par Christine ALFARGE
« Face à toutes les menaces, le
seul rempart est l'action politique »
Le monde a changé, mais a-t-il
changé tant que cela ? Certains enjeux sont au coeur du débat, des enjeux liés à
la politique de défense de la France et sa propre sécurité face à tous les
types de terrorismes. Selon Alain Juillet : «Le terrorisme a toujours
existé, la différence est la médiatisation du terrorisme. Il ajoute : «Le
terrorisme est passé du stade technique au stade médiatique». C'est là tout
le propos qui mérite réflexion afin de nous éclairer sur les risques générés
par le chaos mondial.
Un monde en mutation et imprévisible
Si la guerre froide fait maintenant partie de l'histoire
marquée notamment par le retrait soviétique d'Afghanistan en 1989, la chute du
mur de Berlin, des questions demeurent sur les menaces potentielles
traditionnelles. La France reste, comme les autres pays européens, exposée à
une diversification de risques qui peuvent prendre des formes très diverses
allant du terrorisme au crime organisé, en passant par des conflits locaux ou
régionaux. Le risque de confrontation majeure s'est éloigné avec l'effondrement
de l'Union soviétique, mais qui peut dire comment la Russie, confrontée à des
enjeux pétroliers d'Asie centrale, évoluera dans les prochaines décennies. Pour
la Chine, acteur stratégique de premier plan, sa montée en puissance militaire
lui fera jouer un rôle régional déterminant dans le triangle nucléaire Chine,
Inde, Pakistan. La montée en puissance de la Chine se fera-t-elle de manière
pacifique, tant sur le plan intérieur qu'international ?
L'accroissement de consommation de l'Asie ne risque-t-il pas
d'engendrer des conflits violents sur le contrôle des matières premières et la
redistribution des ressources essentielles. Quant à l'Europe, son évolution va
dépendre de trois facteurs majeurs : le redéploiement stratégique des
Etats-Unis en direction de l'Asie, les rapports entre rive Nord et rive Sud de
la Méditerranée et sa capacité à construire une structure politique. Le rôle de
certains acteurs régionaux dans les pays d'Asie et du Moyen-Orient, sera
extrêmement déterminant pour l'équilibre de l'ensemble européen, voire du
monde.
Qu'observe-t-on au fil du temps ?
Il y a différents types de terrorisme qui se mélangent, la
menace au XXe siècle voit apparaître un terrorisme surtout idéologique à
travers des opérations trouvant une justification pour déstabiliser ou pour une
adhésion populaire comme en URSS. Dans les années 30, le front populaire ou la
guerre d'Espagne avaient des raisons idéologiques. André Malraux disait : «Pour
vivre une aventure, l'idéologie peut amener les gens à se battre ailleurs».
Hier l'ennemi était connu, identifié.
Au début du XXIe siècle, le terrorisme d'État de la guerre
froide, politique ou idéologique, a pratiquement disparu. De nouveaux acteurs
ont envahi la scène terroriste qu'ils soient islamistes, issus de réseaux
mafieux ou appartenant à différentes sectes.
Au moment des attentats du 11 septembre, le monde est
confronté à un terrorisme hyper médiatisé, lié à la volonté de déstabiliser les
États, selon Alain Juillet : «Pendant les attentats du 11 septembre 2001
avec Ben Laden, les terroristes ne pensaient pas que les tours tomberaient. On
voit bien que c'est un domaine dans lequel les terroristes ne peuvent apprécier
les conséquences de ce qu'ils font». Suite aux attentats du 11 septembre 2001, la
réaction américaine est immédiate, la guerre débute en octobre, les villes de
Kaboul et Kandahar sont prises en novembre, une conférence internationale à
Bonn s'organise sur la reconstruction politique et économique du pays en
décembre et parraine le Pachtoune Hamid Karzaï comme
futur dirigeant de l'Afghanistan. L'Otan s'installe alors à Kaboul sous mandat
onusien pour stabiliser, mais l'option américaine de se lancer dans un conflit
en Irak permet aux talibans de se réfugier et de se reconstituer dans les zones
tribales pakistanaises et revenir en 2006 dans le sud du pays où ils s'en
prennent aux forces occidentales ainsi qu'à tout ce qui représente l'État
afghan. Il y a eu alors les opérationnels partis au Yémen, au Soudan et le
développement d'Al-Qaïda pour déstabiliser les pays opposants. Même si le
terrorisme religieux a été limité considérablement, Alain Juillet ajoute : «Au-delà,
les Américains ont commis des erreurs en Irak et ont pris conscience qu'avec
les Saoudiens, c'était difficile de remplacer l'Irak par l'Arabie saoudite».
Cependant face au terrorisme islamique, Alain Juillet pense que : «Les
attentats extérieurs ont particulièrement évolués. Nous sommes toujours à la
merci de groupes terroristes par la montée en puissance de différents terrorismes
qu'ils soient politiques ou religieux».
