FLEXISÉCURITÉ ET RETENUE

À LA SOURCE DE L'IMPÔT SUR LE REVENU


par Paul KLOBOUKOFF

Ces recettes scandinaves seront probablement inefficaces en France.

La loi «  Travail », ou loi « El Khomri », est un pas de plus, qui se voulait décisif, vers l'instauration de la « flexisécurité » en France, en « assouplissant » les conditions de licenciement, de travail et de recrutement par les entreprises afin de « dynamiser » le marché du travail... et en réduisant l'influence des syndicats et des conventions collectives des branches au profit d'ententes plus directes entre les entreprises et leur personnel. 

Une fois de plus, la source d'inspiration de cette démarche est le « modèle scandinave », avec le Danemark, qui, le premier, a mis en œuvre en 1999 le « concept »  de flexisécurité, et les deux autres « pratiquants » de l'UE, la Finlande et la Suède. En novembre 2014, Manuel Valls n'a pas manqué de se rendre à Copenhague pour visualiser le concept en action, en palper les bienfaits. Rien de tel qu'une brève visite aux autorités compétentes pour ancrer des convictions et décider de la transposition en France. Sans se soucier exagérément de la pertinence de la transplantation dans un pays, une économie et une société qui diffèrent en de nombreux points des pays scandinaves, comme nous le vérifierons ici.  

Quant aux bienfaits attribués à la flexisécurité, ils existent, peut-on lire, en matière de mobilité de la main d'œuvre et de hausse des marges des entreprises. Mais en termes de création nette d'emplois et de croissance au cours des dernières années, on ne les retrouve pas dans les statistiques d'Eurostat, de l'OCDE, du FMI... et les comptes nationaux. Entre 2007 et 2014, les PIB du Danemark et de la Finlande ont reculé respectivement de - 3,3 % et - 5,3 %, pendant que celui de la France a augmenté de + 2,2 %  et celui de la Suède, de + 6 %. Les performances des entreprises de cette dernière à l'exportation et un excédent des échanges extérieurs 

de l'ordre de 5 % du PIB  ont permis de « booster » sa croissance. Entre 2007 et 2014, le nombre des emplois a baissé de - 2,6 % au Danemark et de - 2,4 % en Finlande. En France, il n'a ni baissé ni augmenté. En Suède, il n'a progressé que de + 1 %. Attention aux « gadgets » à la mode dont on n'a pas vérifié l'efficacité. Souplesse des marchés du travail, peut-être. Mais les ressorts de la croissance et de l'emploi sont ailleurs dans ces pays scandinaves très ouverts, « extravertis », très tributaires de leur compétitivité. En 2014, leurs exportations ont été de 37,9 % du PIB en Finlande, de 44,5 % en Suède et de 53,7 % au Danemark, contre 28,7 % en France. Les principaux « moteurs de la croissance » de ces pays aux dimensions économiques beaucoup plus modestes que celles de la France, ne sont pas, comme chez nous, la croissance de la demande intérieure, des ménages en particulier, et l'endettement public.  

Comme en France, dans les trois pays scandinaves, les prélèvements obligatoires sont parmi les plus forts dans le monde. Ceux de la Suède (43,6 % du montant du PIB en 2014) et de la Finlande (43,9 % ) sont un peu inférieurs à ceux de la France (47,8 %). Le Danemark est au sommet, avec un taux de 50,7 % (1). 

Cependant, leurs fiscalités évitent de surtaxer les bénéfices des entreprises et le coût du travail. Cette « clémence », qui plait aux investisseurs locaux et étrangers, est compensée par des recettes importantes venant des particuliers. Notamment parce que très peu de contribuables sont dispensés d'impôts sur les revenus.  La charge fiscale est répartie de façon moins inégale. Les « niches fiscales » y sont rares. Et le nivellement, n'obnubile pas les gouvernants.

