par Paul KLOBOUKOFF
Comment nos gouvernants
ont renchéri les complémentaires santé
De l'incitation à la participation des entreprises au châtiment fiscal
Avant de s'apparenter à un véritable racket, jusqu'en 2010,
la politique à l'égard des complémentaires santé a été plutôt « tolérante
», et même « stimulante » en faveur des contrats collectifs
obligatoires souscrits au bénéfice de leurs salariés par des entreprises qui
prennent en charge une partie plus ou moins grande des cotisations (environ
60 %
en moyenne au cours des dernières années). Pour encourager les
entreprises dans cette voie, leur « part patronale » des cotisations a été soumise (sous certaines
conditions) à des charges sociales allégées, limitées à la CSG, à la CRDS ainsi
qu'à un forfait social fixé à 2 % en
2009 (pour les entreprises d'au moins 10 salariés). En outre, cette part
patronale dépensée par l'entreprise était exclue de son bénéfice imposable.
Quant au coût de l'assurance complémentaire, il était entièrement
déductible du revenu imposable du salarié.
Ces contrats présentaient ainsi des avantages pour les
entreprises et les salariés qui leur ont valu un certain succès... malgré des
tarifs des assurances complémentaires « plombés » par de lourdes dépenses de gestion.
Par contre, les signataires de contrats individuels,
essentiellement des agents de la fonction publique restés libres d'adhérer à
une mutuelle de leur choix, des travailleurs non -salariés, des « non actifs
» et des « seniors », devaient payer
leurs cotisations« plein pot » et se
voyaient refuser les mêmes possibilités de déductions fiscales. C'est toujours
le cas aujourd'hui. Rassurons-nous! J'avais déjà exposé ces problèmes et cette
« discrimination » négative en novembre
2007 dans un article intitulé « Complémentaires santé: au profit de qui ?
».
Puis, la chasse aux « niches fiscales » a touché les entreprises signataires de tels
contrats collectifs et leurs salariés. Le forfait social a été relevé à 4
% du montant des cotisations en 2010,
puis à 6 % en 2011, et à 8 % depuis
2012.
Jusqu'en 2010, la grande majorité des contrats (ceux alors
qualifiés de « contrats responsables »
parce qu'ils conditionnaient les remboursements au respect du parcours
de soin coordonné), qu'ils soient individuels ou collectifs, ne supportaient
aucune taxe. En 2010, ils ont été soumis à une taxe de 3,5 %, qui a été portée
à 7 % en 2011. Pour les « irresponsables
», elle a été de 9 %. En 2014, elle est
montée à 14 %. Contrairement à la TVA, qui porte sur la valeur ajoutée, cette
taxe s'applique au « Chiffre d'affaires », c'est à dire au montant des
cotisations versées. L'impact pour les assurés en est d'autant plus lourd.
Seuls les contrats d'assurance maladie complémentaire individuels ou collectifs
responsables des agriculteurs ont échappé à ces sanctions.
Une taxation additionnelle « redistributive »
pour financer la CMU et l'ACS
Depuis 1999, les OACS, organismes d'assurance complémentaire
santé (sociétés d'assurances, institutions de prévoyance, mutuelles) alimentent
un Fonds CMU par une contribution qui a pris le nom de taxe de solidarité
additionnelle (TSA) en 2011, qui porte sur
les cotisations santé complémentaire. Son taux initial était de 1,75 %. Il a été relevé en 2006, en 2009, puis en 2011,
pour s'établir à 6,27 % (1). Cette TSA s'ajoute à la taxe précédente et
s'applique aux contrats individuels comme aux contrats collectifs.
Le Fond CMU,
dont cette taxe est la principale recette, finance la couverture maladie
universelle complémentaire (CMU-C) et l'aide à l'acquisition de la
complémentaire santé (ACS). Un des buts poursuivis a été d'augmenter le nombre
des bénéficiaires de ces dispositifs d'aide par le jeu, dans ce domaine là
aussi, d'une « solidarité » entre
adhérents, qu'on ne retrouve pas dans
les évaluations officielles de la redistribution (cf. mon article d'octobre 2014 « Insatiable, inchiffrable et
indéchiffrable redistribution »). Au 1er juillet 2015, en métropole, pour
bénéficier de la CMU-C (gratuite), les plafonds de revenus annuels sont de
8.645 € pour une personne seule, de 12.967 € pour 2 personnes, et 21.611 € pour
5 personnes. Les plafonds de revenus pour recevoir l'ACS sont de 35 % supérieurs à ceux de la CMU-C, soit de 11.670
€ pour une personne... Mission accomplie, peut-on dire, puisqu'en fin 2014 il
avait 5,2 millions (Mi) de bénéficiaires de la CMU-C et 1,2 Mi de l'ACS. Des
tarifs souvent « prohibitifs » des couvertures ont « modéré » la croissance du nombre de ces derniers, dont
les aides annuelles sont de 100 € au-dessous de 16 ans, de 200 € de 16 à 49
ans, de 350 € de 49 à 60 ans, et de 550 € à partir de 60 ans.
