Compte-rendu du dîner-débat du 4 février 2016

En présence de Monsieur Michel ANFROL

LA HAVANE-WASHINGTON, L’IMPOSSIBLE DIALOGUE

 

Par Christine ALFARGE

« L’importance des cubains dans la vie politique américaine, un symbole fort »

Au regard de l’histoire cubaine, les Espagnols qui occupaient l’île depuis sa découverte par Christophe Colomb, font face à partir de 1895 à une insurrection indépendantiste. Trois tendances de colonies espagnoles sont représentées, les Cubains voulant maintenir des liens avec l’Espagne, un groupe indépendant plus important mené par José Marti et José Maria Heredia y Campuzano (ne pas confondre avec son cousin germain, le poète français d’origine cubaine José-Maria de Heredia) et puis tous ceux qui souhaitaient des relations avec les Etats-Unis.

A l’époque du président James Monroe élu en 1816, les Américains estimaient que les Caraïbes faisaient partie de l’hémisphère américain. Depuis longtemps, les Américains voulaient intervenir, Théodore Roosevelt disait : « On ne peut pas laisser les Espagnols intervenir à Cuba, donnez-moi un bon prétexte et je vous donnerai une bonne guerre ».

Le 15 février 1898, un évènement grave va se produire.

Le cuirassé américain Maine est victime d’une puissante explosion dans la rade de la Havane à Cuba, ce qui provoquera immédiatement un déchaînement contre l’Espagne. Jusqu’à 1960, l’Espagne sera marquée contre les Américains.

En 1898, les Etats-Unis sous la présidence de William McKinley déclareront la guerre à Madrid le 25 avril de la même année avec le prétexte officiel de venir en aide aux insurgés cubains.

Après une victoire rapide, ils occuperont militairement l’île pendant trois ans et en prendront le contrôle économique. Si les Etats-Unis acceptaient en 1902 de retirer leurs troupes de Cuba et lui accorder une indépendance toute théorique, ils imposaient à la jeune république de Cuba au terme de «l’amendement Platt », le droit de conserver des bases navales dont Guantanamo. Jusqu’à 1959, plusieurs présidents se succédèrent sous fond de scandales et d’injustices sociales dont le dernier d’entre eux, le colonel Batista revenu au pouvoir en 1952 par un coup d’état, fut renversé à son tour le 1er janvier 1959 par une insurrection populaire dirigée par Fidel Castro qui prendra le pouvoir, aidé par son frère Raul et un révolutionnaire argentin qui devait devenir un véritable mythe, Che Guevara. 

Dès 1956, Castro commence la guérilla, revenu du Mexique, il triomphera à son arrivée à la Havane, les Américains marchent avec lui et voient en lui l’homme qui va mettre fin à la corruption. La lune de miel ne va pas durer longtemps car les Américains commencent à s’inquiéter sur Castro et ce qu’il est vraiment. Ils disent : « On a peut-être eu tort au sujet de Castro », une opposition cherchait à échapper à Castro, une autre le soutenait.

En avril 1961, un débarquement de combattants anticastristes aura lieu dans la baie des cochons. Pendant cette période, Kennedy ne montre pas l’image d’un président telle qu’elle était réellement. Ses hésitations et ses changements de décision au dernier moment conduiront à un échec de l’opération préparée. Les Américains voudront alors éliminer Fidel Castro fort du soutien de la population cubaine à la révolution.

En octobre 1962, une guerre mondiale est prête à éclater, les Américains veulent boycotter Cuba, seul le Canada décide de garder des liens. Fidel Castro se rapproche alors de Moscou. A la suite de nombreux évènements au cours du mois d’octobre 1962, la crise des missiles de Cuba, une crise grave de la guerre froide, survient entre les Etats-Unis et l’Union soviétique.

En 1990, la chute du communisme à l’Est met fin à trente ans d’assistance économique soviétique. C’est le début de la pénurie. Michel Anfrol précise que « Ce qui a le plus nuit au régime de Cuba, c’est la disparition de l’union soviétique ». Lorsque, au début des années 1990, l’URSS s’est désagrégée, Cuba s’est englué dans une terrible crise. En cinq ans, le PIB (Produit intérieur brut) a dégringolé de 35 % et le pouvoir d’achat de 50 %. Faute de pétrole et de fertilisants qui n’étaient plus fournis par les soviétiques, le secteur agricole, très mécanisé et polluant, s’est effondré. Depuis la fondation du régime de Fidel Castro, la première émeute se produira en 1994 et provoquera l’émigration de 37000 Cubains vers les Etats-Unis.

Spécialiste reconnu de la politique des États-Unis d’Amérique, Michel Anfrol explique : « Après la visite du pape Jean-Paul II en 1998, c’est finalement le pape François qui contribuera au rapprochement de Cuba et des Etats-Unis favorisant notamment la réouverture des ambassades ». Il ajoute : « Pour autant, le poids des Cubains fera que le Congrès s’opposera de toutes ses forces sans qu’il soit possible de reprendre des liens alors que les grandes entreprises américaines voulaient tenter de reprendre pied à Cuba. Dans ces conditions, je ne vois pas comment les choses pourraient s’arranger, il y a beaucoup de prisonniers politiques à la Havane. Ce n’est pas demain que les relations reprendront ». 

Quel avenir après Raul Castro ?

Selon la Constitution cubaine, Raul Castro dont le mandat expire en 2018 prépare sa succession. Il avait succédé officiellement à son frère à la tête de l’Etat le 24 février 2008 et aura permis l’ouverture contrairement à son frère Fidel. Raul, c’est l’armée, il aura manifesté de façon répétée sa volonté de normaliser les relations avec Washington pour sortir Cuba de son marasme. Quant à Fidel, il n’est plus en mesure d’imposer sa volonté.

L’annonce de la visite de Barack Obama à Cuba le 21 mars prochain pourrait changer la donne et redonner espoir à un dialogue constructif vers une levée de l’embargo. Pendant sa campagne, le président américain a laissé entendre qu’il pourrait engager, sous certaines conditions, un processus de diplomatie directe avec Raul Castro. L’opinion américaine pourrait accepter plus facilement une levée de l’embargo sur Cuba en contrepartie de symboles forts notamment la libération de prisonniers politiques.

Cuba, une réussite culturelle à promouvoir.

Si officiellement, il n’y a pas de reprise, les touristes vont de plus en plus à Cuba qui a réussi sa culture, sa médecine, les œuvres cubaines font partie de cette culture espagnole. Pour une partie des cubains, un sentiment espagnol existe, pour une autre partie, c’est le rêve américain. Miami, la première ville cubaine aux Etats-Unis en témoigne et se dit même favorable à une levée de l’embargo imposé depuis 1962 au régime de Fidel.

Quel avenir pour Cuba partagé entre un sentiment espagnol et le rêve américain ? Comme une renaissance, Cuba s’ouvre au monde, à défaut d’un destin, c’est peut être un début. Le président cubain Raul Castro va-t-il tendre la main à Washington pour normaliser les relations ? La visite du président américain prévue en mars prochain est de toute évidence une occasion à ne pas manquer pour les Etats-Unis comme pour Cuba.

L’Amérique latine aura les yeux rivés sur le Congrès américain dont le vote sera crucial et déterminant pour une vraie transition politique et économique dans cette région du monde. Quant à la France du Général de Gaulle, elle formule le souhait d’un espoir accompli pour Cuba renouant  le dialogue avec les Etats-Unis, évoluant à l’avenir sur les plans économique, diplomatique, social et culturel par la voie moderne du développement.

 
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