NI RACISTES, NI XENOPHOBES

 par Paul KLOBOUKOFF

Affaiblir, anesthésier la perception, « le ressenti » de l'immigration et promouvoir la  « mixité », la « diversité », la « pluralité », le cosmopolitisme, la pluri nationalité, sont des exercices auxquels s'adonnent avec professionnalisme des politiciens, des médias et des associations de bienfaiteurs pour lesquels la « paix sociale », le « vivre ensemble » sont des mobiles apparents. Gare aux dubitatifs, aux sceptiques et aux récalcitrants qui exprimeraient trop franchement et/ou maladroitement des doutes ou des opinions contraires ! Des lois ont été inventées ou durcies pour éradiquer tout germe et sanctionner tout souffle de xénophobie, d'hostilité envers l'immigration, de racisme, d'antisémitisme, d'islamophobie, d'amalgame, de discrimination, d'inégalitarisme, de chauvinisme...  Et, il faut user sans modération de la « pédagogie », culpabiliser les Français autant que de besoin pour les faire entrer dans le moule. Des peines  « aggravées » menacent les contrevenants. Car la situation est grave, dit-on dans ces milieux autorisés. Avant 2012, jamais la France n'avait connu une situation aussi détestable, condamnable ! 

Au vu des informations contenues dans cet article, des « pénitents » auront peut-être une appréciation plus nuancée sur les présomptions de culpabilités en question. Il se peut aussi que certains pensent, comme moi, que la grande majorité des Français, de souche ou non, ne sont ni racistes ni xénophobes. Et, de leur côté, les immigrés et descendants d'immigrés n'ont pas tous des comportements exemplaires et/ou respectueux des personnes, des us et coutumes du pays d'accueil. Personne n'est parfait. 

Des changements démographiques, culturels et sociaux importants et rapides sont à l'œuvre dans notre pays, imposés par « les événements », les « circonstances », et plus ou moins stimulés par les Autorités politiques de la France et de l'Union européenne. Pas seulement avec les accords de Schengen élargis. Ils peuvent « contrarier » profondément des citoyens et/ou faire craindre un abandon accéléré des fondements de l'identité nationale. Pour rassurer, il serait très utile d'exposer aux citoyens les intentions réelles et de leur présenter les images de la France en 2025 et en 2050 vers lesquelles nous sommes dirigés. Pas seulement en termes globaux de population, de PIB, de dépendance énergétique, d'endettement... mais aussi de façon détaillée en termes de société, sans omettre les dimensions régionales et locales. Au plan démographique (auquel je me suis limité ici) de grandes disparités existent localement, qui peuvent en certains endroits être des sources de tensions, si ce n'est d'explosions.  

La France attire et « subit » l'immigration, malgré les intentions répétées de la « maitriser ». En Allemagne, l'attitude à l'égard de l'immigration est différente. Plus importante qu'en France, celle-ci répond davantage, quantitativement et « qualitativement », à la volonté des gouvernants et aux besoins spécifiques du pays. Des leçons à tirer pour nous ? 

I. - France : une immigration de peuplement, d'importance très inégale suivant les régions et les localités

Des propos lénifiants sur l'immigration,  pas tellement rassurants en réalité 

Inquiétudes injustifiées ! En France, en 2014, « il n'y a que » 5,86 millions (Mi) d'immigrés ( nés étrangers à l'étranger, restés étrangers ou ayant acquis la nationalité française ). « Ce n'est que» 8,9 % de la population du pays, et ce pourcentage croît peu. Il était de 8,3 % en 2008 et de 7,2 % en 1999. + 24 % en 15 ans, tout de même ! Contre + 9,5 % pour l'ensemble de la population. 

Même chose pour les étrangers présents en France : 4,18 millions, soit 6,3 % de la population en 2014, contre 5,4 % en 1999. Une augmentation apparente + 0,9 % en 15 ans. Mais, tout compte fait, le nombre d'étrangers en France a augmenté de + 16 % de 1999 à 2014. Où est le problème ? En Allemagne, il y avait 10,1 % d'étrangers en 2014 ! 

Si la population immigrée «progresse peu» (dit-on) en France, c'est parce que le solde migratoire annuel (entrées-sorties du territoire) est devenu très faible. Il est descendu de 130.000 personnes en 2006 à 33.000 en 2013 et les années suivantes. Malgré un afflux massif d'immigrés, qui est monté de 193.000 en 2006 à 235.000 en 2013. 

Mais, en sens opposé, le nombre de sorties d'immigrés du territoire a beaucoup crû, s'élevant de 29.000 en 2006 à 97.000 en 2013. En outre, le nombre de sorties du pays de personnes nées en France a considérablement augmenté au cours des dernières années. Au point que le solde migratoire des personnes nées en France a accusé un déficit de – 120.000 personnes en 2013. Au total, les sorties ont été presqu'aussi nombreuses que les entrées. La grande crise financière et économique qui sévit depuis 2007-2008 n'est pas étrangère à cette forte inversion de tendance.  

