UKRAINE : LA RUINE, LA GUERRE, LA FIN DE L'INDÉPENDANCE

(deuxième partie)

par Paul KLOBOUKOFF

Un terrain propice à l'instabilité, aux rivalités et au conflit entre l'Est et l'Ouest

Les événements récents en Ukraine sont dans la suite logique, peut-on dire, de l'évolution depuis l'indépendance. La longue période de 1991 à 2013 a été marquée par une profonde récession et de grandes difficultés économiques à la suite de son détachement de l'Union soviétique et de son entrée impréparée dans la concurrence mondiale. Ainsi que par les méfaits de la bureaucratie et de la corruption, la mainmise sur le pouvoir et le pillage du pays par des oligarques. Avec pour conséquences, l'absence de justice sociale, la montée de la misère. Et, pour allumer la mèche à la fin de 2013, le choix stupidement imposé entre deux extrêmes : garder des relations étroites avec la Russie ou s'en détourner pour entrer dans le giron de l'Union européenne (UE). Sous les regards gourmands des États-Unis (USA) et de l'OTAN, dont les agents ont redoublé d'activité en Ukraine depuis la « Révolution orange »  de 2004.  

Les différences se sont nourries et affirmées au fil des siècles entre les territoires de l'Ukraine, entre l'Est aux importantes capacités minières et industrielles qui produisait la majeure partie des ressources nationales et entretenait des relations économiques privilégiées avec la Russie, et l'Ouest, davantage tourné vers ses voisins européens. Avec le désir d'une partie de la population (essentiellement de l'Ouest) d'entrer dans l'UE, et d'une autre partie (à l'Est et au Sud) qui ne veut pas s'éloigner de la Russie et souhaite l'indépendance de la Région ou, à tout le moins, une franche autonomie. Une telle aspiration n'est pas nouvelle. En 2006-2007, une organisation « séparatiste » demandait déjà un statut spécial pour les oblasts de l'Est et du Sud et prônait l'établissement d'une République fédérale du Donetsk. Elle n'a pas été soutenue par le premier ministre Victor Ianoukovitch et a été interdite.  

Il faut rappeler qu'avant l'indépendance, en 1989, la population de l'Ukraine, qui était alors de 51,8 millions d'habitants (Mi H), comptait 22,1 % de Russes, pour 72,7 % d'Ukrainiens « soviétiques », et 5,2 % d'habitants

d'autres nationalités. Au recensement de 2001, il y avait encore 8,1 millions  de Russes, soit 17,3 % d'une population totale de 48,2 Mi H; et 77,8 % de celle-ci étaient Ukrainiens. La population de nationalité russe était surtout concentrée dans les douze oblasts de la moitié est de l'Ukraine, comme le montre la carte ci-après. 

Dans les oblasts en guerre de Donetsk et de Louhansk, les plus à l'est, ces proportions étaient de 38 % et 39 %. Dans celles de Kharkiv, de Zaporojie et d'Odessa, elles étaient de 26 %, 25 % et 21 %. Kiev comptait 13 % de Russes. Quant à la Crimée, Sébastopol comptait 73 % de Russes et le reste de la péninsule, 59 %. Des données plus récentes sont introuvables. Afin d'effacer les traces de la présence de russes en Ukraine ?  

Les dix premières années d'indépendance ont vu une curieuse cohabitation sous tension. La présidence de l'Ukraine a été exercée par deux ex communistes se présentant comme « réformateurs », les yeux dirigés vers l'UE et l'OTAN... quand les difficultés ne les faisaient pas se tourner vers la Russie. Plus déterminée, la « Rada »  (Parlement) a été « conservatrice », à majorité pro-russe, et souvent opposée aux réformes préconisées et au Gouvernement. 

La bipolarisation politique des populations se lit ensuite très bien sur les cartes des résultats, très constants, des élections présidentielles de 2004 et de 2010, ainsi que des législatives de 2006, de 2007 et de 2012. Elles montrent une Ukraine nettement coupée en deux, avec de fortes majorités en faveur de partis « pro-russes »  dans neuf oblasts de l'est et du sud, et des majorités adverses dans les dix-sept oblasts du nord et de l'ouest. Avec un partage du total des voix proche de 50 %/50 %... défavorable à la solidité et la stabilité des gouvernements.  

L'indépendance était porteuse d'autres germes de conflits qui ne demandaient qu'à s'exprimer. Dès 1992 et 1993, le Parlement de la Russie a contesté l'appartenance à l'Ukraine de la Crimée, peuplée principalement de Russes, et de Sébastopol, qui abritait la flotte russe de la mer Noire. Le sort de cette flotte était aussi objet de contentieux. 

La  Russie  utilisait  dans  ce  « pays  frère »  un  vaste réseau de d’oléoducs  déployé pour desservir en gaz l'Ukraine et les pays d'Europe. En rémunération, Kiev touchait un droit de passage et bénéficiait de tarifs de gaz étudiés.  

De la période soviétique, l'Ukraine avait aussi hérité de centrales nucléaires, dont la catastrophe de Tchernobyl en 1986 avait montré la dangerosité, et d'une situation écologique alarmante. De très lourds handicaps !

1 - De l'indépendance à Maïdan : une vie politique tourmentée 

Depuis l'indépendance, quatre présidents (y compris l'actuel, Viktor Porochenko), des premiers ministres, des hauts fonctionnaires ainsi que des potentats locaux ont fait partie de l'oligarchie qui a contribué à ruiner et à diviser le pays. Ce mal « structurel »  persiste. Chaque président a promis de l'éradiquer avant d'être élu. Aucun ne l'a fait. 

L'organisation politique a visiblement été inadaptée, avec, d'un côté, un président élu au suffrage universel et, de l'autre, une Rada (Parlement), également élue par le peuple, qui a disposé des pouvoirs « d'agréer »  le Premier ministre, chef du Gouvernement, proposé par le président, et de sanctionner des membres de l'exécutif. Ce système a favorisé les antagonismes, les compromis et les coalitions éphémères, ainsi que de fréquentes cohabitations stériles voire destructrices entre le président et « son »  gouvernement. 

Nul doute aussi que les interventions extérieures ont été déstabilisatrices: celles de la Russie, sur la défensive, bien sûr, et celles de l'UE, de l'OTAN, des USA, du FMI... auxquelles les Ukrainiens peuvent reprocher d'avoir poussé à une « dé-russification »  trop rapide et de ne pas avoir fourni les moyens appropriés pour passer à l'économie de marché, privatiser, assainir l'économie, et surtout pour renforcer le potentiel productif et assurer la croissance. 

Douze premières années de « transition » difficile et d'équilibrisme

Leonid    Kravtchouk,   le    dernier    présiden    du   Soviet  suprême de la RSS d'Ukraine, en rupture du Parti communiste, a été élu président de l'Ukraine indépendante le 1er décembre 1991, avec une large majorité. Son mandat a été de courte durée. La très profonde récession et le désordre dans lesquels l'économie a sombré ont vite fait monter l'hostilité contre lui. L'obstruction de la « Rada »  l'a forcé à organiser des élections anticipées. En juillet 1994, elles ont porté à sa place, un de ses ex premiers ministres, Leonid Koutchma. Pour faire face aux difficultés économiques, ce dernier avait prôné un resserrement des relations avec la Russie.  

Pourtant, le président Leonid Koutchma, « soutenu par le FM I», peut-on lire, a tenté de « stabiliser »  les finances publiques et de réformer. La Rada, élue en 2014  avec une majorité « conservatrice », s'est opposée à lui. Il a alors fait approuver en juin 1996 une modification de la Constitution renforçant les pouvoirs présidentiels (1). 

L'introduction d'une nouvelle monnaie, la hryvnia, et la politique de stabilisation ont remis un peu d'ordre dans le système financier en cours de formation, ont ralenti un peu le déclin de l'économie, mais sans réussir à l'enrayer. Les réformes des impôts, de l'administration et les privatisations ont continué de piétiner. La majorité conservatrice à la Rada s'est renforcée aux législatives de 1998. Et la crise financière d'août 1998 en Russie a eu des répercussions sur l'économie de l'Ukraine. L'élection présidentielle de 1999 approchant, Koutchma a fait le dos rond et a patienté.  

