par Georges AIMÉ
L’élection
présidentielle de mai prochain s’annonce sous des auspices sensiblement
différents de ceux que nous avons connus ces dernières décennies. Marine Le Pen
va-t-elle déborder François Fillon sur sa gauche ?
Le débat d’idée est consubstantiel à la
démocratie. Encore faut-il que les positions exprimées soient claires, précises
et puissent être comprises par tous.
Afin qu’il prenne pleinement sa place et
être la seule raison du choix de l’électeur, il est une donnée indispensable et
impérative : il faut que ce dernier cesse de « regarder » la télévision et
concentre son attention sur les propos tenus. En un temps où l’apparence et la
gesticulation médiatique a plus d’importance que le fonds, cette non-écoute
peut amener à de graves désillusions.
À titre d’exemple, je ne suis pas très
sûr qu’avant les « primaires », tous aient entendu, lors de l’Émission
politique du 6 octobre, Alain Juppé déclaré « que si c’était à refaire au Moyen
Orient il le referait », que « nous avons bien fait d’intervenir en Libye et
d’éliminer Kadhafi car ce dernier était un Bachar elAssad en devenir » ou encore que « l’attitude des Russes
en Syrie et en Ukraine était inadmissible ». Par contre, ce qu’ils n’ont
sûrement pas entendu c’est que les problèmes que nous posent les migrants sont
la conséquence de notre intervention dans cette région liée au suivisme aveugle
de la politique des USA dictée par les groupes de pression militaro-pétrolo-industriels et que les difficultés rencontrées par
nos agriculteurs sont en partie liées au boycott infligé à la Russie.
Je ne suis également pas très sûr que la
majorité des téléspectateurs ait bien entendu les propos de François Fillon en
matière de Sécurité sociale, de retraite et de taux de TVA.
Jamais le risque de voir Marine Le Pen accéder
à la présidence n’a été aussi grand. Dans l’éventualité d’un second tour
l’opposant à François Fillon, je ne vois pas les électeurs de gauche se
mobiliser, comme ils l’ont fait pour Jacques Chirac, et aller voter pour
l’ancien Premier ministre. Sans doute voteront ils blanc ou
s’abstiendront-ils.
Quant aux ex UMP passés au Front
National, il est vain d’espérer, comme l’imaginent les hiérarques du parti Les
Républicains, qu’« ils abandonneront Marine pour François » comme j’ai pu
l’entendre ici ou là. Au FN les Français de condition modeste sont légion,
pourquoi iraient-ils voter pour un homme qui va leur rendre la vie encore plus
difficile, voire impossible quand ils seront malades ? Quant à ceux qui font
partie de la classe moyenne pourquoi iraient-ils voter pour celui qui va les
assécher encore un peu plus ? L’ISF ne les concerne pas vraiment.
Le passionné de courses automobiles va
devoir mettre un œuf sous l’accélérateur et être moins péremptoire quant à
l’application stricte de ses choix de course. Quatre millions d’électeurs,
peut-être plus nantis que la moyenne, ne font pas une élection qui concerne
quarante-quatre millions d’électeurs potentiels et trente-six millions de
probables. Le delta est large.
Le mois de mai est suffisamment éloigné
pour que les Français se rendent compte qu’ils ne peuvent accepter une
politique qui inévitablement va creuser le fossé entre les couches sociales de
la population. Riches de plus
en plus riches, classe moyenne devenant moins riche, pauvres
devenant plus pauvres et, pour certains, indigents.
Cela porte un nom : régression sociale !
Les plus touchés seront les plus pauvres (hausse de la TVA), les familles
monoparentales et les plus âgés en mauvaise santé qui ne pourront se payer des
mutuelles a fort taux de remboursement (en 2013, la population des
soixante-cinq ans et plus représentait 17,5 % de la population [voir l’article
de Paul Kloboukoff dans ce journal « Des défits sociétaux majeurs et des motifs d’inquiétude])».
Je ne crois pas que la politique menée en Grande-Bretagne qui a abouti à
dix millions de pauvres soit un exemple à suivre, je ne crois pas que les
laissés pour compte à 1 ou 2 € de l’heure en Allemagne soit un exemple, il en
est de même pour les quarante-quatre millions de pauvres aux USA.
Nous sommes bien loin de la politique sociale chère au Général de Gaulle.
Sélective la Sécurité sociale que les hommes du CNR en 1949 ont voulu pour tous
; oublié l’ascenseur social ; invraisemblable la participation ou l’association
capital-travail...
Il ne suffit pas de se réclamer de Philippe Séguin pour être un gaulliste
social !
Pourtant une autre politique est possible afin de redonner confiance aux
Français et leur assurer qu’ils peuvent vivre sans l’angoisse permanente d’être licenciés, sans se demander si demain
ils auront droit aux mêmes soins que les plus fortunés et si la vie de leurs
enfants ne sera pas un enfer à l’heure où on parle de plus en plus de « revenu
citoyen » non lié au travail (la dernière aumône de l’ultra-libéralisme pour
faire avaler le fait de créer une sous-catégorie de citoyens).
Pour cela, il convient de conduire soi-même son véhicule et ne pas laisser
les techno-chauffeurs européens et ultra-libéraux mondialistes piloter à sa
place.
Conduire soi-même son véhicule c’est
maîtriser ses frontières, refuser les traités contraires aux intérêts
économiques et environnementaux de notre Pays, ne pas accepter celles des
directives européennes n’ayant pour but que de détruire l’État-Nation. C’est
revenir à l’esprit du traité de La Havane dans nos échanges
internationaux.
Certes, il convient de maîtriser le
budget, de ne pas laisser croître le déficit et de réduire la dette mais cela
ne doit pas se faire en agrandissant la fracture sociale.
Commençons par faire des économies là où
règnent gabegie et laisser-aller. Les deux premières sources d’économies sont
la réorganisation de la représentativité politique et par voie de conséquence la
réduction du nombre de fonctionnaires dans la fonction publique territoriale
(rappelons au passage qu’un million de salariés ont été embauchés dans ce
secteur depuis dix ans et cela pour une amélioration de l’efficacité des
services publics qui restent à démonter).
À quoi servent 577 députés alors que 250
(dont 10 % élus à la proportionnelle) se consacrant uniquement (sans cumul de
mandats) à leur tâche suffiraient amplement ?
À quoi sert le CESE, si ce n’est de
maison de retraite pour ex élus ? Ne serait-il pas souhaitable de le fondre
dans un Sénat où siégeraient 180 membres, élus du peuple (en même temps que les
législatives) représentant les différentes composantes de notre société ?
À quoi servent 30.000 communes (sur
36.000) de moins de 3.000 habitants incapables, dans leur grande majorité, de
se suffire à elle-même et obligées de se
réunir en intercommunalité et autres pays de quelque chose ?
À qui servent des départements créés
sous le Directoire... Y a-t-il encore des
représentants de l’État traversant à cheval ces territoires ?
Pour mettre en place une telle politique
il faut aimer la France et les Français et il faut du courage, beaucoup de
courage. Il faut avoir la volonté de scier la branche – pour ne pas dire la
fourche – sur laquelle sont assis confortablement nombre de députés et de
sénateurs et accepter de se faire beaucoup d’ennemis.
C’est certainement beaucoup moins facile
que de prendre à ceux qui ne sont pas des politico-notables cumulards à vie.
Attention cependant au retour de bâton !