Si la population étrangère « progresse peu », c'est principalement en raison du grand nombre de naturalisations d'étrangers (acquisitions de la nationalité française). Il y en eu plus de 140.000 par an entre 2000 et 2009, puis, pas moins  de 110.000 par an, en moyenne, entre 2010 et 2014 (1). 

La population des Français en France s'est accrue de + 4,5 millions entre 2000 et 2014, passant de 57,2 Mi à 61,7 Mi. Pendant cette période, elle a bénéficié de l'apport, déterminant, de + 2,3 Mi de  naturalisations d'étrangers. Ce n'est pas rien ! Même si des personnes influentes, convaincues que la puissance et l'audience d'un pays dépendent étroitement de son poids démographique, trouvent que c'est encore trop peu. 

Une immigration de peuplement  de plus en plus africaine 

L'immigration a été pendant longtemps en grande partie temporaire et de travail, comportant de forts contingents d'Italiens, d'Espagnols et de Portugais, ainsi que de Maghrébins au cours des années 1960. Depuis le milieu des années 1970, elle est devenue une immigration de peuplement, a expliqué le Professeur G.F. Dumont en décembre 2014 (2). Aujourd'hui, l'immigration africaine domine, maghrébine, d'abord, et, de plus en plus, subsaharienne. Sur longue durée, tout au moins, car les dernières données de l'INSEE disponibles sur les pays d'origine des entrants en France montrent une remontée de la provenance européenne des immigrés entre 2009 et 2012. En 2012, 46 % des immigrés entrés en France sont venus d'Europe de l'Ouest et de l'Est, pour 30% de provenance africaine (3). 

L'évolution de 1962 jusqu'à 2012 de la population des immigrés en France par pays d'origine est sans équivoque.

 En 1962, 78,7 % étaient originaires d'Europe, 14,9 % l'étaient d'Afrique, et 6,4 % l'étaient d'autres continents.  

En 1999, c'était  45 % pour l'Europe, 39,3 % pour l'Afrique, 12,7 % pour l'Asie, et 3 % pour les autres pays.  

En 2012, c'était 36,8 % pour l'Europe, 43,2 % pour l'Afrique (dont 29,6 % pour le Maghreb), 14,4 % pour l'Asie (dont 4,3 % pour la Turquie), et 5,6 % pour l'Amérique et l'Océanie (4). 

Les motifs de l'immigration sont également révélateurs. Sur les 210.000 titres de séjour délivrés par le ministère de l'intérieur en 2013, 9 % l'ont été pour motif économique, 9 % pour motif humanitaire,  30 % à des étudiants et 46 % pour motif familial (5). Nous sommes, en effet, très loin d'une immigration de travail. Cela fait des années que le regroupement familial a pris le dessus. 

Ces changements de composition de l'immigration se sont accompagnés de difficultés croissantes « d'intégration » des immigrés, malgré des efforts importants d'adaptation du système éducatif et des aides sociales substantielles en matière de logement, d'accès aux soins, d'allocations familiales, de retraite... dont certaines, bénéficiant aux sans-papiers et aux « retraités », notamment, sont très contestées. Et le taux de chômage est très élevé  parmi les immigrés non originaires de l'UE: 20,7 % en 2014, contre 9 % pour l'ensemble de la population (6) en Métropole.   

Immigrés et enfants d'immigrés :  pas loin de  20% de la population en 2012 

En 2012, la population de la France, évaluée à 65,24 millions de personnes, comprenait 5,71 Mi d'immigrés et 6,82 Mi d'enfants d'immigrés (7). Ensemble les immigrés et leurs descendants directs étaient 12,53 Mi, soit 19,2 % de la population de la France.  

J'avais déjà évoqué cette « question » dans un article de la Lettre du 18 juin de février 2013 intitulé « Dessiller les yeux et changer de cap », indiquant qu'en 2008 (dernières données alors disponibles) le pourcentage des immigrés et enfants d'immigrés était déjà de 18,6 %.  Le nombre des enfants d'immigrés a crû de + 800.000 personnes entre 2007 et 2012 (8). Cela équivaut à la moitié de l'augmentation totale de la population de la France au cours de ces 5 ans. Pourquoi ne pas le reconnaître ?  Les données de l'INSEE sur les origines géographiques des immigrés et des enfants d'immigrés indiquent qu'elles étaient européennes pour 41 % d'entre eux, africaines pour 41 %, turques pour 4 %, et d'autres pays pour 14 %.    