« Considéré comme corrompu et lié aux groupes mafieux » (2), Leonid Koutchma a cependant été réélu en novembre 1999, avec 56,2 % des voix, devant un communiste. Viktor Iouchtchenko, ex gouverneur de la Banque nationale d'Ukraine, réformiste présumé, est devenu son Premier ministre. À partir de l'an 2000, l'économie du pays a rebondi. Mais, toujours en bute à la Rada, Koutchma a fait approuver en avril 2000 à l'aide d'un référendum consultatif une nouvelle réforme de la Constitution renforçant encore les pouvoirs du président.  

Le deuxième mandat de Koutchma a très mal tourné. En novembre 2000, il a été soupçonné d'avoir commandité l'assassinat d'un journaliste d'opposition et a fait stopper par la répression le fort mouvement populaire qui réclamait son départ. En 2002, c'était « la communauté internationale »  qui accusait l'Ukraine d'avoir vendu des radars à l'Iraq, alors sous embargo de l'ONU. Affaibli, Koutchma s'est appuyé sur des oligarques proches de grands groupes énergétiques et a fait quelque pas vers la Russie. En 2001, la Rada a adopté une motion forçant le Premier ministre Iouchtchenko à démissionner. Il avait tenté de s'attaquer aux privilèges des oligarques.  

Les élections législatives de 2002 ont eu lieu dans un climat de menaces et d'intimidation à l'encontre des partis d'opposition (1). Le parti de centre droit proeuropéen « Notre Ukraine»  de Viktor Iouchtchenko est arrivé en tête, avec 23,6 % des voix, suivi par le Parti communiste, avec 20 % des voix. Le Bloc de Ioulia Timochenko n'en a obtenu que 6,3 %. Aucune coalition donnant une majorité parlementaire n'a pu être formée. 

Avec la Russie, les relations ont été changeantes, crispées au début. Il a fallu attendre mai 1997 pour que soient signés deux grands accords concernant le partage de la flotte de la mer Noire et  la location jusqu'à 2017 du port militaire de Sébastopol, ainsi que le traité russo-ukrainien d'amitié et de coopération... qui comportait la reconnaissance par la Russie des frontières de l'Ukraine (y compris la Crimée). Le climat s'est détendu. Le 19 septembre 2003, l'Ukraine a signé un accord sur la création d'un espace économique commun entre la Russie, la Biélorussie, l'Ukraine et le Kazakhstan, dans la perspective de la mise en place d'une zone de libreéchange, puis une union douanière. Cependant, une  nouvelle crise a été provoquée par l'initiative russe de la construction d'une digue pour relier les deux pays dans le détroit de Kertch (entre la mer d'Azov et la mer Noire). Aussitôt, la construction a été suspendue, et en décembre 2003, un accord a été signé plaçant le détroit sous juridiction commune. 

Non, l'Ukraine n'a pas exprimé un désir ardent d'entrer dans l'UE dès son indépendance. En réalité, à partir de 1992, la Communauté européenne (CE) a négocié des accords de partenariat et de coopération (APC) avec douze pays de l'ex URSS (Russie, Ukraine, Kazakhstan...). Nombre de ces négociations ont donné lieu à des signatures entre mars 1994 et avril 1996. L'APC avec l'Ukraine a été signé une première fois en mars 1994, l'entrée en vigueur étant prévue en 1996. Retardée, celleci est intervenue en mars 1998, pour une durée de dix ans. Et, dans la foulée, en juin 1998, Koutchma, a signé un décret relatif à la stratégie d'intégration de l'Ukraine à l'UE. En juillet 1999, un accord de coopération sur la sécurité nucléaire a été signé avec EURATOM (3). En 2003-2004, notamment en vue de futurs élargissements, l'UE a défini une « politique de voisinage»  avec seize pays, qui concernait aussi l'Ukraine. 

En Ukraine, l'OTAN est comme chez elle et n'hésite pas à s'immiscer dans les affaires politiques du pays. Les USA aussi, d'ailleurs. Dès 1995, comme d'autres états de l'ex URSS, l'Ukraine a été approchée pour participer à un Programme appelé « Partenariat pour la paix »  (PPP). Deux ans plus tard, le 9 juillet 1997, une charte de partenariat spécifique entre l'OTAN et l'Ukraine a été adoptée. La commission OTAN-Ukraine en est issue. Depuis, des exercices militaires ont été pratiqués à plusieurs reprises en Ukraine, en Crimée, notamment, sous l'égide du PPP (4).  

Après la Révolution Orange, cinq ans d'instabilité politique et de crises

À l'approche des élections présidentielles de 2004, les partis « d'opposition »  de Viktor Iouchtchenko et de Ioulia Timochenko, appuyés par les « Occidentaux», se sont alliés  pour affronter le dernier Premier ministre du président Koutchma, Viktor Ianoukovitch, soutenu par la Russie. La campagne a été particulièrement rude et marquée par des violences. Le candidat Iouchtchenko a été défiguré à la suite d'un empoisonnement à l'acide resté inexpliqué. 

Le 31 octobre, au premier tour, Iouchtchenko a devancé Ianoukovitch d'un cheveu (39,9 % contre 39,2 %). Au contraire, au deuxième tour, le 21 novembre, Ianoukovitch est arrivé en tête (49,4 % contre 46,6 %), grâce à des fraudes qualifiées de massives dans l'est du pays. Le résultat a été contesté. Une vaste manifestation pacifique de protestation (des centaines de milliers de personnes) a eu lieu le 23 novembre sur la place de l'Indépendance. Le 24, l'UE et l'OTAN se sont prononcés pour la révision du scrutin (1). Les USA ont emboité le pas. Non-ingérence, quand tu nous tiens ! La « Révolution orange »  a pris de l'ampleur et a duré deux semaines à Kiev et en province. Elle est arrivée en force sur nos écrans de télévision, avec l'hyperactive égérie blonde et nattée de la Révolution, Ioula Timochenko, ex vice premier ministre en charge de  l'Énergie. Celle-ci avait débuté dans les  affaires (location de vidéos) en 1988, puis avait très vite prospéré dans la distribution du gaz (5) et possédait déjà 7,5 milliards d'euros en 1996.  

Finalement, la Cour suprême d'Ukraine a décidé de la tenue d'un troisième tour. Le 26 décembre 2004, sous haute surveillance internationale, Iouchtchenko l'a emporté avec 51,9 % des voix, contre 44,2 % pour Ianoukovitch.  

Le 23 janvier 2005, Viktor Iouchtchenko a été investi président. Le lendemain, son associée Ioulia Timochenko a été élue premier ministre. Mais le mouvement « orange »  était hétérogène et son unité n'a pas duré. Un des premiers accrocs a porté sur les « reprivatisations »  d'entreprises acquises à bas prix sous Koutchma. Le Gouvernement de Ioulia en réclamait 3 000, tandis que le président n'en désirait que quelques dizaines. Ioulia a aussi reproché à Viktor de s'entourer d'oligarques corrompus, tels Petro Porochenko, « le roi du chocolat », qu'il a nommé à la tête du Conseil national de sécurité. La lutte entre clans rivaux s'est envenimée, paralysant l'action du Gouvernement. 

Timochenko a été remerciée le 8 septembre 2005. Pour faire accepter Iouri Iekhanourov au poste de premier ministre, le président a dû faire des concessions à Ianoukovitch et à son Parti des régions. Il leur a confié la direction spéciale sur la privatisation et la lutte contre la corruption. Une telle volte-face ne pouvait pas passer inaperçue. 

Aux élections législatives de mars 2006, le Parti des régions est arrivé en tête, avec 32,1 % des votes, devant le Bloc Ioulia Tymochenko (BIOUT), avec 22,2 % des suffrages. Notre Ukraine, le parti du président n'en a obtenu que 13,9 %. Après l'éclatement d'une coalition orange et le rapprochement entre le Parti des régions, le Parti socialiste et le Parti communiste, Viktor Ianoukovitch a été élu premier ministre par la Rada et est entré en fonction le 4 août 2006. Une « cohabitation »  de plus, qui a peu duré. En effet, une nouvelle crise gouvernementale a éclaté dès le début de 2007. Et en avril, le président a dissous la Rada. Aux élections législatives anticipées du 30 septembre 2007, le Parti des régions est encore arrivé premier, avec 34,3 % des votes, talonné par le BIOUT à 30,7 %, devant le parti du président, Notre Ukraine, à 14,1 %. Après des tractations, ces derniers partis se sont coalisés et Timochenko est redevenue premier ministre le 18 juillet 2007. À partir de mai 2008, le président Iouchtchenko et son premier ministre sont de nouveau entrés en guerre... pendant la grande crise financière que nous avons connue. 

