par Luc BEYER de RYKE
Parle-t-on
encore de la Palestine?
Un peu. De moins en moins. Après sa victoire électorale Benjamin Netanyahu
a clairement proclamé que la création d’un État palestinien n’entrait pas dans
sa vision d’avenir.
Sans doute l’a-t-il toujours pensé. Cette fois, il le dit. Mais existe-t-il
entre la droite israélienne et la gauche –ou ce qu’on tient pour telle –une divergence fondamentale?
Il y quelques jours, à Paris, j’ai rncontré Zeev Sternhell, l’historien
israélien, parfait francophone, auteur d’une trilogie parue chez Fayard La
France entre nationalisme et fascisme. Selon lui le fascisme aurait des
origines françaises précédant la guerre de 14-18 et amplifiées par elle.
Thèse vivement contestée par d’autres historiens, tels Pierre-André Taguieff. Par parenthèse il en est pour trouver également
en France les prémices du marxisme. C’est la thèse qu’exprima devant moi, au
cours d’un dialogue, Robert Hue. Il dénonçait la violence et la dérive du
communisme à travers l’exemple de Gracchus Babeuf lors de la Révolution
française. À noter que Robert Hue, lorsqu’il me parla ainsi, venait d’être élu
secrétaire général du Parti Communiste Français. Ce qui laissait présager
l’évolution qui fut la sienne …
Refermons la parenthèse pour retrouver Sternhell
avec lequel on a plaisir à débattre. Ses contradictions y prêtent, car, tout en
se définissant de gauche, l’homme s’affirme sioniste. À Paris, il m’a tenu les
mêmes propos qu’il y a quelques années lorsqu’il me reçut, très aimablement,
chez lui à Jérusalem.
«Lors de la
guerre d’indépendance nous avions besoin de territoires pour établir l’État. Ce
qui rendait cette conquête nécessaire, légitime. 1967 par contre fut un
accident ni nécessaire ni légitime. Nous devons rendre la Cisjordanie sinon
c’est Israël et son caractère sioniste qui seront en péril.»Ne
peut-on voir ici une contradiction entre l’homme et l’historien. L’historien
qui dénonce dans le fascisme un nationalisme et l’homme qui estime par contre
légitime l’association du sionisme et du nationalisme? Il y a matière à débat.
Un débat dans lequel les Palestiniens n’occupent en définitive aux yeux des
Israéliens qu’une place marginale.
Israël.
Un consensus né de la guerre
Nous sommes aux
alentours du soixante-dixième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre
mondiale. La création d’Israël fut une des conséquences après l’horreur de la
Shoah. Elle intervient dans un moment unique. Entre la victoire des Alliés
contre le nazisme et avant la guerre froide.
Aussi la résolution
du 27 novembre 1947 aux Nations-Unies qui décide le partage de la Palestine
est-elle approuvée unanimement …sauf par les États arabes et l’abstention de la Grande-Bretagne.
Comme le souligne Zeev Sternhell «les
Palestiniens n’ont pas joué de rôle déterminant». C’est peut dire. Le mythe
d’une «Terre sans peuple pour un peuple sans terre» faisait foi.
Aussi inexact
fut-il, il continue auprès de certains d’être cru. Certes dans l’opinion
mondiale, en grande partie à cause du combat mené par Yasser Arafat, la
Palestine a acquis de la consistance et un statut. Pas celui d’État.
Et les territoires
de Palestine, au fil de ces soixante-dix ans ou presque, ont été largement grignotés,
mangés, souvent submergés pas la colonisation israélienne. À tel point qu’au
sein même de l'Autorité palestinienne, on en arrive de plus en plus à douter de
la possibilité de voir un jour un État palestinien. Du
côte de Netanyahou le doute est banni. Il n’y en a pas. Il y a un refus.
Clairement défini. De plus en plus rares
sont les Israéliens qui, activement, militent dans «le camp de la paix».
Soumission plutôt qu’affrontement
Le docteur Meir Margalit, politologue et conseiller municipal du Meretz (gauche israélienne) à Jérusalem, en est un. Il nous
a décrit la situation nouvelle qui s’est créée à Jérusalem. Le nouveau maire de
Jérusalem est un homme d’affaires. Pragmatique, il ne recherche pas
l’affrontement avec les Palestiniens. Ce qu’il recherche c’est la soumission.
Ces populations sont, en règle générale, de condition modeste et, plus souvent
encore, pauvres. 78 % des 38 % des palestiniens qui y vivent sont en dessous du
seuil de pauvreté. Dès lors ils sont assujettis à la Sécurité sociale. Pour en
bénéficier ils doivent «filer droit». Aussi ce sont les parents de
jeunes turbulents qui s’efforcent de mettre leur progéniture à la raison. Faire
en sorte qu’ils ne provoquent pas les soldats israéliens et ne se retrouvent
pas en prison. Le faire, c’est risquer de perdre les avantages sociaux dévolus
à la famille. Dans le même temps l’écrasante majorité des Palestiniens de
Jérusalem (qui sont citoyens israéliens) ne votent pas. Ils boycottent les
élections. Ce que déplore Meir Margalit. «S’ils
votaient, avec nous le Meretz et quelques autres, la
majorité municipale pourrait être renversée. Ce qui changerait beaucoup de
choses!».Les dernières élections législatives en ont décidé autrement.
Ce qui est en jeu
sont des transformations qui viseraient, à travers la nationalité, le statut
des Arabes israéliens. Et d’autres qui pourraient remettre en cause
l’indépendance de la Cour suprême, la plus haute juridiction d’Israël.
Et la Palestine dans tout cela ? Vous avez dit Palestine ?...¾