«  En 2025, un quart de la population résidant en France sera d'origine étrangère » 

Ces propos ont été tenus devant des journalistes par G.F. Dumont, démographe, professeur à la Sorbonne, en décembre 2014. Ils résumaient les résultats de ses projections à l'horizon 2025, effectuées en fonction des évolutions observées au début des années 2010 et des taux d'accroissement naturel des immigrants (2). Ces projections ont été réalisées, précisons-le, avant les arrivées massives des migrants venant du Moyen-Orient. 

En 2025, sur une population de 69 millions de résidents, la France compterait 7,5 Mi d'immigrés et 9,1 Mi de descendants d'immigrés, soit, ensemble, 16,6 Mi de personnes, c'est à dire 24,1 % de la population totale. 8,1 % auraient pour origine l'Europe, 11,3 % l'Afrique, et 4,6 % d'autres pays. 

On peut noter que la simple prolongation des tendances observées entre 2006 et 2014 pour les immigrés et jusqu'à 2013 pour les enfants d'immigrés (9) conduit déjà à 20,3 % d'immigrés et d'enfants d'immigrés en 2016. Si on extrapole à 2025, on obtient un chiffre voisin de celui de G.F. Dumont : 24 %.  Si ces tendances devaient se poursuivre au-delà de 2025, le nombre d'immigrés et d'enfants d'immigrés  et d'enfants d'immigrés pourrait atteindre 27 Mi de personnes à l'approche de 2050 et avoisiner alors le tiers de la population de la France.

Augmentations des nombres d'étrangers  et de doubles nationalités 

L'évolution du nombre d'étrangers dépend aussi des politiques conduites en matière d'acquisition de la nationalité française, dont on peut dire qu'elles ont été « accueillantes ». Les naturalisations (cf. cidessus) ont permis de limiter à + 16 % l'augmentation du nombre d'étrangers en France entre 1999 et 2014. Qu'en sera-t-il dans l'avenir ?  Mais, finalement, pourquoi se soucier, en « irréductibles Gaulois », de cette question dépassée de nationalité ?  

Une partie de nos concitoyens, de droite, de gauche et, plus encore, du centre, sont partisans d'une plus forte intégration de l'UE. Certains se déclarent volontiers « citoyens européens ». Il y a également en France des citoyens qui sont encore plus « ouverts » aux courants extérieurs et sans doute à la mondialisation, qui se disent « citoyens du monde ». Ces expressions de sentiments de « pluri-citoyenneté » ont gagné, sans se faire remarquer, du terrain sur le sentiment d'attachement à la seule citoyenneté française.  Malgré la médiatisation des « débats » et des dissensions sur le projet de loi sur la déchéance de nationalité pour les binationaux, la question de la double nationalité et de l'identité nationale n'est revenue, à l'arrière-plan, qu'incidemment et fugitivement.   

Pourtant, une enquête « Trajectoires et Origines » de l'INED réalisée de 2008 à septembre 2009, et portant sur 22.000 personnes (10)  a révélé qu'en France métropolitaine 5 % (soit 3,3 millions) des personnes âgées de 18 à 50 ans étaient des doubles nationaux. 90 % d'entre eux étaient des immigrés ou descendants d'immigrés. Près de la moitié des immigrés naturalisés avaient gardé leur nationalité d'origine. C'était le cas de plus des deux tiers des

Maghrébins, de 55 % des immigrés de Turquie... et de moins de 10 % chez les Asiatiques. 

« Peu d'impact de la double nationalité sur le sentiment d'être Français », avait-on conclu. « Les immigrés doubles-nationaux se sentent autant Français que ceux qui ont abandonné leur ancienne nationalité (82 % dans les deux cas) ». Curieusement, « En revanche, la double-nationalité est significativement associée à un plus fort sentiment d'appartenance au pays d'origine (le sien ou celui de ses parents). Autrement dit, avoir une double nationalité est une marque d'attachement à ses origines, mais cela n'est pas contradictoire avec une forte identité nationale française. » Bien sûr ! Bien sûr ! Et, recommandation de l'INED, « Il importe de reconnaître et de respecter le pluralisme des identités, plutôt que les concevoir comme des allégeances exclusives ».  

L'Institut prend parti ! Il est vrai que le Premier ministre, Manuel Valls, est franco-espagnol et que trois de ses ministres, Najat Vallaud-Belkacem, Myriam El Khomri et, depuis peu, Audrey Azoulay, sont franco-marocaines. Cette nomination de la fille de l'ancien conseiller des rois du Maroc Hassan II et Mohammed VI, André Azoulay, a vivement mécontenté l'exécutif algérien, qui a dénoncé une « marocanisation de la vie politique française ». Un rapprochement franco marocain pendant que les relations entre Alger et le Maroc sont tendues (11). Les Algériens semblent plus attentifs que nous aux « risques d'allégeance » de nos gouvernants binationaux. Ont-ils tort ?   