Majoration des impôts de millions de salariés,
plafonnements complexes des déductions fiscales et de l'exonération de
cotisations sociales des entreprises
La loi de finances pour 2014 votée à la fin de l'année 2013 a
rendu imposable la part des cotisations prise en charge par les entreprises
(et/ou comités d'entreprises)... et ce, pour les cotisations versées depuis le
1er janvier 2013. Cette part doit être déclarée par l'employeur au fisc en tant
que revenu du salarié. 13 millions de salariés ont été concernés par cette «
réforme sociale », ou encore ce « mauvais coup », comme il en pleut depuis mai
2012. La hausse consécutive de leur impôt sur le revenu (IR) a été estimée en
moyenne entre 90 et 130 euros par contribuable (2). Cela renchérit beaucoup la
complémentaire santé pour les travailleurs salariés en exercice ou au
chômage.
Le grand chambardement enclenché par la loi sur la
généralisation de la complémentaire santé
(voir plus loin) issue de l'Accord National Interprofessionnel (ANI) du
11 janvier 2013 a aussi apporté son lot de changements.
Un plafond de déductibilité fiscale a été fixé aux
cotisations salariales et patronales qui financent le régime collectif de
prévoyance obligatoire de l'entreprise. En 2015, ce plafond est de : 5 % du
PASS + 2 % de la rémunération annuelle
brute du salarié... le total étant limité à 16 % du PASS. Le PASS est le Plafond annuel de la
Sécurité sociale. Son montant est de 38.040 € en 2015. Le plafond est donc de
6.086,40 €. La part des cotisations dépassant ce plafond est imposable pour
l'entreprise. Ce plafond semble peu contraignant. Attention, cependant : le
régime obligatoire de prévoyance dont il est question couvre les risques complémentaires santé, mais aussi
ceux de la maternité et des accidents (3). Or, 8 sur 10 des sites des
organismes professionnels que j'ai consultés omettent de le préciser.
Un autre plafond a été fixé pour limiter les exonérations de
charges sociales. Les cotisations patronales qui financent le régime collectif
de prévoyance obligatoire ne sont pas soumises à des charges sociales dans la
limite de 6 % du PASS + 1,5 % du salaire annuel brut. Le total ne doit pas
dépasser 12 % du PASS, soit 4 564, 80 €
en 2015.
Pour bénéficier des déductions fiscales et des exonérations
ci-dessus, les contrats signés par les entreprises doivent être collectifs,
obligatoires, responsables et solidaires. Nous verrons plus loin ce que cela
signifie.
Flambée des tarifs,
taux de remboursement de plus en plus faibles
+ 40 % en 8 ans, sans compter les hausses d'impôts sur les
revenus
« Complémentaires santé : pourquoi vos cotisations flambent
» avait titré Le Monde.fr en mars 2014,
indiquant que selon l'indice de prix du comparateur Assurland,
considéré comme très fiable, les factures s'étaient envolées de près de + 40
% au cours des 8 années
précédentes.
Une grande
partie de cette inflation des tarifs a été provoquée par des politiques «
sociales » soucieuses du bien- être des
citoyens qui n'ont pas lésiné sur l'aggravation de la fiscalité et des charges
pour les entreprises et qui ont aussi organisé le transfert de dépenses de la
Sécurité sociale vers les complémentaires santé ainsi
que vers les « patients ». Par les jeux des « déremboursements », des
médicaments, en particulier, des franchises à retenir et des participations
forfaitaires de 0,5 € ou 1 € sur les actes médicaux et techniques, sur les
soins infirmiers, la pharmacie, les dispositifs médicaux, etc. Les pressions
exercées sur des honoraires médicaux et chirurgicaux peuvent aussi avoir
contribué à la prolifération des dépassements d'honoraires... impactant les
prises en charge et les coûts des complémentaires.
