par
Marc DUGOIS
Un intellectuel
ne devrait-il pas en permanence gérer son grand écart entre les deux nécessités
de construire et de douter de ses bases ?
Pour ma part je n’ai plus que deux
certitudes pour lesquelles je soigne mes contradicteurs en ne les écoutant que
pour les faire changer d’avis. La première est que responsabilité et risque
sont les deux facettes d’une même réalité. La seconde est qu’on ne débloque une
situation qu’en se remettant en cause soi-même. Pour tout le reste ce ne sont
pour moi que des convictions sur lesquelles je construis certes aussi ma vie
mais en m’enrichissant de ce que pensent mes contradicteurs.
Le monde aujourd’hui est fondé sur une
nouvelle religion matérialiste qui dit que l’homme crée des richesses alors
qu’il ne fait que constater que les œuvres de la nature ou des autres hommes
sont des richesses quand il s’appauvrit en énergie pour les obtenir.
L’homme a commencé par constater les
richesses de la nature par la dépense de son énergie physique au travers de la
chasse, de la pêche et de la cueillette. Sans dépense d’énergie humaine ces
richesses naturelles se reproduisaient puis disparaissaient en se décomposant.
Puis l’homme s’est mis à produire en agriculteur, en constructeur et en
fabricant mais en vérifiant naturellement sans arrêt que sa production était
richesse aux yeux des autres et non rebut par le fait que le don qu’il faisait
de sa production était appréciée par les contre-dons que lui rendaient tous les
autres. La dérive a commencé quand des intellectuels ont appelé sottement cela,
le troc.
Lorsque le contre-don a été remplacé par
l’argent pour être simultané, rien n’a fondamentalement changé parce que la
monnaie était le substitut social de l’énergie humaine, garantie socialement,
religieusement et politiquement mais limitée en quantité par le travail humain
utile du groupe.
Par flagornerie les intellectuels ont
fait croire aux puissants puis aux peuples que la monnaie n’était plus le
substitut social de l’énergie humaine mais une marchandise qui pouvait devenir
manne divine. L’homme ne constatait plus la richesse par la dépense de son
énergie mais il la créait par la fabrication de la monnaie. Nous vivons
aujourd’hui dans cette vanité sans avenir que la guerre fera exploser si notre
intelligence continue à renoncer à le faire. Cette vanité nous empêche de
réaliser que contrairement à la nature qui fait disparaître ses productions non
reconnues comme richesses, nous sommes de plus en plus incapables de nous débarrasser
de nos déchets et de nos surproductions.
Nous rêvons d’un pays de Cocagne où des
robots et des machines produiraient et où les hommes recevraient l’argent pour
acheter ces productions. On appelle économie en Occident ce double regard sur
la production et la consommation où l’homme ne serait nécessaire que pour
consommer. Cette fadaise ne tient que par les mensonges politico-médiatiques
qui nous martèlent que nous nous sommes un pays riche et que la croissance
annuelle de cette soi-disant richesse s’appelle le PIB alors que le PIB n’est
que le constat chiffré d’une énergie déjà dépensée. Cette énergie dépensée est
de moins en moins notre énergie actuelle mais de plus en plus celle du passé
aspirée par l’impôt, celle du futur créée par la dette et celles des autres
hommes que nous voudrions pomper par une balance commerciale excédentaire.
Aujourd’hui ce sont les autres qui
pompent notre énergie par notre balance commerciale déficitaire, l’augmentation
des impôts atteint ses limites et c’est donc la dette qui explose. Le FMI vient
de dire que la dette mondiale atteignait désormais 152.000 milliards de dollars
tout en continuant à comparer cette dette au PIB mondial qu’il continue
scandaleusement à présenter comme une création annuelle de richesse. Le FMI
s’alarme que la dette mondiale soit de 225 % de la création annuelle de
richesse alors qu’elle est de 225 % de ce que nous avons dépensé en une année.
Avec quoi pourrions-nous rembourser la dette ?
Mesdames et Messieurs les intellectuels,
continuons-nous à faire le lit de la guerre en regardant ailleurs et en ne nous
interrogeant que sur ce qui la déclenchera ou nous mettons-nous enfin au
travail ?