Répartitions très inégales des immigrés  entre les régions, les départements,  les villes et les plus petites localités 

En 2015, le site Internet de l'INSEE s'est enrichi de cartes et de tableaux très éloquents décrivant la répartition des immigrés dans les régions et les départements de la France métropolitaine (FM) en 2012 (12) et a donné accès à des statistiques plus détaillées. Elles montrent que si pour la FM entière, la part des immigrés dans la population est de 8,8 %, les écarts entre les régions sont substantiels. Les parts vont de 3,0 % en Bretagne, 3,3 % dans le Pays-de-Loire, 3,8 % en Normandie, 4,8 % dans le Nord-Pas-de-Calais... à 10,1 % en Corse et en PACA... à 18.2 % en Ile-de-France. 2,160 millions d'immigrés, soit 38,6 % des 5,6 Mi d'immigrés, se trouvent concentrés dans cette région. Attraction et phénomène cumulatif. 

En nombres, après l'Ile-de-France (IDF), ce sont les régions Auvergne-Rhône-Alpes (0,682 Mi d'immigrés), PACA (0,5 Mi), Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées (0,469 Mi) et Alsace-Champagne-Ardenne Lorraine (0,462 Mi) qui sont les plus attractives. Ensemble avec l'IDF, elles accueillent 76,3 % des immigrés en France métropolitaine. 

Entre les départements, les écarts se creusent davantage, et des pourcentages qu'on peut considérer comme élevés ressortent en Ile-de- France : 28,4 % en Seine-Saint-Denis (93), 20,3 % à Paris, 19,6 % dans le Val-de-Marne (94), 17,8 % dans le Val-d'Oise (95), 17,1 % dans les Hauts-de-Seine (92), 14,2 % dans l'Essonne (91), 12,7 % dans les Yvelines (78) et 12,3 % en Seine-et-Marne (77). Ensuite, viennent la Haute-Savoie, avec 11,7 % d'immigrés, le Rhône, avec 11,6 %, le Haut-Rhin, avec 11,5 %, le Vaucluse, avec 10,3 %, le Bas-Rhin et la Moselle, avec 10,2 %, ainsi que la Moselle avec 10 %.  

À l'opposé, n'ont été dénombrés que 2,1 % d'immigrés en Vendée, 2,2 % en Pas-de-Calais (en 2012), 3,2 % dans la Sarthe, 3,3 % dans la Somme, 3,5 % dans les Deux-Sèvres, 3,6 % dans l'Orne, 4,1 % dans les Vosges, 4,4 % en Haute-Saône, 4,5 % dans la Nièvre... Relativement peu d'immigrés, donc, dans la « France profonde ». Assez loin des grands pôles d'activité, d'emploi... et de regroupement familial. 

Dans une centaine de villes de plus de 50.000 habitants, la concentration des immigrés est forte. Des sommets de l'immigration culminent très haut en IDF: à 42,2 % à Aubervilliers, 36,6 % à Saint-Denis, 31,8 % à Pantin et à Sarcelles, à plus de 30 % au Blanc-Mesnil, à Drancy et à Epinay-sur-Seine. En FM, 20 villes comptent aussi entre 20 % et 30 % d'immigrés. Paris en compte 20,3 %, avec de fortes inégalités entre ses arrondissements. 14 autres villes comptent entre 15 % et 20 % d'immigrés dans leur population. Pour 32 villes, ce pourcentage est compris entre 11 % et 15 %. 

À l'opposé, sur les 114 villes de plus de 50.000 habitants seulement 13 villes comptent moins de 7 % d'immigrés. 

Cette présence des immigrés dans les « grandes » villes n'exclut pas des groupements importants dans des localités plus petites (13). Ainsi, dans l'Ain, il y a 42,6 % d'immigrés dans la population à Ferney-Voltaire (8.844 hab.), 41,4 % à Saint-Genis-Pouilly (9.415 hab.), 38,6 % à Sergy (2.035 hab.), 38,4 % à Ornex (4.027 hab.), 35,8 % à Thoiry, 37,7 % à Prévessin-Moëns (7.410 hab.)... Il y a des pourcentages élevés pour des effectifs plus nombreux dans maintes autres villes de moins de 50.000 habitants: 41,1 % à Beausoleil (13.272 hab.), 37,5 % à Hendaye (16.759 hab.)... et, là aussi, dans 14 cités d'Ile-de-France où les pourcentages d'immigrés vont de 30,3 % à Sevran (49.442 hab., dans le 93 ) à 41,3 % à La Courneuve (39.859 hab., dans le 93). 

