans une Europe supranationale ? Le Général de Gaulle a
toujours refusé l’affaissement de la France, il a apporté la légitimité et
assumé une France responsable de ses actes. Avec François Mitterrand,
l’effondrement français reste indépassable. » Jacques Sapir ajoute : « Il n’y a rien,
en économie ni en politique, que l’on puisse dire inéluctable. Souvenons-nous
que dans l’action humaine, comme à la guerre, un désastre refusé est à moitié
effacé. C’est l’acceptation de la catastrophe, la résignation au malheur, qui
conduit à l’abîme. Sans volonté, il n’y a pas d’action. Sans volonté il ne
saurait y avoir de politique, et la politique économique c’est aussi de la
politique. »
Que va alors devenir la
France ?
S’interrogeant sur la France, François
Mitterrand va fondre progressivement le pays dans des cadres supranationaux
poussant en faveur du Traité de Maastricht pour une union économique et
monétaire soutenue par Jacques Delors, avec le maintien toute fois de la force
nucléaire. Selon Jacques Sapir : « En engageant la France dans ce
processus, il n’a pas vu l’ampleur du renoncement ». Il poursuit son propos
: « Jacques Chirac n’a pas souhaité revenir en arrière alors qu’il en
avait l’occasion, refusant d’appeler à l’union européenne, il pensait ruser
avec l’autonomie de la défense. Quant à Nicolas Sarkosy
et François Hollande, ils ont considéré qu’il n’y avait plus rien à
négocier. »
Vers plus de coopération.
De 1992 à 2007, il existe plus
de supranationalité. Le rapport à la Russie a joué dans l’échec américain, les spécificités
chinoise et indienne montrent le début d’un monde multipolaire vers un retour
des nations alors que l’Union européenne est en porte-à-faux en continuant de penser
qu’il n’y a qu’une seule puissance, les Etats-Unis. Brutalement, on revient
vers les nations alors que l’Union européenne connaît une crise migratoire
d’une ampleur inouïe et que l’élection de Donald Trump
est vécue comme le vecteur d’une colère du peuple américain. Nous sommes devant
un moment important où il faut penser la coopération entre les pays. Poser un
moment donné la relation avec la Russie culturellement européenne. Or le
problème de l’Union européenne est d’être tétanisée par cette crise, les Etats-Unis
vont apporter la réponse à cette question, modifier la géopolitique mondiale en
trois jours.
Cependant, Jacques Sapir nous livre
son inquiétude car François Hollande reste bloqué sur une idéologie, son
successeur sera confronté au même problème. Il dit : « Nous
constatons aujourd’hui, comme de Gaulle l’écrivit à propos de 1940, qu’il
manque deux choses à François Hollande, comme elles ont manqué à Paul Reynaud,
pour qu’il soit un chef d’Etat : un Etat, et d’être un chef. Et il est
vrai qu’ayant accepté les différentes usurpations de l’UE, les petites comme
les grandes, il ne reste pas grand-chose de la souveraineté de l’Etat. Le
constat de reniements et des abandons a été fait depuis des années.
Aujourd’hui, nul ne l’ignore. Quant à être un chef, c’est-à-dire avoir tout
ensemble cette volonté d’agir, cette foi dans l’action, et cette capacité à
entraîner autour de cette action ceux qui vous entourent, cela implique une
discipline de tous les instants. Il ajoute : « La tactique l’emporte sur la
stratégie, il faut une vision générale qui fait défaut. Ce qui est dramatique,
c’est un consensus et pas une stratégie. Nous sommes devant les prémisses d’une
crise grave. Qui sera capable d’accoucher de cette situation ? ».
La vision la plus articulée.
A la question qui lui est posée
« Que
pensez-vous de François Fillon ? », Jacques Sapir répond : « Incontestablement,
François Fillon a la vision la plus articulée concernant la politique étrangère
de la France. Il propose une purge massive. » A l’instar du Général de
Gaulle, il faut remettre les affaires en ordre si la France veut occuper et
jouer son rôle à l’international. François Fillon écrit « C’est en se
réformant que la France retrouvera voix au chapitre en Europe et dans le monde.
Pour cela, la France doit s’appuyer sur l’Europe, qui est un atout dont elle
n’a pas toujours bénéficié au cours de son histoire. Elle doit impulser une nouvelle
phase de construction d’une Europe véritablement indépendante et elle doit se
donner pour objectif d’en devenir la première puissance ».
« Là où il y a
une volonté, il y a un chemin ».