par Louis SABOT
Monsieur le Député, Monsieur le Maire 2,
J'ai constaté que lors du vote de la loi santé sur le tiers
payant généralisé, vous n'étiez pas en séance et n'aviez pas voté, même par
collègue interposé (cf. site internet de l'Assemblée nationale).
Il faut dire que seuls 37 députés ont voté dont 18 de la «
majorité » et 9 de l'opposition et quelques autres. Ce qui est pour le moins
paradoxal pour une loi que le président de votre groupe à l'Assemblée, le
Gouvernement et le Président de la République estiment comme capitale et
fondatrice de l'action sociale du Gouvernement, et considérée comme un marqueur
de la gauche.
Sur ces 37 députés, 20 étaient soi-disant médecins, tant dans
la majorité que dans l'opposition. Les votes étaient bien entendu différents
selon le groupe, pourquoi ? Médecins disions-nous, mais qui ont le temps d'être
députés, alors que la moyenne horaire de travail d'un médecin en exercice est
autour de 70 heures par semaine. De vrais bourreaux de travail ! Nous dirons
qu'ils ont le diplôme de médecin, mais ont cessé d'en avoir la pratique réelle.
Peut-être croyez-vous connaître les médecins en la personne de ceux que vous
côtoyez. Par exemple MM. Aquilino Morelle, Bernard
Kouchner, Philippe Douste-Blazy, Jérôme Cahuzac, et
bien d'autres qui alimentent les chroniques du Canard enchainé ou de Médiapart. Ou de
ceux qui hantent les cabinets ministériels, les commissions d'AMM, les
conseillers des ARS, ou ceux qui conseillent les laboratoires pharmaceutiques,
largement rétribués hors d'un exercice professionnel au contact des patients
(cf. également les derniers numéros de Médiapart).
J'ai entendu dire par notre ministre de la Santé que la loi
faciliterait l'application par les médecins de leur serment d'Hippocrate ! Il
leur faudrait bien sûr, et c'est la prochaine étape, donner leurs soins
gratuitement pour répondre à ce serment. Le Gouvernement va les y aider. Bien
sûr, ces médecins dont la liste est non exhaustive ne recherchent que le
bienfait des patients dans le but de répondre à leur serment. Les économistes
(de la santé) dont notre ministre est issue ne s'embarrassent pas de serments
(selon Charles Pasqua, elles n'engagent que ceux qui les écoutent... et surtout
pas notre Président).
Bien entendu les députés votent pour « leur camp » pas pour
leurs maigres électeurs. Ils suivent l'esprit de leur camp plutôt que leur avis
personnel ou l'avis de leurs électeurs (qui les fuient), ou l'avis des
spécialistes identifiés par leur activité réelle et qui désespèrent Alors s'il
y a une idée pour tous, pourquoi se déplacer ?
Pourtant la loi santé vous « impacte » personnellement comme
on dit dans les rédactions. Et très directement dans votre circonscription des
P. - O.
Les établissements performants, qui furent et restent
innovants, efficaces du point de vue médical, vont partir vers Perpignan.
Bravo. Qu'on ne nous serve pas la conservation des emplois. Les emplois très
qualifiés et rémunérateurs que sont
médecins, infirmières, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, psychologues,
psychomotriciens, assistantes sociales seront pour la plupart remplacés par des
emplois non spécialisés et sous-rémunérés. Ceci ne sera pas sans conséquences
sur la vie culturelle, les flux financiers locaux, les taxes d'habitation et
autres taxes de « votre territoire ». On parle souvent de « fief » ; toujours
dans les rédactions. Vive la République.
Les mouvements sont déjà bien amorcés, l'annonce des
délocalisations à venir ont déjà découragé les professionnels qui ne postulent
pas pour remplacer sur un poste prévu à la délocalisation, ou n'attire que ceux
qui envisagent d'habiter vers le futur site de délocalisation. Seuls des
intérimaires qui ne peuvent avoir les mêmes motivations que ceux qui
s'impliquent pour faire fonctionner une structure vont être intéressés. Ils
feront temporairement la route (beaucoup de professionnels sur la route tous
les jours sont plus coûteux en déplacements que quelques patients tous les un
ou deux mois) puis disparaîtrons de votre circonscription pour la capitale
départementale et à terme vers la capitale régionale, pourquoi pas ? Et tout ça au nom de l'efficience ! De
grandes économies sont attendues…
Alors que l'on sait que dans notre « beau pays » plus il y a
de grosses structures, plus le temps perdu (en réunions, commissions,
administration) est important. Si les
économies étaient si patentes, le budget de la santé serait équilibré depuis
longtemps après plus de trente ans de restructurations et de « réformes ».
Il vaudrait mieux parier sur la responsabilité individuelle,
l'initiative, l'implication soutenue par la pérennité des lois.
Il ne reste qu'une administration pléthorique avec une idée,
une seule, être à la botte des technocrates, l'évolution de la carrière
administrative est à ce prix.
Pour l'État il est plus facile de n'avoir qu'une idée et un
exécutant (héritage de M. Sarkozy), plutôt que des professionnels, des citoyens
qui veulent, certes un peu dans le désordre, faire profiter de leurs
connaissances et expériences.
V o u s p o u r r e z m e d i r e q u e l' a v e n i r d e l a
r é g i o n e s t l e t o u r i s m e ( t a n t q u e l
e s t o u r i s t e s r e s t e n t solvables). Votre ville en est l'exemple.
