Compte rendu du dîner-débat du 8 avril 2015 présidé par Alain Juillet,

TERRORISME, MÉTHODES D'IDENTIFICATION ET MOYENS DE DÉFENSE

par Christine ALFARGE


« Face à toutes les menaces, le seul rempart est l'action politique »

Le monde a changé, mais a-t-il changé tant que cela ? Certains enjeux sont au coeur du débat, des enjeux liés à la politique de défense de la France et sa propre sécurité face à tous les types de terrorismes. Selon Alain Juillet : «Le terrorisme a toujours existé, la différence est la médiatisation du terrorisme. Il ajoute : «Le terrorisme est passé du stade technique au stade médiatique». C'est là tout le propos qui mérite réflexion afin de nous éclairer sur les risques générés par le chaos mondial.

Un monde en mutation et imprévisible

Si la guerre froide fait maintenant partie de l'histoire marquée notamment par le retrait soviétique d'Afghanistan en 1989, la chute du mur de Berlin, des questions demeurent sur les menaces potentielles traditionnelles. La France reste, comme les autres pays européens, exposée à une diversification de risques qui peuvent prendre des formes très diverses allant du terrorisme au crime organisé, en passant par des conflits locaux ou régionaux. Le risque de confrontation majeure s'est éloigné avec l'effondrement de l'Union soviétique, mais qui peut dire comment la Russie, confrontée à des enjeux pétroliers d'Asie centrale, évoluera dans les prochaines décennies. Pour la Chine, acteur stratégique de premier plan, sa montée en puissance militaire lui fera jouer un rôle régional déterminant dans le triangle nucléaire Chine, Inde, Pakistan. La montée en puissance de la Chine se fera-t-elle de manière pacifique, tant sur le plan intérieur qu'international ?

L'accroissement de consommation de l'Asie ne risque-t-il pas d'engendrer des conflits violents sur le contrôle des matières premières et la redistribution des ressources essentielles. Quant à l'Europe, son évolution va dépendre de trois facteurs majeurs : le redéploiement stratégique des Etats-Unis en direction de l'Asie, les rapports entre rive Nord et rive Sud de la Méditerranée et sa capacité à construire une structure politique. Le rôle de certains acteurs régionaux dans les pays d'Asie et du Moyen-Orient, sera extrêmement déterminant pour l'équilibre de l'ensemble européen, voire du monde.

Qu'observe-t-on au fil du temps ?

Il y a différents types de terrorisme qui se mélangent, la menace au XXe siècle voit apparaître un terrorisme surtout idéologique à travers des opérations trouvant une justification pour déstabiliser ou pour une adhésion populaire comme en URSS. Dans les années 30, le front populaire ou la guerre d'Espagne avaient des raisons idéologiques. André Malraux disait : «Pour vivre une aventure, l'idéologie peut amener les gens à se battre ailleurs». Hier l'ennemi était connu, identifié.

Au début du XXIe siècle, le terrorisme d'État de la guerre froide, politique ou idéologique, a pratiquement disparu. De nouveaux acteurs ont envahi la scène terroriste qu'ils soient islamistes, issus de réseaux mafieux ou appartenant à différentes sectes.

Au moment des attentats du 11 septembre, le monde est confronté à un terrorisme hyper médiatisé, lié à la volonté de déstabiliser les États, selon Alain Juillet : «Pendant les attentats du 11 septembre 2001 avec Ben Laden, les terroristes ne pensaient pas que les tours tomberaient. On voit bien que c'est un domaine dans lequel les terroristes ne peuvent apprécier les conséquences de ce qu'ils font». Suite aux attentats du 11 septembre 2001, la réaction américaine est immédiate, la guerre débute en octobre, les villes de Kaboul et Kandahar sont prises en novembre, une conférence internationale à Bonn s'organise sur la reconstruction politique et économique du pays en décembre et parraine le Pachtoune Hamid Karzaï comme futur dirigeant de l'Afghanistan. L'Otan s'installe alors à Kaboul sous mandat onusien pour stabiliser, mais l'option américaine de se lancer dans un conflit en Irak permet aux talibans de se réfugier et de se reconstituer dans les zones tribales pakistanaises et revenir en 2006 dans le sud du pays où ils s'en prennent aux forces occidentales ainsi qu'à tout ce qui représente l'État afghan. Il y a eu alors les opérationnels partis au Yémen, au Soudan et le développement d'Al-Qaïda pour déstabiliser les pays opposants. Même si le terrorisme religieux a été limité considérablement, Alain Juillet ajoute : «Au-delà, les Américains ont commis des erreurs en Irak et ont pris conscience qu'avec les Saoudiens, c'était difficile de remplacer l'Irak par l'Arabie saoudite». Cependant face au terrorisme islamique, Alain Juillet pense que : «Les attentats extérieurs ont particulièrement évolués. Nous sommes toujours à la merci de groupes terroristes par la montée en puissance de différents terrorismes qu'ils soient politiques ou religieux».