Souvent, les immigrés et les enfants d'immigrés vivent dans les mêmes localités et quartiers, ou à proximité. Aussi, dans les régions, les départements, et les villes de différentes tailles que nous avons passées en revue, les pourcentages des immigrés + enfants d'immigrés sont forcément supérieurs aux pourcentages des seuls immigrés ci-dessus. Il ne doit pas être rare qu'ils dépassent les 50 % à 60 % des populations locales et il ne doit pas être exceptionnel qu'ils atteignent les 70 %, surtout en Ile-de France, et peut être également dans l'Ain. Dans le futur, un recensement ou des enquêtes apporteront peut-être des informations sur ce dernier sujet ? 

On peut donc observer que toutes les personnes résidant en France ne vivent pas dans le même « environnement » démographique. Et il n'est pas impossible que des personnes se considérant ou non

 

comme des « Français de souche » se trouvent un peu dépaysées dans des hauts lieux de l'immigration, ou éprouvent des craintes quant à l'abandon de l'identité, de la culture et des valeurs qui prévalaient en France « dans le temps ».  Tandis que d'autres s'accommodent mieux des changements ou sont plus éloignés des points chauds. 

En tout état de cause, on ne devrait pas se contenter de parler et de traiter de l'immigration en se référant uniquement à des chiffres au niveau national, et refuser de faire état des réalités et des disparités aux différents niveaux locaux, du «communautarisme» que les chiffres dévoilent.

L'étude et la présentation au public de perspectives démographiques locales à l'horizon 2025, qui n'est distant que de 9 ans, et à 2050, forceraient encore plus à ouvrir les yeux, à prendre des décisions « responsables ».  

En attendant, les chiffres ci-dessus nous aident à mieux comprendre les attitudes de nos politiciens à l'égard de l'immigration. Le poids électoral des immigrés de nationalité française est potentiellement considérable (surtout localement). Circonspection, diplomatie, prudence, empathie, mixité, diversité, prévenance... sont de rigueur. Et on perçoit aussi les motivations de ceux qui réclament l'élargissement du droit de vote aux étrangers. 

II. - Allemagne : terre d'accueil et immigration choisie

Les flux migratoires sont impressionnants. En 2013, 1,226 million de personnes sont entrées sur le territoire allemand et 0,798 Mi en sont sorties. En 2014, les entrées et les sorties d'étrangers se sont élevées à  1,5 Mi et 0,91 Mi de personnes. Et, faisant suite à l'invitation généreuse de Mme Merkel,  1,092 Mi de réfugiés ont été accueillis en 2015 (dont 39,2 % de Syrie, 14,1 % d'Afghanistan, 11,1 % d'Irak, 9,4 % d'Albanie et du Kosovo). Une multitude de demandeurs d'asile ont été accueillis après 2012 : 0,11 million en 2013, puis 0,17 Mi en 2014 et 0,5 Mi en 2015.  

En fait, depuis de nombreuses années, les soldes migratoires ont permis à l'Allemagne d'empêcher la population du pays de reculer. Cette immigration « voulue » est aussi « choisie », composée très majoritairement de ressortissants de Turquie et d'Europe, venant, pour beaucoup des pays de l'Est. Pour attirer des travailleurs étrangers hautement qualifiés de l'extérieur de l'UE, une plate-forme « Make it in Germany »  (réussir en Allemagne) a été ouverte sur internet et, en août 2012, une « Blue Card » a été introduite pour favoriser l'installation en Allemagne. En 2014, il y avait plus de 11.800 titulaires de provenances diverses  (Inde, Chine, Russie, Ukraine...) sur le territoire.  Cependant, pour accorder la nationalité allemande aux immigrés, les Autorités se montrent plus exigeantes qu'en France. Il en est de même en ce qui concerne les conditions à remplir pour avoir droit à la double nationalité.  

Grâce à des soldes migratoires géants,  la population n'a pas encore diminué 

En raison du vieillissement de la population et d'un faible taux de natalité, le solde naturel (naissances- décès) de l'Allemagne s'est aggravé. – 172.000 personnes par an, en moyenne, pendant les 10 ans de 2005 à 2014, avec un record à – 211.700 en 2013. Le cumul des déficits naturels annuels depuis l'an 2000 a atteint – 2, 27 millions de personnes en 2014 (14). 

Le solde migratoire a été fluctuant, jusqu'à devenir négatif en 2008 et en 2009, refroidi par la grande crise. Puis il s'est repris et a rapidement crû jusqu'à + 428.600 personnes en 2013 et + 550.500 en 2014. Cumulés de 2000 à 2014, les soldes annuels ont fourni un apport net de + 2,72 Mi de personnes.  Cela a permis à la population résidente totale en Allemagne de croître de  + 450.000  personnes  entre  2000 et 2014, pour atteindre alors 81, 165 Mi de personnes... soit 0,55 % de plus qu'en 2000.    

