Compte rendu du dîner-débat du 22 mars 2016

Présidé par Pierre LAURENT,

QUELLE POLITIQUE EUROPÉENNE POUR LA FRANCE?


 Par Christine ALFARGE

« Selon que nous serons puissants ou misérables, en Europe. »

L’Europe est rentrée dans une crise existentielle à plusieurs dimensions politique, économique, sociale et éthique. Nous assistons à une forme d’impuissance qui devient de plus en plus grave. Rarement comme aujourd’hui, les peuples et les dirigeants européens n’ont paru aussi peu maîtres de leur destin.  

L’Europe va-t-elle dans l’impasse ?

L’Union européenne construite sur un modèle de mise en concurrence frappé de plein fouet en 2008 par une crise violente, déstabilisante mondialement, annoncera la fin d’un système passé au bord du précipice avec l’Europe comme épicentre. L’idée était de faire un grand marché tirant les coûts de travail par un remède dépressif conduisant à des cures d’austérité imposées avec des conséquences sur le taux du chômage et la précarité.   Dans les grands pays développés, les inégalités sont importantes, les plus riches ont accaparé 54 % de l’augmentation de richesse de toute l’Europe entre les années 2000 et 2015. Selon Pierre Laurent : « On assiste au cumul d’inégalités dans toute l’Europe et son incapacité à traiter les enjeux de demain, la crise des réfugiés en est une parfaite illustration », il ajoute : « En matière de productivité, c’est l’inefficacité. L’Europe, où il n’y a plus de système bancaire indépendant, est devenue un désert productif dépendant de l’Allemagne ». Cette crise politique grave, contestée dans l’Union européenne, a mis en avant les peuples de l’Est et un ultralibéralisme.

Une crise politique et démocratique

Il y a dix ans, le traité de Lisbonne est remis en cause. Malgré l’alerte niée, l’Union européenne a sophistiqué ses instruments visant à dessaisir progressivement les nations. Le traité Constitutionnel est devenu un modèle confisqué. De manière visible, le budget en France est soumis aux autorités européennes avant de venir dans le débat parlementaire. En pleine actualité le projet de loi El Khomri sur la réforme du droit du travail a été négocié de la même façon avec les autorités européennes avant de venir dans le débat parlementaire français et illustre tout à fait cette dépendance vis-à-vis de Bruxelles. Les règles sont établies selon que nous sommes forts ou faibles.   

Une crise éthique ou crise des valeurs 

Selon Pierre Laurent : « C’est une remise en cause d’un bon nombre de choses, nous risquons une dislocation de l’Europe, les frontières érigées sont extrêmement préoccupantes ». Pour lui, « il faut changer l’euro et le modèle économique ». Sans un changement de trajectoire des politiques budgétaires et un plan d’investissement nécessaire d’ici 2017, nous nous dirigeons vers un krach financier. Nul ne conteste aujourd’hui que la menace d’implosion pesant sur la zone euro trouve ses racines dans une double faute historique.  

La première est d’avoir créé une monnaie unique en oubliant de l’enraciner dans un espace économique et fiscal commun. La seconde, ce sont ces déficits cumulés années après années par les États membres, construisant avec une telle inconscience voire insouciance le mur de la dette sur lequel se fragilisent aujourd’hui leurs économies. Repenser l’architecture démocratique européenne est devenu une impérieuse nécessité pour établir un véritable lien entre souveraineté et indépendance. Pierre Laurent croit à l’utilité d’un projet européen coopératif, « l’union des peuples et des nations souveraines associées ». Cela ne veut pas dire chacun chez soi mais l’adhésion volontaire, il pense que « lors du traité, il y a eu une occasion manquée de renégocier le traité budgétaire européen ». Pour lui, « la crise politique et économique actuelle devrait être l’occasion de rouvrir le débat européen ».  

Aujourd’hui, tout le monde piétine Schengen, mais il ne faut jamais oublier que la conquête de notre espace de libre circulation a pourtant été payée au prix fort par une histoire européenne douloureuse que nous avons le devoir de transmettre et d’enseigner inlassablement aux futures générations. D’autres barrières subsistent cependant dans les esprits, la notion de frontière n’est pas seulement géographique, mais psychologique. La vérité est que les dirigeants naviguent à vue. Les barrières ont beau avoir disparu des routes, elles demeurent dans les esprits, les lois, les normes. À ce titre, Pierre Laurent propose pour le débat démocratique « une union à géométrie choisie ». Qu’est-ce qui empêcherait de continuer le débat avec la Grèce par exemple ? A la place s’est installé le dogmatisme au lieu de la liberté de choix.   

Reconstruire une communauté de valeurs 

L’Europe doit jouer un grand rôle, Pierre Laurent y croit, il croit aux alliances régionales, à la solidarité régionale. Il ajoute : « Nous y avons tous intérêt contre les logiques d’hyper concurrence ».  Il cite notamment: « Sorti en même temps que la réunion annuelle du Forum Economique de Davos, le rapport « Une économie au service des 1% » appelle à une action urgente pour corriger une tendance s’accentuant chaque année. Désormais, les 1% les plus riches concentrent plus de richesses que 99 % de la population mondiale ».  

L’Union européenne  doit être au rendez-vous du monde 

Elle représente une communauté de valeurs recentrée sur la paix, liée aux questions de développement. La croissance des inégalités est exponentielle, tel que l’Oxfam (ONG travaillant à la coopération et à la solidarité internationale) le souligne dans son rapport : « La lutte contre la pauvreté est vaine si la crise des inégalités n’est pas résolue ».  

Au regard de la zone du Moyen-Orient, qui peut penser que cela va s’arranger ? Quel est le chemin ? Pierre Laurent pense que « la situation est plus ouverte qu’il n’y paraît car tous les pays européens sont touchés avec pour conséquences la montée des mouvements populistes ». La France est dans une situation préoccupante mais ouverte, quant à l’Allemagne, il existe un mouvement citoyen plus fort que chez nous. Une construction patiente mais déterminée est en gestation vers une Europe des peuples, le chemin démocratique et souverain dont nous avons besoin. A ce titre, une des propositions de Pierre Laurent est de créer un forum annuel de toutes ces forces unies pour progressivement reconquérir le pouvoir en redonnant confiance aux citoyens dans une Europe devenue source d’espoir et non de crainte.  

À travers cette crise qui n’en finit pas, la France du Général de Gaulle qui a porté à bout de bras la construction européenne depuis plus de cinquante ans pour la paix et le développement économique, doit saisir l’occasion de contribuer à construire un avenir européen du vivre ensemble et œuvrer chaque jour à un fonctionnement de l’Europe accessible à tous. La France a tous les atouts pour être en tête de cette ambition européenne et en devenir la plus grande puissance politique, militaire, économique et sociale dans un monde nouveau.

 

 

© 06.04.2016

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