Mais en décourageant les médecins de terrain, vous
désertifier nos régions. Les médecins installés à demeure se raréfient et sont
remplacés par des temporaires ou vacataires le temps de l'été et qui ne
s'impliquent plus dans leur lieu de
travail (je ne parle plus d'exercice). Ils désertent en hiver la région
laissant les habitants, souvent plus âgés sans recours de proximité.
La motivation des temporaires reste intacte du point de vue
médical (serment assumé) mais ils ne s'impliquent en rien dans la région et son
développement. Adieu impôts locaux. Je connais même des médecins qui exercent
dans les zones abandonnées par l'État mais qui habitent dans les grandes villes
souvent à plusieurs dizaines de kilomètres, et qui font la route
quotidiennement.
Comment veut-on attirer les professionnels de santé lorsque
les administrations, la poste, l'école, les commerces, le travail pour le
conjoint, le divertissement ont disparu ?
La capitale offre tellement plus de possibilités. Et l'on veut inciter les jeunes
professionnels à s'installer dans des lieux en voie de dépeuplement et en
perdition d'activité ! Les médecins doivent se former, avoir des contacts avec
les confrères, avoir un recours pour les urgences, les consultations
spécialisées, etc. Et on recentre tout sur la capitale locale.
Les laboratoires pharmaceutiques (dont Médiapart
parle ces temps, surtout pour leur dérive non cadrées par l'État) ne sont pas
si négligeant que l'Etat, ils font eux de la proximité, car ils délèguent leurs
« délégués médicaux » dans les cabinets médicaux les plus excentrés, pour faire
la promotion de leurs produits et de la formation médicale non dénuée
d'arrière-pensées.
Et l'on accuse ensuite les médecins surchargés de travail de
prescrire à la légère des produits ayant reçu des AMM fantaisistes et parfois
rémunératrices pour ceux qui les donnent, le médecin installé, lui, ne touche
pas de prébendes pour prescrire, mais le mauvais exemple gagne. Il est d'ailleurs
curieux de constater que nos énarques si bornés dans leur exercice public
deviennent si imaginatifs pour diriger des sociétés privées si lucratives pour
eux.
Peut - ê t r e q u e l' État veut - il r é s o u d r e l e s
p r o b l è m e s fi n a n c i e r s d e l a s a n t
é e t l e s p r o b l è m e s d e démographie médicale par la loi sur le tiers
payant ?
En effet rien de plus facile alors de bloquer définitivement
les rémunérations, on ne paiera pas les dépassements et on pourra ne payer au
médecin que le prix de la consultation au niveau que l'on voudra bien fixer. Le
remboursement (?) pourra être suspendu, plus ou moins compliqué ou rapide selon
la compliance des médecins et autres professionnels aux injonctions de la
tutelle.
De même on pourra régler l'installation dans les zones
rurales en accréditant ou non au paiement du tiers payant le professionnel qui
ne répond pas aux attentes administratives. La Haute administration française
est experte en complications en tout genre pour entraver les rebelles.
Mais on ne fera rien pour les apparatchiks du système ou
contre les experts corrompus.
Voulez - vous que la santé soit rapidement
dans l' État de l'éducation nationale dont vous êtes issu ?
Vous devez pourtant bien connaître ce que les dérives
technocratiques en ont fait.
Et l'on se pose maintenant la question de ce qu'il faut
enseigner et comment, du rôle du maitre. Tout cela sans réponses affirmées,
claires, pérennes et assumées.
Le Président, le Premier ministre, affolés
par le résultat de la minute de silence dans certaines classes, voulant
expliquer aux maîtres leur métier sans se remettre en cause eux, et les
politiques erratiques suivies jusqu'à présent.
Je note qu'aucune de nos élites ne s'est proposée pour faire
bénévolement une intervention dans les classes, seul, et en présence du seul
enseignant habituel, sur la citoyenneté, sujet dont elles devraient être les
expertes.
Manque de temps sans
doute !
Voici les réflexions d'un simple citoyen, retraité depuis
cinq ans dans votre belle région dont ma belle-famille est originaire.
Croyez cependant en toute ma considération.
1. Cardiologue retraité, ancien
chef de service d'un établissement PSPH (comparable au Centre Bouffard-Vercelli
et comme lui en voie de délocalisation). Ayant eu une activité libérale dans le
cadre de l'établissement, deux après-midi par semaine plus les urgences
locales. Ayant toujours exercé à ce titre en secteur I, volontairement. Étant
toujours resté un soignant au contact direct des patients (pas des clients). Ayant informatisé l'établissement à temps
perdu il y a plus de 15 ans. Titulaire du DESS Santé et information médicale
(Montpellier) Titulaire du DU de droit de la science
médicale. Ancien vice-président puis secrétaire général du conseil de l'Ordre
départemental de l'Ain. En nocturne souvent. Et ayant eu de nombreuses
activités bénévoles surtout en direction des handicapés moteurs et mentaux le
week-end et en congé surtout.
2. Pierre Aylagas
: de 1998 à 2012, conseiller général des Pyrénées-Orientales (canton
d'Argelès-sur-Mer). Depuis 2001, maire d'Argelès-sur-Mer. De 2001 à 2006,
président de la communauté de communes des Albères (8 communes). Depuis 2007,
président de la communauté de communes
des Albères et de la côte Vermeille (12 communes), issue de la fusion de la
communauté de communes de la côte Vermeille et de la communauté de communes des
Albères. Depuis 2012 : député de la 4e circonscription des Pyrénées-Orientales.