BURUNDI Pour qui sonne le glas?

par  Luc BEYER de RYKE          

Que sait-on de cela dans le pays ? Rien ou presque. Tout se passe dans la capitale, à Bujumbura. La presse est muselée. Les ONG sont menacées, leurs comptes gelés. L’Église catholique demeure influente. Elle s’oppose au troisième mandat mais s’efforce de favoriser une médiation. En vain jusqu’ici. L’archevêque de Bujumbura n’est plus en sécurité. Dans ce pays majoritairement catholique, le président et sa femme sont évangélistes. C’est d’ailleurs l’épouse du président qui dirige la communauté évangéliste. Initialement elle bénéficiait de fonds américains. Taris aujourd’hui. Ces derniers temps une opposition armée s’est constituée sous la direction d’un ancien colonel. Deux casernes ont été attaquées au sud de la capitale. Des armes ont été saisies. L’armée a perdu de son propre aveu quatre-vingt-sept hommes. La répression, immédiate, a fait plus de cinq cents morts. L’Union Africaine voudrait dépêcher cinq mille hommes. Elle se heurte au refus du régime et manque de moyens. De divers côtés et malgré le refus obstiné du régime et de son président on s’efforce de trouver une solution négociée.

Un pompier pyromane... 

Parmi les médiateurs il y a Museveni, le président ougandais. Une médiation qui laisse songeur. Je ne le connais pas mais, lorsque j’étais parlementaire européen, dans les années 80, je fus en Ouganda. À l’époque Museveni était dans la rébellion. Avec le délégué de la Communauté européenne, un néerlandais qui n’avait pas froid aux yeux, escortés  par deux anciens des SAS britanniques, nous fîmes une incursion dans les territoires insurgés où même la Croix Rouge ne s’aventurait plus. Le régime d’Obote vacillait. Il tomba. Depuis 86, Museveni est au pouvoir. Il a survécu à quatre élections et en février entend bien remporter la cinquième. Ce qui fait de lui « un pompier pyromane », pour reprendre le mot de ma consœur Colette Braeckman, c’est qu’en 2011 il soutint Nkurunziza au Burundi. Très interventionniste il a joué un rôle guerrier à la fois au Rwanda et au Congo Kinshasa. Actuellement il abrite en Ouganda des rebelles tutsi congolais défaits après avoir occupé dans la terreur de vastes territoires au nord Kivu. 

On évoque également parmi les médiations possibles celles de la Tanzanie. Un jeu bien délicat et hasardeux pendant que le chaos ne cesse de croître.  

Le pire est pour demain 

Pour couronner le tout il y a les déclarations de Nkurunziza et de ses proches. Parmi elles cette phrase, anodine en apparence : « Les élections sont terminées, reste maintenant à passer au travail. ». Quoi de plus naturel si l’on ne savait que le terme « travailler » fut celui dont usèrent les génocidaires au Rwanda en 1994. « Travailler » dans ce contexte veut dire « pulvériser », « massacrer ». 

Les diplomates amis dont j’ai recueilli les analyses et les confidences se veulent des « lanceurs d’alerte ». S’ils ne sont pas entendus, c’est le glas qui retentira au Burundi.

 

© 07.01.2016

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