LES RÉGIONALES 2015 : 

UN AVANT-GOÛT DES PRÉSIDENTIELLES 2017

par Paul KLOBOUKOFF

Panique après les 27 % de voix du FN, « recomposition » sauve-qui-peut

Gaulliste, du moins, je le pense, je ne peux partager les mêmes avis sur les élections des 6 et 13 décembre que la plupart des «  analystes »  et commentateurs qui nous ont gavés de leurs impressions, de leurs interprétations partisanes ou dictées par le « politiquement correct »,  plus souvent qu'ils ne les ont étayées par des chiffres et des arguments précis et significatifs, et qui sont passés (sans les voir ?) à côté de comportements et d'événements déterminants ou de résultats marquants. Il n'est plus sourd que celui qui ne veut entendre. Il n'est plus malvoyant que celui qui refuse d'ouvrir les yeux! Non sans conséquences inattendues. 

Le grand perdant des élections régionales est le Parti socialiste avec ses alliés. Il présidait 21 des 22 régions. Il ne présidera plus que 5 « grandes régions », sur les 12 de la France métropolitaine. Il a perdu, notamment, l'Ile-deFrance, Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui abritent Paris, Lyon et Marseille.  

Dès l'annonce des résultats du second tour, les représentants du PS et les médias à leur service ont exprimé un soulagement mêlé de satisfaction. La gauche avait « gagné » 5 régions. C'était inespéré. Les sondages avaient fait craindre bien pire. Elle avait « bien résisté ». Une demi-victoire, en somme ! Rectification : la défaite de la gauche a été sévère. Elle a pu conserver 2 de ces 5 régions presque par miracle. En Centre-Val-de-Loire et en Bourgogne-Franche-Comté, elle n'a obtenu que 35,43 % et 34,68 % des suffrages, contre 34,58 % et 32,89 % à la droite. Elle n'a  « gagné » que grâce aux scores élevés, 30 % et 32,44 %, du FN... qui a puisé dans les réserves de la droite.  

En nombres de votes, de présidences et de sièges, incontestablement, le grand gagnant est l'Union formée par Les Républicains (LR) et les centristes de l'UDI, qui ont « remporté » 7 régions... avec l'aide de la Gauche, qui a retiré ses candidatures au second tour de trois régions où le Front national était arrivé en tête au premier tour, et a commandé à ses fidèles d'y voter pour les listes de droite.  Ces « Fronts républicains » régionaux ont réussi leur mission, priver le FN de présidence régionale... et la gauche de représentation pour six ans dans les Assemblées de deux régions.  

Au soir du second tour, c'était « l'échec » du FN, le perdant de ces élections parce qu'il n'avait « gagné»  aucune région. Il n'avait pas réussi à percer « le plafond de verre » qui l'enferme dans un rôle d'opposant impuissant. Cela a transporté d'allégresse les dirigeants des partis qui s'étaient ligués contre lui, ainsi que les médias et les « personnalités » de tout genre qui avaient participé au combat contre le diable pour sauver la République, ses Enfants et ses Valeurs.  

Dès le lendemain, et surtout les jours suivants, après le dégrisement, les chiffres ont commencé à parler. Le ton a changé. Force a été de reconnaître précipitamment, sinon de découvrir, la forte progression du FN, qui a gagné 800.000 voix entre les deux tours et a compté 6,8 millions d'électeurs. Il a joué un rôle déterminant dans ces élections... qui ont sonné le glas du bipartisme, et le bouleversement, amorcé, de l'échiquier politique français.  

Nombre de pronostiqueurs ont alors vu Marine Le Pen présente au second tour de l'élection présidentielle de 2017. En face de quel adversaire? Pour le moment, à gauche, les partisans de primaires n'ont pas la parole. Un seul candidat socialiste, presqu'officiel, François Hollande, figure dans tous les sondages. Avec un gros problème. Un sondage TNS Sofres OnePoint réalisé les 14 et 15 décembre a prévu son élimination au premier tour des présidentielles, que la droite soit représentée par Sarkozy ou Juppé, et que Bayrou soit candidat ou non (1). Mais les intentions de vote des électeurs changent du jour au lendemain, c'est bien connu. Aussi, un autre sondage, réalisé entre le 15 et le 17 décembre par Ipsos-Fiducial, a donné Le Pen en tête au premier tour (27 %), loin devant Hollande (22 %), lui-même devant Sarkozy (21 %)... dans une  configuration  hypothétique    Bayrou, l'ami  de NS, recueille 12 % des votes, il faut le préciser. Fillon aussi est sorti au premier tour, avec 19,5 % des voix, contre 23 % pour Hollande. Par contre, si Juppé est candidat, il recueille 30 % des votes, contre 26 % pour Le Pen et 20,5 % pour Hollande. Tout cela, si les Français avaient voté dimanche 20 décembre 2015... et non en avril 2017 (2). 

À droite et au centre, des primaires sont prévues, et c'est compliqué. Peut-il y avoir un candidat autre que Nicolas Sarkozy, François Fillon ou Alain Juppé ? Pas évident. En tout cas, toujours selon des sondages, au second tour, Marine Le Pen serait battue, plus ou moins sévèrement, par NS, FF et AJ. On peut compter sur le « Front républicain» , pour cela, l'expérience vient de le rappeler. À cet égard, les régionales ont été une répétition, un test « rassurant ».   

Les régionales viennent aussi de montrer que les clans qui se présenteront « divisés », avec des candidats concurrents, n'auront aucune chance. Il n'est plus question de rassembler, de faire l'union ou la synthèse au second tour. Trop tard ! En cela, l'ascension du FN change considérablement la donne. Elle provoque de vives inquiétudes dans les « partis de gouvernement » peu habitués à ce type de « triangulaire » au premier tour des présidentielles. Elle les pousse à rechercher les possibilités d'élargissements et, pourquoi pas, à œuvrer  vite à une « recomposition » qui ferait bouger les lignes entre les partis de gauche, du centre et de droite.  