Minée par la déroute économique et les dissensions politiques, la fin du mandat du président Iouchtchenko, « assisté »  de son premier ministre Timochenko, a tourné à la débandade. Depuis le début de l'année 2009, les destitutions et les démissions se sont succédées. Ainsi, le ministre des Finances, le ministre de l'Intérieur et le chef de l'Administration présidentielle ont démissionné, le ministre des Affaires étrangères a été démis par la Rada, le ministre de la défense a été limogé pour corruption et malversations (1). Plusieurs membres de l'équipe Timochenko ont aussi été accusés d'être impliqués dans des affaires de pédophilie et de viol. Enfin, une épidémie de grippe A/H1N1 a sévi en novembre, et a aussi semé la zizanie dans la campagne pour les présidentielles de 2010. 

Les conflits gaziers avec la Russie ont repris à la fin de l'année 2005. Moscou a voulu multiplier par cinq le tarif du gaz. Kiev a refusé. Les livraisons de gaz ont alors été arrêtées quelques jours. Un accord est intervenu le 4 janvier 2006. Le prix du gaz n'a été que doublé, contre la reconnaissance de la Russie comme fournisseur exclusif.  

Un nouveau bras de fer, portant sur le prix du gaz et sur les arriérés de paiement,  a eu lieu en 2009. Le 1er janvier, la Russie a suspendu ses livraisons à l'Ukraine, et le 7 janvier, elle a stoppé le transit vers les pays d'Europe, accusant l'Ukraine de siphonner le gaz qui leur était destiné. Les pays de l'Europe de l'est en ont souffert jusqu'au 20 janvier. L'accord signé ce jour-là a aligné, à partir de 2010, le prix du gaz fourni à l'Ukraine sur les tarifs européens. Il a alors doublé le prix du gaz pour l'Ukraine, mettant fin à une réduction tarifaire importante de longue durée. 

L'hostilité de Iouchtchenko envers la Russie lors de la guerre de Géorgie en 2008  a provoqué une crise au sein de l'exécutif et conduit à la formation d'une nouvelle coalition gouvernementale incluant le petit Parti libéral.  

À l'occasion de ces événements de Géorgie, l'UE a avancé ses pions en Ukraine et, en septembre 2008, a proposé à celle-ci de signer un accord d'association venant en remplacement de l'APC de 1998.

Après le succès de sa coalition aux législatives de 2007, Iouchtchenko a relancé le projet d'adhésion à l'OTAN, contre la volonté de la majorité de la population.  Sa seconde épouse, Kateryna Tchoumatchenko, née à Chicago, avait été fonctionnaire au département d'État américain. Et, selon l'ancien secrétaire administratif du président, elle avait dirigé la campagne de son mari pour l'élection présidentielle de 2005. Le rapprochement n'a pas manqué d'être fait.

 

Les quatre années Ianoukovitch :  un écartèlement fatal entre la Russie et l'UE

Les élections présidentielles de janvier et février 2010 se sont déroulées sous la haute surveillance internationale de l'OSCE et de l'UE, qui ont pu valider la victoire de Viktor Ianoukovitch, avec 48,9 % des voix contre 45,4 % à sa rivale Timochenko, premier ministre... qui a refusé de démissionner. Une motion de censure votée contre son Gouvernement l'a alors obligée à quitter son poste le 4 mars. Sept jours plus tard, Mykola Azarov a été investi premier ministre... et l'est resté pendant plus de trois ans, jusqu'à la  « révolte »  de la place Maïdan. 

Ianoukovitch a été accusé de faire reculer la démocratie par ses adversaires politiques (ukrainiens et étrangers) parce qu'il a fait annuler par la Cour suprême, dès le 1er octobre, la « réforme constitutionnelle »  que Iouchtchenko avait fait adopter en 2005, et qui avait accru les pouvoirs de la Rada. Ce retour à un pouvoir présidentiel plus fort a été présenté par son camp comme une garantie de plus de stabilité... qui n'était pas totalement inutile ! 

À partir de mai 2010, dix-huit enquêtes auraient été ouvertes contre des hauts fonctionnaires du Gouvernement précédent (6). Certaines ont été suivies d'actions judiciaires. Ioulia Timochenko a été inculpée, accusée d'abus de pouvoir lors de la conclusion de contrats gaziers avec la Russie en 2009 (1). Malgré, les manifestations organisées par ses partisans et les pressions de l'UE et des USA, qui ont qualifié ces actions pénales de « disproportionnées »  et de « politiquement motivées », Timochenko a été jugée et condamnée le 11 octobre 2011 à sept ans de prison.  

Dans les jours suivants, quatre nouvelles enquêtes ont été ouvertes contre elle pour des délits financiers commis entre 1996 et 1998, lorsqu'elle dirigeait l'entreprise de distribution de gaz Systèmes énergétiques unis d'Ukraine (SEUU) à Dniepropetrovsk, qu'elle avait fondée avec Pavel Lazarenko, son « mentor ». Ce dernier avait déjà été accusé par  le New York Times, le 9 avril 1997, de corruption à travers la SEUU. En décembre 1998, il avait été arrêté à la frontière franco-suisse pour blanchiment, et libéré contre une caution de 3 millions de dollars. Le 20 février 1999, il avait été arrêté à l'aéroport de New York pour blanchiment, corruption et fraude, et condamné à neuf ans de prison.  

En 2011, Tymochenko a été accusée d'avoir commandité, avec Lazarenko, le meurtre de Evgueni Chtcherban, abattu le  3 novembre 1996 à l'aéroport de Donetsk. « Devenu premier ministre en 1996, Lazarenko  donne à la patronne du groupe SEUU le monopole d'État du marché gazier, après éviction des entreprises concurrentes (ce qui donne lieu à l'affaire Chtcherban). Elle a alors trente-six ans. Sa fortune est devenue colossale...»  (5). Selon l'ex procureur Viktor Pchonka, elle avait manigancé avec Pavlo Lazarenko l'assassinat d'un rival, le député et homme d'affaires Yenhen Chtcherban, en lançant sur sa tête un « contrat »  de 2,8 millions de dollars»  (7). Les deux auteurs « présumés »  de l'assassinat auraient été appréhendés en 2002. L'un d'eux aurait été condamné à la prison à vie en avril 2003. L'autre aurait été exécuté avant d'être jugé (8). En 2011 deux transferts suspects d'argent de la SEUU ont été découverts. Vendredi 18 janvier 2012, le procureur général a confirmé que le dossier contenait des preuves de l'existence de deux virements de la SEUU vers les comptes en banque des deux tueurs. Celui de Lazarenko se serait élevé à 500.000 $ et celui de Timochenko, à 2,3 millions de dollars.  

Lazarenko et Timochenko ont également été soupçonnés d'implication dans deux autres meurtres: en 1996, celui de Alexander Momot, et en 1998, celui de Vadym Hetman, toujours en relation avec les intérêts de la SEUU (9).  

« Réhabilitée »  après Maïdan, elle a brigué la présidence à l'élection du 25 mai 2014 et, après un nouvel échec, elle est redevenue député en septembre 2014. Agée de cinquante-cinq ans, elle n'a pas fini de faire parler d'elle. D'ailleurs, Bruxelles et Washington soutiennent avec une chaude ferveur leur « Icône ». N'aurait-elle pas déclaré le 23 mars 2014 : « Il est temps de prendre les armes et d'aller tuer ces maudits russes ainsi que leur leader»  (10)... et « J'aurais trouvé un moyen de tuer ces connards »  (11).  

Aux élections législatives d'octobre 2012, le parti du président est arrivé en tête avec 30 % des voix (pour 185 sièges sur 450), et son allié, le Parti communiste, a obtenu 13 % des suffrages (pour 32 sièges). Pas loin de la majorité absolue, ensemble. La coalition, conduite par le parti de Timochenko a obtenu 25,5 % des voix et seulement 101 sièges. Ce « déséquilibre »  en faveur du président a été en partie « réduit »  par l'entrée à la Rada de 40 membres du Parti pro-européen du champion de boxe Vitali Klytchko (que nous retrouverons à Maïdan, puis en maire de Kiev en 2014), ainsi que par l'élection de 37 députés du parti nationaliste d'extrême droite « Svoboda ». 43 députés sans étiquette ont aussi été élus. La porte aux marchandages et aux compromis est donc restée entrouverte. 

