par Christine ALFARGE
«
Ma tâche essentielle, c’est de bâtir l’État » (Charles de Gaulle)
Le Général de Gaulle qui a bouleversé les règles et
les alliances diplomatiques, aura toute sa vie comme seul guide sa passion pour
la France. Quand on aime son pays, on prend tous les risques. Dans les «
circonstances exceptionnelles » de juin 1940 où l’État ne jouait plus son rôle
laissant le pays sombrer dans un chaos inouï, le courage et la volonté du
Général de Gaulle de surmonter les difficultés a changé le cours des choses.
Celui qui porta à bout de bras la reconstruction de la France, fit des réformes
qui continuent d'incarner notre modèle social. Il disait : « Dès que l’État
cesse d’être l’arbitre au nom de l’intérêt général, c’est la foire d’empoigne
des intérêts particuliers.»
Le souci d’équité
Dès avril 1942, le chef de la France libre a fixé le cadre intellectuel
dans lequel il veut reconstruire le pays qui correspond à peu près au programme
initié par Jean Moulin (CNR). Il savait déjà que « la victoire sur
l’Allemagne ne résoudra rien, les démocrates devront inventer des modes de
rapports sociaux qui empêchent le retour à la tentation totalitaire ».
Le 21 décembre 1958, élu Président de la République, le fonctionnement des
institutions sera tous les jours au cœur de la pensée du Général de Gaulle afin
d’assurer la continuité de l’État en travaillant inlassablement au redressement
économique du pays. Après le Conseil du 12 décembre 1962, il déclarera : «
Ma tâche essentielle, celle qui commande toutes les affaires dont j’ai reçu la
charge – l’Algérie, la décolonisation, le redressement de l’économie et des
finances, la force de dissuasion, une politique planétaire –, c’est de bâtir
l’État. J’ai reçu mandat de bâtir un État qui en soit un. C’est à moi qu’il
incombe d’éviter que la Constitution prenne un mauvais pli. La mission que m’a
donnée le peuple, c’est de sculpter la statue de l’État. »
Au service de l'intérêt général, la politique menée par le Général de
Gaulle s'est traduite par un redressement prodigieux sur tous les plans en
donnant un nouvel élan au pays avec notamment la politique familiale, la
retraite par répartition, la sécurité sociale, le droit de vote des femmes
incarnant les principes fondateurs du redressement économique et social du pays
à travers un système universel applicable à tous.
La politique familiale, un enjeu majeur
Au regard du développement quantitatif et qualitatif de la population, le
Général de Gaulle voulant redonner une vitalité démographique à la France,
jouera un rôle primordial en instituant le 12 avril 1945 un Haut comité de la
population et de la famille auquel il assistera personnellement jusqu’en
juillet 1945.
Nommant Alfred Sauvy directeur de
l’Institut national d’études démographiques par ordonnance du 3 novembre 1945
dont ce dernier exercera brillamment la fonction jusqu’à 1962, le Général de Gaulle
souhaitait réfléchir et agir sur l’évolution de la politique familiale de la
France indispensable au relèvement national.
Aujourd’hui, comment préserver le
principe d’universalité pour que la politique familiale reste un atout pour la
France ? Selon François Fillon, « en décidant de moduler les allocations
familiales en fonction des revenus, le gouvernement et sa majorité brisent le
principe d’universalité qui guide la politique familiale de la France depuis la
fin de la seconde guerre mondiale. Jusqu’à présent, on aidait toutes les
familles à égalité sans distinction : les enfants passaient avant le revenu des
parents. Demain, le revenu des parents passera avant les enfants. Cette
modulation des allocations risque de casser une politique qui contribue à la
vitalité de notre démographie. Elle est injuste car les familles des classes
moyennes et supérieures payent suffisamment d’impôts et de charges pour pouvoir
bénéficier pleinement de la solidarité. En les privant de ce droit, on risque de
rompre leur adhésion au financement de notre système social, et ce faisant,
c’est notre cohésion nationale qui serait menacée. Au lieu de s’attaquer aux
familles, le gouvernement ferait mieux de s’attaquer sérieusement aux dépenses
de l’État ».
Un système universel applicable à tous menacé
À travers la remise en cause de nos valeurs républicaines, c’est notre
modèle social basé sur un principe d’universalité qui est clairement menacé que
ce soit au niveau du système de répartition des retraites ou sur notre système
de santé.
Dans son discours prononcé en novembre 1943 devant l’Assemblée consultative
provisoire d’Alger, un discours qui demeure étrangement actuel, le Général de
Gaulle disait « la France veut que cesse un régime économique dans lequel
les grandes sources de la richesse nationale échappaient à la nation où les
activités principales de la production et de la répartition se dérobaient à son
contrôle et la conduite des entreprises excluaient la participation des organisations
de travailleurs et de techniciens dont cependant elles dépendaient. Il ne faut
plus que l’on puisse trouver un homme, une femme qui ne soit assuré de vivre et
de travailler dans des conditions honorables de salaire, d’alimentation,
d’habitation, de loisir, d’hygiène et d’avoir accès au savoir et à la culture
». Durant les Trente glorieuses jusqu’au début des années 80, la croissance
économique et le progrès social seront reliés.
Aujourd’hui, il existe une dualité entre le maintien de la compétitivité et
le niveau de redistribution. Le progrès social et le développement économique
n’iraient plus de pairs d’où l’accent mis sur la nécessité d’investir sur le «
capital humain » comme la forme la plus solide de sécurité dans le monde
turbulent et imprévisible de la globalisation.
Lumière ou chaos, il faut choisir !
Que reste-t-il de l’idée de nation solidaire et bienveillante incarnée hier
par les héros de la Libération ? Quant à l'unité nationale rassembleuse qui
découle du principe de solidarité, elle restera un voeu
pieu tant qu’une volonté politique de mener des réformes nécessaires tout en
préservant les intérêts de la France et notre liberté ne sera pas prise à bras
le corps créant le sursaut qui va réveiller le pays exposé en permanence à une
grogne de plus en plus forte à l’image du désordre économique et social du
pays.
Aujourd’hui comme hier dans les « circonstances exceptionnelles » que nous
connaissons, le redressement de la France doit se faire tel que l'exigent les
intérêts du pays par la reconstruction, ou plutôt, la construction d'un pays
plus moderne, plus jeune, plus dynamique, le redressement économique, financier
et monétaire, gage du progrès social à l'intérieur et de l'indépendance au
dehors.
À travers le principe d’universalité
voulu et établi par le Général de Gaulle, notre devoir est d’assumer ces
valeurs d’héritage et de partage qui dessinent notre identité par une volonté
commune de servir l’intérêt général et de veiller sans relâche à leur
application, la pérennité de notre modèle social en dépend.
À
nous de continuer l’histoire et d’être à la hauteur du courage, de l’action et
de la persévérance que des hommes et des femmes passionnés par la France, nous
ont légués.