De lourds coûts de gestion des contrats
Des causes,
il ne faut pas exclure les coûts de gestion de contrats qui doivent se
conformer à des réglementations de plus en plus complexes, la multiplication
des opérations de faibles montants, ainsi que les progressions plus ou moins
fortes des marges des organismes de prévoyance, des mutuelles et des sociétés
d'assurance.
Une étude
réalisée pour le journal L'Argus de l'assurance a montré que les frais de
gestion représentaient de 7 % à 27 %
des montants (hors taxes) des cotisations et que, dans de nombreux cas,
elles dépassaient 20 %. D'une autre
étude, de la DREES du ministère de la Santé (4), il ressort qu'en 2013 près de
22 %
du montant des cotisations HT collectées par les OACS n'ont pas été
reversés aux assurés. Les frais d'acquisition (notamment pour attirer de nouveaux
clients) se montent à 8 %, celles d'administration, à 7 %, et celles de gestion
des sinistres, à 4 %. À ces charges, on peut ajouter 2,9 % de résultat net.
Cette «
ponction » est (en moyenne) la plus forte, plus de 26 %,
chez les sociétés d'assurance, dont les frais d'acquisition sont de 13
%. Celle des institutions de prévoyance
est nettement plus faible, un peu supérieure à 16 %. Cette « performance » s'explique sans doute parce qu'elles gèrent
surtout des contrats d'entreprises.
Des cotisations de 45 %
supérieures aux remboursements
Les taxes
qui s'ajoutent aux cotisations HT sont de 13,27 % de celles-ci pour les contrats responsables
(de loin les plus nombreux) et de 20,27 %
pour ceux qui ne sont pas responsables, qu'ils soient collectifs ou
individuels.
Frais de
gestion et taxes représentent donc au moins 31
% du montant des cotisations TTC
payées pour les assurés. Cela signifie aussi qu'en moyenne, les cotisations TTC
payées par les assurés sont d'au moins
45 % supérieures aux
remboursements qu'ils reçoivent de leurs OACS. Pour les contrats non
responsables, la ponction est plus forte.
Pourtant,
qui n'a pas entendu parler des « privilégiés »
qui « bénéficient » de généreuses complémentaires
santé ? Certes, une partie des assurés, couverts par des contrats collectifs d'entreprises,
ont été mieux lotis que ceux « bénéficiant »
de contrats individuels. Mais, les choses changent. On nivelle par le bas
et on redistribue.
D'autres précisions sur
les OACS, le marché, les coûts et les tarifs
Un « marché » fragmenté
et différencié des
complémentaires santé
Le chiffre
d'affaires HT des organismes complémentaires santé (OACS) est de l'ordre de 33
Mds €. Un potentiel fiscal de 4,5 à 5 Mds €, qui pourrait encore croître, sans
« l'évasion fiscale » des « résistants
» qui ne sont pas assurés.
L'étude de
la DREES précitée (4) a présenté en 2015 des données intéressantes sur le marché des complémentaires santé en 2013. Le nombre des OACS
assujettis à la taxe CMU-C était alors de 605, dont 96 sociétés d'assurances
(SA), 28 institutions de prévoyance (IP) et 481 mutuelles (MU). Sur le montant
total des 32,8 milliards de cotisations (hors taxes) collectées, les parts de
marché étaient de 28 % pour les SA, de
18 % pour les IP et 54 % pour les MU. Un tiers des organismes, en
majeure partie des mutuelles, étaient de petite taille.
Les parts de cotisations collectées étaient de 44 % pour les contrats collectifs et de 56 % pour
les contrats individuels. Elles étaient très variables d'un type d'organisme à
un autre, les IP étant « spécialisées »
dans les contrats collectifs (87 %
de leur CA), les MU faisant, au contraire, 71 % de leur CA avec des contrats individuels, et
les SA présentant des pourcentages plus équilibrés entre individuels et
collectifs.
De meilleures
garanties, moins chères, pour les contrats collectifs que pour les
individuels
L'étude
montre aussi que « les garanties offertes par les contrats collectifs sont plus
avantageuses, en dépit du coût plus faible de ces contrats pour les assurés ».
Ce qui ne surprend pas, puisqu'il s'agit de contrats «de groupes». À cet égard, une enquête de la DREES auprès
des OACS sur les contrats les plus
souscrits a montré des écarts importants entre les contrats individuels et les
contrats collectifs en 2013 (5). Les remboursements des contrats collectifs étaient
plus élevés que ceux des contrats individuels. Pour le vérifier et le chiffrer,
les contrats les plus souscrits ont été classés en 5 groupes homogènes selon
les remboursements de plusieurs prestations : les contrats de types A, B, C, D
et E, en allant du haut au bas de l'échelle. 66 % des bénéficiaires des contrats collectifs avaient des contrats de types A et
B (dont 53 % de type A), contre 9 % seulement pour les personnes sous contrats
individuels. En même temps, 44 % des
individuels étaient de types D ou E, contre 11 % chez les collectifs.