De la fin de l'ère Ianoukovitch, on retiendra les manifestations ensanglantées « pro-européennes »  de la place Maïdan à Kiev, liées à son refus de signer l'accord d'association avec l'UE lors du sommet de Vilnius des 28 et 29 novembre 2013, comme il avait été prévu. Non sans bonnes raisons, passées sous silence. Il a été renversé par un coup d'État en février 2014 et s'est réfugié en Russie. Peu après, l'accord a été signé en deux temps en 2014. Par un Gouvernement provisoire pour la partie politique, d'abord, puis par le nouveau président Petro Porochenko après son investiture, pour la patrie économique. Cette dernière doit entrer en application au 1er janvier 2016.  

Comment le Gouvernement ukrainien a été  poussé dans les bras de la Russie en fin 2013

Dès le 3 juin 2010, Ianoukovitch avait fait adopter par la Rada, avec 253 voix sur 450, une loi visant à essayer d'intégrer l'espace économique et juridique européen avec l'objectif d'assurer l'adhésion de l'Ukraine à l'UE. Cette même loi décidait le maintien par l'Ukraine d'une politique de non alignement, c'est à dire de nonparticipation à des unions militaro-politiques. En clair, c'était : oui à une coopération constructive avec l'OTAN, non à une adhésion. 

Ianoukovitch désirait rester en bons termes avec la Russie, mais il répétait que l'objectif prioritaire était l'adhésion à l'UE. D'ailleurs, les liens avec Bruxelles s'étaient resserrés depuis 2010. Puis les négociations avaient repris en 2012 et, le 30 mars, l'accord était paraphé. Mais sa signature, qui pouvait avoir lieu lors du sommet de Vilnius en novembre 2013, avait été soumise à des conditions, notamment à « faire respecter l'état de droit et rompre résolument avec des pratiques de ‘’justice sélective’’ », le sort de Ioulia Timochenko semblant alors constituer la principale pierre d'achoppement»  (1). Avec un peu plus de clairvoyance et avec une volonté européenne affirmée de conclure, de « battre le fer quand il est chaud », le cours de l'histoire n'aurait peutêtre pas pris ce tour tragique.   

 « L'union européenne a proposé 20 milliards d'euros à l'Ukraine»  (12) a-t-on pu entendre et lire en décembre 2013. Etant précisé qu'il s'agissait d'une aide prévue pour sept ans, de 2014 à 2020. Faux ! 20 Mds € était le montant d'aide que le premier ministre Azarov avait demandé d'urgence pour signer le traité d'association. Et non celui d'une offre de l'UE. Un autre article avait titré : « L'UE prévoyait 19 milliards d'euros d'aide à l'Ukraine » (13). Il indiquait que l'UE s'était bien gardée de faire monter les enchères par rapport à la Russie et n'avait offert qu'un prêt de 610 millions € en échange de l'acceptation par Kiev d'un programme de réformes conçu par le FMI. Concernant les 19 milliards : « Une source au sein de l'UE a précisé que cette somme, qui était un minimum, n'avait jamais été mentionnée aux responsables ukrainiens lors des négociations préalables à la signature du traité ». « Nous n'entrerons jamais dans le jeu de la compétition ou de l'étalage pour proposer plus d'argent, car notre offre n'est pas une offre d'argent » avait-elle insisté. L'UE aurait donc joué à Colin Maillard avec l'Ukraine! ? Et au poker ! ? 

De mon côté, j'ai regardé le programme de soutien à l'Ukraine, négocié par la Commission (avec les instances de l'UE) en décembre 2013 (14). On est très loin des 20 Mds €. L'enveloppe d'aide indicative de soutien à l'Ukraine était de 11,175 Mds €. Elle comportait deux volets :  1° Une aide de l'UE pour la période 2014-2020 de 3,175 Mds €, dont 1,565 Md de subventions et 1,610 Md de prêts à titre d'assistance macrofinancière (AMF) ; 2° Des engagements financiers pour la période 2014-2016 : de la Banque européenne d'investissement (BEI), pour 3 Mds €, et de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), pour 5 Mds €. 

Le 5 mars 2014, sans doute « réveillés »  par Bruxelles, Le Point, Le Monde, France TV Info (15)... dévoilaient un « scoop » : le plan d'aide de l'Europe. Pour le premier, c'était même : « Abracadabra, l'UE débloque 11 milliards d'euros ». Qui débloquait? L'UE n'avait fait qu'inscrire deux mois plus tôt des montants pour des « déblocages » futurs.   À noter, d'ailleurs, que si la BERD a financé, à doses homéopathiques, un grand nombre de « projets » depuis 1992, l'UE n'a accordé à l'Ukraine  aucune autre aide « significative » jusqu'à 2014... et qu'au 21 avril 2015, à côté d'aides humanitaires instillées au compte-gouttes, les apports de l'UE ont été des prêts au titre de l'AMF du montant total de 1,610 Md €... prévu en décembre 2013. La BEI et la BERD attendent peut-être les privatisations à venir. 

Quant au FMI, qui était censé compléter les aides de l'UE, il a prodigué ses recommandations dès le début des années 1990, il a ouvert des « facilités » (lignes de crédit) soumises à conditions dont l'Ukraine a « bénéficié » par à- coups, notamment à la suite de la grande crise de 2008. 

Mais à partir de 2010, ses aides ont été suspendues.  Sachant cela, et vu la situation précaire des finances du pays, on peut mieux comprendre pourquoi le président Ianoukovitch a accepté la proposition, ferme et sans conditions, de soutien de la Russie à hauteur de 15 milliards de dollars de prêts, dont une première tranche de 3 Mds $ a été versée aussitôt, ainsi qu'une réduction d'un tiers du prix du gaz... contre le refus par l'Ukraine de signer dès le 29 novembre 2013 l'accord d'association avec l'UE. 

Des changements de régime aux suites « abruptes »

Après 22 ans d'indépendance, de gouvernance « oligarchique » et de « libéralisation », le produit intérieur brut (PIB) était en 2013 de 39 % inférieur à celui de l'année 1990. Avec le nouveau régime et la guerre, le PIB aura encore perdu 15 % entre 2013 et 2015, la dette publique aura « explosé », montant de 40 % à 94 % du PIB et s'ajoutant à une dette privée géante. Quelles que soient les issues militaires et politiques intérieures ainsi qu'internationales du conflit en cours, pour le pays dévasté et pour longtemps divisé, il sera extrêmement difficile de se relever. 

Aujourd'hui, ruinée, l'Ukraine est à la merci des « aides » du FMI, de l'UE ainsi que « d'investisseurs » dont la vocation première n'est pas de faire la charité. Les prêts sont injectés avec parcimonie car les réformes patinent. Les habitants ont déjà beaucoup souffert de privations. Ils sont désemparés dans les régions de l'Est rebelle assiégées. Pour restructurer sa dette extérieure, l'Ukraine est priée de lancer un vaste programme de privatisations, au risque de céder à bas prix des infrastructures et des entreprises stratégiques à  des oligarques et des fonds étrangers.  

Pour maintes raisons, l'UE n'est pas en capacité « d'absorber » l'Ukraine et de lui apporter un soutien assez conséquent pour la sortir d'affaire. La « crise grecque » devrait nous ouvrir grand les yeux. Il faut cesser les hypocrisies et les faux semblants. L'UE convoite l'Ukraine surtout parce qu'elle cherche toujours à grossir davantage. Et elle aide l'OTAN à s'installer aux portes du sud-est de la Russie. Par le pays transite aussi une part importante du gaz russe livré à l'Europe. L'Ukraine est  vue comme un marché (sans doute très surestimé) pour « nos » multinationales, ainsi qu'un réservoir de ressources naturelles à exploiter, et de main-d'œuvre qualifiée bon marché. 

Pour la première fois depuis l'indépendance, un gouvernement est entré en guerre contre une partie des Ukrainiens. Des clans d'oligarques rivaux ont remplacé les précédents au pouvoir. Et les mêmes maux, corruption, abus de pouvoir, népotisme, violences... sévissent avec plus d'intensité. Comme de nombreux observateurs, l'UE et le FMI en ont pris conscience. Bien tard ! Leurs principaux interlocuteurs font partie des oligarques en cause, et les experts n'ont pas trouvé comment « aider » les Ukrainiens à s'en débarrasser. Leurs instruments usuels ne sont pas prévus pour. Une révolution de plus, alors, pour sauver l'Ukraine ? Méfiance! La « Révolution orange » avait été vite détournée de buts initiaux analogues. Et, pour des analystes, Maïdan a été une réplique de cette éruption de 2004.