« Hollande et Valls cherchent leur salut à droite. Le couple exécutif veut croire à la possibilité d'une recomposition politique et multiplie les appels du pied en direction du centre droit. » (3). Bayrou, qui ne semble pas avoir disparu des radars, a déjà montré sa sympathie pour Hollande au second tour en 2012. De nouvelles liaisons s'établissent. Jean-Pierre Raffarin (ex Premier ministre de Jacques Chirac) a proposé de travailler avec le Gouvernement de  Manuel Valls sur un « pacte républicain contre le chômage » (4). « OK », a aussitôt répondu Valls. Il ne s'agirait cependant pas pour Raffarin d'entrer au Gouvernement en cas de remaniement au début de 2016, a-t-il précisé. « Quand je dis travailler, c'est certainement pas des compromissions, c'est certainement pas un Gouvernement d'union nationale, c'est simplement de dire : ‘’on est d'accord, droite et gauche, pour battre le Front national, alors soyons ensemble, d'accord, pour faire en sorte que la cause du Front national, première, le chômage, soit réglée’’. » 

« Régler »  le  problème  du  chômage  à l'aide  d'un  pacte politique, entre une droite et une gauche ont failli lorsque chacune d'elle a été au pouvoir... n'est-ce pas un rêve de politiciens un peu éloignés des réalités ? Même Hollande semble dubitatif, puisqu'il nourrirait l'intention de réduire le nombre de chômeurs de catégorie A (ceux qui sont officiellement décomptés) en augmentant massivement l'effectif des bénéficiaires d'un nouveau plan d'urgence de formation des chômeurs. De 30.000 en 2014, et 100.000 en 2015, il a déjà été porté en octobre 2015 à 150.000 pour 2016. Il pourrait encore être relevé en janvier à 200.000, voire plus (5) ?  

Xavier Bertrand, au nord, et Christian Estrosi, au sud, redevables au PS et aux électeurs de gauche de leurs « victoires »,  prolongeraient volontiers cet état de grâce, ce pacte providentiel, et cherchent quelles compensations leur accorder... peut-être aussi avec la tentation de fidéliser cette manne de « nouveaux » électeurs. Et Hollande tente d'approcher ces « protégés ». Au cours d'une interview à la presse européenne, Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS, lui, a appelé  le centre à se « détacher  de la droite » pour participer à un « bloc républicain » dont le PS sera le « centre de gra- vité » (6). Bref, d'ici avril 2017  ça va bouger, grouiller, grenouiller, magouiller comme aux plus beaux jours, avec le FN toujours dans la ligne de mire, pour les uns, en embuscade, pour d'autres. 

De son côté, pour 2017, Marine Le Pen veut rassembler les « patriotes » autour de son parti. Un front national contre un front républicain : tout un symbole ! Des sujets ont été peu ou pas abordés au cours des régionales, et parmi ceux-ci, la gouvernance économique de la France, son recul dans l'UE et dans le monde, la compatibilité (?) de notre « modèle social libéral » avec une mondialisation sauvage et la dé protection des pays de l'Union, Schengen...  Des « biscuits » en réserve pour le FN. Nous verrons quelques illustrations de ces faiblesses en fin d'article.  

Une « recomposition » politique ?  Oui ! Mais pas n'importe quoi, à la sauvette 

Pour beaucoup de politiciens et de commentateurs, le vote FN reste un vote de protestation et de rejet. Si on additionne ce vote avec les abstentions et les votes blancs et nuls (au premier tour des régionales), on observe que 65,4 %  des inscrits sur les listes électorales, mécontents et/ou indifférents, ne souscrivent pas à « l'offre » des « partis de gouvernement » et des autres partis dits « républicains ». Cette offre ne répond pas à la demande.

Une recomposition politique est donc souhaitable, en effet, si elle ne se limite pas à une « redistribution » de l'électorat entre des recombinaisons de partis sur des territoires modifiés à loisir. Une révolution des mentalités et des comportements,  véritables repoussoirs aux yeux des Français, est nécessaire, surtout aux sommets de la classe politique. La « recomposition » doit  être en résonnance avec ce qu'est et ce que veut être la France. Avec le respect de l'égalité en matière de représentation des citoyens dans les instances politiques nationales, régionales, locales. Une révision des modes de scrutin est nécessaire et inévitable. Il  n'est plus acceptable qu'un parti qui réunit plus du quart des électeurs ne puisse être représenté que par deux élus à l'Assemblée nationale, par exemple... et, comme le souligne François Bayrou, que le PS et LR soient surreprésentés, ne laissant aucune place au centre, aux Verts et aux extrêmes. Et à Debout la France, non plus ! Je l'ai entendu le 20 décembre sur BFMTV dire que Hollande « trahit ses engagements » en refusant l'introduction de la proportionnelle dans certains scrutins, rappelant sa tirade « Moi Président » de l'entre-deux-tours en 2012 face à Sarkozy. De tels changements attendront une autre majorité. 

La Constitution de 1958 a été ciselée sous le Général de Gaulle, avec « lui Président », pendant la guerre d'Algérie. Mais, tout président n'est pas de Gaulle, ses successeurs l'ont démontré. Depuis 1958, elle a été gravement altérée, et son caractère « présidentiel » accentué avec l'instauration du quinquennat et des dispositions qui l'ont accompagné. Il est dommageable que notre système « quinquennal » donne les pleins pouvoirs à un parti, à une « majorité présidentielle », pendant cinq ans, sans qu'aucune remise en question ne soit possible. Même si, usé par plusieurs années d'échecs et miné par les divisions « internes », il ne représente plus que le quart de l'électorat. Cette observation critique vaut aujourd'hui. Elle le valait aussi dans la deuxième partie du quinquennat précédent.  Si on ne revient pas à un souhaitable septennat... non renouvelable, l'institution d'élections législatives à mi-mandat (comme aux ÉtatsUnis) inciterait l'Exécutif à « rassembler », et le pousserait à rectifier le tir, à « changer de cap », à être plus efficace, avant de devenir trop impopulaire et de précipiter une alternance. Ce serait un « garde-fou » pour la France et les Français... contre des gouvernances nuisibles prolongées.  