Les excédents migratoires des années 2010 à 2014 comportent une forte proportion d'originaires des pays d'Europe, 73,6 % au total. L'Allemagne a su attirer une main d'œuvre bon marché provenant de l'est : de Pologne, Roumanie, Bulgarie, Croatie, Hongrie et Serbie, en particulier. En 2014, les originaires de ces six pays ont contribué à hauteur de 41 % au solde migratoire (SM). La même année, 62.200 Syriens ont grossi le SM, tandis que le solde des immigrants d'Afrique a été limité à 47.900 personnes (nettement plus que les années précédentes). 

Contrairement à la France, le solde migratoire des citoyens Allemands, négatif depuis 2005 (plus de sorties que d'entrées), est resté assez faible, surtout au cours des dernières années. Entre 2010 et 2014, il a été de – 23.200 personnes par an en moyenne. Moins de chômage et davantage de perspectives pour les jeunes expliquent sans doute, au moins en partie,  ce peu d'attrait des Allemands pour l'expatriation.  

Malgré l'immigration, la population baissera  à partir de 2030... ou avant 

Les projections démographiques à l'horizon 2060 effectuées en 2015 par le Bureau Fédéral des Statistiques (15) montrent un déclin inéluctable de la population, plus ou moins prononcé selon les hypothèses retenues sur l'ampleur de l'immigration à venir.  

Avec un solde migratoire annuel « fort », qui baisserait de + 0,5 millions de personnes en 2015 à + 0,25 Mi en 2020, puis se maintiendrait à + 0,2 Mi par an, les apports cumulés nets de l'immigration depuis 2015 seraient considérables : + 2,25 Mi d'ici 2020, + 4,25 Mi d'ici 2030 et + 8,25 Mi d'ici 2050. La population de l'Allemagne se maintiendrait à 82 Mi en 2020, à 81 Mi en 2030, puis déclinerait jusqu'à  76 Mi en 2050. Elle serait alors à peine supérieure à celle de la France, qui, selon des projections de l'INSEE, avoisinerait 75 Mi de personnes (16). 

Avec un solde migratoire « faible », de 100.000 personnes de moins par an que le solde « fort » précédent à partir de 2016, la population de l'Allemagne passerait au-dessous de son niveau de 2015 (81,345 Mi de personnes) en 2020 et continuerait ensuite à baisser, jusqu'à 79,2 Mi en 2030 et 71,9 Mi de personnes en 2050. Moins que la France. 

On peut donc penser qu'à la compassion et à la générosité que manifeste la chancelière Angela Merkel à l'égard des migrants, peuvent s'ajouter des motivations d'ordre démographique... que tous les Allemands ne partagent pas forcément, vu les résultats des élections tenues récemment dans plusieurs landers.  

20,5 % de personnes issues  de l'immigration  dans la population en 2013 

En 2013, dans une population résidente de 80,768 Mi de personnes, l'Allemagne en comptait 16,5 Mi d'origine étrangère, dont 9,7 Mi de nationalité allemande et 6,8 Mi de nationalité étrangère. Parmi elles, 15,913 Mi étaient  nées à l'étranger, ayant immigré en République fédérale (RFA) après 1949, ou étaient nées en Allemagne avec une nationalité étrangère, ou avaient au moins un parent se trouvant dans l'un des deux cas précédents (17). Précision : 66 % de ces personnes issues de l'immigration  étaient nées à l'étranger et 34 % étaient nées en Allemagne.  

Sur les 15,913 Mi de personnes, 2,793 Mi étaient originaires de Turquie, 1,535 Mi de Pologne, 1,186 Mi de Russie, 0,783 Mi d'Italie, 0,381 Mi de Grèce et 1,106 Mi de Croatie, de Serbie, du Monténégro, du Kosovo, d'Ukraine et de Bosnie-Herzégovine. Au total, les originaires d'Europe, hors Turquie (que les statistiques allemandes placent en « Europe »), étaient 8,358 Mi. On comptait aussi 2,563 Mi d'originaires de pays d'Asie et d'Océanie autres que la Turquie, 0,553 Mi originaires d'Afrique et 0,39 Mi d'Amérique.

En 2013, toujours, parmi les personnes d'âge actif issues de l'immigration, 11,4 % n'avaient aucun diplôme scolaire, 62,3 % avaient un diplôme de fin d'études secondaires et 16,9 % avaient l'Abitur (équivalent du bac). 11,5 % étaient chômeurs (contre 5,8 % chez les personnes non issues de l'immigration) (17).  