2 - Sombre bilan économique des vingt-deux premières années d'indépendance

Grande vulnérabilité: trop forte dépendance extérieure... et autosuffisance négligée 

Parmi les caractéristiques de l'organisation économique de l'URSS figuraient  les « spécialisations » des républiques ou des régions, selon leurs « vocations », et leur interdépendance contrôlée par Moscou. Les productions et les échanges entre les RSS devaient assure l'autosuffisance de l'Union, limitant au minimum le commerce extra URSS. La fixation de prix « attractifs » (inférieurs aux prix mondiaux) « aidait » les pays importateurs. En échange de bons procédés. Ainsi, l'Ukraine, grenier de l'URSS et pourvoyeur de fer, d'acier et de produits sidérurgiques, de charbon et de coke, vendait ces produits à d'autres RSS à des « prix d'amis ». En retour, les produits énergétiques (gaz et produits

pétroliers) dont elle avait grand besoin, étaient fournis à des prix de l'ordre du tiers des prix mondiaux en 1990 (16) par les républiques de Russie et du Turkménistan principalement, subventionnant ainsi l'économie ukrainienne.  

À l'indépendance,  la recherche de nouveaux fournisseurs et d'autres clients a été compliquée par la vétusté et/ou la faible productivité de nombre d'installations industrielles. Aussi, évaluées en dollar US constant, les exportations de biens et de services ont chuté de – 61 % entre 1990 et 1993 et les importations se sont effondrées de – 74 % (17). 

Ensuite, les exportations n'ont progressé qu'entre 1999 à 2003, reculant ensuite à nouveau pour se situer en 2013 à – 39 %  du niveau de 1990. Malgré l'évolution favorable des cours mondiaux des produits ukrainiens depuis 1999. Le volume des importations n'a commencé à remonter, lui aussi, qu'en 1999, jusqu'en 2006. Puis, il est descendu pour se trouver en 2013 à – 39 % de son niveau de 1990.  

Après un quart de siècle, l'Ukraine est restée très tributaire de l'extérieur. En 2013, les exportations ont représenté 47 % du PIB et les importations, 55 %, proportions très inhabituelles pour un pays de plus de 40 millions d'habitants. Par contre, elle a radicalement changé de clients et de fournisseurs, délaissant la Russie et les pays de la Communauté des états indépendants (CEI, constituée d'états de l'ex URSS).  

En 1990, plus de 80 % des exports allaient dans la CEI, et plus de 90 % des imports en provenaient (16). Sur la période 2008-2013, ces chiffres étaient descendus entre 35 % et 39 % pour les exports et avoisinaient les 40 % pour les imports (18). Quant à l'UE, ses parts sont d'environ un quart des exportations et un tiers des importations de l'Ukraine. 

Les gouvernants, conseillés par la BM, le FMI et l'UE, n'ont pas cherché à réduire cette dépendance excessive et à  promouvoir l'autosuffisance et les industries de substitution aux importations. Pourquoi ? Difficile à comprendre.  

Déficit aggravé de la balance extérieure et amenuisement des réserves de change

Très tributaire des cours mondiaux, la balance commerciale  a été positive en 1991-1992, a connu un léger déficit jusqu'en 1998. Puis, elle est montée jusqu'à + 4,9 Mds $ en 2004, a plongé jusqu'à - 14,4 Mds $ en 2008, (année de l'adhésion à l'OMC). En fin de période elle a varié entre - 10 Mds $ et -15 Mds $ de 2011 à 2013. Le déficit de la balance des transactions courantes (qui comprend aussi les revenus), lui, a été de - 16,5 % du PIB en 2013.  

Presque nulles jusqu'en 2000, des réserves de change, avaient été patiemment constituées, atteignant 34,6 Mds en 2010. Elles se sont ensuite réduites à 20,4 Mds $ en 2013, représentant moins de trois mois d'importations.   

Hyperinflation, dépréciation abyssale de la monnaie, taux d'intérêt erratiques

L'inflation des prix à la consommation retenue par la Banque mondiale, à trois chiffres jusqu'à 2016, a peu de signification. Après, les taux, à deux chiffres, ont pu être jugés « raisonnables » par des organisations internationales. Au total, de 1997 à 2013, les prix ont été multipliés par un peu plus de 6. Tout de même ! 

En 1992, l'Ukraine a abandonné le rouble soviétique et émis le « karbovanets » (UAK). La pénurie généralisée et la « méfiance » ont fait exploser les prix.  Le 2 septembre 1996,  une nouvelle monnaie est née, la « hryvnia » (UAH), au cours de 1 UAH = 100 000 UAK. Entre le 15 septembre 1996 et fin 2008, rapportée à l'euro, elle a perdu – 84 % de sa valeur. Le système bancaire n'a survécu en 2008 que grâce à « l'aide » d'institutions financières étrangères et internationales. Relativement stable ensuite, la hryvnia s'échangeait à 11,185 hryvnia pour 1 euro en fin novembre 2013 (19).  

De 1993 à 1995, le taux d'intérêt moyen réel (tenant compte de l'inflation) a été anormalement négatif, successivement de – 92 %, de – 67 % et – 57 %. Avec la « consolidation » monétaire de 1996, il est monté en flèche à près de + 38 % en 1998. Ensuite, il est descendu par àcoups jusqu'à 2004 pour redevenir négatif ou proche de zéro jusqu'en 2011. En 2013, il était remonté au niveau prohibitif de + 15,3 % (20).  

Le PIB de l'Ukraine  a d'abord chuté de – 58 % jusqu'en 1999 et a perdu – 29 % en vingt-trois ans

En dix ans, de 1990 à 1999, le PIB de l'Ukraine a chuté de – 58 %. La production d'acier a baissé de 41,8 millions de tonnes en 1992 à 22,3 Mi T en 1996, et celle de charbon, de 69 Mi tonnes équivalent pétrole (TEP) à 37 Mi TEP. Les productions de blé et de maïs se sont aussi effondrées. La 

consommation d'énergie s'est écroulée de 250 Mi TEP en 1990-1991 à 134 000 en 2000.  Elle a été de 140 Mi TEP en 2013... et son coût est un problème majeur de l'Ukraine. 

À partir de l'an 2000, le PIB est remonté  jusqu'en 2008, de + 82 % (21).  Ce « miracle » est venu des  très fortes hausses des cours mondiaux des grands produits ukrainiens. En dollars, ils ont été multipliés par plus de deux pour le blé et le maïs, par plus de quatre pour l'acier et par plus cinq pour le charbon. 

La crise internationale de l'automne 2008  a fait des ravages et provoqué une forte baisse en 2009. Le PIB a un peu crû ensuite pour se trouver en 2013 à 71 % son niveau de 1990. En 23 ans le PIB de l'Ukraine a perdu – 29 % et a été évalué à près de 180 Mds $ en 2013. Le PIB / habitant était alors de 3 880 $, seulement ! 

Forte désindustrialisation: entre 1991 et 2013, la part de l'industrie dans le PIB  a diminué de 50,5 % à 26,2 %.   

Revenus « dopés », consommation dévorante  et épargne réduite à peau de chagrin

Forte désindustrialisation: entre 1991 et 2013, la part de l'industrie dans le PIB  a diminué de 50,5 % à 26,2 %.   

Revenus « dopés », consommation dévorante  et épargne réduite à peau de chagrin

La « Révolution orange » de 2004-2005 a été le point de départ d'une hausse prolongée des revenus plus forte que celle du PIB. Le revenu disponible des ménages, qui représentait 61,4 % du PIB en 2004, est monté à 67, 6 % les deux années suivantes. Il a franchi le palier de 72,5 % en 2009 puis a poursuivi sa montée pour atteindre 83 % en 2013 (18). Les hausses ont profité à la fois aux salaires, qui sont passés de 34 % du PIB en 2004 à 43 % en 2013, et aux prestations sociales (retraites, allocations...) qui ont été relevées de 30,4 % du PIB en 2004 à 40 % en 2013. 