Aux yeux de nombreux citoyens, l'État accapare trop de pouvoirs et des ressources.  Aux échelons en dessous, dans le « mille-feuille » administratif, c'est l'enchevêtrement, les superpositions, les juxtapositions, les associations...  Pour accroître la confusion, l'instabilité a été érigée en règle de gouvernance « réformiste ».  Qui s'y retrouve et pourquoi voter? Pour réduire l'abstention, il importe donc de rationaliser, de tailler dans ce « complexe touffu » et de montrer « simplement » quelles sont les principales missions, les pouvoirs et les moyens à chaque niveau. Sur ces sujets,  on peut se reporter à un ouvrage basique : « Economie, Economies, Réductions des dépenses, réforme de la pratique politique »  de Georges Aimé et François-Gérard Guyot, ainsi qu'aux articles de Georges Aimé dans La lettre du 18 juin.  

Vu la focalisation de l'attention sur le FN et  son nouveau rôle majeur,  je lui ai accordé une attention particulière en suivant le déroulement des élections régionales.

Le raz de Marine  du premier tour des régionales de décembre 2015 

Dans les partis et les médias, chacun a reconnu, à sa façon, les performances « historiques » du FN le 6 décembre 2015, « Premier parti de France » autoproclamé, après l'abstention, avec 6,020 millions (Mi) de votes, soit 27,7 % des 21,708 exprimés. Ses scores ont dépassé un peu les 40 % en Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) et Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), ont atteint 36 % en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine (ACAL), et plus de 30 % en Bourgogne-Franche-Comté (BFC), en Centre-Valde-Loire (CVDL), ainsi qu'en Languedoc-Roussillon-MidiPyrénées (LRMP). Les électeurs ont ainsi placé le FN en tête dans six régions couvrant largement le nord, l'est, le centre et le sud de la métropole. Le FN balayé ailleurs, en Ile-de-France (IDF), en Auvergne-Rhône-Alpes (ARA) et à l'ouest ? Pas vraiment, puisque ses scores vont de 21 % à 27 % dans quatre des autres régions et s'établissent même au-dessus de 18 % en IDF et en Bretagne où le candidat ministre de la Défense Le Drian a réalisé le meilleurs score du PS avec 37,5 % des votes. 

Pour mesurer l'ampleur de la progression du FN partout en France métropolitaine, on peut comparer ces résultats du 7 décembre 2015 à des chiffres comparables, ceux du premier tour des régionales de 2010. Le FN avait alors recueilli   2,224   millions   de   votes,  soit   11,42   %   des suffrages exprimés. Dans les «  22 anciennes régions », ses meilleurs scores avaient été obtenus au nord et à l'est, en Nord-Pas-de-Calais (19,8 %), en Picardie (16,7 %), en Champagne-Ardenne (16,1 %), en Lorraine (12,8 %) et en Alsace (16,1 %), ainsi qu'en Rhône-Alpes (13,2 %) et en PACA (15,1 %). Des scores nettement plus faibles avaient été enregistrés dans les Régions « réfractaires » de la Côte ouest, et notamment en Bretagne (7,8% ), en Pays de Loire (6,2 %), en Poitou-Charentes (5,5 %) et en Aquitaine (6,2 %).  

Qui sont les électeurs du FN ? 

Les renseignements sur « le profil type » des électeurs du FN  sont surtout d'ordre statistique. Sur les votes du 6 décembre, l'étude réalisée par Ipsos/Stopra Steria, « Comprendre le vote des Français : sociologie des électorats et profil des abstentionnistes au premier tour des élections régionales 2015 », est une référence des médias (7). 

Elle indique que le FN a fait ses plus gros scores dans les communes rurales et les petites villes, avec parfois près de/ou plus de 60 % des suffrages dans des localités de l'Aisne, de Meurthe-et-Moselle, du Var... L'électorat du FN est surtout masculin, plutôt jeune,  actif et « populaire » ; il n'a pas fait de longues études ; il est constant dans son vote.  

31 % des hommes interrogés avant le scrutin avaient l'intention de voter FN. Ce taux était de 23 % chez les femmes. Seulement 20 % des seniors de plus  de 60 ans exprimaient des intentions de vote en sa faveur. Au contraire, l'attrait du FN parmi les jeunes  et les actifs se montrait par des intentions de votes de 35 % chez les 1824 ans, de 28 % chez les 25-34 ans et de 32 % chez les 3559 ans. 43 % des ouvriers, 36 % des employés, 35 % des agriculteurs, artisans et indépendants prévoyaient aussi de voter FN. 36 % des électeurs de niveau inférieur au bac et 32 % du niveau du bac font partie de l'électorat FN.   92 % de ceux qui avaient voté pour Marine Le Pen en 2012 prévoyaient de voter FN aux régionales de 2015. 

Ces observations diffèrent peu de celles faites par les mêmes instituts de sondages en fin mars 2015  au moment du premier tour des élections départementales (8). Le profil-type ? En résumé, « Il s'agit plutôt d'un homme, jeune, peu diplômé »... « le FN peine encore à convaincre les plus âgés »... « parmi les motivations, les plus présentes, deux se dégagent : la question de l'immigration et celle de la sécurité et de la lutte contre la délinquance ».

  « Dégager » ces seules motivations était assez réducteur... même après les attentats  Charlie Hebdo du 11 janvier. 

