par
Marc DUGOIS
Le colonel François de La Rocque a choisi en 1936 pour son
parti social français, la devise Travail Famille Patrie. Malheureusement l’État
français lui a subtilisé sa devise sans lui demander son avis et a laissé l’ennemi interdire son parti et
l’envoyer en camp de concentration. Le colonel de La Rocque a été libéré par
les Américains mais est mort en 1946 des suites de ses incarcérations. Sa très
belle devise a été salie par la confusion qu’on en a faite avec la
collaboration alors qu’elle a été créé par un
résistant.
Des trois efforts épanouissants que sont le travail, la
famille et la patrie, on a fait Liberté Égalité Fraternité qui dit la même
chose mais qui peut malheureusement être aussi entendu à l’inverse comme je
l’ai détaillé dans mon article Liberté Égalité Fraternité. Souvenons-nous du
préambule de la Constitution de la IIe République en 1848 qui affirme que la
République « a pour principe la Liberté, l’Égalité et la Fraternité. Elle a
pour base la Famille, le Travail, la Propriété, l’Ordre public ». Prenons
conscience que le travail, la famille et la patrie sont le seul chemin vers la
liberté, l’égalité et la fraternité. Nous l’avons complètement oublié. Il faut
en retrouver les bases et comprendre leur complémentarité.
Pour le travail Lanza del Vasto a écrit en 1943 dans Pèlerinage aux sources : «
L’homme a besoin du travail plus encore que du salaire. Ceux qui veulent le
bien des travailleurs devraient se soucier moins de leur obtenir un bon
salaire, de bons congés, de bonnes retraites, qu’un bon travail qui est le
premier de leurs biens. Car le but du travail n’est pas tant de faire des
objets ou de ‘’créer de la richesse » que de faire des hommes’’. »
Être reconnu comme utile par les autres et en être vraiment
convaincu soi-même, est la base de toute vie sociale. Rien ne peut se faire
sans que chacun ait du travail. Le travail est un droit garanti par la
constitution et un gouvernement qui ne sait pas donner du travail à son peuple
devrait avoir la pudeur de se retirer ou au moins de se taire tant qu’il est
incompétent. Personnellement et en l’état je ne vois pas d’autre possibilité
concrète de donner du travail que de limiter la quantité de nos importations à
celle de nos exportations. Nous fabriquerons ce que nous nous interdirons
d’importer et affronterons ensemble les problèmes que cela posera.
La famille est le symbole du petit groupe affectif qui reste
dans le don et le contre-don, dans le tout apparemment gratuit et qui ne se
sert pas à l’intérieur du groupe de l’énergie qu’est la monnaie. Que ce soit la
famille au sens strict ou le groupe d’amis, chacun peut compter sur les autres
et on retrouve à ce niveau le principe de la vie en société d’avant l’introduction de la
monnaie. Ce sont les regards des autres qui forcent à l’équilibre car chacun a
besoin de ressentir sur soi des regards bienveillants. C’est à ce niveau de
groupe à taille humaine que
s’harmonisent la raison, les sentiments et les besoins, la tête, le cœur
et le ventre, les trois moteurs de l’homme.
Mais ce niveau familial peut difficilement donner de
l’électricité, des routes, des trains, une aviation, des hôpitaux et des écoles
et nous avons tous besoin d’un groupe plus nombreux, capable de créer des biens
et des services plus importants ou plus lointains. Ces biens sont souvent plus
anonyme mais nous en avons effectivement besoin et plus du tout affectivement.
La patrie, la terre des pères, ou la nation, la terre où l’on est né, sont ces
entités politiques qui ont commencé avec la cité et qui s’occupent des
fonctions dites régaliennes comme la défense, la justice ou la police que seuls
les groupes importants non affectifs peuvent remplir. Ce groupe nombreux a
toujours été dans toutes les civilisations plus important que chaque individu
et la vie du groupe a toujours été jusqu’à nos jours, plus importante que la
vie de chacun de ses membres. C’est à ce niveau effectif que le nombre élevé de
participants empêche de se contenter du don et du contre-don. C’est à ce niveau
que la monnaie devient obligatoire pour remplacer le contre-don et décréter au
nom du groupe que telle production sera richesse. Le contre-don était le
résultat de l’effort de l’autre qui était valorisé par le don comme le don
l’était par le contre-don. Don et contre-don n’avaient rien à voir avec le troc
car ils étaient reconnaissances de l’utilité de l’autre et non une simple
satisfaction des besoins.
Mais avec l’introduction de la monnaie, la tentation a été
grande d’oublier qu’elle n’est que le substitut du contre-don et donc du
travail reconnu. La monnaie est une énergie sociale, stockage d’énergie humaine
dont l’intérêt premier est la rareté mais la deuxième partie du XXe siècle en a
fait un instrument de manipulation du peuple pour lui faire croire que les
classes politiques, universitaires et médiatiques étaient compétentes et
efficaces. Avec la complicité des banques on a fabriqué des quantités
invraisemblables d’argent pour faire croire au peuple qu’il pouvait moins
travailler, qu’il pouvait transmettre à ses enfants plus que ce qu’il avait
reçu de ses parents. On a remplacé le travail comme la propriété par la dette.
On a réinventé l’esclavage par la mondialisation. Toujours par la dette on a
tout automatisé et tout mécanisé pour produire toujours plus pendant qu’on se
flattait d’envoyer le peuple en vacances, en week-end ou en RTT. On a fabriqué
un monde qui pille la Terre pour que les machines fabriquent toujours plus avec
toujours moins d’hommes pour produire et toujours plus pour consommer.
Nous arrivons à la fin d’un système par essence
contradictoire qui est sans arrêt à la fois dans le trop et dans le pas assez,
aussi bien en hommes qu’en argent. On a le chômage et l’immigration, le
ruissellement d’argent et la pauvreté galopante. Le système a besoin de tous
les excès pour ne pas avouer qu’il se trompe depuis le début et qu’il n’a pas
la moindre idée du moyen de s’en sortir. On a même formaté le peuple à croire à
la création annuelle de richesses pour qu’il attende tranquillement sans savoir
quoi.
On a réussi à tuer le travail, à tuer la famille, à tuer la
patrie pour ne pas voir le problème tellement il est monstrueux. Si pour Michel
Onfray « le bateau coule, soyez élégant,
mourez debout », je préférerais que nous disions « le bateau coule, soyons
courageux, vivons debout ». Ce serait une ouverture vers tous les possibles
si nous combattions nos trois défauts actuels majeurs : fuir, abandonner,
pérorer.