Le taux marginal d'imposition a été abaissé de 40 % à 13 % en 2004, puis très peu augmenté (22). L'emprunt a aussi été facilité, sinon encouragé, par le maintien d'un taux d'intérêt réel négatif puis très faible. 

La consommation des ménages a crû beaucoup plus que le PIB, passant de 64,2 % de celui-ci en 2004 à 89 % en 2013, et la consommation finale totale a dévoré 92 % du PIB. L'épargne brute nationale est descendue de 28 % du PIB en 2004, à 11 % en 2012 et à 7,2 % en 2013. La dépendance envers l'extérieur s'est aggravée. Cette politique, « laxiste » aux yeux du FMI, a impacté les comptes publics et a motivé les exigences de « rigueur » du FMI et de l'UE. 

Investissement très fluctuant  et participation étrangère prudente

Un gros effort d'investissement a été fourni au cours des cinq premières années d'indépendance. La formation brute de capital fixe (FBCF) a alors été proche de 32 % du PIB. Puis, ce ratio a fluctué autour de 21 % de 1996 à 2004. Il a ensuite bondi jusqu'à 28 % en 2008 avant de s'effondrer  et de se situer à 18 % en 2013, soit à 32,2 Mds $ (17). 

Jusqu'en 2005, les investisseurs extérieurs ont peu participé aux privatisations et se sont  peu engagés en Ukraine. Les investissements direct étrangers (IDE) annuels nets n'ont été que de 1,7 Md $ en 2004. Ils sont montés ensuite et ont fluctué de 2005 à 2012, s'élevant en moyenne à 7,6 Mds $ par an. En 2013, ils ont chuté à 4,5 Mds $ (17).   

Mainmise étrangère sur les meilleures terres agricoles

En Ukraine, la surface agricole utile s'étend sur 60 % du territoire, soit sur 32 millions d'hectares (Mi ha). Et la qualité de la terre est renommée. Aussi, les terres agricoles ont elles vite été les cibles d'investisseurs étrangers. En 2012-2013, la Chine, qui a d'énormes besoins alimentaires, a conclu avec l'État un contrat de location pour cinquante ans de près de 3 Mi ha de terres agricoles (culture et élevage) (23). Depuis, les acquisitions par des multinationales, des agro-holdings se poursuivent, poussées par la Banque mondiale et le FMI. Ces sociétés contrôlent déjà 20 % des meilleures terres. 1,6 Mi ha sont passés sous contrôle des géants américains Monsanto, Cargill et DuPont (24). Ce « landgrabing » (accaparement des terres) inquiète car il ampute les capacités ukrainiennes de développement.  

Privatisations : braderies, magouilles  et enrichissement d'oligarques proches du pouvoir

Dans l'industrie et les services, les privatisations ont donné lieu à des magouilles parfois géantes. Telle l'acquisition en 2004, sous Koutchma, de Krivorijstal, première entreprise sidérurgique du pays (56.000 personnes, 7 millions de tonnes d'acier), par Victor Pintchouk, gendre du président, associé à Rinat Akhmetov (autre oligarque) pour 800.000 $. Vente annulée par le Gouvernement « orange»  en 2005. Enchères et achat par l'Indien Mittal pour 4,8 Mds $ (25).

Des statistiques ukrainiennes ressortent deux vagues de privatisations. Les produits de la vague la plus forte, en 2004 et en 2005 (sous les présidences de Koutchma et de Iouchtchenko), ont atteint respectivement 6,6 % et 10,8 % des montants des  dépenses publiques de ces années. Nettement plus modestes, les apports de celles de 2011 et 2012 (sous la présidence de Ianoukovitch) ont été de 1,9 % et de 1% des montants des dépenses publiques.   

Dépenses publiques en hausse  et déficit budgétaire persistant

La Révolution orange a aussi initié une vive croissance des dépenses publiques, qui sont montées de 37,5 % du PIB en 2003, à 40,1 % en 2004 et jusqu' à 49,1 %  en 2010. Elles représentaient 48,1 % du PIB en 2013 (18).  

Le déficit public a atteint - 5,9 % du PIB en 2009 et - 6,7 % en 2010. Il s'est établi à - 4,3% du PIB en 2013.  

Dette publique : pas alarmante jusqu'en 2013 

En 1999, la dette publique était proche de 60 % du PIB. Elle a pu être réduite jusqu'à 12 % du PIB en 2007. Lors de la crise, elle a bondi à 35 % en 2009, puis à 40,5 % en 2010. Elle était de  73 Mds $ en fin 2013 (26), soit de 40,6 % du PIB. Rien d'effrayant jusque-là... même si les capacités de remboursement étaient limitées.  

La dette publique extérieure a crû de 9,1 %  du PIB en 2008 à 16,8 % en 2010. Elle était à 15,2 % du PIB à fin 2013, soit à 27,3 Mds $ (18). Ce montant reflétait le peu de crédit  accordé à l'emprunteur public ukrainien à l'étranger.

Bien qu'omniprésent, le FMI a peu prêté à l'Ukraine depuis la  première « facilité v» accordée en 1994. La dette envers le FMI était seulement de 2,5 Mds $ en 2007. Elle est montée à 6,7 Mds en 2008, à 13 Mds en 2009 et, au plus haut, à 16,3 Mds en 2010. La  facilité alors signée a été suspendue en 2011 faute de réalisation des conditions exigées, dont la majoration de l'âge de la retraite: de 55 à 60 ans pour les hommes et de 60 à 62 ans pour les femmes, à raison de + 6 mois par an à partir de 2012. Il faut dire que l'espérance de vie à la naissance des hommes était de 62 ans, et celle des femmes, de 74 ans.  La dette envers le FMI s'est donc allégée et n'était que de 7,2 Mds $ en fin 2013.  

Pendant des années, l'Ukraine a reçu des prêts de la Banque mondiale. À fin 2013, elle lui devait 3,3 Mds $.  

Un problème inquiétant : l'endettement privé

La « financiarisation » de l'économie a avancé à pas de géant en Ukraine. Les entreprises ont pris goût à l'emprunt, d'abord auprès du système bancaire local. En 2000, le crédit intérieur dû par le secteur privé n'était que de 11,2 Mds $. Il a grimpé jusqu'à 58,2 Mds en 2007, puis au plafond de 90,6 Mds en 2010. Il était de 73,5 Mds $ à fin 2013. 

Le recours au crédit extérieur s'est réveillé plus tard. En 2004, le stock de dette extérieure privée et non garantie par l'État a passé le seuil de 7 Mds $. Puis il a crû à toute allure jusqu'à 61,1 Mds en 2011 et à 72,8  Mds à fin 2013.  

Ensemble, ces dettes du privé et non garanties par l'État se sont élevées à 146,3 Mds $, soit à plus de 81% du PIB.

Autres problèmes majeurs: dépeuplement, nucléaire à haut risque, pollution

Dépeuplement de l'Ukraine depuis l'indépendance 

À l'ère soviétique, la population de la RSS d'Ukraine avait crû de 42,7 millions d'habitants en 1960 à 52 Mi en 1991. Elle n'a cessé  de baisser depuis 1993 et est descendue à 45,4 Mi en 2014.  

Le taux de fécondité, qui fluctuait autour de dux enfants par femme jusqu'en 1988, a ensuite chuté jusqu'à 1,08 en 2001 pour remonter ensuite lentement jusqu'à 1,51 en 2013. Le nombre de naissances, qui était de 657.000 en 1990 est tombé jusqu'à 376.500 en 2001 puis a passé les 500.000 au cours des années 2010 à 2013 (27). Pour redonner du souffle à la natalité (et à l'économie), le Gouvernement avait décidé de verser des primes à la naissance en 2005.  

D'importants mouvements des populations ont eu lieu entre 2001 et 2014. À l'exception de Kiev, dont la population a cru de + 9,9 %, les populations de toutes les oblasts ont diminué, mais dans des proportions variables. Les plus fortes baisses ont touché les oblasts de Louhansk, - 21,2 %, de Tchernihiv (cf. Tchernobyl), - 13,5 %, de Soumy, - 12,8 %, de Kirovohrad, - 12,2 %, de Poltava, - 10,5 %, et de Donetsk, - 10,3 %... des oblasts du nord et de l'est du Dniepr où les proportions  des « populations se réclamant de la nationalité russe » sont parmi les plus élevées.

 

Avec la guerre, à fin juillet 2015, l'Ukraine a perdu 1,3 million de personnes « déplacées » ayant fui à l'étranger (28).   