Le choc a été encore plus violent et d'une autre dimension lors des attentats du 13 novembre, avec 130 morts et 450 blessés, ainsi que la peur et la psychose qui se sont installées... en partie grâce à un battage médiatique qui n'a pu que réjouir Daech. Les élections régionales se sont déroulées dans un pays en alerte rouge, sous haute surveillance policière et militaire... renforcée en raison de  la tenue à Paris de la spectaculaire COP 21 sur le climat, que les Autorités avaient eu la géniale idée de  programmer à la même date que les élections. Allez savoir pourquoi ? 

En outre, de plus en plus mal supportée presque partout, une immigration massive venue du Moyen-Orient a déferlé sur l'Europe, faisant fi des « frontières extérieures et  intérieures » de l'UE. Des gouvernants ultra européistes se sont même enhardis à oser parler de réviser ou « d'actualiser » les accords de Schengen.  

Alors, pour des commentateurs médiatisés, l'insécurité et la peur ont tout de suite été des motivations déterminantes des électeurs du FN. Vu le profil dévoilé de l'électorat du FN, de sa relative jeunesse ainsi que de sa forte présence en zone rurale et dans les petites villes, cette explication ne tient pas route. Elle vaudrait plus pour les électorats de droite et de gauche, comptant davantage de seniors et plus présents dans les grandes villes, dont Paris. Puis, avec d'autres  explications, des mea culpa ont été murmurés, chuchotés, par des dirigeants politiques. Ils n'avaient pas assez bien vu et réagi à la détresse, à l'insatisfaction... ainsi qu'aux critiques de leurs comportements de politiciens intéressés, sinon cupides. Ils feront mieux d'ici les prochaines échéances électorales. Foi d'animal. 

Les préoccupations des électeurs du FN sont en grande partie d'ordre économique.  Les régions où les votes FN ont été les plus forts sont aussi celles où le taux de chômage est le plus élevé (INSEE) et où  de nombreuses personnes sont en situation précaire. Plus que d'autres, elles ont le sentiment que la mondialisation et la soumission à Bruxelles desservent la France et  les menacent. À cet égard, le FN leur apparait le plus protecteur. Attaché, aussi  à défendre l'identité de la France, à réduire l'immigration incontrôlée et le communautarisme qui prospère,  parfois soutenu, pour des raisons électoralistes, derrière les paravents de la solidarité, de la « diversité » et de la laïcité.

Entre deux tours : hystérie, exorcisation, amputation, excommunication 

Bien qu'ayant été anticipés par les sondages, les résultats du FN au premier tour ont été un électrochoc. Le PS a été pris de panique à la perspective de la « victoire » possible du FN dans deux ou trois régions. Sous François Hollande ! Les deux grands prêtres, Manuel Valls et Jean-Christophe Cambadélis (premier secrétaire du PS) se sont aussitôt lancés dans une intense et bruyante campagne de désintoxication, d'exorcisation du corps électoral saisi par le démon. Avec trois armes fatales éprouvées : 1° la dramatisation, le dénigrement et l'invective, assortis de la propagation de la peur parmi les électeurs, menacés de tous les maux, voire de la guerre civile ; 2° répondant à l'instinct de survie, « le regroupement familial » autour du PS des petits frères (Front de gauche, Verts..., frondeurs) ; 3° la sonnerie au Front républicain, habituellement réservée aux grandes occasions, aux cas désespérés. 

Et, sur ce dernier point, le PS a joué avec le feu en  retirant ses listes dans trois régions avant d'avoir négocié des contreparties avec la droite et le centre. En Bourgogne-Franche-Comté, par exemple, ou dans le CentreVal-de-Loire, des régions que le PS a finalement conservées, mais après des triangulaires serrées à hauts risques. 

 

« Ralliez-vous à mon panache rose », en quelque sorte, s'est aventuré François Hollande. Il s'est heurté a un « Ni ni » (ni Front républicain, ni Front national) déterminé. Les barons de LR et de l'UDI, s'étaient  rangés à l'avis de Sarkozy. Tous, sauf Raffarin et NKM. Cela a ravi des médias, qui avec le concours de « personnalités » médiatiques, ont soutenu l'initiative du PS et ont tenté, sans succès, d'influencer Sarkozy et les siens (?). Aussi, le Front républicain a été limité à trois régions. Et encore. En  Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine,  Jean-Pierre Masseret a refusé de retirer sa liste malgré des pressions indignes d'une démocratie. Il a été excommunié et sa liste s'est vue retirer l'étiquette du parti. Les gens de gauche ont été priés de voter pour le candidat de droite. Certains l'ont fait, d'autres, non. En PACA, le retrait du PS en faveur de Christian Estrosi, ennemi juré, est mal passé (9). Il n'avait obtenu que 16,6 % des voix au premier tour, contre 40,6 % pour Marion Maréchal Le Pen. Le second tour a montré que les convictions personnelles ne pesaient pas lourd face à la « discipline » du parti, qui s'est aussi imposée dans le nord, où Xavier Bertrand  (LR) a été élu, alors qu'il avait obtenu 25 % % des votes au premier tour, contre 40,6 % à Marine Le Pen. 

L'entre-deux tours a connu une énorme mobilisation des politiciens, du milieu des médias et du spectacle, des syndicats, du MEDEF... qui sont tombés à bras raccourcis sur le FN. Au point que cet acharnement a suscité des (rares) réprobations et des appels à la raison. Le 10 décembre, le philosophe Robert Redeker (10) a appelé « les politiques à dépasser les postures pour entendre la voix vivante du peuple qui souffre », et fustigé « l'antifascisme de confort », de retour, avec les éternels donneurs de leçons, contre les « salauds des pauvres »...   Le 11, on a pu lire sur le figaro.fr (11) « Régionales : les socialistes hystérisent la fin de campagne ». L'article pointait, en particulier, le comportement de Claude Bartolone (président PS sortant de l'Ile-de-France et président de l'Assemblée nationale) qui a accusé Valérie Pécresse (tête de liste LR et UDI dans la région) de « défendre Versailles, Neuilly  et la race blanche ». Manuel Valls, lui, a déclaré : « Le Front national est un parti antisémite, raciste, qui n'aime pas la République et qui trompe les Français. Nous sommes à un moment historique. Il y a deux options, celle de l'extrême droite qui prône la division et qui peut conduire à la guerre civile et celle de la République et de ses valeurs ». Quand on est Premier ministre, de telles outrances sont bienvenues. Elles rapprochent les citoyens. En retour, Marine Le Pen a brocardé Valls, surnommé « le matamore des préfec- tures » qui a organisé « le suicide collectif de la secte PS ». Du haut niveau également ! Pour sa part, Sarkozy a pu assurer que « le vote pour le Front national n'est pas immoral ». Cela n'a pas réjoui toute « sa » famille, et risque de lui coûter cher aux primaires en 2016.