En France, l'idée d'une majoration significative de la TVA ou celle d'une « TVA sociale » soulève l'ire de la gauche et fige d'effroi une partie des politiciens de la droite. Monter le taux normal de la TVA de 19,5 % à 20 % a été un exploit. Au Danemark et en Suède, le taux normal de la TVA est de 25 %. En Finlande, il est de 24 %. Les produits bénéficiant de taux réduits et allégés sont l'exception. Et des « accises » ou des taxes spécifiques frappent nombre de produits et de prestations. Quelquefois durement. Ainsi, exemple bien connu, au Danemark les achats de voitures sont taxés à 180 %. Les prix à la consommation en pâtissent. Mais les produits importés sont renchéris et apportent des contributions substantielles aux ressources publiques.   Le record en matière de taxation des particuliers est détenu par le Danemark. En 2014, à eux seuls, les impôts sur les revenus des personnes (y compris les cotisations sociales) ont constitué 54,2 % du total des recettes fiscales. Et les taxes sur les biens et services (principalement la TVA et les taxes spécifiques) en ont constitué 29,2 %. Citer ces chiffres, c'est aussi dire que les charges fiscales et sociales pesant directement sur les entreprises et le coût du travail sont plus faibles qu'en France. Les données de l'OCDE tendent aussi à démontrer, ce qui peut paraître paradoxal, qu'en matière d'emploi,  notre fiscalité est très dissuasive pour les salariés. Le « coin fiscal » mesuré par l'OCDE est le rapport entre les impôts sur le revenu du travail  (cotisations sociales, IR, CSG...) payés par « un salarié moyen célibataire » (voir les précisions plus loin) et le coût total de son travail pour son employeur. Il est destiné à évaluer l'effet dissuasif sur l'emploi de ces impôts et charges sociales supportés par les salariés. Nos dirigeants devraient le regarder attentivement, car en France, il est de 48,4 % en 2014, contre 43,7 % en Finlande, 42,5 % en Suède et 36,2 % au Danemark. Il est aussi de 36,8 % aux Pays-Bas et de 31 % au Royaume-Uni.  Ces facteurs sont incomparablement plus importants pour les économies des pays que la flexisécurité.   Selon la conception de la flexisécurité, la grande flexibilité, ou la permissivité des règles de licenciement et d'embauche doit s'accompagner d'une forte sécurisation des travailleurs. Celle-ci est assurée, en particulier, par une indemnisation du chômage généreuse ainsi que par une politique active et efficace d'aide au retour à l'emploi, s'appuyant sur la formation en fonction des besoins du marché du travail et le « contrôle » de la motivation et des démarches des bénéficiaires des aides. Dans les pays scandinaves, la puissance des syndicats est aussi une garantie importante de la protection des droits des salariés et de la défense de leurs intérêts lors des négociations et des confrontations avec les entreprises. Au Danemark, le taux de syndicalisation est supérieur à 2/3, presque 10 fois plus élevé qu'en France. Il ne faut pas l'oublier quand on décide de « flexisécuriser ».  Pour l'État et les collectivités locales, la « sécurisation » des travailleurs a un coût élevé. Les difficultés budgétaires ont d'ailleurs conduit,  notamment à la suite de la crise mondiale de 2008, les pays scandinaves à alourdir leurs fiscalités (sur les personnes, principalement) et à réduire les aides aux chômeurs (durées et montants des indemnisations), qui restent cependant assez confortables. En France, le déficit croissant de l'Assurance chômage et les discussions en cours en vue de sa réduction ne laissent pas augurer d'un accroissement des aides financières aux chômeurs. D'un autre côté, les performances de Pôle emploi en matière d'aide au retour à l'emploi font l'objet de critiques. La « privatisation » d'une partie de ses missions est envisagée, si elle n'est pas déjà sur les rails.La loi El Khomri place la charrue devant les bœufs.  « L'environnement » n'est pas préparé, clarifié et propice. On peut déplorer une certaine confusion dans les intentions et les interventions d'un Gouvernement qui a la fâcheuse manie de se mêler de tout, de tout vouloir régenter, de « réformer »... pour « réformer », à l'opposé de ce que font les États scandinaves, foncièrement attachés au libéralisme et au respect des lois des marchés. Ainsi, peut-on s'interroger sur la cohérence entre la volonté affichée de flexibiliser les règles de recrutement et de licenciement... et le lancement d'une vaste campagne de « sensibilisation » contre « les discriminations à l'embauche liées à l'origine », ainsi que  de « testing » d'entreprises, visant à identifier celles qui n'auraient pas compris, menace de sanctions ultérieures à la clé. On peut aussi se poser la question de la cohérence entre le  projet à l'étude d'accorder le RSA ( Revenu de solidarité active) à tous les jeunes de 18 à 25 ans « en activité » (pas les étudiants)... et le souci d'inciter les chômeurs à rechercher activement du travail.

Au constat que la flexisécurité n'apparait pas avoir été porteuse de surplus d'emplois dans les trois pays scandinaves depuis 2007, s'ajoutent ainsi des raisons franco-françaises de nous méfier de cette loi qui ne s'attaque pas à nos problèmes majeurs et se présente dans un contexte qui en rend probable l'insuccès... si elle voit réellement le jour, sans que les manifestations des opposants et les violences des casseurs ne mettent le pays à feu et à sang.  Dans les analyses comparatives entre la France et les trois pays scandinaves qui suivent, l'attention est d'abord portée à des particularités institutionnelles et sociétales déterminantes qui les séparent, avant de faire un tour d'horizon axé sur l'économie et l'emploi dans lequel les fiscalités occupent une place centrale. Cet examen permet de se rendre compte des grandes différences existantes, directement liées aux situations et aux stratégies de développement choisies par les États, et de s'interroger (à nouveau) sur l'inadéquation de notre fiscalité et sur les objectifs réels et les implications de « l'harmonisation fiscale » prônée dans l'UE, entendue au sens d'uniformisation, ainsi que sur la nature et les dimensions des problèmes qu'elle soulève.   Parmi les « réformes »  à venir en France (si la raison ne s'impose pas), sous couvert d'harmonisation,

d'ailleurs, est inscrite celle de « la retenue à la source » de l'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP). Les trois pays scandinaves la pratiquant depuis des années, nous pouvons en tirer quelques enseignements sur ses implications et la pertinence de sa mise en œuvre en France. De peu d'intérêt, à mon avis, vu la modestie de notre IRPP dans les recettes fiscales, la forte proportion de « contribuables » qui ne le paient pas et les pratiques en matière de paiement (mensualisation, notamment) déjà en cours. Davantage de complications en perspective et une majoration des coûts de collecte inévitable. Une baudruche coûteuse, dérangeante et déjà clivante, donc... ainsi qu'une charrue placée devant les bœufs. Car un de nos problèmes majeurs est l'inadéquation, l'inefficacité économique, l'injustice sociale... et la complexité de notre système de prélèvements obligatoires, étroitement associé à ceux, volontairement opaques, des « prestations sociales » et de la grande redistribution. C'est cet ensemble complexe et très changeant qu'il conviendrait d'abord de réexaminer pour engager une saine reconstruction, sa simplification et sa stabilisation, sans doute pas à pas, mais avec une vision d'ensemble et des objectifs clairs, explicites. On peut dire la même chose concernant le code du travail.

