Par Christine ALFARGE
« L’importance
des cubains dans la vie politique américaine, un symbole fort »
Au regard de l’histoire
cubaine, les Espagnols qui occupaient l’île depuis sa découverte par Christophe
Colomb, font face à partir de 1895 à une insurrection indépendantiste. Trois
tendances de colonies espagnoles sont représentées, les Cubains voulant
maintenir des liens avec l’Espagne, un groupe indépendant plus important mené
par José Marti et José Maria Heredia y Campuzano (ne
pas confondre avec son cousin germain, le poète français d’origine cubaine
José-Maria de Heredia) et puis tous ceux qui souhaitaient des relations avec
les Etats-Unis.
A l’époque du président
James Monroe élu en 1816, les Américains estimaient que les Caraïbes faisaient
partie de l’hémisphère américain. Depuis longtemps, les Américains voulaient
intervenir, Théodore Roosevelt disait : « On ne peut pas laisser
les Espagnols intervenir à Cuba, donnez-moi un bon prétexte et je vous donnerai
une bonne guerre ».
Le 15
février 1898, un évènement grave va se produire.
Le cuirassé américain Maine
est victime d’une puissante explosion dans la rade de la Havane à Cuba, ce qui
provoquera immédiatement un déchaînement contre l’Espagne. Jusqu’à 1960,
l’Espagne sera marquée contre les Américains.
En 1898,
les Etats-Unis sous la présidence de William McKinley
déclareront la guerre à Madrid le 25 avril de la même année avec le prétexte officiel de venir en aide aux insurgés
cubains.
Après une
victoire rapide, ils occuperont militairement l’île pendant trois ans et en
prendront le contrôle économique. Si les Etats-Unis acceptaient en 1902 de
retirer leurs troupes de Cuba et lui accorder une indépendance toute théorique,
ils imposaient à la jeune république de Cuba au terme de «l’amendement Platt », le droit de conserver des bases navales dont
Guantanamo. Jusqu’à 1959, plusieurs présidents se succédèrent sous fond de
scandales et d’injustices sociales dont le dernier d’entre eux, le colonel Batista
revenu au pouvoir en 1952 par un coup d’état, fut renversé à son tour le 1er
janvier 1959 par une insurrection populaire dirigée par Fidel Castro qui
prendra le pouvoir, aidé par son frère Raul et un révolutionnaire argentin qui
devait devenir un véritable mythe, Che Guevara.
Dès 1956,
Castro commence la guérilla, revenu du Mexique, il triomphera à son arrivée à
la Havane, les Américains marchent avec lui et voient en lui l’homme qui va
mettre fin à la corruption. La lune de miel ne va pas durer longtemps car les
Américains commencent à s’inquiéter sur Castro et ce qu’il est vraiment. Ils
disent : « On a peut-être eu tort au sujet de Castro »,
une opposition cherchait à échapper à Castro, une autre le soutenait.
En
avril 1961, un débarquement de combattants anticastristes aura lieu dans la
baie des cochons. Pendant cette période, Kennedy ne montre pas l’image d’un
président telle qu’elle était réellement. Ses hésitations et ses changements de
décision au dernier moment conduiront à un échec de l’opération préparée. Les Américains voudront alors éliminer Fidel Castro fort du
soutien de la population cubaine à la révolution.
En octobre
1962, une guerre mondiale est prête à éclater, les Américains veulent boycotter
Cuba, seul le Canada décide de garder des liens. Fidel Castro se rapproche alors
de Moscou. A la suite de nombreux évènements au cours du mois d’octobre 1962,
la crise des missiles de Cuba, une crise grave de la guerre froide, survient
entre les Etats-Unis et l’Union soviétique.
En 1990, la chute du
communisme à l’Est met fin à trente ans d’assistance économique soviétique.
C’est le début de la pénurie. Michel Anfrol précise
que « Ce qui a le plus nuit au régime de Cuba, c’est la disparition de
l’union soviétique ». Lorsque, au début des années 1990, l’URSS s’est
désagrégée, Cuba s’est englué dans une terrible crise. En cinq ans, le PIB (Produit
intérieur brut) a dégringolé de 35 % et le pouvoir d’achat de 50 %. Faute de
pétrole et de fertilisants qui n’étaient plus fournis par les soviétiques, le
secteur agricole, très mécanisé et polluant, s’est effondré. Depuis la
fondation du régime de Fidel Castro, la première émeute se produira en 1994 et
provoquera l’émigration de 37000 Cubains vers les Etats-Unis.
Spécialiste reconnu de
la politique des États-Unis d’Amérique, Michel Anfrol
explique : « Après la visite du pape Jean-Paul II en 1998, c’est
finalement le pape François qui contribuera au rapprochement de Cuba et des
Etats-Unis favorisant notamment la réouverture des ambassades ». Il
ajoute : « Pour autant, le poids des Cubains fera que le
Congrès s’opposera de toutes ses forces sans qu’il soit possible de reprendre
des liens alors que les grandes entreprises américaines voulaient tenter de
reprendre pied à Cuba. Dans ces conditions, je ne vois pas comment les choses
pourraient s’arranger, il y a beaucoup de prisonniers politiques à la Havane. Ce
n’est pas demain que les relations reprendront ».
Quel
avenir après Raul Castro ?
Selon la Constitution
cubaine, Raul Castro dont le mandat expire en 2018 prépare sa succession. Il avait
succédé officiellement à son frère à la tête de l’Etat le 24 février 2008 et
aura permis l’ouverture contrairement à son frère Fidel. Raul, c’est l’armée,
il aura manifesté de façon répétée sa volonté de normaliser les relations avec
Washington pour sortir Cuba de son marasme. Quant à Fidel, il n’est plus en
mesure d’imposer sa volonté.
L’annonce de la visite
de Barack Obama à Cuba le 21 mars prochain pourrait changer la donne et
redonner espoir à un dialogue constructif vers une levée de l’embargo. Pendant
sa campagne, le président américain a laissé entendre qu’il pourrait engager,
sous certaines conditions, un processus de diplomatie directe avec Raul Castro.
L’opinion américaine pourrait accepter plus facilement une levée de l’embargo sur
Cuba en contrepartie de symboles forts notamment la libération de prisonniers
politiques.
Cuba, une
réussite culturelle à promouvoir.
Si officiellement, il
n’y a pas de reprise, les touristes vont de plus en plus à Cuba qui a réussi sa
culture, sa médecine, les œuvres cubaines font partie de cette culture
espagnole. Pour une partie des cubains, un sentiment espagnol existe, pour une
autre partie, c’est le rêve américain. Miami, la première ville cubaine aux
Etats-Unis en témoigne et se dit même favorable à une levée de l’embargo imposé
depuis 1962 au régime de Fidel.
Quel
avenir pour Cuba partagé entre un sentiment espagnol et le rêve
américain ? Comme une renaissance, Cuba s’ouvre au monde, à défaut d’un
destin, c’est peut être un début. Le
président cubain Raul Castro
va-t-il tendre la main à Washington pour normaliser les relations ? La visite du président américain prévue en mars prochain est de
toute évidence une occasion à ne pas manquer pour les Etats-Unis comme pour
Cuba.
L’Amérique
latine aura les yeux rivés sur le Congrès américain dont le vote sera crucial
et déterminant pour une vraie transition politique et économique dans cette
région du monde. Quant à la France du Général de Gaulle, elle formule le
souhait d’un espoir accompli pour Cuba renouant le dialogue avec les Etats-Unis, évoluant à
l’avenir sur les plans économique, diplomatique, social et culturel par la voie
moderne du développement.