par Louis et Pierre CHASTANIER
On a beaucoup parlé de « tripartisme » au lendemain
des élections départementales, après les sévères défaites successives du Parti
socialiste aux Municipales, aux Européennes et aux Sénatoriales et
l’irréversible ancrage du Front National dans la vie politique française.
D’autres y ont vu un renforcement de la bipolarisation de la vie politique
estimant qu’UMP et UDI ne pouvant, qu’unis, espérer être présents au second
tour de la Présidentielle de 2017, et que PS et Front de Gauche raisonnant de
même aboutiraient aux mêmes conclusions.
En fait les quatre grandes forces désormais en présence, l’UMP-UDI représentant
l’Union de la Droite et du Centre, le Parti socialiste en sa composante
social-démocrate voire social-libérale, le Front de Gauche conforté par les
Écologistes et les Frondeurs et enfin le Front National s’opposent
irréductiblement sur deux grandes options politiques :
le libéralisme qui associe liberté et responsabilité individuelle ;
le libertarisme antiautoritaire et autogestionnaire.
Disons d’emblée que ces quatre forces apparentes (on oublie la cinquième,
celle des abstentionnistes qui représente pourtant la moitié d’un corps
électoral qui ne se manifestera qu’à bout de patience par de possibles «
jacqueries » se distinguent les unes des autres par une irréconciliable
répartition de ces deux principes politiques :
le Front de Gauche est anti libéral et libertaire ;
le Parti socialiste est libéral et libertaire ;
l’UMP-UDI est libérale et anti libertaire ;
le Front National est anti libéral et anti
libertaire !
L’assortiment est donc quasi impossible : deux couples se faisant face
formant quadrette. On ne dansera pas le quadrille !
Dès lors devra-t-on s’en remettre à l’arrivée « par chance » de celui des
quatre en tête au soir du deuxième tour qui, si l’on tient compte des
abstentionnistes, ne représentera guère plus de 10 % des Français et, de ce
fait, ne pourra pas vraiment gouverner ou, des profondeurs du Peuple, un
sursaut salvateur permettra-t-il l’émergence d’une nouvelle donne comme ce fut
le cas à plusieurs reprises dans l’Histoire de notre Pays ?
Aux Français de le dire !
Liberté, Égalité, Fraternité !
Rappelée aux frontons de tous nos édifices publics, cette devise
révolutionnaire n’est-elle devenue qu’un songe-creux ?
Liberté de penser malgré un
abrutissement télévisuel, liberté d’entreprendre face à un carcan administratif
et une pression fiscale insupportables ?
Égalité des chances et d’abord au niveau de l’éducation, demandant à chacun
selon ses capacités et récompensant chacun selon ses mérites ?
Fraternité humaine dépassant les affrontements ethniques, religieux ou
politiques pour partager la planète en ne laissant personne au bord du chemin ?
Chacun sait maintenant que la « profession politique » est, sans doute,
avec celle de journaliste, l’une des plus décriée en France et pourtant, à
chaque élection, la plupart de ceux qui décident tout de même d’aller voter
finissent par choisir, force de l’habitude ou conséquence de la non
comptabilisation des bulletins blancs ou nuls, le parti dont ils étaient
traditionnellement le plus proche au temps où ils respectaient cette fonction.
Les autres, témoignage de leurs désillusions, opteront pour le populisme du
Front National.
La prochaine échéance, les Régionales de décembre, accentuera encore cette
fracture entre citoyens et élus.
L’UMP-UDI qui aux Départementales a constaté l’impact positif de l’union,
récidivera après quelques batailles internes où l’UDI tentera d’avoir le plus
de têtes de listes possibles dans des Régions désormais élargies.
Le PS cherchera à faire alliance avec ceux de ses contestataires
(frondeurs, écolos, Front de Gauche, extrême gauche) qui voudront bien le
rejoindre, au prix, là encore, de pas mal de concessions (postes contre Union
!). Il y arrivera sans doute moins bien qu’à droite d’autant que l’autorisation
de fusionner les listes entre les deux tours, donnera de (mauvaises) idées à
tous les dissidents pouvant espérer faire plus de 5 % au premier tour.
Le Front National qui n’aura plus cette fois, à défendre des candidatures
individuelles par trop médiocres dans la plupart des cas, mais des listes où
l’anonymat est mieux préservé pourra beaucoup plus facilement tirer son épingle
du jeu et, grâce au scrutin proportionnel, emporter, malgré la prime
majoritaire, près de 20 % des sièges de conseillers régionaux (de quoi susciter
certains ralliements notamment parmi les Divers Droite).
Comme la politique poursuivie aveuglement depuis trois ans a peu de chances
de changer de cap (comment le pourrait-elle d’ailleurs tirée à hue et à dia par
sa droite et par sa gauche ?) et puisque l’objectif de baisse du chômage sur
lequel le président Hollande s’est bien imprudemment engagé n’a aucune chance
d’être atteint (manipulations mises à part qui ne tromperaient personne) sa
légitimité lors de la prochaine Présidentielle risque fort d’être vivement
contestée.
À Droite, Nicolas Sarkozy, s’il échappe aux mises en examen qui le
poursuivent régulièrement, sait très bien qu’il devra détruire son seul vrai
rival, Alain Juppé, dont 2017 sera la dernière chance. La bataille sera rude et
tous les coups seront permis.