France / Danemark, Finlande et Suède : plus de différences que de similitudes

 

Des particularités sociétales  et institutionnelles déterminantes 

Le Danemark et la Suède sont des royaumes depuis des lustres. La grande majorité de leurs citoyens sont attachés à leurs monarchies constitutionnelles, dont ils sont satisfaits. Les deux pays n'ont pas abandonné leurs couronnes et n'ont pas adopté l'euro. Ils ne s'en portent pas plus mal, respectant même les « critères de Maastricht » plus strictement que des pays « plus gros », tels la France, en particulier. Les cours de la couronne danoise (DKK) et de la couronne suédoise (SEK) varient peu par rapport à l'euro.  

La Finlande a été longtemps sous domination suédoise, puis russe, depuis 1809, avant d'accéder à l'indépendance lors de la révolution de 1917, et de s'ériger en République le 17 juillet 1919, il y a moins

d'un siècle. Elle a adhéré à l'UE en 1995, puis a adopté l'euro. Le suédois y reste une des deux langues nationales. 

Dans ces pays, où le consensus n'est pas un vain mot et où l'adhésion de la population aux décisions politiques et économiques est de rigueur, les parlements nationaux disposent de plus de pouvoirs que dans notre système qui donne à l'exécutif présidentiel et à sa « majorité », très minoritaire, un pouvoir de quasi monarchie absolue. 

Les politiciens scandinaves ne peuvent pas, comme le font les nôtres, brandir à tout bout de champ les « valeurs de la République », nées avec la Révolution de 1789 et « complétées » récemment par la « laïcité à la française ». Descendants des Vikings, leur héritage historique, culturel et religieux a forgé, à sa manière spécifique, leurs personnalités et a influencé leurs comportements, leurs choix institutionnels, sociaux, politiques et économiques. Ces royaumes et la République de Finlande sont devenus des modèles en matière de démocratie sociale libérale, imprégnés de valeurs et de principes venant aussi du socialisme, d'un côté, et du luthérianisme, de l'autre.   

Le socialisme a consolidé les fondations de la solidarité et du principe d'égalité, qui justifie, notamment, une redistribution mesurée destinée à réduire les inégalités  dans ces pays ou le libéralisme domine maintenant. 

Grâce à l'appropriation rapide par les gouvernants et les populations des idées et des principes de la Réforme luthérienne de 1530, l'Église évangélique luthérienne a pris une place capitale dans les pays scandinaves. Très proche des États, elle a joué des rôles majeurs dans l'éducation et la vie sociale. Au Danemark, elle a été instituée religion d'État, et l'est encore. En Suède, ce n'est qu'en 2010 que l'Église a abandonné ce statut et pris une certaine liberté vis-à-vis de l'État. En Finlande, elle est une des deux « religions nationales », l'autre étant la religion orthodoxe. Avec l'immigration, dans ces pays, terres d'accueil, le multiculturalisme qui gagne et la propension à la « sécularisation » ont porté atteinte aux monopoles des Églises luthériennes. Cependant, bien qu'elles comptent moins de pratiquants que d'adhérents, elles restent puissantes et influentes. Au Danemark, l'Église évangélique du peuple rassemble plus de 80 % de la population. En Suède, 65 % des habitants sont membres de L'Église de Suède, et 8 % appartiennent à des minorités religieuses. En Finlande, plus de 75 % des habitants sont membres de l'Église évangélique de Finlande (2). Or, les personnes qui se déclarent membres paient un impôt d'Église, facultatif, qui,  suivant les pays et les paroisses, représente de 1 % à 2,2 % des revenus de ces « fidèles »... qui, dans leur grande majorité considèrent cela comme normal et souhaitable. Inimaginable en France et dans les pays « latins » ! 

J'ai apporté ces précisions ici, car on accorde au luthérianisme une forte influence dans la détermination de principes  directeurs du modèle nordique et des comportements des Scandinaves (3). Le travail, l'exercice d'un métier, en premier lieu, est considéré comme une exigence, pour l'épanouissement personnel et pour le développement du pays auquel chacun doit se consacrer. Et la formation initiale et  permanente est un moyen privilégié pour y parvenir. Cette « valorisation » du travail et la pression sociale qui l'accompagne expliquent, au moins en partie, les taux d'emploi élevés et le dynamisme qu'on observe dans ces pays. « La solidarité et la primauté du collectif sur l'individu », la solidarité nationale, sont d'autres qualités du modèle qui ont (ou auraient) été portées par le  luthérianisme. Avec le souci de la transparence, de la rigueur, du sens pratique, du bienêtre, ainsi que de la sureté et de la sécurité... et la volonté d'assurer à chacun des conditions minimales de vie. Des impôts élevés sont bien acceptés en contrepartie de la gratuité (ou de faibles coûts) des services publics d'éducation, de santé... ainsi que d'une protection sociale généreuse et rigoureuse.

 

Des « modèles réduits »  scandinaves  aux PIB / habitant enviables 

On a tendance à perdre de vue les dimensions respectives des populations et des économies des pays. En 2014, le nombre d'habitants est de 5,6 millions au Danemark, de 5,45 Mi en Finlande et de 9,8 Mi en Suède, contre 66 Mi en France. La seule Région Ile-de-France héberge environ 12 Mi de personnes. C'est plus que la Suède et le Danemark (ou la Finlande) pris ensemble. Les montants des PIB sont de 260,6 milliards d'euros au Danemark, de 205,3 Mds € en Finlande, de 430,6 Mds € en Suède, de 634 Mds € en Île de France et de 2.132,5 Mds € en France (4).  