L'avis exprimé le 11 décembre sur figaro.fr/vox (12) par le journaliste écrivain André Bercoff est très tranchant. Il estime que « la campagne menée par les socialistes vis-àvis du Front national  est farcesque et grotesque ». Pour lui, chacun aura compris que cette année, « les régionales sont beaucoup plus que les régionales ». Ce qui est tout fait vrai. Il dénonce « la tambouille électorale », et note que « le découpage des apprentis sorciers n'a pas tenu une seconde devant le brutal retour à la réalité »... Et, «  quand on conjure des citoyens de gauche de voter résolument pour des représentants du bord opposé, qu'ils conspuaient abondamment il y a encore quarante-huit heures ; quand on accepte que pendant six ans, pas un élu de son propre camp ne siègera à tel ou tel conseil régional, c'est qu'il y a vraiment quelque chose de pourri dans le royaume de la soi-disant démocratie des urnes. Ce que signifie cette campagne de décembre 2015, c'est à la fois l'éloge du reniement ajouté au déni du réel : cela fait beaucoup pour des millions d'hommes et de femmes qui auraient encore le toupet d'avoir des convictions ». Et il ajoute : « Car enfin il faut être clair : quelles que soient les divergences que l'on peut avoir avec le Front national - et  Dieu  sait  s'il  en  existe  -  est-il  pour  autant  un  parti factieux ? Antirépublicain ? Prépare-t-il la France à une dictature auprès de laquelle celle d'un Hitler ou d'un  Staline n'aurait été qu'une aimable bluette ? »... « De deux choses l'une, ou le Rassemblement Bleu marine veut la fin de la République et des libertés et l'on vote une loi pour l'interdire, ou c'est un parti comme les autres et on l'affronte avec les armes de la démocratie qui ne sont pas, loin s'en faut rouillées et hors d'usage ».  

Sur le fond, Il est difficile d'être en désaccord avec des points saillants de cette « analyse » et cette interrogation. Je n'ai pas reproduit ici les questions adressées aux bienpensants et aux vertueux « qui font barrage de leur corps à la bête immonde » en « faisant l'impasse sur les totalitarismes d'aujourd'hui », et les critiques envers « les princes qui nous gouvernent ou qui aspirent à le faire », dont les soucis principaux sont leurs postes, les fromages et le pouvoir. 

Réveils douloureux et courbatures  après la fièvre au soir du second tour 

Répondant aux appels angoissés au sursaut républicain et à la mobilisation nationale contre le FN le 13 avril, les citoyens ont fait reculer l'abstention, de 50,09 % au premier tour à 41,59 % au second. 17 % d'électeurs de plus sont allés voter. Un premier succès pour la démocratie... s’il n'est pas éphémère.  

Aucune région n'a échappé au mouvement. Au premier tour, l'abstention était de 48 % à 52 % dans presque toutes les régions en métropole. Au second, entre des taux en forte baisse de 38,8 % à 42,8 %,  la dispersion est restée faible. Exception, l'Ile-de-France (IDF) était la plus mauvaise élève, à 54,1 %. Elle l'est restée au second tour, à 45,54 %. À cause de la Seine-Saint-Denis (93), où l'abstention a reculé  de 63,1 % à 54,1 %, mais est restée très forte. Chez le meilleur élève, la région Limousin Roussillon-Midi-Pyrénées (LRMP), ce taux a été réduit de  47,8 % à 38 %.  

Conséquences directes des retraits de listes de gauche et de consignes de vote mal acceptées, les votes blancs et nuls ont été nombreux: 4,9 % des inscrits, au total. Ils ont culminé à 7,8 % en PACA, et à 7,3 % en Nord-Pas-de Calais-Picardie (NPCP), où des « duels » ont opposé  Marion-Maréchal Le Pen et Marine Le Pen à  Christian Estrosi et à Xavier Bertrand. Il importe de le signaler, car si le nombre total de votants a cru de + 17 % entre les deux tours, celui des suffrages exprimés (sans les votes blancs et nuls) a été majoré de + 15,9 %. En PACA,  ces taux de progression ont été respectivement de + 16,1 %, et + 10,7 %. Dans le NPCP, ils ont été de + 11,7 % et + 7,5 %.  Des écarts importants, donc.

Au second tour, les pourcentages des suffrages exprimés de neuf des régions se sont situés dans une fourchette étroite, de 54,9 % à 56,9 %. Les plus faibles, sans surprise, sont ceux de  l'IDF, à 52,5 %... ainsi que la Bretagne, à 53,9 %. Les plus forts ont été relevés en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, à 59,2 %, et en Bourgogne Franche-Comté, à 58,2 %, où le résultat était très incertain.   

À qui a profité la mobilisation ? Un succès pour l'union de la droite. Une catastrophe pour l'union de la gauche. Une nette progression pour le FN. Les résultats sont sans équivoque. 