Une baisse du niveau des couvertures souscrites liée à la forte
hausse des tarifs
En outre,
une baisse des protections à l'aide d'assurances complémentaires santé «
privées », une « descente en gamme» des
contrats, a été observée entre 2010 et 2013 (6). Ainsi, les titulaires de
contrats collectifs de types A et B étaient 66 % en 2013, contre 77 % en 2010. Ceux des contrats « standard » de types C et D, étaient 27 % en 2013, et plus que 10 % en 2010.
Du côté des contrats individuels, la part des bénéficiaires de la grande
majorité d'entre eux, de types C et D, est passée de 67 % en 2010 à 69 % en 2013, celle des titulaires de contrats «
d'entrée de gamme », de type E, de 18 %
à 22 %, et celle des contrats de types A et B a baissé de 15 % à 9 % .
Des tarifs élevés qui crèvent les plafonds avec l'âge
Ne cherchez pas sur les sites des organismes statistiques
publics des données sur les prix des complémentaires santé.
Les OACS, elles aussi, n'aiment pas afficher des tarifs repoussoirs.
Heureusement, des « comparateurs » le
font.
LesFurets.com ont fait réaliser par Odoxa
une enquête en septembre 2015 (7) qui indique que 60 % des Français jugent leur complémentaire santé
trop onéreuse. Les cotisations sont, en moyenne, de 1.164 € par an et par
personne. Pour ceux disposant d'une mutuelle d'entreprise, l'addition, 960 €,
est un peu moins salée, que pour ceux sur contrats individuels, 1.260 €. Autre
info, 20 % des assurés paient entre
1.200 € et 1.800 €. Pour 17 % des assurés,
c'est encore plus. Et les plus de 65 ans déboursent en moyenne 1.680 € par an
et par personne.
Une autre enquête portant sur huit mille demandes de tarifs a
été menée en 2015 pour le comparateur assurance.com (8). Elle a ciblé
quatre types d'assurés et a observé les
tarifs pratiqués par les mutuelles en France, qui peuvent varier dans de fortes proportions
d'un département à un autre.
Pour un jeune salarié de 25 ans, le tarif moyen annuel d'une
garantie classique est de 313,2 €. Il est le plus cher dans les Hauts-de-Seine,
350,64 €, contre 289,32 € en Haute Corse.
Pour un travailleur non salarié de 40 ans, le tarif moyen
annuel (TMA) d'une garantie classique est de 424,8 €. Maximum 473,28 € à Paris,
et minimum 399,36 dans les Landes.
Pour une famille de deux adultes de 30 ans et deux enfants de
3 ans et de 7 ans, le TMA d'une garantie classique est de 1.083,12 €. Maximum
1.238 € dans les Hauts-de-Seine et minimum 986,4€ dans le Lot-et-Garonne.
Pour un couple de très jeunes seniors de 60 ans, le TMA d'une
« garantie renforcée » est de 2.553,6 €.
Maximum 2.807,28 € dans les Alpes-Maritimes et minimum à 2.415 dans les
Landes.
Note : ces maxima et minima sont des montants moyens au
niveau des départements.
Pourquoi si peu de Français sont-ils sans complémentaire santé ? Un mystère !
Il est remarquable qu'avec de tels tarifs et des
remboursements tellement amputés par le fisc et les charges des OACS, le
pourcentage des personnes assurées soit aussi élevé.
En décembre 2011, Le Figaro.fr et Le Particulier (9)
s'étaient interrogés : « Est-il rentable de se passer de complémentaire santé ?
»... pour les personnes ne pouvant souscrire que des contrats individuels. Pour
eux, « Vivre sans complémentaire santé ne met pas votre budget en péril, puisque
les gros risques sont pris en charge par l'Assurance maladie et que les
dépenses les plus importantes (prothèses dentaires, lunettes ou appareils
auditifs) vous laissent déjà une part
importante à votre charge »... « Reste un cas où l'absence de couverture peut
coûter cher : l'hospitalisation sans prise en charge à 100 % par la Sécu (absence d'affection de longue
durée [ALD] ou lorsqu'aucun acte médical d'une valeur supérieure à 120 € n'est
engagé ». Il existe, ajoutaient-ils, des contrats moins coûteux (« allant de 140 € par an pour
un contrat de base pour les seniors à près de 500 € pour une garantie plus
étendue »), ciblés sur la couverture de ce seul risque hospitalisation, avec
lesquels on est garanti en cas d'hospitalisation, quelle qu'en soit la raison.