Mesuré en euros courants, le PIB/habitant de la France, de 32.100 € en 2014, est effectivement nettement plus faible que celui de la Finlande, 37.400 €, et surtout de la Suède, 44.400 €, et du Danemark, 46.200 €. Notons, toutefois, que celui de l'Ile-de-France, 52.300 € en 2013, est supérieur à ceux de ces trois Scandinaves. De quoi relativiser leur « supériorité »... et souligner « l'inégalité » importante entre l'Île-de-France et le reste du pays.  

En outre, chez les trois Scandinaves, les prix sont nettement plus élevés qu'en France : en moyenne de l'ordre de + 23 % au Danemark, de + 20 % en Suède et de + 13 % en Finlande, si l'on se fie aux données établies en parité de pouvoir d'achat ou « standard de pouvoir d'achat » (SPA) par Eurostat. En SPA, les écarts subsistent, mais sont réduits. Les PIB/h sont ainsi de 29.300 en France, de 30.300 en Finlande, de 33.650 en Suède et de 34.200 au Danemark. Nous verrons que « travailler plus pour gagner plus » pourrait être une de leurs devises.  

En commun avec la France :  dépenses publiques et prélèvements géants 

Bien que les gouvernants des trois états scandinaves soient moins interventionnistes, plus libéraux sociaux, que les nôtres, ils ont tendance à monopoliser les ressources nationales et à dépenser beaucoup. Avec la France, ces pays détiennent les records en matière de dépenses publiques en Europe. En 2014, rapportées au PIB, celles-ci ont été de 51,8 % en Suède, de 56 % au Danemark, de 57,5 % en France et de 58,1 % en Finlande (5).    La France est le pays qui a consacré le moins à l'éducation en 2013 (6) : 9,6 % de l'ensemble de ses dépenses, contre 12 % ou plus chez les trois autres.  Par contre, entre 42 % et 44 % des dépenses publiques ont été vouées aux prestations sociales en France comme dans les pays scandinaves. Parmi les prestations sociales (PS), la France a consacré : - 5 % du total de ses dépenses publiques aux PS maladie et invalidité, contre 8 % à 9 % chez les autres ; -  4,4 % aux PS à la famille et aux enfants, contre 4,8 % en Suède, 5,8 % en Finlande et 8,8 % au Danemark. Le Danemark, lui, se distingue aussi par la faiblesse des prestations publiques vieillesse, 14,6 % de ses dépenses, tandis que ce taux dépasse 20 % dans les trois autres pays et atteint 23,6 % en France. Par contre, les prestations chômage sont plus élevées au Danemark, 5,9 % des dépenses (flexisécurité oblige ?) qu'en Finlande, 4,0 %, qu'en Suède, 2,9 %, où le chômage est faible, et en France, 3,4 %, où il est le plus fort. 

Les prélèvements obligatoires sont à la hauteur des dépenses : 50,7 % du montant du PIB au Danemark, 47,8 % en France, 43,9 % en Finlande et 43,6 % en Suède en 2014 (5). Dans leur composition, les différences entre le Danemark et la France sont révélatrices des choix stratégiques nationaux fondamentalement différents.  

Au Danemark, les ménages supportent le plus gros de l'effort fiscal : le montant de l'impôt prélevé sur le revenu des personnes atteint 26,7 % du PIB, et les impôts sur les biens et services (TVA et impôts spécifiques, dont ils sont les principaux payeurs), 15,2 %. En revanche, les impôts sur le patrimoine (habitation, successions... il n'y a pas d'ISF) ne rapportent que 1,9 % du montant du PIB, les impôts sur les salaires et les cotisations sociales sont presque nuls et, malgré une imposition sur les bénéfices des entreprises plus faible qu'en France, ces impôts rapportent un montant égal à 2,7 % du PIB. Le système fiscal « protège » ainsi le secteur productif, en le chargeant très peu. 

L'impôt sur les revenus des personnes est calculé individuellement (et non par foyer fiscal), mais son calcul tient compte des revenus du conjoint et de la situation familiale. Plus des 2/3 du rapport va aux municipalités. Très peu de contribuables y échappent. En 2014, sur une population de 5,66 millions de personnes, 4,302 Mi ont acquitté les impôts d'État, 4,261 ont payé les taxes municipales et 4,287 Mi, la contribution Santé. En sollicitant le plus grand nombre de contribuables, les gouvernants évitent de trop concentrer le fardeau fiscal sur la fraction de la population la plus « riche »... fortement taxée, tout de même. Ils ne sont pas aussi attachés qu'en France à la « réduction des inégalités » et à la redistribution par la fiscalité. On peut aussi noter qu'en 2014, 3,386 Mi de personnes, soit près de 80 % des contribuables ont acquitté la taxe pour l'Église, facultative ou volontaire (7).   

Illustrations des difficultés croissantes à financer les dépenses et de l'effort supplémentaire demandé à la population, le montant total des prélèvements s'est alourdi de + 56,6 % entre 2010 et 2014, et la part de sa principale composante, les impôts sur les revenus personnels, est montée de 52,6 % à 54,2 %. 

En France, en 2014, le montant des impôts sur le revenu (IR et CSG) ne représente que 8,43 % du PIB. L'impôt sur le revenu (IRPP) est très progressif, avec ses quatre tranches d'imposition à 14 %, 30 %, 41 % et 45 %, et une forte concentration de la charge sur les hauts revenus, tandis que plus de la moitié des foyers fiscaux ne sont pas imposés et que de très nombreux  contribuables imposés le sont à des taux inférieurs à 14 %. Avec une TVA au taux normal de 20 % et une multitude de produits auxquels s'appliquent des taux réduits, le montant des impôts sur les biens et services n'est que de 11 % du PIB.  En revanche, les cotisations sociales prélevées se montent à 17,1 % du PIB, les impôts sur les salaires, à 1,6 % et les impôts sur les bénéfices, à 2,1 % (malgré notre taux élevé de 33%). Nos impôts sur le patrimoine (impôts fonciers, droits de mutation, ISF...) rapportent à l'État et aux collectivités locales un montant égal à 3,9 % du PIB (5).  