La lutte des États contre le terrorisme islamique.

Les États-Unis ne sont pas les seuls concernés par le conflit afghan et les troubles internes du Pakistan. Les américains et leurs alliés reprochent notamment au Pakistan de jouer un double jeu et de ne pas faire assez d'efforts dans la lutte contre les talibans qui trouvent refuge dans les zones tribales et attaquent les troupes de l'Otan en Afghanistan. L'antagonisme profond qui règne entre l'Inde et le Pakistan transforme l'Afghanistan en véritable terrain d'affrontement à cause du Cachemire où les Talibans sont présents. Le Pakistan fait partie intégrante de la résolution du conflit afghan. Il a de nombreux points communs avec l'Afghanistan, que ce soit au plan historique, culturel ou géographique. Dans son intérêt, le Pakistan peut donc jouer un rôle central dans la stabilité de l'Afghanistan. La Chine, présente également dans la partie nord du Cachemire et frontalière de l'Afghanistan partage avec la Russie, et les États-Unis un souci commun, la lutte contre le terrorisme islamique. Ce danger auquel ils doivent faire face les rassemble. Dès lors, c'est l'ensemble de la communauté internationale qui est concerné par les événements d'Afghanistan et du Pakistan et doit notamment agir par rapport au Cachemire. Quant à l'Arabie saoudite, elle a décidé d'intervenir militairement au Yémen pour contrebalancer les actions de l'Iran chiite et y jouer un rôle majeur tant politique qu'humanitaire ainsi que dans le déroulement de négociations à venir entre tous les intervenants, que ce soit en Afghanistan ou au Pakistan, au Proche et Moyen-Orient en général.

Comment lutter efficacement contre la menace ?

Si des mesures de sécurité physique peuvent être dissuasives, des opérations antiterroristes et des stratégies d'engagement communautaire sont indispensables pour réduire la menace. Dans une époque de conflit permanent, la menace qui pèse sur le transport aérien, maritime et terrestre reste non négligeable. Des attentats-suicides et des attentats à la bombe commandés à distance, ainsi que des attentats utilisant des moyens non conventionnels, sont mis au point par les terroristes. Face à la menace terroriste, l'Union européenne et l'Organisation des Nations unies ont mis en place une stratégie globale pour combattre efficacement le terrorisme notamment la lutte contre la radicalisation et le recrutement des terroristes, la protection aux frontières, des transports et toutes les structures transfrontalières. Pour mettre un terme aux sources de financement du terrorisme, l'argent étant le nerf de la guerre, l'Union européenne qui a aussi pour objectif de geler les avoirs et entraver les transferts d'argent, a mis en oeuvre une législation sur le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Reste à savoir ce qu'il en est de la répression Étatique du blanchiment d'argent terroriste ou criminel.

Par le biais des réseaux informatiques, le visage du terrorisme a également tissé sa toile sur Internet permettant la planification d'actions terroristes à distance d'où la nécessité pour les États de renforcer leurs effectifs dans les domaines de la cyber-défense, cybercriminalité.

Pourquoi cette radicalisation ?

De nature politique, la radicalisation émane de la conjonction entre intellectuels d'un côté et des gens faibles de l'autre qui vont se faire convaincre, l'exemple des brigades rouges ou action directe en sont l'illustration dans les années passées.

De nature religieuse, la radicalisation émane du rapport entre les imams et les croyants. Alain Juillet précise à titre d'exemple que : «La déstabilisation des Balkans pour affaiblir l'Europe a été fomentée avec les prêches des imams un peu partout en Europe. A l'heure actuelle, il y a une urgence et une nécessité absolues de reprendre le contrôle par les Imams et agir sur le problème des banlieues au niveau du reconditionnement».

Eradiquer le terrorisme ne peut se traiter que par la volonté et l'action politique. Selon Alain Juillet, «Historiquement, la France n'est pas mise en cause par l'Islam à travers le monde». Cependant, nos propres moyens sont-ils à la hauteur de nos homologues européens face à des entités non identifiées pouvant agir n'importe où et à n'importe quel moment ?

Au-delà de son caractère imperceptible, l'usage du concept de terrorisme tend à dépolitiser les analyses. Combattre efficacement le terrorisme, c'est avant tout en connaître les causes pour anticiper sur les possibles évolutions. A quelle échelle voulons-nous continuer de peser par rapport aux conflits potentiels ou existants à travers le monde. Les intérêts économiques ou militaires du pays commandent avec précision de prendre les décisions adéquates en se donnant les moyens face à des entités dangereuses difficiles à comprendre ou à identifier dans ce chaos mondial.

 
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