Trois assureurs pratiquant ces types de contrats étaient cités. En fait, il y
en a beaucoup plus. Mais, comme pour les autres, les offres doivent être
regardées à la loupe. Les miracles tarifaires sont rares.
Faisant suite à un article sur franceculture.fr du début
octobre 2015 intitulé « Généralisation des complémentaires santé
: vers une privatisation de la Sécu ? »
(10), un lecteur, médecin, précisait, notamment, que : 1° lors d'une
hospitalisation, dès que la somme des actes effectués en une journée dépasse
120 €, seule la participation forfaitaire est facturée au patient; 2° le risque
« grossesse » est pris en charge à 100 %
par la Sécu; 3° les nombreuses personnes âgées en ALD sont prises en charge
à 100 % par la Sécu pour les dépenses
liées à celles-ci. Pourtant ce sont-elles qui supportent les cotisations les
plus élevées. Une (bien) meilleure information publique du public serait un
grand service à rendre aux citoyens !
« Généralisation» dans le brouillard et « choc de réglementation
»
Pourquoi la généralisation des contrats
collectifs santé cible les salariés du privé
L'enquête détaillée sur la santé et la protection sociale de
l'Irdes (11) réalisée en 2012 avait évalué le
pourcentage des Français garantis par une complémentaire santé à 95 %, en
incluant les 6,1 % de bénéficiaires de
la CMU-C. Les moins couverts étaient les chômeurs, avec un pourcentage de 85,2
%, dont 16,3 %, seulement, en contrat collectif, et 24,6 % par la CMUC. Venaient ensuite les
femmes/hommes au foyer, dont 90 %
étaient couverts, pour 19,8 % par
la CMU-C. Dans les retraités et veufs inactifs, 95,1 % étaient couverts, presque tous sous contrats
individuels. Parmi les actifs non-salariés, 93,4 % étaient couverts, avec seulement 19,1 % en contrats collectifs, et 70,8 % en contrats individuels. Du côté des
salariés, 95,9 % sont couverts dans le
secteur privé, et 96,9 % dans le secteur
public. Pas de problème majeur à ce niveau là, donc.
Par contre, 28,4 % des salariés du privé
n'ont que des contrats individuels, tandis qu'ils sont 79,1 % dans cette situation dans le secteur
public.
On pourrait donc s'étonner que « la généralisation » des contrats collectifs cible en priorité les
salariés des entreprises du secteur privé et laisse de côté les autres
Français.
Explication : cette « généralisation » ne relève pas d'un plan d'ensemble visant à
améliorer la protection de la santé prodiguée par l'Assurance maladie
obligatoire
(AMO) et les complémentaires santé.
Un plan qui comporterait des objectifs
explicites, le choix de priorités et de moyens, un calendrier... Elle est une
composante du paquet de mesures de l'Accord national interprofessionnel (ANI)
sur la compétitivité et la sécurisation de l'emploi (12) conclu en janvier 2013
entre les partenaires sociaux, les organisations patronales (MEDEF, UPA,
CGPME), d'un côté, et trois syndicats (CFE-CGC),CFDT, CFTC), de l'autre, et qui
devait être suivi des adaptations législatives et réglementaires nécessaires.
Le volet flexibilité de l'ANI portait sur les accords compétitivitéemploi,
les licenciements économiques, les plans sociaux et la mobilité interne. Le
volet sécurisation des parcours professionnels était consacré à de nouveaux droits attachés à la personne:
droits rechargeables à l'assurance chômage, compte personnel de formation,
généralisation de la complémentaire santé, encadrement du travail à temps
partiel, taxation des contrats de travail de courte durée et aide à l'embauche
des jeunes en CDI.
La généralisation visait surtout les salariés des PME et des
TPE qui n'avaient pas souscrit de contrats collectifs en faveur de leurs
salariés, dont la plupart étaient couverts par des contrats individuels plus
coûteux. Pour les entreprises concernées, cette prise en charge venait en
contrepartie des assouplissements retenus du contrat de travail (13). Selon les
experts, entre 3 et 4 millions de salariés d'environ 300.000 entreprises
devaient ainsi passer d'un contrat individuel à un contrat collectif.