La taxation du travail est donc désobligeante pour la compétitivité des entreprises. Elle l'est aussi pour les salariés. L'OCDE présente pour chaque pays un « coin fiscal » correspondant aux impôts payés par un « salarié moyen » (célibataire payé à 100 % du salaire moyen) et au coût total de la main d'œuvre qu'il représente. En 2014, ce coin fiscal est de 36,2 % pour le Danemark, de 42,5 % pour la Finlande, de 43,7 % pour la Suède et de 48,4 % pour la France.  

L'examen des comptes nationaux des entreprises non financières montre, de son côté, que le pourcentage des coûts salariaux et des taxes sur la production rapportés à la Valeur ajoutée  est le plus élevé en France, 72,1 %, contre 64,1 % en Suède, 61 % au Danemark et 60,7 % en Finlande (8).  

Les Scandinaves ne cultivent pas le déficit  et l'endettement publics  

En raison des dépenses publiques élevées, et malgré des fiscalités lourdes, seul le Danemark a dégagé une capacité de financement, de 1,5 % de son PIB en 2014. Avec un déficit de - 1,7 % du PIB, la Suède était « dans les clous »  de Maastricht. Pour la Finlande, à - 3,3 %, et la France, à - 3,9 %, la situation vis à vis de l'UE était plus compliquée (5).  Le financement des dépenses publiques et la croissance ne sont pas aussi tributaires de l'endettement public pour « nos » Scandinaves que pour la France. Les statistiques du FMI (9) en témoignent, puisque les taux d'endettement public brut par rapport au PIB en 2014 ont été de 43,8 % pour la Suède, de 45,2 % pour le Danemark, de 59 %. pour la  Finlande (tous trois respectueux de Maastricht), contre 95,6 % pour la France. Par contre, les ménages danois et suédois n'hésitent pas à s'endetter. Par rapport à leur Revenu disponible net, le quotient d'endettement des ménages est de 1,05 en France et de 1,27 en Finlande, traduisant une certaine prudence, une retenue. Ce quotient est de  1,73 en Suède et de 3,05 au Danemark, laissant penser que les opportunités d'investissement y sont plus attrayantes et/ou que les perspectives y apparaissent plus prometteuses.    

Basse consommation, fortes exportations : atouts au Danemark et en Suède 

En France, la consommation des ménages est trop souvent considérée comme le principal « moteur de la croissance », et l'on se réjouit (comme en ce moment) quand on en perçoit un frisson de hausse. Aussi, nos gouvernants, avec ceux de l'UE, nous enferrent dans une politique pseudo-keynésienne, que j'ai plusieurs fois dénoncée, qui consiste à « pousser à la consommation » (ou plus largement à la dépense) et à l'endettement... à l'aide de conditions d'emprunt (jusqu'à des taux d'intérêt réels négatifs) anormalement « favorables », et de la pénalisation de l'épargne. Artificiellement, donc. Or, la consommation ne peut durablement croître que si les revenus progressent, et donc que le PIB augmente. Et, dans la mondialisation concurrentielle régnante, la  croissance en France a besoin d'un « coup de pouce » de ses échanges extérieurs, d'un commerce extérieur excédentaire ou positivement équilibré, ainsi que d'attitudes constructives de la part de « nos » entreprises. Moins de délocalisations et plus de motivation pour l'investissement en France qu'à l'étranger. Et, compétitivité et attractivité sont des « concepts » que nos lois et notre fiscalité doivent impérativement intégrer.  

Le Danemark et la Suède n'ont pas succombé à la même tentation, au contraire. La comparaison des ratios de dépenses des ménages rapportées au PIB en atteste. En 2014, ce ratio était de 47,7 % au Danemark et de 46 % en Suède, contre 55,5 % en Finlande et 55,4 % en France. Ces chiffres montrent les politiques relativement restrictives des deux premiers pays à l'égard des dépenses des ménages.

Vis à vis de leurs populations, ils peuvent se le permettre car leurs PIB/habitant sont plus élevés que ceux des autres Européens. Malgré ces « restric- tions », mesurés en euros courants, les niveaux des consommations des ménages/habitant ont été de 22.100 € au Danemark, 20.100 € en Suède, 20.900 en Finlande et 17.300 en France. La conversion en standard de pouvoir d'achat rapproche ces niveaux de consommation par habitant, qui sont ramenés à 16.400 € spa au Danemark, 15.200 en Suède, 16.900 en Finlande et 15 800 € spa en France (10).  Au Danemark, toujours en 2014, le montant des exportations de biens et de services a été de 53,3 % du PIB. Plus que les dépenses des ménages, elles sont vitales compte tenu des  importations, qui ont été chiffrées à 47,3 % du PIB. Cette « dépendance » de l'extérieur, est positive pour ce « petit pays » qui dégage un  fort excédent extérieur depuis des années. La France est plus « autosuffisante ». En 2014, ses exportations  ont représenté 29 % du PIB (près de 54 % du montant de la consommation des ménages), tandis que les importations se sont montées à 30,5 % du PIB. Le déficit des échanges, qui persiste malgré le fort recul des prix des hydrocarbures importés, devrait être un souci majeur car il traduit un manque de compétitivité et constitue un « ralentisseur » de la croissance.Les prouesses à l'export de la Suède, 44,5 % du PIB en 2014 (presque autant que la consommation des ménages) lui ont permis d'obtenir depuis 2009  un excédent annuel de l'ordre de 5 % du PIB (5). Un aiguillon pour la croissance. 