10,1 % d'étrangers en Allemagne en 2014 

En 2014, la population d'Allemagne comptait 10,1 % d'étrangers, soit 8,15 Mi, contre 6,93 Mi en 2011. Cela traduit la forte montée de l'immigration au cours des dernières années et la relative modestie du nombre des naturalisations. Parmi les étrangers, 1,53 Mi sont Turcs, 2,9 Mi sont d'une vingtaine de pays d'Europe de l'est (Pologne, Roumanie, Croatie, Russie, Serbie, Kosovo...), 1,89 Mi sont d'une vingtaine de  pays d'Europe de l'ouest (Italie, Grèce, Autriche, Espagne, Pays-Bas, Portugal...). Les 1,83 Mi restants sont de nationalités très diverses, de tous les continents. 

La proportion d'étrangers dans la population (10,1 %) est plus forte qu'en France (6,3 % en 2014) notamment parce que l'accès à la nationalité allemande est plus « contrôlé ». Ainsi, par exemple, un enfant obtient automatiquement la nationalité allemande par la naissance quand le père ou la mère est Allemand. Lorsque les deux parents sont étrangers, c'est la même chose si la mère ou le père vit avec un titre de séjour en Allemagne depuis au moins 8 ans. Un étranger peut être naturalisé après avoir vécu 8 ans dans le pays avec un titre de séjour (et non 5 ans, avec des possibilités de réduction de durée, comme en France). Lors de la demande, il doit posséder un droit d'établissement ou un droit de séjour. Sauf s'il est un citoyen ou un parent d'un citoyen d'un pays de l'UE bénéficiant de la librecirculation dans l'Union. Le demandeur doit prouver qu'il peut assurer sa subsistance, bien connaître la langue allemande, ne pas avoir été condamné par un tribunal (sauf éventuellement pour des délits mineurs) et réussir le test de naturalisation. 

Entre 2000 et 2009, le nombre annuel de naturalisations a décru de 186.700 à 96.100, se montant, en moyenne, à 133.000 par an. Au cours des cinq années suivantes, jusqu'en 2014, cette moyenne a été de 108.000. Ces chiffres sont de très peu inférieurs à ceux des naturalisations en France, mais ils se rapportent à un nettement plus grand nombre d'étrangers : en 2014, 8,15 Mi en Allemagne, contre 4,18 Mi en France.  

Outre-Rhin, davantage de réticence  envers la double nationalité 

Jusqu'en juillet 2014, pour acquérir la nationalité allemande, un étranger devait normalement renoncer à sa nationalité, sauf s'il était citoyen d'un autre pays de l'UE ou de Suisse. « Pour tous les autres étrangers, la double nationalité n'est acceptée que s'il est impossible de perdre la nationalité actuelle ou que ceci représente une charge insurmontable » disait la Loi sur les nationalités de 2000 (18). Certains états, en effet, ne prévoient pas la possibilité d'abandon de la nationalité ou exigent des conditions très difficiles à remplir. 

C'était aussi pourquoi, afin d'éviter que la double nationalité devienne la règle, un « modèle de l'option » avait été introduit : à l'âge de 18 ans, l'enfant qui était devenu Allemand à la naissance, ou plus tard (cf. ci-dessus), devait se prononcer par écrit sur la nationalité de son choix. Sauf exception (citoyenneté de l'UE ou de Suisse), il ne conservait qu'une nationalité.  

La nouvelle loi permet à tout Allemand d'origine étrangère d'obtenir la double nationalité s'il a vécu en règle (avec un titre de séjour) pendant 8 ans sur le territoire ou y a étudié au moins 6 ans (19). Les premiers concernés par ce changement sont les nombreux immigrés turcs vivant en Allemagne. 

En décembre 2013, lors de la formation du troisième gouvernement fédéral de Mme Merkel,  pour la première fois, une personne d'origine turque, Mme Aydan Özoguz, a été nommée ministre d'État (rang inférieur à celui des 15 ministres  fédéraux) en charge de l'intégration. Elle est née à Hambourg en 1967. Ses parents ont immigré en Allemagne dans les années 1950.

Le nombre de musulmans  augmente en Allemagne aussi

1,9 % des personnes interrogées au recensement de 2011 s'étaient déclarées de religion musulmane. Une proportion jugée très sous-estimée, car la réponse à la question sur la religion n'était pas obligatoire (20). 

De son côté, le Pew Research Center, qui étudie les religions dans le monde, a évalué le nombre de musulmans en Allemagne à 4,76 millions, soit 5,8 % de la population en Allemagne en 2010 (21). Un chiffre qui ne semble pas contesté. Il a aussi effectué des projections à 2060 des effectifs des grands groupes religieux, selon lesquelles ce pourcentage monterait à 7 % en 2020 et à 8 % en 2030 en Allemagne. C'est un peu moins que ce qu'il prévoit pour la France, 8 % en 2020 et 8,6 % en 2030.  Jusqu'aux arrivées massives des migrants en 2014 et 2015 et aux « incidents » qui les ont émaillés en 2015, nos médias n'ont pas spécialement attiré notre attention sur des difficultés particulières que poserait l'immigration en Allemagne, si ce n'est la montée en puissance de partis classés comme « populistes » ou « d'extrême droite ». Mais, comme dans d'autres pays d'Europe, ce phénomène a bien d'autres causes que nous connaissons également. 

