VENT DU SUD...

par Georges AIMÉ

La vie politique espagnole que bon nombre de politiques et de médias français ont la fâcheuse tendance à ignorer ou à mésestimer devrait pourtant nous intéresser au plus haut point. Il se passe outre-Pyrénées des événements d’une importance considérable pour le devenir des démocraties européennes et plus précisément pour celles du sud de l’Europe, dont la France fait partie. 

La démocratie confisquée par les deux partis au pouvoir depuis des décennies, à savoir le Parti Populaire (PP) de Mariano Rajoy et le Parti Socialiste (PSOE) de Pedro Sánchez (deux hommes ne faisant pas l’unanimité au sein de leur propre  formation) est sur la voie d’un retour vers un chemin depuis trop longtemps abandonné. À savoir celui fréquenté par la grande majorité des Espagnols, celui où l’on entend et comprend les aspirations d’une population confrontée aux multiples difficultés de la vie quotidienne, celui parcouru par Podemos et Ciudadamos. 

Ce chemin n’est pas une ligne droite, il est jonché de pièges, d’obstacles, de haies qu’il faut apprendre à éviter ou à sauter et de tentations auxquelles il faut résister 

Pour l’heure – et la tâche n’est pas aisée –  il convient de former un Gouvernement. 

Que ce soit le chef du Gouvernement sortant ou le dirigeant socialiste, aucun  ne veut se soumettre en premier au verdict du Parlement, tous deux craignent de se discréditer et de placer l'autre en position de force.  Par ailleurs toutes les coalitions envisagées pour construire une majorité relative au Congrès ont jusqu’à ce jour échoué. La question catalane empêche un accord à gauche et l’homme Mariano Rajoy empêche une «  grande coalition » ; Ciudadanos refuse toute alliance avec Podemos et le PSOE ne sait pas réellement ce qu'il veut. Pourtant le temps presse : une fois le formateur désigné par le roi le compte à rebours sera lancé... deux mois. À l’issue de cette période, sans majorité, il faudra de nouveau aller devant les urnes. Et cette éventualité n’est pas du goût de Bruxelles. La commission européenne s'est émue du «  vide »  politique espagnol. Elle en a profité pour rappeler qu'elle réclamera de « douloureux ajustements budgétaires » au prochain gouvernement, lequel devra « poursuivre les réformes ». Ainsi Bruxelles donne-t-elle clairement sa préférence : la nouvelle majorité, fut-elle relative, doit rejeter le parti anti-austérité Podemos. Bruxelles ne veut pas d’une majorité à la portugaise ! 

Voilà les électeurs de Podemos et de Ciudadamos prévenus : ne votez plus pour les premiers, dangereux gaucho-anarcho-révolutionnaires et soyez plus coopératifs pour les seconds. « Ne discutez pas, faites ce que l’on vous dit, sinon plus de subsides, nous vous affamerons ; nous savons ce qui est bon pour vous ! »  

Vive l’Europe sans Nations, espace de grande liberté pour la libre circulation des capitaux, des marchandises et de travailleurs réduits au plus petit commun dénominateur social. Pour arriver à ses fins, la perfide et maléfique fée Kommission soutient les mouvements indépendantistes et communautaristes dont les adhérents et/ou sympathisants heureux et fiers d’être nés quelque part font le jeu, sans même se rendre compte que leur « chère » indépendance se révélera à terme une prison infernale, que les libertadores  d’aujourd’hui seront les diktatoren  de demain. 

Et les complices de cette Europe de la finance où les multinationales apatrides peuvent s’épanouir en toute impunité (rejetée par les Français en 2005) sont dans tous les pays européens les partis au pouvoir depuis des lustres (malgré leurs très faibles scores aux élections).  

Dans notre Pays, avez-vous entendu nos responsables politiques parler et/ou s’émouvoir du jargon des gagnants des élections régionales en Corse ? Pas assez courageux pour cela. 

Avez-vous entendu un débat de fond sur la construction européenne souhaitée par le Peuple ? 

C’est un fait maintenant bien établi, il y a un accord tacite entre la plupart des médias et bon nombre de nos dirigeants : on ne parle pas de l’Europe parce que l’on ne peut pas dire aux électeurs que l’on a les pieds et les poings liés par les accords ou traités que nous avons en toute connaissance de cause signés, par intérêt ou par stupidité. Quant à ceux qui ne les ont pas signés, ils sont prisonniers de leurs utopies ou de leurs idéologies d’un autre temps. Ne nous laissons pas aveugler par les sempiternelles ritournelles qui voudraient nous persuader que l’Europe du nord est plus novatrice que celle du sud. Cette dernière, parce qu’elle est le berceau de notre civilisation, de ce que nous sommes au plus profond de nous-mêmes, sait que les peuples meurent s’ils restent statiques ; elle nous montre la voie du renouvellement. 

Les électeurs de Podemos et de Ciudadanos sont des pionniers, des défricheurs, ils nous montrent que rien n’est jamais acquis, que toujours il convient d’entreprendre. 

J’ai souvent développé dans cette rubrique ce qu’il convenait de faire pour ne pas se laisser enfermer par l’infernal duo LR/PS auquel il faut ajouter maintenant le FN. Je ne suis pas le seul ! Ainsi ai-je entendu sur France Info l’une des fondatrices d’un mouvement (http://latransition.fr/) allant dans le même sens.. Sans doute en existe-t-il d’autres ; ils sont la preuve d’un grand désir de changement.  

Un vent nouveau venu du Sud commence à souffler et à nous réchauffer.

 

 

 

© 02.02.2016

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