Croissance et emploi :  bienfaits de la flexisécurité pas évidents 

La crise de 2008 à brutalement touché les économies des quatre pays. Ensuite, la Finlande et le Danemark s'en sont plutôt mal tirés. De 2008 à 2014, leurs PIB mesurés à prix constants (11) ont reculé de - 5,9 % et de - 2,5 %. Le nombre total des emplois a diminué de - 2,5 % en Finlande et, de – 5 % au Danemark (9).   Avec ses « amortisseurs sociaux », la France a limité l'impact immédiat de la crise. Elle a connu  une croissance  très faible du PIB, de + 2,4 % entre 2008 et 2014, et une stagnation du nombre total des emplois... sans flexisécurité. C'est la Suède qui a réalisé les meilleures « performances ». Entre 2008 et 2014, son PIB a été majoré de + 6,6 % (+ 1,1 % par an en moyenne, « ce n'est pas Byzance » !), et son nombre d'emplois a augmenté de + 3,3 %. En 2014, c'est en Suède et au Danemark que les pourcentages des habitants ayant un emploi sont les plus forts, respectivement 48,7 % et 48,4 %. En Finlande, ce taux est de 44,9 %, et en France, il est seulement de 40 % (12). Ces importants écarts sont des facteurs explicatifs des différences des niveaux des revenus par habitant entre les pays, Le chômage n'en constitue que partiellement la cause, puisqu'en 2014, s'il était de 10,3 % de la population active en France, il était tout de même de 8,7 % en Finlande, de 7,9 % en Suède et de 6,6 % au Danemark (13).   La part des emplois à temps partiel est de 26,2 % en Suède  et de 25,5 % au Danemark, contre 19 % en France et 15,4 % en Finlande (14). Mais les durées annuelles effectives de travail (à  temps complet et à temps partiel) sont assez voisines. En 2013, elles ont été de 1.511 heures au Danemark, de 1.525 h en Suède, de 1.538 h en Finlande et 1.536 heures en France (15).   

La flexisécurité a calé face aux difficultés d'emploi des séniors et des jeunes 

En France, moins de personnes de 15 à 64 ans travaillent ou cherchent un emploi que dans les pays scandinaves. Le taux d'activité (population employée + chômeurs/population totale des personnes de 15 à 64 ans) n'est que de 71,4 % en 2014 en France, contre 75,4 % en Finlande, 78,1 % au Danemark et 81,5 % en Suède (16). Les Scandinaves sont plus « travailleurs » que les Français. C'est vrai pour les femmes et pour les hommes. Si les écarts entre les taux d'emploi sont assez modérés pour les personnes de 25 à 54 ans (le cœur de la population au travail), ils sont très importants chez les séniors et chez les jeunes. Là où se concentrent nos principaux problèmes d'emploi : premières embauches et contrats pour les plus de 54 ans.

Chez les personnes de 55 à 64 ans, le taux d'emploi est de 59,1 % en Finlande, de 63,2 % au Danemark et de 74 % en Suède, contre 47 % seulement en France (17). Un regard en arrière montre que cette faiblesse française n'est pas nouvelle, d'une part,  et que, comme dans de nombreux pays d'Europe, des « progrès » ont été enregistrés chez nous (avec le recul de l'âge de la retraite et l'obligation de travailler plus longtemps pour subvenir à ses besoins en raison de l'érosion des revenus), d'autre part. En 2003, ce taux était de 36,8 % en France (18)... La « progression a été nettement moindre au Danemark et en Suède où les taux étaient déjà nettement plus élevés. 

Chez les jeunes de 15 ans à 24 ans, en 2014, le taux d'emploi est de 41,4 % en Finlande,  de 42,8 % en Suède et de 53,7 % au Danemark. Il n'est que de 28,4 % en France. On peut donc comprendre que nos étudiants et lycéens se préoccupent de leur avenir et se sentent concernés par le projet de loi Travail, qu'ils puissent craindre la « flexiinsécurité », et que certains manifestent de la contrariété. Là aussi, la référence à 2003 ne convainc pas sur les bienfaits de la flexisécurité (si elle a réellement été pratiquée). Les difficultés, et les taux d'emploi, n'ont pas vraiment changé en France, en Finlande et en Suède, tandis qu'au Danemark, le taux d'emploi des 15 à 24 ans a reculé de 59,6 % en 2003 à 53,7 % en 2014, restant cependant très enviable, par nos jeunes, surtout.

Il faut absolument rendre notre système  éducatif plus performant 

En France, chez les jeunes, en particulier, le chômage est d'autant plus élevé que le niveau de formation est faible. Et nombre de diplômés « supérieurs » ne trouvent pas d'emploi ou doivent accepter des postes ne correspondant ni aux niveaux présumés de leurs diplômes, ni aux activités auxquelles leurs études sont sensées les préparer. Pourtant, selon les indicateurs correspondant aux objectifs de l'UE, le système éducatif de la France apparait presque aussi « performant » que ceux du Danemark et de la Finlande, et un peu moins que celui de la Suède (19). En 2014, le pourcentage de sorties précoces parmi les jeunes de 18 à 24 ans (sortis sans diplôme du secondaire du deuxième cycle) est de 9 % en France, contre 9,5 % en Finlande, 7,8 % au Danemark et 6,7 % en Suède.  Et parmi les moins jeunes, les pourcentages des 30 à 34 ans qui ont obtenu un diplôme de l'enseignement supérieur sont de 44 % en France, contre 44,9 % au Danemark, 45,3 % en Finlande et 49,9 % en Suède. À noter, cependant, que la proportion des diplômés des cycles longs en France est inférieure celle des Scandinaves. 