La lutte des États contre le terrorisme islamique.
Les États-Unis ne sont pas les seuls concernés par le conflit
afghan et les troubles internes du Pakistan. Les américains et leurs alliés
reprochent notamment au Pakistan de jouer un double jeu et de ne pas faire
assez d'efforts dans la lutte contre les talibans qui trouvent refuge dans les
zones tribales et attaquent les troupes de l'Otan en Afghanistan. L'antagonisme
profond qui règne entre l'Inde et le Pakistan transforme l'Afghanistan en
véritable terrain d'affrontement à cause du Cachemire où les Talibans sont
présents. Le Pakistan fait partie intégrante de la résolution du conflit
afghan. Il a de nombreux points communs avec l'Afghanistan, que ce soit au plan
historique, culturel ou géographique. Dans son intérêt, le Pakistan peut donc
jouer un rôle central dans la stabilité de l'Afghanistan. La Chine, présente
également dans la partie nord du Cachemire et frontalière de l'Afghanistan
partage avec la Russie, et les États-Unis un souci commun, la lutte contre le
terrorisme islamique. Ce danger auquel ils doivent faire face les rassemble.
Dès lors, c'est l'ensemble de la communauté internationale qui est concerné par
les événements d'Afghanistan et du Pakistan et doit notamment agir par rapport
au Cachemire. Quant à l'Arabie saoudite, elle a décidé d'intervenir
militairement au Yémen pour contrebalancer les actions de l'Iran chiite et y
jouer un rôle majeur tant politique qu'humanitaire ainsi que dans le
déroulement de négociations à venir entre tous les intervenants, que ce soit en
Afghanistan ou au Pakistan, au Proche et Moyen-Orient en général.
Comment lutter efficacement contre la menace ?
Si des mesures de sécurité physique peuvent être dissuasives,
des opérations antiterroristes et des stratégies d'engagement communautaire
sont indispensables pour réduire la menace. Dans une époque de conflit
permanent, la menace qui pèse sur le
transport aérien, maritime et terrestre reste non négligeable. Des
attentats-suicides et des attentats à la bombe commandés à distance, ainsi que
des attentats utilisant des moyens non conventionnels, sont mis au point par
les terroristes. Face à la menace terroriste, l'Union européenne et
l'Organisation des Nations unies ont mis en place une stratégie globale pour
combattre efficacement le terrorisme notamment la lutte contre la
radicalisation et le recrutement des terroristes, la protection aux frontières,
des transports et toutes les structures transfrontalières. Pour mettre un terme
aux sources de financement du terrorisme, l'argent étant le nerf de la guerre,
l'Union européenne qui a aussi pour objectif de geler les avoirs et entraver
les transferts d'argent, a mis en oeuvre une législation sur le blanchiment
d'argent et le financement du terrorisme. Reste à savoir ce qu'il en est de la
répression Étatique du blanchiment d'argent terroriste ou criminel.
Par le biais des réseaux informatiques, le visage du
terrorisme a également tissé sa toile sur Internet permettant la planification
d'actions terroristes à distance d'où la nécessité pour les États de renforcer
leurs effectifs dans les domaines de la cyber-défense,
cybercriminalité.
Pourquoi cette radicalisation ?
De nature politique, la radicalisation émane de la
conjonction entre intellectuels d'un côté et des gens faibles de l'autre qui
vont se faire convaincre, l'exemple des brigades rouges ou action directe en sont
l'illustration dans les années passées.
De nature religieuse, la radicalisation émane du rapport
entre les imams et les croyants. Alain Juillet précise à titre d'exemple que : «La
déstabilisation des Balkans pour affaiblir l'Europe a été fomentée avec les
prêches des imams un peu partout en Europe. A l'heure actuelle, il y a une
urgence et une nécessité absolues de reprendre le contrôle par les Imams et
agir sur le problème des banlieues au niveau du reconditionnement».
Eradiquer le terrorisme ne peut se
traiter que par la volonté et l'action politique. Selon Alain Juillet, «Historiquement,
la France n'est pas mise en cause par l'Islam à travers le monde». Cependant,
nos propres moyens sont-ils à la hauteur de nos homologues européens face à des
entités non identifiées pouvant agir n'importe où et à n'importe quel moment
?
Au-delà de son caractère imperceptible,
l'usage du concept de terrorisme tend à dépolitiser les analyses. Combattre
efficacement le terrorisme, c'est avant tout en connaître les causes pour
anticiper sur les possibles évolutions. A quelle échelle voulons-nous continuer
de peser par rapport aux conflits potentiels ou existants à travers le monde.
Les intérêts économiques ou militaires du pays commandent avec précision de prendre
les décisions adéquates en se donnant les moyens face à des entités dangereuses
difficiles à comprendre ou à identifier dans ce chaos mondial.