Compte rendu du dîner-débat du 8 déc. 2015

présidé par Marc Dugois,

LA SOCIÉTÉ DE L’APPARENCE

 par Christine ALFARGE

« La nation française en état d’urgence économique, social et démocratique. »

Alors que les années d’après-guerre étaient porteuses d’avenir et de progrès, la croissance a marqué le pas à partir des années 70, aussi bien économiquement que socialement. Le chômage s’est imposé, les inégalités se sont creusées, l’ascenseur social s’est bloqué. 

Aujourd’hui, nous assistons à une déliquescence de la société, une fuite en avant.  Selon Marc Dugois, « le problème est mal posé et ne peut apporter que des mauvaises solutions ». Plus philosophiquement, il y a pour lui deux erreurs de fond. Au début, le troc est la raison d’être ensemble, l’échange des êtres pas des avoirs, la monnaie n’a alors aucun sens mais le troc connait ses limites et n’est qu’une apparence car la paresse est rentrée dans le groupe impliquant l’obligation de travailler.  

L’autre problème repose sur notre rapport à l’argent et plus particulièrement la méconnaissance de l’argent. La monnaie représente un stockage d’énergie humaine qui n’intéresse pas, cela illustre la confusion entre production et richesse. Il dit : « la production n’est en aucun cas une richesse, la richesse n’est qu’un regard ».  

Le rêve de dire 

L’espoir de richesse, est-ce vraiment une richesse ? Tant qu’elle n’est pas achetée, elle n’est pas une richesse, il n’y a pas de création de richesse. Selon Marc Dugois, « tout le monde rêve à une création de richesse, la richesse n’est qu’un regard et on ne crée pas la richesse, la richesse est une motivation ». On se met à rêver de partout, on se trouve avec un système où la dette commence à remplacer le travail.  

Comment la société  peut-elle continuer d’évoluer ? 

À priori, la crise actuelle que nous connaissons n’empêche pas la structure sociale de poursuivre son évolution, ne s’agit-il pas en réalité d’apparence avec une dette publique qui s’accroît (ses dépenses étant chaque année, depuis 1974, plus élevées que ses recettes) et la compétitivité de l'économie française qui s'effondre ? 

Au rythme actuel d'insouciance budgétaire et fiscale, la dette publique selon l’INSEE dépasse les 2.100 milliards d’euros à la fin du troisième trimestre, ce qui veut dire qu’à la fin de l’année 2015, nous atteindrons les 2.200 milliards d’euros soit 97,6 % du produit intérieur brut (PIB). Les déficits du commerce extérieur et de la balance des paiements accèdent à des niveaux jamais atteints, même pendant la crise de 1983: celui du commerce extérieur est de 3,5 % du PIB, contre 1,1 % en 1983 et 0,9 % en 2000, la balance des paiements, qui n'était déficitaire que de 0,9 % du PIB en 1983, et excédentaire de 1,7 % en 2000, accuse aujourd’hui un déficit de 3,6 % alors que « la balance des paiements doit toujours être équilibrée » indique Marc Dugois. Pendant que l'Allemagne a un excédent de près de 10 % du PIB en balance commerciale et de plus de 5 % en balance des paiements, seul l'euro nous protège pour le moment d'une glissade vers l'abîme mais pour combien de temps ! 

La notion de progrès,  gage suffisant pour l’avenir ?

C’est dans ce contexte international économique, financier, commercial, militaire, politique très fragile, que chaque nation devra se battre de plus en plus violemment contre toutes les autres pour survivre ou lutter pour garder son indépendance.  

Cependant il faut rester lucide, la croissance économique mondiale actuelle n’est qu’une apparence, elle peut s’effondrer à tout moment, selon Marc Dugois : « la dette croît sans arrêt, les emprunts augmentent et les entreprises sont surendettées. On veut sauver les banques qui ne peuvent tenir que par une trésorerie qui tourne sans arrêt. On endette l’Europe par des créanciers qui ne seront jamais payés et rachetés par la Banque centrale européenne (BCE) », il ajoute : « la hausse des prix est la conséquence directe de l’inflation, le besoin d’argent augmente de plus en plus. Finalement, on se croit un pays riche alors que nous ne sommes riches que de nos dettes ». Si l’un ou l’autre des principaux détenteurs de capitaux se met à ne plus croire à cette fuite en avant des pays riches dans la dette publique, s’ils refusent de financer plus longtemps le sauvetage des banques occidentales par leurs prêts aux États, et s’ils refusent de miser plus longtemps sur une hypothétique sortie de crise par le progrès économique et social du monde, la France doit se préparer à ces temps difficiles en retrouvant des marges de manœuvre adéquates. Elle doit absolument débattre sérieusement de l’état du pays en particulier de sa dette publique et de sa compétitivité et s’accorder sur les instruments qui lui restent pour agir sur son destin. Le faible coût de la dette qui préserve la France pour le moment par des taux bas, est un piège infernal dans lequel il ne faut pas s’habituer. Il faut rappeler que la dette de l’État français émise sur les marchés financiers, est détenue à 64,4 % principalement par des sociétés financières européennes, ce qui implique, en cas de crise, un risque de faillite de l’État. Marc Dugois dit : « on entend très souvent, il faut de la croissance mais la croissance est la somme de toutes les dépenses ». La croissance restera donc un vœu pieux tant que la dette publique ne sera pas la préoccupation première des dirigeants du pays.  

Si ce débat nécessaire a lieu, la France comprendra qu’il lui faut, redonner ses lettres de noblesse à l’école, s’occuper de la formation de ses travailleurs et ses chômeurs, miser sur la formation professionnelle des jeunes, les plus touchés par la recherche d’emploi, développer la recherche dans les entreprises. Elle comprendra qu’il faut augmenter ses impôts, regrouper ses collectivités territoriales, rassembler ses services publics, retrouver une culture d’innovation, revaloriser l’ensemble des métiers de l’industrie et s’ouvrir sur le monde.  

À travers la formule « être, agir, échanger », Marc Dugois pense que « la solution passe par l’abandon de la concurrence sur la coopération pour s’en sortir ». Si on ne s’entend pas comme le laisse prévoir la cacophonie politique sur les faits et les moyens d’action, on continuera à vivre dans l’insouciance, jusqu’à ce que les faits imposent une société beaucoup plus dure et surtout avec plus de contraintes et d’inégalités. Selon Marc Dugois, « on se trouve dans un système qui a remplacé le travail par la dette où personne ne veut affronter la réalité ». Il met en garde sur la différence de l’être et du paraître pour se dépasser ou dépasser l’autre. Il insiste sur : « la capacité de se regarder, savoir ce que l’on veut, prendre de la hauteur, la richesse n’étant qu’un regard ».   

On vit dans un pays élitiste qui méprise ceux qui ne font pas de hautes études, cependant on a besoin de tout le monde pour que la machine tourne, chaque citoyen peut et doit trouver sa place. C’est toute la société qui doit s’inquiéter sur son avenir. Remettre le travail à l’honneur, conciliant social et efficacité, devient l’axe majeur pour redonner confiance aux citoyens, véritables acteurs de la production du pays. Ainsi recréer l’homme que notre temps cherche à détruire reste le grand combat de l’avenir.

 

© 07.01.2016

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