Ces indicateurs sont-ils des leurres « flatteurs » ? C'est ce que suggèrent les résultats des sérieuses et regardées enquêtes internationales PISA sur les savoirs et les savoir-faire des élèves : performances des élèves à l'âge de 15 ans en mathématiques, en compréhension de l'écrit et en sciences. Les critiques formulées par le directeur  de l'éducation de l'OCDE sont sévères et confortent les nombreux reproches adressés à notre Éducation en France. Au classement PISA de 2012, dominé par les pays asiatiques (7 dans les 10 premiers), la France est 25e (sur 65 pays). La Finlande est  12e, et le Danemark la précède aussi. Derrière, la Suède est 38e. Par rapport à 2009, les notes des quatre pays ont baissé dans la discipline principale du classement, les mathématiques (20). 

Pour le directeur de l'éducation de l'OCDE, le système scolaire français est « inégalitaire », « trop académique », « pas pertinent » (21). L'école française « est très loin de l'idéal [égalitaire] dont rêve le pays, en dépit d'efforts conséquents comme le temps que les jeunes Français passent en classe et l'âge précoce auquel on les y envoie ». Malgré ce blâme à peine voilé, nos gouvernants cherchent toujours à abaisser cet âge jusqu'à 2 ans. Alors qu'en Allemagne et chez nos Scandinaves, la majorité des enfants entrent en « maternelle » après 3 ans. Trop académique, le système français se préoccuperait trop de ce que les élèves savent et pas assez de ce qu'ils savent en faire, et « on n'enseigne pas suffisamment ce qui sera pertinent pour réussir dans la vie ». En outre, « la qualité d'un système éducatif n'est jamais supérieure aux talents de ses enseignants. On ne changera la mentalité des élèves [indispensable !] qu'en changeant celle des professeurs ». Et vlan ! Il critique aussi la pratique consistant à laisser le soin

aux débutants de s'occuper des classes les plus difficiles. Les plus « sensibles », dit-on en France. Et il incrimine les syndicats. Pour lui, «  Un pays a les syndicats qu'il mérite ». Cela ne se limite pas à l'Éducation nationale, d'ailleurs.  Ce catalogue de critiques est très partiel. On peut aussi ajouter que « l'éducation », la « socialisation », mère de notre « vivre ensemble », d'enfants de plus en plus jeunes et « issus » de diverses communautés, tend à remplacer les parents dans une mission qui leur incombe normalement, et à prendre le pas sur l'enseignement et la transmission des connaissances. Autres insuffisances déterminantes : le développement des capacités de raisonnement, du sens de l'effort et de l'envie de réussir ont reculé devant le nivellement, l'assistanat, le « ne pas décourager », le « chercher à plaire », les compromis qui font reculer et « ringardisent » la discipline ainsi que le respect des enseignants, pour acheter la paix sociale dans les classes et les établissements. Le système est aussi gravement défaillant en matière d'orientation... Aussi, de véritables et profondes réformes dans l'Éducation nationale sont indispensables, bien davantage que la prétendue flexisécurité, pour apporter des progrès décisifs en matière d'embauche, de conservation de l'emploi et de promotion professionnelle.

Pourquoi la retenue à la source de l'IR est déconseillée en France

Au Danemark, des impôts provisionnels sont retenus à la source lors des paiements des différents types de revenus, et une régularisation intervient au début de l'année suivante, après vérification par les contribuables de l'exactitude des impôts prélevés au cours de l'année écoulée et communication aux services fiscaux des informations pour qu'ils effectuent les corrections nécessaires. Et celles-ci sont nombreuses. En 2014, les différents impôts sur les revenus (y compris les cotisations sociales à la charge des particuliers) ont été acquittés par 4,3 millions de contribuables. 3,908 millions d'entre eux ont été en « sur-paiement »  (impôts provisionnels supérieurs à ce qu'ils devaient), 0,808 Mi ont été en sous-paiement, et seulement 0,389 Mi n'ont été ni en sur-paiement, ni en sous-paiement.  

Le montant total des impôts retenus à la source a été de 401,1milliards de DKK (couronnes danoises) et le montant final, après corrections, de 380,8 Mds. L'écart est important, puisqu'il est de + 5,3 %. C'est le double de l'augmentation « finale » de ces impôts (+ 2,6 %) entre 2013 et 2014. Et l'année 2014 s'inscrit dans la ligne des années précédentes (7).  Les Danois acceptent sans rechigner de telles, « overdoses » et « avances » fiscales à l'État et aux collectivités locales. Il y en aurait même 12 % qui voudraient payer davantage d'impôts sur les revenus (22).  

Presque tous les dossiers font donc l'objet de « corrections » et donnent lieu soit à des restitutions d'impôts, soit à des émissions de sollicitions fiscales et à des paiements complémentaires d'impôts. Ceci dans un pays où la fiscalité sur les revenus est beaucoup plus simple que la nôtre : impôts calculés par personnes et non par foyers fiscaux, moins de « niches » ou dérogations de tous ordres. Il est donc certain que l'adoption du prélèvement à la source de l'IRPP apportera encore plus de complications en France lors de la mise en place et  en « période de croisière ». Au Danemark, les impôts concernés, 380,8 Mds DKK en 2014, constituent 39 % des rentrées fiscales totales.

