Par Christine
ALFARGE,
« Les plus nobles principes du monde ne
valent que par l'action »
(Charles de Gaulle).
Dans toutes les périodes de l'Histoire, la remise en cause des
valeurs fut toujours combattue au nom des libertés individuelles ou
collectives. Aujourd'hui, la réflexion est différente, recréer l'homme que
notre temps cherche à détruire est la vraie question. La notion du droit, celle
de l'association, de la résistance collective se sont effacées dans la
population. Qu'est devenu ce temps où les Français parlaient aux Français à la
radio de Londres en organisant autour du Général de Gaulle les prémices d'une
résistance sans faille, tous unis pour lutter contre l'ennemi, chacun ayant le
devoir de servir son pays et la lourde responsabilité en son âme et conscience
de ce qui pouvait advenir aux autres.
Pour le Général de Gaulle, « la France était la lumière du
monde », l'héritage d'une France humaine et universelle dont nous devons être à
la hauteur. Le 11 janvier 2015, un vent de liberté a soufflé sur notre pays par
l'ampleur de la mobilisation citoyenne rappelant la Libération incarnant aux
yeux du monde le mystère d'une France qui se relèvera toujours. Ces jours
d'obscurité et de douleur doivent cependant nous interroger sur notre relation
à autrui, unis par l'histoire et l'espoir d'un avenir commun.
L'ordre établi garant des libertés
Le 23 mai 1963 à l'Elysée, le Général de Gaulle s'exprimait
en ces termes : « La légitimité passe avant la légalité ». « En temps
normal, les Institutions, les coutumes assurent l'ordre. Mais l'ordre réel ne
peut reposer que sur l'indépendance nationale, les libertés publiques, le bon
fonctionnement de la justice, la souveraineté populaire. Il y a des périodes
où, même si l'ordre apparent continue de régner, il perd son sens, parce qu'en
dessous, l'ordre réel est brisé. » Le Général citait Charles Péguy : «
L'ordre, et l'ordre seul, fait en définitive la liberté ; le désordre fait la
servitude. Seul est légitime l'ordre de liberté. »
Le Général de Gaulle ajoutait : « Les questions
d'autorité, de subordination, d'ordre social, sont résolues par la loi et le
règlement. Mais quand il y a une urgence nationale, un péril public, des
questions qui sont en principe résolues une fois pour toutes peuvent se poser à
nouveau en d'autres termes. Le critère des critères, c'est l'intérêt du pays,
qui doit toujours primer. L'État en est le garant. »
La volonté de liberté rétablit l'ordre
Le 8 juillet 1964 à l'Élysée, le Général de Gaulle revenait
sur cette période manichéenne de 1940 et le déclin de la nation : « Si la
légalité est défaillante, la légitimité doit s'y substituer. ». « La légalité
était contre la France libre. » Le Général repensait à la phrase de
Charles Péguy et posait la question : « La formule de Péguy est-elle
réversible ? La liberté, et la liberté seule, fait-elle en définitive l'ordre ?
»
« Il arrive que les meilleures formules se retournent… Ces
deux notions se commandent. En juin 1940, l'ordre était jeté bas comme rarement
dans notre Histoire. Il n'y avait plus ni ordre ni liberté. Il était clair
qu'un ordre nouveau ne pourrait se rebâtir qu'à partir de la liberté.
C'est-à-dire à partir des Français libres, et seulement dans une France
libérée. L'ordre de Vichy était caduc, par le fait même que ce régime n'était
pas libre. Ces gens ont commis l'erreur de croire qu'ils allaient pouvoir faire
une révolution nationale, tout en étant asservis. C'est alors que la nécessité
m'a précipité hors des routes légales. »
« J'ai évoqué la légitimité, parce que la légalité était
contre la France Libre. Tout ce qui représentait alors la légalité, s'est
éloigné de moi à part quelques exceptions. »
Aujourd'hui, de quelle manière voulons-nous
regarder le monde?
Il est urgent comme ce fut le cas au XVIIIe siècle des «
Lumières » de repenser l'éthique de nos sociétés en s'appuyant sur plus de
solidarité, de partage et de tolérance. Avoir le souci des autres en défendant
l'équité, patrimoine de l'humanité, pour que chacun puisse vivre dignement et
librement.
Après l'émotion et le recueillement, notre pays a besoin d'un
temps de réflexion avec l'ardente nécessité de mener les actions politiques
adéquates. L'esprit de solidarité et de fraternité cristallisé autour du deuil
national, doit favoriser la recomposition des rapports entre citoyens, mais
aussi les rapports de pouvoir et les rapports économiques. En réalité, la crise
globalisée que nous connaissons, est une fenêtre d'opportunité pour l'action
politique qui n'a de chances de parvenir à ses fins que dans des circonstances
exceptionnelles. Les périodes de crise et de reconstruction sont évidemment des
moments privilégiés pour mettre en place de nouvelles réformes. Souvenons-nous
au lendemain de la Seconde guerre mondiale, la France se trouve devant le défi
crucial de sa reconstruction dont l'acte fondateur sera la mise en place du
modèle social voulu par le Général de Gaulle avec la naissance entre autres de
la Sécurité sociale. Tout au long des Trente glorieuses jusqu'au début des
années 80, la croissance économique et le progrès social seront reliés.
Aujourd'hui, il y a une dualité entre compétitivité et niveau de
redistribution. Le progrès social et le développement économique n'iraient plus
de pairs d'où l'accent mis sur la nécessité d'investir sur le « capital humain
» comme la meilleure sécurité dans le monde turbulent et imprévisible de la
mondialisation.
L'unité nationale, une volonté politique
Pour préserver l'unité nationale, cela implique aussi une
vision claire sur les enjeux stratégiques liés au « développement de l'homme ».
Cependant, il y a deux aspects urgents et indissociables, la sécurité des
personnes et la cohésion sociale. Cela implique de mettre en œuvre à la fois
tous les moyens nécessaires pour lutter contre les violences de toute nature et
d'avoir la volonté politique de rebâtir la cohésion sociale. Il est également
essentiel de veiller au respect des principes de laïcité permettant à chacun de
préserver son histoire, ses racines et s'inscrire dans le partage d'un avenir
commun. La laïcité incarne le seul rempart face aux dangers de tous les
fanatismes, le seul chemin pour défendre la liberté et préserver l'unité.
Au-delà de la France, une Europe politique doit aussi mettre en œuvre les
moyens pour sa propre sécurité face aux crises. Les événements de ces dernières
semaines sont à la dimension du monde et exigent une véritable contribution
collective qui devra d'abord exister au niveau des dirigeants européens
notamment sur le développement des relations Nord-Sud. Les solutions passent
avant tout par une volonté collective.
En 1940, «être un Français libre », c'était
prendre son destin en main » par la force de l'engagement et une fidélité sans
faille à son pays. La référence française reste encrée dans tous les esprits
grâce à notre Histoire, notre langue et notre savoir-faire.
À travers l'épopée des "Français Libres",
l'Ordre de la Libération continue inlassablement de transmettre ses valeurs, il
représente le sacré faisant partie de notre héritage commun. Continuons dans
cette voie tracée par le Général de Gaulle pour la défense des causes justes,
l'indépendance des peuples, la liberté et la paix.
© 05.02.2015