L'union de la droite a obtenu  818 sièges avec 10,1 millions de votes le 13 décembre. C'est 3,2 Mi de votes de plus que ceux enregistrés le 7 décembre par les partis « classés » à droite (13). Ce score, elle le doit à un plus fort engagement de ses partisans, au « Front républicain », ainsi qu'à des reports d'électeurs dont les candidats (ou partis) ont été éliminés au premier tour. Il est difficile de « chiffrer » les voix de ces différentes origines. Une enquête réalisée sur « la sociologie du vote au second tour des élections régionales 2015 » (14) le montre. Elle indique, entre autres, que : 1° parmi les électeurs qui avaient voté Hollande au second tour des présidentielles de 2012, 20 % disent avoir voté à droite le 13 décembre 2015, et 14 % pour le FN ; 2° 34 % de ceux qui avaient voté pour Sarkozy disent avoir glissé vers le FN. Des chiffres qu'il ne faut pas prendre au pied de la lettre, mais qui illustrent des tendances réelles et contribuent à expliquer les résultats observés.  

Au premier tour, le 7 décembre, les partis classés à gauche ont réuni 7,806 Mi de votes, soit 36 % de l'ensemble de votes exprimés. Aux régionales de mars 2010, la gauche parlementaire avait recueilli 9,779 Mi votes, soit 50,2 % de l'ensemble des votes. Pire, au second tour du 13 décembre, la gauche n'a obtenu que 8,083 Mi de votes, soit 32,1 % des votes, contre 11,457 Mi, soit 54,05 % des votes, en 2010 (15). La chute est brutale, tout de même ! 

Entre les deux tours, malgré la mobilisation générale, la gauche a engrangé très peu de voix supplémentaires, le Front républicain en NPCP et en PACA lui ayant coûté au moins 1,1 Mi de voix, c'est-à-dire le nombre de votes en sa faveur au premier  tour dans ces deux régions. Elle aurait pu en perdre 350.000 de plus si J-P Masseret avait obéi aux injonctions de Valls et de Cambadélis. 

Entre les deux tours, le FN est monté au niveau maintenant qualifié « d'historique » de 6,8 millions d'électeurs, soit 13 % de plus qu'au premier tour. N'ayant pu obtenir de présidence régionale, il a dû se contenter de 358 sièges de conseillers régionaux sur les 1.910, contre 339 pour le parti socialiste et 520 pour les listes de l'union de la gauche. Le FN en compte désormais dans chaque région... et est le seul opposant à la droite en NPCP et en PACA. 

Entre les  régionales de 2010 et celles de 2015, le nombre d'électeurs du Front National a quasiment triplé, montant, aux premiers tours, de 2,230 millions en 2010 à 6,028 en 2015 et, aux seconds tours, de 1,943 Mi en 2010 à 6,820 Mi.  

« Depuis 2012, le FN a multiplié par 11 son nombre  d'élus » a-t-on pu lire sur msn.com le 15 décembre (16). Il y était rappelé que depuis l'accession de François Hollande à l'Élysée, en mai 2012, le nombre des élus FN est passé de 181 à 1.992. Il comprend 2 sénateurs et 2 députés, 21 députés au Parlement européen et 61 conseillers départementaux. Les élections municipales de 2014 lui ont apporté 11 villes et 1.544 conseillers municipaux. 358 conseillers régionaux viennent de s'y ajouter. Doit-on extrapoler à 2017 et à 2021, avec ou sans front républicain ? 

Dans la nouvelle cartographie métropolitaine, deux couleurs, celles des nouvelles présidences des régions, se partagent le territoire de la métropole, divisé en quatre grandes zones. Le bleu de la droite s'étend sur les cinq régions du nord, de l'Alsace à la Normandie, en passant par l'Ile de France, et occupe les Pays de la Loire, à l'ouest. Il couvre aussi les deux régions mitoyennes du sud-est, Auvergne-Rhône-Alpes et PACA. Le rose de la gauche colore la Bretagne, une poche entourée de bleu. Il s'insinue entre les zones bleues, occupant la Bourgogne Franche-Comté, à l'est, et les trois régions du centre et du sud-ouest. Les superficies couvertes par les deux couleurs sont de dimensions comparables. Finalement, avec cette représentation, tout est rentré dans l'ordre ! 

Les régions ultramarines ont un peu diversifié la coloration de la France. La Réunion reste bleue, le président LR étant reconduit, et sa liste (LR-UDI-OR) gratifiée de 29 sièges sur un total de 45. Deux régions conservent la couleur rose clair des divers gauches. En Guadeloupe, leur liste a acquis 28 sièges, en laissant 13 au PS et à ses alliés locaux. En Guyane, où le président (DVD !) a été reconduit, ce sont 35 sièges qui ont été pris par sa liste DVG-DVD, et 16 laissés à la coalition DVG-MDES  (décolonisation et émancipation sociale). Le jaune a coloré la Martinique où le leader indépendantiste a été  réélu président, à la tête d'une large coalition qui a obtenu 33 sièges sur 51. Il semble que ces résultats étaient assez attendus. Ils n'ont pas fait couler beaucoup d'encre et de salive en métropole. 

Cela n'a pas été le cas de la victoire indépendantiste en Corse, qui a provoqué de l'émotion et des craintes pour l'avenir. L'Union de Femu a Corsica avec Corsa Libra,  arrivée en tête avec 35,34 % des suffrages a pris 24 sièges, en laissant 12 à la liste de gauche (DVG et FG), 11 à celle de droite (LR-UDI-CCB et DVD) et 4 à celle du FN. 

Les premières déclarations et revendications (dont la libération des prisonniers politiques, dont celle d'Ivan Colonna, qui avait été condamné pour l'assassinat du préfet Erignac) de Jean-Guy Talamoni, président de l'Assemblée régionale, et de Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif, ont ouvert une nouvelle ère des relations entre le Gouvernement de la France et les nouveaux élus corses qui n'ont pas caché leur intention d'œuvrer résolument à  l'indépendance de la Corse, et de l'obtenir. « Nos » médias se sont peu attardés sur ce « succès électoral ». 