En France, sur les 957,7 Mds d'euros de prélèvements obligatoires de 2014, les impôts sur les revenus des ménages (CSG et CRDS, Prélèvement social, IRPP, prélèvements sur les capitaux mobiliers...) sont de 224,7 Mds €. Pour comparer avec le Danemark, il convient d'y ajouter 148,1 Mds de cotisations sociales à la charge des ménages, 5,2 Mds € d'ISF et une partie des taxes foncières. Au total ces « impôts » sont supérieurs à 378 Mds €. 

Or, l'IRPP que la gauche projette de soumettre à la retenue à la source à partir de 2018 ne représente que 70 Mds €, soit environ 7,3 % du total des impôts  et moins de 19 % des prélèvements sur les revenus (23). En outre, la plus grande partie de ces derniers est déjà soumise au prélèvement à la source. C'est le cas de la CSG et de la CRDS (100,3 Mds ) et des cotisations sociales.  On  peut  ajouter  que  de  nombreux  foyers fiscaux ont « mensualisé » leurs paiements de l'IRPP et sont déjà prélevés « à la source » par les services fiscaux... sans passer par l'intermédiaire de leurs employeurs, de leurs caisses de retraites et autres pourvoyeurs de revenus. Ces prélèvements, comme les tiers provisionnels que les autres contribuables acquittent, sont établis par le Fisc en fonction des revenus et des impôts de l'année précédente. C'est d'une façon analogue que seront fixés les taux à appliquer aux revenus de l'année des  « contribuables » qui seront communiqués par le fisc aux intermédiaires chargés des prélèvements. Quel changement y aura-t-il  pour les redevables ? Pratiquement aucun. À moins que l'on décide de modifier (comment ?) les taux des impôts prélevés à la source tout au long de l'année en fonction des changements de situations des individus et de leurs familles (promotions, entrées en emploi, pertes d'emploi, chômage, passage à la retraite... union, séparation, naissances, décès de conjoints...). Quel pataquès, alors ! Impraticable !  

À ce propos, et indépendamment de la question de confidentialité (qui est déjà posée, pour  les PME notamment), on peut se demander comment seront traités les cas des très nombreux contribuables qui n'auront pas payé d'impôt l'année précédente...  Beaucoup de « détails » semblent encore à examiner. Cela donnera, espérons-le, le temps à la raison de se faire entendre.  

On ne pourra, enfin, s'empêcher de suspecter les auteurs et les promoteurs de ce projet de réforme d'essayer de préparer le terrain à une éventuelle fusion de la CSG et de l'IRPP visant, en particulier, à rendre la somme de ces impôts plus progressive. À gauche, surtout, des voix reprochent, en effet, à la CSG de s'appliquer même à des revenus faibles. C'était, d'ailleurs, avec l'intention d'accroître les recettes fiscales et « d'élargir le cercle des contribuables » payant l'IRPP, que la CSG avait été créée par Michel Rocard.

Sources et références

 (1) stats.ocde.org, le 8 avril 2016.

(2) eurel, « Données sociologiques et juridiques sur la religion en Europe.  Aperçus généraux  Danemark,  Finlande,  Suède »,   eurel. info/spip.php, rubrique32 + rubriques 38 et 67 + « Réalisme juridique scandinave », eurel     eurel.info/spip.php, article458.

(3) diplowew.com/Geopolitique-de-la-Suede-et-du-lutherianismeau-XXe-siecle, le 3 février 2010.

(4) ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained.

(5) OCDE : « Données », avril 2016.

(6) Eurostat : « Dépenses des administrations publiques des états membres de l'UE par fonction, 2013 »,  07 juillet 2015.

(7) statbank.dk..., «Number of taxpayers by type of tax and time-  Taxation total, divided into rates and dues by type».

(8) ŒCD.Stat., « Non-financial accounts by sectors, Non financial corporations ».

(9) FMI , « World Economic Outlook  All countries», février 2016.

(10) Données d’Eurostat + données de l’OCDE + calculs de l’auteur.

(11) FMI,  «Report for Selected Countries and Subjects ».

(12)  INSEE, «  Emploi total par grands secteurs en 2014 »,  source Eurostat (extraction du 17 juillet 2015).

( 13 ) INSEE, « Chômage dans l’Union européenne », source Eurostat (extraction du 17 juillet 2015).

(14) INSEE Références, édition 2016, « Travail – Emploi »,  source Eurostat.

(15) « Le Temps de travail en Europe », JDN  source : CœRexecode, données Eurostat, le 07 juillet 2014.

(16) INSEE, « Travail, Emploi, Population active et taux d’activité selon le sexe dans l’Union... », source Eurostat (21 juillet 2015). 

(17) INSEE, « Travail, Emploi, Taux d’emploi par âge dans l’Union européenne », source Eurostat (extraction du 15 juillet 2015).

(18) INSEE, « Données sociales », édition 2006  « Emploi et chômage dans les pays de l’Union européenne en 2003 ». 

(19) « Eurostat  Indicateurs clés de la Stratégie Europe 2020 UE 28 »,  Education (eu 2020 – ed ).

(20) OCDE 2014, « Principaux résultats de l’enquête PISA 2012 : ce que les élèves de 15 ans savent et ce qu’ils peuvent faire avec ce qu’ils savent ».  

(21) savoirs et connaissances.com. « Enseignement : l’OCDE critique le système scolaire français », le 01 septembre 2014 + francetvinfo.fr « Inégalitaire », « trop académique », « pas pertinent » ... « l’OCDE blâme le système scolaire français », septembre 2014.

(22) francetvinfo.fr/economie/impots/bienvenue-au-danemarkpays-des-contribuables-heureux, le 20 avril 2016.

(23) INSEE, tableau 3.212, « Principaux impôts par catégorie », source Comptes nationaux, base 2010.

 

© 05.05.2016