L’UDI si elle sait bien manœuvrer,
en tirera sans doute quelques maigres satisfactions sous forme de maroquins, en
acceptant par exemple de participer à une Primaire unique UMP-UDI sous le
nouveau nom du Rassemblement que Nicolas Sarkozy compte promouvoir, primaire
dont ils ne seront donc les perdants qu’en apparence.
Tout ce beau monde va s’étriper
de plus belle, faisant dire au Français de la rue que la place doit être bonne
pour justifier tant d’acharnement.
Existe-il un
autre scénario ?
Peut-être, mais il n’adviendra sans doute que si les Français pensent leur
Patrie en danger!
Tant que la Commission européenne continuera à autoriser les États-membres
à emprunter pour payer la charge de leurs dettes, fut-ce au prix d’un
réajustement à la hausse du prétendu seuil fatidique des 3 % et que la BCE
prêtera aux banques en faisant tourner la planche à billets (dissimulée sous le
terme plus chic de « quantitative easing ») pour qu’à
leur tour elles prêtent aux États (loi de 1973 qui comme l’enfer était pavée de
bonnes intentions) !
Tant que les retraites continueront à être payées,
fût-ce au prix de coups de rabots pas trop visibles et d’un allongement
progressif du temps de cotisation !
Tant que la déflation importée compensera l’inflation monétaire au risque
d’un chômage de plus en plus important bien que l’oisiveté soit la mère de tous
les vices !
Tant que l’État providence continuera à alimenter le tonneau des Danaïdes
de l’assistanat social en trouvant encore des entrepreneurs acceptant de payer
les prélèvements obligatoires les plus élevés du monde !
Rien ne changera sinon le désintérêt de plus en plus grand pour la
politique, la montée du populisme, le départ des talents, l’arrivée incontrôlée
des immigrants…
Mais le jour où cet équilibre instable se rompra, alors tout s’effondrera
d’un coup : c’est le cas aujourd’hui en Grèce.
La Patrie en danger, nous l’espérons, fera une fois encore se dresser les
Français !
En ces temps d’apocalypse, les barrières s’effondrent. Le vrai courage se
montre, les inégalités s’estompent, les rivalités s’affaiblissent,
l’imagination revient au pouvoir et le Pays repart d’un nouvel élan.
Ceux, qui n’ont pas compris que, dans notre hymne national, le « sang impur
» qui abreuvera nos sillons est en fait le sang du Peuple (de tous les
Français) et non le seul sang pur des nobles (sang bleu aristocratique) devenu
aujourd’hui, dérision de l’Histoire, celui des ploutocrates, ne peuvent espérer
ce sursaut salvateur qui convient aux Gaulois.
C’est au plus bas de la fosse que nous retrouvons la force de nous relever.
Nous le ferons encore demain et encore plus tard tant que vibrera l’âme de la
France.
Nous espérons seulement que l’intelligence du Peuple sera suffisante pour
ne pas devoir attendre de trop grands malheurs avant de réagir.
Le salut viendra-t-il des Hollande, Valls, Sarkozy, Juppé ou autres
professionnels de la politique ? Ils sont là depuis si longtemps et nous ont
conduit si loin de nos espérances : feront-ils demain ce qu’ils n’ont pu faire
hier ou faudra-t-il attendre que, de notre jeunesse, se lèvent les forces
nouvelles d’un engagement désintéressé au service de la Patrie ?
Il y aurait bien
une solution immédiate mais…
Celle qui face à la gravité de la situation, chômage, crise, dette,
déficits, réclamerait un gouvernement d’union nationale allant de l’UMP-UDI au
PS en n’excluant que les extrêmes, Front de Gauche et Front National.
Il exigerait de ceux qui prétendent nous diriger deux années d’abnégation
pour remettre le Pays sur ses rails, deux années de travail au lieu de deux
années de polémiques stériles en vue de l’ultime combat de 2017.
Seul le président Hollande pourrait installer un tel gouvernement qui
redonnerait espoir: il lui suffirait d’appeler, lui, président de gauche, un
premier ministre de droite qui aurait pour tâche de constituer un gouvernement
de coalition 50/50 réunissant à parts égales les meilleures compétences de la
droite et du centre d’une part et de la gauche d’autre part qui accepteraient
de se dévouer au service des Français.
Si pour être membre de ce gouvernement il fallait prendre l’engagement de
ne pas être candidat en 2017, on éliminerait peut-être les intrigants de tous
bords.
Si pour donner l’exemple, ces ministres accep-
taient une réduction drastique des salaires et
privilèges d’une fonction où l’on doit servir et non se servir, on éliminerait
peut-être les profiteurs de tous bords.
Si pour être efficaces, il fallait privilégier le dialogue tolérant et
fraternel à l’opposition systématique, on éliminerait peut-être les hypocrites
de tous bords.
Si le Pays découvrait un beau matin que la France va mieux, que les
inégalités se sont estompées, que le travail est récompensé, que la
responsabilité est réhabilitée, que les privilèges ont en partie disparu, on
réconcilierait peut-être les Français de tous bords.
Si, Si…
Mais il faudrait beaucoup de courage pour cela et ce n’est évidemment qu’un
rêve bien utopique !
Car si un jour des Gaulois pouvaient s’entendre…ça se saurait !
1 Le quadrille français, héritier de l’ancienne
contredanse du XVIIIe, pouvait être dansé par quatre couples formant un carré,
ou par deux couples se faisant face, formant quadrette.