Les
météorologues donnent des noms aux cyclones. Les vaticanologues
aussi.
Celui qui s'est abattu sur la Curie
porte le nom de François. Jamais jusqu'ici un pape n'avait tenu en public un
tel discours.
S'adressant aux cardinaux qui en
font partie François a parlé de leur « coeur de pierre » de leurs « fossilisation
mentale et spirituelle » de leur « face funèbre » de leur « rivalité
pour la gloire » et les ressembla tous en les définissant comme « l'orchestre
qui émet des fausses notes ».
J'étais à peine revenu de Rome
lorsque François appela au-dessus des calottes cardinalices « les orages
désirés ». Désirés par lui… La rudesse des paroles a pu surprendre. Pas
l'orientation des propos.
Sans trahir mes sources, en
respectant leur anonymat j'avais pu longuement m'entretenir avec des diplomates
de haut rang accrédités auprès du Saint-Siège. L'un d'eux, fin connaisseur de
la politique vaticane, m'avait parlé de « la révolution copernicienne »
entreprise par François.
Une révolution qui se dessine
depuis Vatican II mais à petits pas. L'actuel pontife rompt en cela avec ses
prédécesseurs et fait un thème majeur. Il s'agit ni plus ni moins que d'une « inversion
du gouvernement de l'Église » institution séculaire, l'Église
romaine dans sa gestion, ses orientations, ses dogmes est coiffée par la
coupole vaticane. François souhaite que désormais Rome soit au service des
évêques et des diocèses.
La Curie : une bastille au
Vatican
Une révolution de cette ampleur
explique les réticences pour ne pas dire l'hostilité de la Curie.
Au-delà de la défense de ses
intérêts propres, au-delà du réquisitoire accablant de François à son égard, la
Curie redoute la fragmentation de l'unité de l'Église et la remise en question
de ses pierres angulaires spirituelles.
Déjà au cours de sa longue histoire
et malgré l'autorité pontificale l'Église a connu nombre de schismes.
La Curie redoute de voir la clef de
voûte représentée par Rome affaiblie et fissurée.
C'est dire le pari risqué,
hasardeux auquel François s'adonne. Il le fait en se dépouillant de toute prudence
feutrée propre habituellement aux évolutions romaines et à la diplomatie
d'Église.
« Rome tremble et chancelle…
» Les paroles extraites du chant (très anticlérical) des étudiants de
l'Université Libre de Bruxelles trouvent ici un contexte bien différent. Il ne
s'agit pas, comme clament les potaches ulbistes, de
se « grouper […] contre la papauté » mais de la refonder dans une
optique moins autoritaire et plus compassionnelle. Le mythe de Sisyphe ? Non.
Le retour à l'Évangile. Les deux risquent peut-être de se confondre. ¾