Puis, la Corse est vite revenue sur nos écrans après le guet-apens tendu aux pompiers dans un quartier « sensible » d'Ajaccio qui a fait 3 blessés, 2 pompiers et 1 policier. Une « première » sur l'Ile, qui a soulevé l'ire de Corses qui  ont déclaré refuser sur leur sol ce type d'agressions et des zones de non-droit comme en connaissent des banlieues « sur le continent ». Des manifestations de contrariété se sont aussitôt déroulées, mettant à mal, notamment, une salle de prière, et détruisant des livres religieux. Elles ont été condamnées de toutes parts, et qualifiées de racistes et xénophobes, les représentants des Musulmans dénonçant avec constance les tentations d'amalgame.  

En métropole, comme en Corse, le soleil de la paix et de la sérénité n'illumine donc pas le ciel en cette fin d'année. Espérons qu'un anticyclone bienveillant chassera les nuages qui se sont accumulés depuis des mois et nous permettra de vivre une meilleure année 2016. 

Des chutes et des déficiences  qu'il ne faut pas refuser de voir 

Peu de Français sont conscients du déclin économique de la France dans l'UE, et de l'UE dans le monde. Inutile de les inquiéter, d'exciter leur curiosité, leur esprit critique, de les faire douter et de les inviter à se demander s'il n'y a vraiment pas de meilleur choix, comme l'affirment nos péremptoires dirigeants, que de continuer dans la même voie, européiste et mondialiste. Notre « modèle sociallibéral » n'est pas taillé pour la course au large sans laquelle la solidarité s'appelle concurrence renforcée.

 

La France a perdu son rang de deuxième puissance économique européenne, devancée par le Royaume-Uni  depuis 2013. En 2010, le PIB de la France était pourtant supérieur  de + 10 % à celui du Royaume-Uni. En 2015, il lui est inférieur de - 15,4 %. Cela résulte à la fois de la croissance plus forte outre-Manche, + 9,6 % de 2010 à 2015, contre + 4,3 % chez nous, et de la forte dévaluation de l'euro par rapport à la livre, ainsi qu'au dollar US (voir plus loin). 

Dans l'échelle des puissances européennes, le Royaume-Uni a réduit l'écart avec l'Allemagne, de - 29,7 % à – 15 %. En 5 ans, c'est considérable. La France est à - 28,1 %. Source: FMI (17). 

Dans l'Union, derrière le Royaume-Uni (RU), la Suède, qui a aussi conservé sa monnaie nationale, a connu la croissance la plus forte, + 9 %, devant l' Allemagne, + 8,3 %. L'euro, « moteur de la croissance » ? Pas évident ici.  

Parmi les grands d'Europe, la France fait partie des « maillons faibles », avec une croissance qui hésite encore à se réveiller, et avec un chômage à 10,2 % de la population active en 2015, tandis qu'aux Pays-Bas et en Suède, le chômage est à 7,2 % et 7,7 %, qu'au RU il est à 5,6 % et en Allemagne, à 4,7 %. 

Derrière celui de l'Italie, qui atteint 113,8 % du PIB en 2015, le taux de la dette nette de la France est de 89,3 %, un peu plus que le RU, à 80,3 %, mais beaucoup plus que l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suède, à 43,9 %, 34,8 % et 18,4 %.  

Un de nos gros handicaps, y compris à l'intérieur de l'UE, est le taux record de nos prélèvements obligatoires, 53 % du PIB, « antilibéral », nuisible à la compétitivité. Il est lié au taux encore plus élevé des dépenses publiques, 57 %. Seuls des pays nordiques, très dissemblables du nôtre, sont aptes à supporter de tels taux. Pour s'en convaincre, il suffit de comparer les montants des salaires, des indemnités et des retraites de leurs ministres, députés, maires... avec ceux des nôtres. Dans les autres pays, ces taux sont nettement plus faibles. Pour les dépenses publiques, ils sont proches de 50 % en Italie et en Suède, de 44 % en Allemagne et aux Pays-Bas, et de 40 % au Royaume-Uni.  

Quant aux États Unis, le taux moyen des prélèvements en 2015 est de 32 %, et celui de la dépense publique, de 36 %. Sur les cinq dernières années, le rapport entre les PIB (sensés représenter les puissances économiques) de l'UE et des USA s'est inversé, il est descendu de 1,13 à 0,91.

Par rapport aux USA, l'UE a décroché de - 20,2 %. Cette baisse est en grande partie due à la dévaluation de l'euro par rapport au dollar (- 15 % à -16 %) organisée par la Banque centrale européenne et les États de la zone euro, à l'aide d'injections massives de liquidités et du maintien des taux d'intérêt à des niveaux excessivement bas, en particulier. Avec les résultats en terme de croissance que nous connaissons.   

L'historique des variations du taux de change euro/dollar (18) montre l'instabilité  de ce rapport et l'intensité de la « guerre » entre ces deux monnaies de réserve, dont un des buts principaux est, précisément, de soutenir la compétitivité et la croissance, de redresser les comptes publics et le solde extérieur des belligérants.  

Au 4 janvier 1999, l'euro valait 1,168 USD. Moins de deux après, le 26 octobre 2000, en pleine bulle financière, il n'en valait que 0,8252, son « plus bas ». Ensuite, avec d'incessantes et plus ou moins amples fluctuations, le courant a été fortement ascendant pour l'euro, qui a atteint le niveau inégalé de 1,6038 USD le 15 juillet 2008. La chute du dollar sanctionnait, en particulier, la politique « expansionniste » des États-Unis fondée sur l'endettement. Puis, sont venues les grandes crises, américaine, mondiale, européenne. Et, avec la crise grecque, l'euro a vite perdu de la hauteur. Il valait 1,2998 USD le 16 juillet 2010. Après un rebond jusqu'à 1,448 USD le 4 mai 20011, il s'est posé à 1,0967 USD le 31 juillet 2015. C'est à dire à - 15,6 % de son cours cinq ans auparavant, en juillet 2010. 