Participations inégales des régions  à la création de la richesse nationale

En 2013, Kiev et son oblast ont contribué à hauteur de 25 % au PIB de l'Ukraine. Une part prédominante des activités tertiaires (administrations comprises) y est concentrée.   

La période 2004-2013 a vu faiblir la part du PIB des dix oblasts de l'Est et du Sud, qui est descendue de 48,7 % à 45,5 %, mais qui était restée prédominante dans la production des ressources du pays. Avec 48 % des emplois industriels, les cinq oblasts les plus à l'est ont fourni 33,6 % du PIB de l'Ukraine en 2013.  À elles seules, les régions séparatistes de Donetsk et de Louhansk ont apporté 14,4 % du PIB et 23 % des emplois industriels. Ces régions ont le plus souffert de la désindustrialisation, qui a été liée au desserrement des liens économiques avec la Russie. 

La part des quinze oblasts de l'Ouest et du Centre aux vocations agricoles ont contribué à hauteur de 34 % à l'emploi industriel  et de 29,5 % au PIB en 2013 (29). 

Toujours en 2013, le Revenu disponible moyen par habitant était de loin le plus élevé à Kiev, 300 euros par mois. Suivaient ceux du Donetsk, 170 €, de Dniepropetrovsk, 165 €, de Zaporojie, 155 €, de l'oblast de Kiev, 150 €. Les niveaux les plus faibles, 100 €, 105 €, 110 € et 115 €, se trouvaient dans 6 des régions les plus à l'ouest. Une « disparité » socioéconomique supplémentaire entre l'Est et l'Ouest.  

Quinze réacteurs nucléaires à haut risque...  et deux de plus d'ici peu

Quelques mots de Tchernobyl d'abord. Juste de quoi nous donner froid dans le dos. Au moment de la catastrophe du 26 avril 1986, la centrale comptait quatre réacteurs nucléaires en activité; la construction en cours de deux de plus a aussitôt été stoppée. Avec d'énormes difficultés, le réacteur n° 4 détruit et à jamais irradié, a été placé sous sarcophage. Les trois autres ont été arrêtés... temporairement. Car après un « nettoyage » du site contaminé par les radiations, ils ont repris du service à la fin 1986. Suite à un accident nucléaire en octobre 1991, le réacteur n° 2 a été réparé, mais n'a pas redémarré. Le réacteur n° 1 a été arrêté en 1996 et le n° 3 en décembre 2000 (30). De 1986 à 2000, tandis que les villes de Tchernobyl et de Pripiat étaient des villes fantômes, jusqu'à 9.000 personnes ont travaillé à la centrale ! Aujourd'hui, à l'arrêt, elle mobilise 3.000 employés pour sa surveillance. Et des populations vivent encore à proximité, souffrent de graves pathologies et devraient faire l'objet de mesures d'éloignement.

 À la suite d'une inspection, la construction en Crimée centrale, commencée en 1972, a été arrêtée en 1986.  

Aujourd'hui, 15 réacteurs nucléaires sont en service dans 4 centrales électriques. Celle de Zaporojie, au sud-est, sur le Dniepr, avec 6 réacteurs d'une puissance de 950 Mégawatts (MW), est la plus grande d'Europe. Non loin d'elle, au centre-sud, se trouve la centrale de Konstantinovka avec 3 réacteurs de même puissance. À l'ouest et un peu au sud de Kiev, il y a la centrale de Khmelnitskyi avec 2 réacteurs, de 950 MW également. Au nord-ouest, la centrale de Rivne exploite 4 réacteurs, dont les 2 plus anciens, de 381 et 376 MW. Leur construction a commencé en 1973 et ils ont été mis en service en 1981 et 1982. S'y trouve aussi le plus récent réacteur: début de construction en août 1986, mise en service en avril 2006, puissance 950 MW (31). Au total la puissance nette installée est de 13 100 MW. 

Ces centrales produisent presque la moitié de l'électricité nationale (46 % en 2012). La dépendance au nucléaire devrait augmenter puisque la livraison de réacteurs Khmelnytskyï 3 et 4 est programmée pour 2015 et 2016. 

 

Un risque majeur d'insécurité pèse, dû à la vulnérabilité d'installations vieillissantes et tributaires de la Russie pour l'approvisionnement en combustible nucléaire ainsi que pour les composants des réacteurs (32). Des faiblesses de la conception ont été pointées par des experts internationaux: pour les réacteurs les plus anciens, « une protection médiocre contre les incendies et les inondations internes »; pour les plus récents, des insuffisances des moyens de refroidissement pouvant être « préoccupantes » en cas d'accident ou d'utilisation maximum des capacités du parc. 

Pour diversifier les fournisseurs, des essais d'assemblages d'uranium enrichi de la société américaine Westinghouse ont eu lieu depuis 2008. Ils ont été jugés « infructueux » : spécifications occidentales trop différentes des assemblages destinés aux réacteurs soviétiques. Retour au fournisseur russe, donc, au moins pour 2015 et 2016.

La durée d'exploitation initialement prévue des réacteurs était de trente ans. Or la plupart d'entre eux datent des années 1980. Qu'à cela ne tienne, le nouveau Gouvernement a décidé de prolonger de vingt ans leurs durées de vie. Il joue avec le feu, et aussi avec le risque nucléaire. Les peuples de l'UE ne doivent pas l'ignorer. 

Peu en harmonie avec le goût européen pour les énergies propres et renouvelables, l'électricité ukrainienne provenait pour plus de 42 % de centrales thermiques au charbon... jusqu'en 2013. La production de charbon était alors de 90 millions de tonnes (Mi T) pour une consommation intérieure de 60 Mi T. Mais, la guerre a changé le tableau. Bombardées, coupées des réseaux de transports, ruinées, à la fin 2014, 69 des 93 mines du Donbass étaient à l'arrêt. Conséquence : un déficit de 5 Mi T et la nécessité, lors de l'hiver, d'importer du charbon... venant de Russie.  

Situation humanitaire et écologique  à faire dresser les cheveux sur la tête

« Non à l'aide militaire à l'Ukraine, oui à l'aide économique d'urgence », titrait un article récent (33), citant un rapport de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) montrant l'état déplorable du pays. 

Environ 2,5 millions de tonnes d'armes de munitions et de déchets militaires sont enfouis dans des décharges et des dépôts de stockage de résidus radioactifs, dont 5 % à 10 % « exigeraient des réparations majeures ». 

Le territoire est une vaste poubelle en déshérence de déchets ménagers. Près de 5 milliards de m3 sont stockés dans 750 décharges, légales ou non, très remplies ou surchargées. La plupart ne répondent pas aux normes sanitaires et se situent à proximité d'habitations.  

Et les Ukrainiens « produisent » trois fois plus de déchets ménagers que nous. Le tri sélectif est ignoré. Les procédés de recyclage n'ont pas évolué depuis plus de dix ans. 

La région de Donetsk, était déjà dans une situation déplorable avant de se trouver « sous les bombes de l'armée ukrainienne ». Une usine d'incinération était prévue. Il n'est plus question maintenant de ce projet coûteux. 

La gestion de l'eau et l'approvisionnement en eau potable sont catastrophiques. L'état des réservoirs d'eau se dégrade. La plupart des fleuves et des rivières d'où provient la majeure partie de l'eau « potable » sont « pollués »  ou « très pollués ». Chaque année, 5,5 millions de m3 d'eaux usées sont rejetées dans les cours d'eau de l'Ukraine - dont 4,2 millions sont contaminées et 2,8 millions sont des effluents (33).  

« Avant de vouloir imposer l'entrée de l'Ukraine dans l'UE et sanctionner la Russie, il faudrait plutôt aider les Ukrainiens à améliorer leur situation écologique » recommande l'auteur de l'article. Qui n'est pas d'accord ?  

Et pour réussir, il est souhaitable que la Russie soit associée aux efforts. 

En bref, un bilan désastreux un an et demi après Maïdan

Une guerre fratricide. Officiellement 6.800 morts à fin juillet (plus de 50.000 selon le renseignement allemand !!?) (34), 12.500 blessés, des répressions sauvages, des destructions massives dont on ne fera pas le compte, 1,415 million de réfugiés (dont 1,281 Mi à l'étranger), dont 913.000 dans les seules oblasts de Donetsk, Lougansk et Kharkiv (28). Des problèmes sanitaires majeurs. Bref, la situation est dramatique, particulièrement dans l'Est. 

