par Marc DUGOIS
A en croire Jean-Luc Mélenchon la France n’a jamais été aussi
riche, ce que semble très bien comprendre, à l’autre bout de l’échiquier
politique, la député européenne ENL, la doctoresse
Joëlle Mélin qui croit le programme du Front national
possible, vu la richesse de la France.
Il est vrai que Mme Bettencourt n’aborde pas les difficultés
de la vie comme un quelconque smicard et que, si l’on est riche, les problèmes
sont généralement plus simples à résoudre. C’est ce que pensent les politiques
qui se croient au centre de l’omelette en dédaignant ce qu’ils appellent les
extrêmes, et qui ont tous trouvé la même réponse à nos problèmes : le retour de
la croissance. Elle est pour eux tous totalement indispensable et chacun
explique que c’est sa priorité absolue et qu’il a, lui, la meilleure méthode
pour y arriver sans jamais la détailler puisqu’elle n’est que l’augmentation du
PIB que peu de gens comprennent. François Hollande n’a que la croissance à la
bouche et notre ex ministre des Finances Pierre Moscovici, recasé à Bruxelles
comme commissaire européen aux Affaires économiques, le répétait encore le 22
octobre sur Europe 1 en précisant qu’il n’était plus un homme politique
français : « la priorité de la commission, il n’y en a qu’une, c’est de faire
en sorte que la croissance s’améliore »
et pour ceux qui n’auraient pas bien entendu il rajoutait : « cette commission,
je le répète, n’a qu’une volonté, plus de croissance … et toutes nos politiques
sont orientées vers cela ». La même commission n’arrête pas par ailleurs de
morigéner les États qui dépensent trop et qui font donc de la croissance. La
commission dit tout faire pour augmenter la croissance, c’est -à dire augmenter
nos dépenses mais trouve que nous dépensons trop.
Si l’on élimine l’explication de mettre d’urgence la
commission en hôpital psychiatrique, y a-t-il une
autre explication que celle qui constate qu’ils n’ont jamais compris ce qu’est le
PIB et sa croissance que l’on appelle la croissance ?
Si la solution était de faire augmenter le PIB et donc de
faire de la croissance, ce serait si simple ! On n’aurait qu’à embaucher des
centaines de milliers de fonctionnaires et cela ferait de la croissance sous
forme de PIB non marchand. Ce qui est en revanche très compliqué c’est de
comprendre le grand écart de Nicolas Sarkozy qui voulait diminuer le nombre de
fonctionnaires tout en voulant aller chercher la croissance avec les dents.
N’aurait-il pas compris lui aussi que faire de la croissance c’est simplement
dépenser davantage et que dépenser davantage fait automatiquement de la
croissance ? On pourrait aussi pour faire de la croissance, casser, salir,
saccager et cela obligerait à nettoyer, à réparer, à reconstruire et on ferait
chaque fois de la croissance, du PIB marchand, et cela donnerait de l’emploi.
On a vécu cela en décembre 1999 où dans le même mois nous
avons eu une croissance extraordinaire qui a généré une valeur ajoutée
tellement fantastique que l’État qui taxe la valeur ajoutée par la TVA en a
rougi de plaisir en se constituant ce que l’on a appelé à l’époque la «
cagnotte ». Nous avions simplement eu la chance d’avoir le pétrolier Erika qui
avait mazouté quatre cents kilomètres de nos côtes le 11 du mois et deux
tempêtes qui avaient saccagé la France d’abord le 26 puis entre le 27 et le 28
décembre. On aurait pu croire qu’en
cette fin de XXe siècle nous aurions enfin compris grâce à ces trois drames que
le PIB n’est que la somme de toutes nos dépenses et qu’on ne peut pas à la fois
les diminuer pour être intelligents et les augmenter pour faire de l’emploi.
Savoir s’il faut augmenter ou diminuer nos dépenses, augmenter ou diminuer le
PIB, faire de la croissance ou de la décroissance, est sûrement une question
intéressante mais il faudrait systématiquement lui ajouter la question
complémentaire que personne ne se pose jamais : Qui paye ? Qui paye la
croissance ?
Hélas ! La mode est de croire que la croissance ne s’achète
pas et qu’elle crée même des richesses. On entend même tous les politiques dire
que l’emploi reviendra avec la croissance, ce qui est vrai car quand on
dépense, il faut bien des gens pour faire les travaux utiles ou inutiles. Mais
personne ne se pose la question de savoir qui paye cette croissance puisque
chacun est formaté à croire que la croissance enrichit.
Les politiques s’agitent fébrilement pour à la fois faire
absolument des économies mais surtout ne pas en faire pour ne pas casser la
croissance. On se sert du vocabulaire pour faire croire qu’on a la solution.
Nous allons arrêter de gaspiller et davantage investir. Ceux qui se disent de
droite, plus l’exécutif en place, prônent l’austérité et la rigueur en pensant
qu’en dépensant moins, la croissance reviendra et que l’on pourra alors
dépenser le fruit de la prospérité. Ceux qui se disent de gauche prônent
l’arrêt de l’austérité en pensant qu’en dépensant plus on fera revenir la
croissance et que l’on pourra alors dépenser moins et rembourser la dette.
Dépenser plus pour pouvoir le moment venu dépenser moins ou
dépenser moins pour pouvoir le moment venu dépenser plus est le choix
intelligent que les politiques nous proposent. Tant qu’ils confondront la
croissance avec la manne divine les hommes chercheront leurs solutions ailleurs
que dans la classe politique. La plus
mauvaise des solutions est de simplement reporter le problème pour ne pas avoir
à l’affronter. C’est ce que nous faisons avec la dette pour le plus grand
plaisir du monde bancaire qui prête de l’argent qu’il crée en polluant tout le
sens de la monnaie. Cette fausse solution a contaminé toute la Terre par la
mondialisation de la communication.
Aujourd’hui le peuple est endetté, les entreprises sont endettées et les
Etats ont un endettement public qui donne le frisson comme le montre cette
carte :
Qui va rembourser ces dettes ? Qui a compris qu’il n’y a pas
de création annuelle de richesse et qu’au bout du compte on demandera aux
peuples de payer, ce qu’ils ne pourront pas faire et ne voudront d’ailleurs pas
faire tellement on leur a fait croire que le progrès c’était vivre au pays de
Cocagne. Pour l’instant nous en sommes
encore au stade où chacun veut faire payer les autres, ce qui casse le lien
social déjà fragile.