Cependant, à la tête de l'UE, à celles de la France, et de partis politiques, il y a des euro atlantistes qui ignorent ces « détails » et tentent de faire avancer en secret la signature du traité de libre-échange et de partenariat entre l'UE et les USA, pensant peut-être marier un jour l'euro avec le dollar... sans crainte de nous faire « américaniser ». 

Un État ou une union dont la monnaie baisse, s'appauvrit et perd du terrain par rapport aux autres pays ou unions. Lorsque le cours de la monnaie monte, le pays ou l'union voit sa « richesse » (PIB et patrimoine) et son pouvoir d'achat en monnaies étrangères croître. Ainsi, de 2000 à 2008, l'augmentation de la valeur de l'euro a fait monter les pays de la zone euro  dans le classement mondial, ou a retardé leur déclin par rapport aux pays les plus dynamiques, les pays émergents, dont la Chine en particulier. À l'opposé, depuis 2008, la dévalorisation de l'euro est venue s'ajouter à de maigres croissances des PIB pour faire reculer considérablement l'économie de la zone euro (ZE), et celle de l'UE, dans le monde et par rapport aux autres grandes puissances.

L'affaissement de la ZE est spectaculaire. En 2010, le PIB de la ZE représentait 19,3 % du PIB mondial. En 2015, ce n'est plus que 15,7 %. Pendant ce temps, le PIB de l'UE à 28 a baissé de 26 % à 22,1 %. Ces chiffres révèlent que l'Europe hors ZE a bien mieux résisté que la zone euro. La part du PIB  de l'UE hors ZE dans le PIB mondial n'a baissé que de 6,7 % à 6,4 %. Une rude leçon pour les européistes donneurs de leçons et pour nos dirigeants !  

Depuis des années déjà, on nous explique que le ralentissement de la croissance mondiale est pour beaucoup dû à la « défaillance » des pays émergents et en particulier de la Chine, qui s'est « essoufflée », ne tient plus une croissance à deux chiffres, et se contente d'un « taux ralenti », d'environ 7 %. Bref, il serait temps que la Chine mette la gomme pour relancer notre croissance. Inconscients !   En 2010, en dollars courants, le PIB de la Chine était égal à 35,6 % du PIB de l'UE. En 2015, il en est à 70 %. Il a doublé par rapport à celui de l'UE. En parité de pouvoir d'achat, il est supérieur à ceux de l'UE et des USA. Est-ce encore insuffisant ? Je crois qu'il faut admettre aussi que le ralentissement mondial, la quasi-stagnation de l'UE et la réduction de son pouvoir d'achat en yuans (dont le cours est lié à celui du dollar), ont « freiné » les exportations et limité la croissance de la Chine. En effet, entre 2008 et 2014, l'excédent de la balance courante de la Chine a baissé de 10 % de son PIB à 2 %.  

Je n'ai pas confiance dans l'euro monnaie unique, dans sa « gestion », et dans celle de l'UE. Le référendum au Royaume Uni sur une éventuelle sortie de l'UE, ou « Brexit » créera-t-il un choc salutaire dans l'UE et permettra-t-il de remettre en question les postulats et les aprioris qui engendrent et nourrissent son déclin, le nôtre ?  

Dernier « détail », en cas de Brexit, le PIB de l'UE descendra à 18,2 % PIB mondial, ou moins, si la tendance se poursuit.

SOURCES ET RÉFÉRENCES

(1) « Sondage : Hollande absent du second tour de la présidentielle dans tous les cas », lefigaro.fr/politique/ 2015/12/15... 

(2) Ipsos-Fiducial : « Récapitulatif des intentions de vote au premier tour de l'élection présidentielle », le 18/12/2015. 

(3) « Hollande et Valls cherchent leur salut à droite », lefigaro.fr   le 16/12/2015. 

(4) « Valls et Raffarin prêts à collaborer sur un ‘’pacte républicain’’  contre le chômage », lefigaro.fr, le 16/12/2015. 

(5) « Le tour de passe-passe grossier de Hollande pour inverser la courbe du chômage », lefigaro.fr, le 17/12/2015. 

(6) « Cambadélis (PS) appelle le centre à se détacher de la droite », ouest-france.fr, le 17/12/2015. 

(7) ipsos.fr/decrypter-societe/2015/12/06-comprendre-votefrancais-sociologie-des-electorats... + rtl.fr/actu/politique/elections-regionales-2015-quel-est-leprofil-type-des-electeurs-du-Front-Nat... , le 07/12/2015  + Régionales. « Quel est le portrait-robot de l'électeur Front national ? »,  ouest-france.fr, le 08/12/2015. 

(8) « Qui sont les électeurs du FN ? », francetvinfo.fr/politique..., le 30/03/2015. 

(9) « Régionales : le retrait du PS en PACA ne passe pas », actu.orange.fr/politique..., le 07/12/2015. 

(10) Robert Redeker : « Les antifascistes de confort et les ‘’salauds des pauvres’’», lefigaro.fr/vox/politique/2015/12/10... 

(11) « Régionales : les socialistes hystérisent la fin de la campagne », lefigaro.fr, le 11/12/2015. 

(12) Bercoff : « La grande farce des élections régionales », lefigaro.fr/vox/politique   le 11/12/2015. 

(13) « Élections régionales françaises de 2015 »,  Wikipédia.  

(14) opinionway pour Le Point : « La sociologie du vote au second tour des élections régionales 2015 - 13 décembre 2015 ». 

(15) « Élections régionales françaises de 2010 », Wikipédia. 

(16) « Depuis 2012, le FN a multiplié par 11 son nombre d'élus », msn.com/fr-fr/actualité..., le 15/12/2015. 

(17) imf.org/external/pubs/ft/weo..., le 09/12/2015.  (18) wikipédia.org/wiki/Euro/dollar.  

 

 

© 07.01.2016

HTML Web Counter
Compteur et statistiques gratuits pour votre site web sur www.motigo.com