Avec « la crise », les indicateurs économiques de l'Ukraine ont viré au rouge, quand ce n'est au noir. Ceux relatifs à 2014 sont « provisoires » et les prévisions pour 2015 empirent de mois en mois. 

En volume (à prix constants) le PIB a perdu - 6,8 % en 2014. Les prévisions (35) sont en fin mai de – 9 % en 2015 (contre – 5 % au mois de mars). Pire, exprimé en dollars courants, le PIB chuterait jusqu'à environ 85 Mds $ en 2015... soit à la moitié de sa valeur de 2012-2013. 

Presque nulle en 2012-2013, l'inflation a repris son vol ravageur : + 12,5 % en 2014 et + 46 % prévus en 2015, « en raison d'un taux de change défavorable et d'une hausse des prix l'énergie (35)... exigée par le FMI ». 

Le 12 juin 2015, la hryvnia avait perdu la moitié de sa valeur de fin 2013, et il fallait 23,72 UAH pour 1 € (4).  

Le déficit budgétaire s'est aggravé, atteignant – 12 % du PIB en 2014; il pourrait dépasser – 9 % en 2015.

Selon des prévisions du FMI de mars, la dette publique, qui était de l'ordre de 40,6 % du PIB en fin 2013, pourrait se monter à 94 % du PIB en fin 2015. 

Plus « encourageant », les importations baissant davantage que les exportations, le déficit de la balance courante avec l'extérieur s'est contracté de - 9,2 % du PIB en 2013 à – 4 % en 2014. Il pourrait encore se réduire en 2015. 

Mais les réserves de change se sont épuisées. Elles étaient de 7,5 Mds $ à fin 2014. 

Vu les « évènements », les investissements directs étrangers n'ont été que de 0,41 Md $ en 2014 (36), et des prévisions avancent 1,1 Md $ en 2015... doutant peut-être de l'imminence des privatisations annoncées.  

En 2014, le crédit intérieur au secteur privé a chuté, et le stock de dette s'est restreint à 61 % du PIB (80 Mds $). Par contre, l'appel au crédit étranger a conduit au doublement du niveau de la dette extérieure privée et non garantie qui a atteint 132 Mds $ (21). Cumulées, ces dettes privées ont dépassé 210 Mds %, soit environ 160 % du PIB ! 

Voilà de quoi faire réfléchir les promoteurs du grossissement tous azimuts de l'UE. Avec les 42 millions d'habitants d'Ukraine, la population de l'UE augmenterait d'un peu plus de 8 %, certes. Mais le PIB de l'UE n'en serait majoré que de 0,5 % ! En effet, le PIB / habitant de l'Ukraine est 16 fois inférieur à celui de l'UE en 2015.  

Vendre les entreprises publiques aux oligarques  et à l'étranger pour sortir du gouffre ? 

Un vaste programme de privatisations a été annoncé en 2014 et actualisé en 2015 de façon à satisfaire aux exigences du FMI en matière de réduction de la dette extérieure de l'Ukraine d'au moins - 15 Mds $, en renégociant avec les créanciers privés la restructuration de la dette obligataire, qui s'élève à 23 Mds $. 

Le Gouvernement a décidé de vendre au moins la moitié des 3.000 entreprises publiques du pays, en commençant par privatiser d'urgence 300 à 350 entreprises en 2015. La liste établie provoque des inquiétudes et de vives protestations. Elle comporte des entreprises uniques telles l'Usine portuaire d'Odessa (OPZ) et l'importante entreprise chimique Soumykhimprom, des compagnies énergétiques de l'est et du sud (Dniepropetrovsk, Zaporojie, Kharkov et Nikolaïev) ainsi que de l'ouest (Khmelnitski et Ternopol), la société Kievenergo, une trentaine de mines dans les régions de Lvov et de Volhynie, à l'ouest, et de Donetsk, à l'est. De nombreuses

entreprises seront aussi privatisées dans l'agroalimentaire, la distribution, les industries mécaniques et d'équipements. Parmi les plus « intéressantes » se trouvent des entreprises stratégiques que la loi interdit normalement de vendre. 

La situation de guerre et de détresse financière dans laquelle se trouve l'Ukraine et le contexte mondial sont jugés particulièrement défavorables à la conduite de telles opérations... à la hussarde, qui plus est. Braderie des bijoux de famille et dépeçage sont redoutés. D'autant que les « repreneurs » comptent des oligarques retords et des fonds d'investissement étrangers rapaces... dont, en premier lieu, des « créanciers privés ». La presse a parlé du fonds américain Franklin Templton qui agirait pour le compte de la famille Rothschild (peut-être avec d'autres investisseurs), et qui se trouverait « en pole position » pour alléger le fardeau de la dette extérieure de l'Ukraine (37).

Sources :  (1)  Une source utilisée ici et dans la suite : Encyclopédie Larousse en ligne, « Ukraine: vie politique depuis 1991 ». (2)  Ukraine, Wikipédia. (3)  Principale source ici : ladocumentationfrancaise.fr.  (4)  voltairenet.org/article 183578.html, 2 mai 2014. (5)  Ioulia Tymochenko, Wikipédia.                                (6)  Wikipédia,  « Poursuites judiciaires contre les partisans de Ioulia Tymochenko »; article documenté, mais contesté. (7)  tempsreel.nouvelobs.com/monde/20130118.REU5357/ioulia-timochenko-accusée-d-unmeurte-en 1996... (8)  Mickaël Senier :  « Ioulia Timochenko accusée de meurtre »,j Juriguide.com, le 23 janvier 2013. (9)  newspepper.su/news/2012/4/7/prosecutor-general-of-ukraine-examines-the-involvment-ofTymoshenko-to- the- three-murders. (10) openews.eu/timochenko... le 25 mars 2014. (11)  Blog médiapart. fr et points-de-vue-alternatifs.com, le 24 mars 2014. (12)  lefigaro.fr/2013/12/18/01003-20131218ARTFIG00602-l-union-européenne... (13)  tempsreel.nouvelobs.com/monde/20131218.REU8779/l-ue-prevoyait-19-milliards... (14)  europa.eu/newsroom/files/pdf/ukraine_fr.pdf. (15) lepoint.fr/monde/ukraine-abracadabra... + lemonde.fr/europe/.../2014/Bruxelles-promet11-milliards... + francetvinfo.fr/ukraine-le-plan. (16)  Banque mondiale, 1992 (402-403). (17)  Banque Mondiale, Indicateurs de développement dans le monde.  (18)  ukrstat.org, Service statistique d'Ukraine. (19)  Banque de France. (20)  Banque Mondiale. (21)  FMI et Banque mondiale : Indicateurs de développement dans le monde (www.google.be/publicdata/. (22)  perspective.usherbroke.ca, Source CATO Institute, Washington. (23)  Courrier International, le 18/03/2014 : «  La Chine contrôle aujourd'hui 5 % des terres agricoles ukrainiennes ». (24)) momagri.org, le 16 mars 2015.  (25)  Wikipédia : Victor Pintchouk + Libération, 15 avril 2005 : « Ukraine: les privatisations troubles refont surface ». (26)  FMI, statistiques de mars 2015. (27)  Démographie de l'Ukraine, Wikipédia +  countryeconomy.com/demography/population/ukraine.  (28)  OCHA Document : ukr displacement_31 July 2015, Creation date : 05/08/2015. (29)  ukrstat.org  et les-crises.fr/ukraine-le-pib/.  (30)  Tchernobyl, Wikipédia.  (31)  Liste des centrales nucléaires d'Ukraine, Wikipédia. (32) «  L'Ukraine, une puissance nucléaire à haut risque » : article sur lemonde.fr, le 03/12/2014. (33)  agoravox.fr/tribune-libre/non-a-l-aide-militaire... (34) Frankfurter Allgmeine : « Ukraine, Sicherheitskreise »: Bis zu 50.000 Tote - Ausland - FAZ, 09/08/15 + rt.com/news/230363-ukraine-real-losses. (35)  Prévisions du FMI du 31 mai 2015, sur leparisien.fr/flash-actualite/ukraine. (36)  CNUCED. (37) « Privatisations en Ukraine : les Rothschild pourraient acheter des sites stratégiques », sur le site sans-langue-de-bois.eklablog.fr + Bloomberg Business pour précisions et détails + Ukraine today sur le site rada.cm.ua.

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