NB : Moi aussi, je suis un descendant d'immigrés :  Je suis né en France, de parents français, 25 jours après l'Appel du 18 juin 1940. Fils et petit-fils d'immigrés, je suis aussi un sang-mêlé. Mes quatre grands-parents étaient Russes. Mais, l'une de mes grand-mères était d'origine italienne, tandis que l'autre avait des racines baltes et allemandes. Celles du grand-père « maternel », Léon Witte, étaient hollandaises. Le grand père « paternel », Pierre Kloboukoff était le seul Russe « de souche ».  Presque miraculeusement, ils ont pu échapper aux Bolchéviques lors de la Révolution russe de 1918 et, après de pénibles pérégrinations en Europe, ils sont arrivés en France avec certains de leurs enfants. Entretemps, en 1921, l'URSS avait déchu les émigrés de leur nationalité.   La France, alors démographiquement anémiée, avait une politique d'immigration accueillante, mais sélective. Engagée contre l'Union soviétique, elle était bienveillante à l'égard des réfugiés « Russes blancs ». 

Pierre Kloboukoff est arrivé à Paris en 1925 et a tout de suite trouvé du travail car il était instruit et parlait français. En septembre 1930, il a fait venir de Belgique sa femme et son fils cadet, Constantin, mon père, qui avait alors 15 ans. Celui-ci a acquis la nationalité française par décret en juillet 1937. En novembre 1938, il a été incorporé dans l'armée et a participé à la guerre contre les Italiens et les Allemands.  Ma mère, ses parents et son frère ont immigré en France en 1927. Mes parents se sont connus à Nice et se sont unis en 1937. Pour eux, il n'y a pas eu de problème d'intégration ou d'assimilation. Sans doute en raison d'affinités, de similitudes des cultures et des religions... et parce que, dès leur naturalisation, la France a été leur seule patrie.

Sources et références

(1) Insee : « Les acquisitions de nationalité française », sources MI – DESD, ministère de la Justice.

(2) « Une immigration de peuplement », entretien avec Gérard-François Dumont, je-suis stupide-j-ai-vote-hollande.fr/blog/..., le 17/12/2014

(3) lnsee Première, n° 1524 - novembre 2014.

(4) « Répartition des immigrés par pays de naissance en 2012 », Insee, recensement de la population, exploitation principale.

(5) « Titres de séjour délivrés depuis 2007 par motifs »,    deshautsetdesbas.files.wordpress.com/2015/06...

(6) « Activité, emploi, chômage des immigrés en 2014 », ministère de l'intérieur (source Insee, enquête emploi 2014).

(7) « Immigrés et enfants d'immigrés », Insee Références, édition 2015 -  fiches « Population ».

(8) « Démographie des descendants d'immigrés », (source « Enquête emploi en continu »), Infos migrations, n° 66, avril 2014.

(9) Insee, « Population - Population française, étrangère et immigrée depuis 2006 », Insee Focus, n° 38, octobre 2015.

(10) « Double nationalité et identité nationale », Focus « Les mémos de la démo » - Ined - Insti... + « En France, environ 3,3 millions de personnes ont la double nationalité », lemonde.fr, le 24/12/2015.

(11) « L'Algérie se plaint du nombre de ministres marocains... Dans le Gouvernement français », contre-info.com, le 13/02/2016.

(12) Insee, « Population - Immigrés en 2012 : comparaisons régionales et départementales » + Wikipédia, « Données statistiques sur l'immigration en France », source Insee 2012.

(13) linternaute.com/ville/classement/villes/immigres, source Insee 2012.

(14) « Immigration en Allemagne », Wikipédia.

(15) « Germany's population by 2060 », Federal Statistical Office of Germany 2015.

(16) Insee, « Population - Projections de population à l'horizon 2060 ».

(17) « Missions allemandes en France - Repères statistiques »,    allemagne.diplo.de/Vertretung/franchreich/fr/03-cidal...

(18) integration-in-bonn.de/fr/sejour-et-naturalisation/naturalisationacquisition-de-la-nationalite-allemande

(19) « L'Allemagne adopte la double nationalité », lefigaro.fr/international/2014/07/04/01003...

(20) « Census reveals German population lower than thought », bbs.com/news/world-europe-22727898, le 31/05/2013

(21) pewforum.org/2015/04/04/religious-projection-table, Pew Research Center.

 

 

© 06.04.2016

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