Compte rendu du dîner-débat du 12 février présidé par Bernard BOURDIN

LE PAPE FRANÇOIS,

QUELLES RÉFORMES POUR QUELLE ÉGLISE ?

 

par Christine ALFARGE

« Le pape François, le cœur, la raison et l’amour de Dieu. »

À travers une réflexion éclairée, Bernard Bourdin docteur en histoire des religions et en théologie, nous convie à entendre et à comprendre le message que le pape François veut adresser à l’humanité toute entière en ces temps où les religions ont une tendance au repli sur elles-mêmes.

Selon lui, « le pape François ressemble à Jean XXIII surnommé ‘’le bon pape’’, comme lui près du peuple dans un style nouveau et le souci de réformes exprimé par plusieurs aspects. C’est un homme de terrain, jésuite d’Argentine. Il n’y a jamais eu de pape jésuite. François a choisi un prénom empreint de simplicité qui n’est pas dû au hasard. En faisant le choix de l’humilité et la symbolique des lieux (la résidence Sainte- Marthe), son orientation est très claire ».

Remettre au centre l’Évangile

L’essentiel pour le pape François, c’est d’aller au fond des choses, l’art de la prédication exprimant le souci d’aller à la parole. Dans un style évangélique de réformes attendues par une immense majorité des Européens et occidentaux en général, il succède à Benoît XVI avec un abord plus direct dans un style argentin. Pour lui, c’est un défi historique de l’ecclésiologie catholique, il ne peut y avoir et il n’y a, pour le croyant et pour le théologien chrétien qu’une seule Église de Jésus-Christ, à la fois visible et spirituelle et comme vocabulaire, un tropisme universaliste. Ne pas confondre catholicité et universalité. Cependant, ses orientations ne font pas l’unanimité, il entreprend deux aspects de réformes. La démission de Benoît XVI a créé un précédent et François sait qu’il ne restera pas très longtemps, le temps lui est compté et cela explique l’ardeur de son action.

Rapport Évangile et Société, que peut-on dire ?

Pour le pape François, il faut remettre l’Évangile au centre. Ce n’est pas une morale, il travaille à une désarticulation des principes de société avec la volonté de sortir de ce qui reste du constantinisme, une des tendances marquant le début du Moyen-Âge, attribuant un pouvoir à l’empereur « instituteur » du pouvoir ecclésiastique. Les temps ont changé, ce n’est plus viable, Évangile et Société ne fonctionnent plus.

Le pape François exprime ses paroles pour retrouver « ce Dieu qui nous sauve et nous libère vraiment... ». Ferme sur la doctrine parce que c’est un pasteur, il veut remettre l’Évangile au centre de la Société. Il s’agit de combiner la doctrine aux réalités des sociétés occidentales déchristianisées. Il est aux antipodes d’un programme contre culturel.

Symbolique du témoignage

Soucieux de donner un nouveau souffle à l’Europe, le pape François rappelle des thèmes classiques pour retrouver un nouvel élan. Ayant la capacité à ne pas se mêler de politique, François a cependant démontré son penchant pour une diplomatie personnelle ambitieuse en conviant Israéliens et Palestiniens à venir prier au Vatican après son voyage en Terre sainte, en mai. Il faut également rappeler son implication personnelle dans le rapprochement entre les États-Unis et Cuba. Le Vatican a confirmé qu’il avait écrit, au cours des derniers mois, au président cubain, Raul Castro, et au président américain, afin de « les inviter à résoudre des questions humanitaires », dont la situation de certains détenus, « pour ouvrir la voie à une nouvelle phase des relations entre les deux pays ».

La question du rapport de l’Église avec nos sociétés

Le pape François pose des actes plutôt que des discours, on remarque qu’il cite treize fois Vatican 2, c’est très peu. Sa méthode, le concret sans discours, une ecclésiologie de communion, la vision d’une église dont la société se suffirait à elle-même. Selon Bernard Bourdin, « François veut en tirer les conséquences concrètement, pas de privilège. Il utilise très peu le terme de pape, les premiers mots qui comptent : priez pour moi… ». Symboliquement, comme l’écrivait saint Cyprien de Carthage, « l’évêque est dans l’Église, l’Église est dans l’évêque ».

Le pape François applique la Constitution Vatican 2, ce n’est pas innocent. Vatican 2, théologie du peuple de Dieu est un fondement véritablement biblique et signifie que dans son statut, le pape est évêque avec vous et évêque pour vous. Vatican 2 a développé l’ecclésiologie de communion pour laquelle l’Église de Rome est la catholicité en un lieu situant le saint père dans une position d’alter ego.

Collégialité et synodalité

Ces deux notions sont liées. La collégialité existe dans les décisions et la synodalité est une forme de démocratie. Lors du synode « extraordinaire » des évêques en octobre 2014 où l’Église universelle était représentée, l’importance de la famille fut soulignée à la fois comme symbole d’union face aux épreuves et sur son rôle de transmission de la foi constituant « l’expérience commune de l’humanité ». Le synode sur la famille (divorce, remariage, union libre) a fait débat jusqu’aux paroisses et diocèses où une majorité s’est opposée au pape sur ces sujets sociétaux sensibles. Peut-on parler d’une théologie de la famille ?

La parole de l’Église doit s’adapter à l’engagement sacramentel entre processus décisionnel et société dans laquelle on est. Des liens familiaux resserrés où chacun puisse se retrouver dans son humanité et sur le chemin de la foi, tel est l’enjeu majeur d’une Église qui veut se réformer.

Autres réformes en cours

Il s’agit de l’auto-centrage de l’Église ou la réforme de la Curie, héritage du Sénat romain et vieille institution de gouvernement qui a sa justification mais mérite d’être réformée. Le pape François est beaucoup plus réformateur que ses cardinaux, il sait qu’il a l’opinion publique avec lui. Il faut que l’Église se mette en phase avec l’ecclésiologie. Cette réforme de la Curie est centrale et engage l’Église. Elle est nécessaire à l’ecclésiologie de communion avec des effets concrets sur la manière dont l’Église est organisée.

Face aux défis liés aux sociétés qui ne vivent pas la même temporalité, il faut rendre acceptable cette primauté qui a des défauts et a besoin de consistance, enjeu œcuménique entre Églises chrétiennes. Ne pas voir le pape comme pape de la rupture car il y a aussi des continuités réelles. C’est plus une volonté dans l’image de l’Église rendue audible, crédible et s’en donnant les moyens. Voilà l’action de ce pape.

À tous les chrétiens d’Orient, nous adressons nos pensées quotidiennes et nos prières ! Votre avenir est garant de l’équilibre au Proche et Moyen-Orient. Par notre histoire millénaire, notre engagement et notre responsabilité, nous sommes à vos côtés en Terre sainte, berceau culturel et religieux où hommes, femmes et enfants ont besoin de vivre dans la dignité, le respect et la paix.

 
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