Par Marc DUGOIS
« Concrètement » est
le mantra de tout bon journaliste lors d’une interview d’un politique ou d’un
économiste. « Oui mais concrètement que proposez-vous ? », « Oui mais
concrètement qu’est-ce que cela veut dire ? », « Concrètement que faudrait-il
faire ? ». Les médias veulent du concret comme les politiques veulent de
l’efficacité. Ils se retrouvent pour se contenter de l’apparence en ne se
jugeant qu’à l’aune de l’audimat pour les uns, des sondages pour les autres.
L’impression, le sentiment, l’affect du peuple est ce qu’ils travaillent et ce
qui les fait vivre. Tout est dans la réaction immédiate qui est supposée
plaire. Il faut plaire et donc faire croire. L’image de l’arbre a déjà été
prise ici mais elle revient sans cesse à l’esprit. Les voir tous s’agiter avec
leurs pulvérisateurs de peinture verte et de brillance artificielle pour faire
croire que les feuilles sont vertes et l’arbre en bonne santé, est dérisoire
devant la réalité des faits. Les meilleurs renoncent même à espérer comme
Michel Onfray qui dit « Le bateau coule, restez élégant.
Mourez debout… » ou comme Charles Sannat
dont je vous conseille la lecture sur www.insolentiae.com et qui écrit « Préparezvous, il est déjà trop tard ». Personne n’analyse
réellement la maladie de l’arbre à partir de ses racines malades qui donne son
tronc gâté et ses branches malsaines voire pourries.
Concrètement trois racines sont malades dans notre société
:
La première racine malade est la notion de richesse qui n’est
plus simplement ce que le groupe juge beau et bon mais un avoir qui fait confondre
la production et la richesse comme si toute production était forcément belle et
bonne.
La seconde racine malade est la monnaie qui reste chez
beaucoup le substitut du troc alors qu’elle n’est que l’étalon de la richesse,
unanimement reconnu comme tel par le groupe parce qu’elle est stockage
d’énergie humaine vécue comme belle et bonne par le groupe qui l’a émise.
La troisième racine malade est notre facilité à confondre
problème et solution. Les normes sont-elles un problème ou une solution ?
L’immigration est-elle un problème ou une solution ?
La mécanisation
est-elle un problème ou une solution ?
La dette est-elle un problème ou une solution ?
L’Europe est-elle un problème ou une solution ?
Concrètement ces trois racines malades alimentent
conjointement et pourrissent ensemble un tronc complètement gâté qui remplace
systématiquement le travail par la machine ou par la dette au plus grand
plaisir des populations à qui l’on fait croire que le système est possible. Les
populations au pluriel car la population autochtone n’est pas la seule éblouie
et l’ensemble de la Terre regarde avec envie ce pays de Cocagne où il n’est pas
nécessaire de travailler pour manger, être logé et être soigné. Personne ne se
pose plus la question « Qui paye » ? puisque les
machines et la dette cachent la réalité et montent inexorablement toutes les
deux vers des sommets toujours dépassés
Concrètement la branche économique est évidemment la plus
touchée par la sève qui n’est que du venin. Les entreprises fabriquent des
productions avec les machines et la dette et l’on dépense beaucoup d’argent en
publicité et en commerciaux pour faire croire que la production est belle et
bonne et qu’il faut être un imbécile pour ne pas en avoir envie, pour ne pas
voir cette beauté et cette utilité, pour ne pas voir une richesse dans cette
production. La population est de moins en moins utile à la fabrication des
prétendues richesses et on peut lui donner des week-ends, des vacances, des
RTT, des trentecinq heures, des arrêts-maladie que ni
les machines ni la dette ne demandent. On a même inventé un temps sans rougir
le ministère du Temps libre qui ne nous a même pas fait pleurer. Mais on a
besoin de la population pour consommer et on se sert à nouveau de la dette pour
que les productions soient toutes reconnues comme richesses en étant achetées
grâce à l’emprunt. Ainsi va l’immobilier des particuliers et la mécanisation
des entreprises. Mais les banques qui ont prêté de l’argent qu’elles n’avaient
pas, veulent récupérer leur argent «
pour détruire cette fausse monnaie «
comme elles disent. Or personne ne peut rembourser puisque les Etats,
les entreprises et les ménages sont tous surendettés. Le rêve de la création de
richesses futures se heurte à la réalité de la montée du chacun pour soi où les
particuliers imitent par la fraude les entreprises et les États qui veulent les
ponctionner par la ruse. Mario Draghi a beau tenter
de sauver les banques par son « no limit » à la
planche à billet, chacun sait que le système va exploser et que les peuples
devront payer la note.
Concrètement la branche éducation n’est pas mieux lotie car
le seul travail qui y est admis est celui de la mémoire. Tout le reste doit
être fait par les machines et par la dette avec entre autres la nouvelle coqueluche
qu’est la numérisation. Non filtrée par l’expérience qui ne s’apprend pas dans
les livres, la connaissance triée par le ministère donne des jeunes gens
merveilleusement diplômés et totalement inaptes à être utiles. Les classes
pilotes qui regroupaient les meilleurs élèves et les meilleurs professeurs pour
faire l’ensemble du programme le matin et faire l’expérience de la vie
l’après-midi, ont été supprimées pour élitisme. Et si on ne laissait que le
matin à l’éducation nationale en la faisant récupérer son vrai nom
d’instruction publique à l’école et à l’université pour donner l’après-midi au
grand air à l’armée qui pourrait confronter les adolescents à des réalités
simples ?
Je ne parle pas de la branche politique où des fonctionnaires
qui n’ont jamais été confrontés à la vie, ne pensent concrètement qu’à plaire à
l’immédiateté de l’affect du peuple en compliquant tout au lieu de tout
apurer.
Concrètement ne serait-il pas plus judicieux de commencer par
soigner les racines malades ? Mais là on leur en demande peut-être un peu trop