En résumé :
merci à la mondialisation, aux marchés financiers et aux multinationales
En poussant à fond la
mondialisation des échanges, la libéralisation des économies et des marchés, la
levée des « barrières douanières » et de tous les obstacles « protectionnistes
» à la libre circulation des biens, des services et des capitaux, les
gouvernants des pays les plus « avancés » (d'Amérique du Nord, du Japon et
d'Europe de l'Ouest) qui dominaient sans partage la production et le commerce
mondiaux pensaient en tirer le meilleur parti et consolider pour longtemps
leurs positions grâce, en particulier, à leur avance technologique et aux
moyens qu'ils pouvaient mobiliser pour la recherche et pour continuer à
accroître leurs productivités et leur compétitivités.
Le sort en a voulu autrement. Les efforts que le GATT,
puis sa fille l'OMC, ont déployés, ainsi que les
traités de libre-échange que les pays et les Unions d'états ont multipliés tous
azimuts se sont en partie retournés contre eux. Avec l'aide efficace des
multinationales. Déjouant les prévisions, les pays en développement et les pays
émergents en ont été les principaux bénéficiaires. Leur rattrapage
technologique a été beaucoup plus rapide qu'anticipé. Les différences
considérables des coûts de la main d'oeuvre ont aussi joué en leur faveur plus
que ce qui avait été prévu dans les années 1980. Ils se sont mis à exporter
plus, puis beaucoup plus, certains d'entre eux devenant des concurrents
redoutables sur les marchés mondiaux.
Le ralentissement des pays aux Produits intérieurs bruts
(PIB) les plus élevés, du G7 en premier lieu, ainsi que des autres pays
d'Europe de l'Ouest, a été plus fort que prévu. Malgré la constitution, en ce
qui nous concerne, de la Communauté européenne relayée par celle de l'Union
européenne, qui, en fait, a amplifié le recul.
La croissance et le succès venant, les perspectives apparaissant
plus prometteuses et ouvertes dans des pays jusque-là à la traine,
les investissements se sont massivement déplacés vers eux, délaissant les pays
avancés. Ce sont surtout les multinationales de ces pays avancés qui ont
alimenté les flux croissants d'investissements directs à l'étranger (IDE) vers
ces pays en expansion. La course à la rentabilité, la rapacité, les ont amenées à investir et à délocaliser des productions vers
les pays à plus bas coûts au détriment de la croissance et de l'emploi dans les
pays d'origine. Le phénomène a pris de l'ampleur avec la prolifération de
multinationales de plus en plus puissantes et envahissantes qui ignorent le «
patriotisme économique » Celui-ci n'est pas dans leur ADN. Après avoir
largement usé de l'implantation sur son sol de leurs filiales porteuses
d'investissements, non sans contreparties, la Chine est peut-être en train de
tourner la page en se montrant plus méfiante envers elles, en les incitant avec
fermeté à moins d'indiscipline et au respect de ses lois. Un exemple à suivre!
Car les lobbies des grandes multinationales, dont
certaines sont plus puissantes que des états, ne se contentent plus
d'influencer des choix et des décisions publiques. Dans les pays anglo-saxons,
s'appuyant sur des corpus de lois qu'elles ont poussé à adopter, elles
contestent les décisions publiques elles-mêmes, remettant en cause des
politiques nationales qui leur porteraient préjudice, donc la souveraineté des
gouvernements des états. Autour de leur noyau central, elles constituent un « supra-gouvernement ». Le Traité transatlantique de
partenariat et de libre-échange négocié en secret par la Commission de l'UE
avec les américains est un bon cheval de Troie pour elles en Europe.
Parmi les explications du recul des économies des pays
avancés, la « financiarisation » a joué un grand rôle. En favorisant
l'endettement inconsidéré des états et la dépendance des entreprises de
ressources externes, elle a facilité la prise de contrôle de leurs destins par
les marchés financiers. En outre, dans les pays avancés, l'endettement a de
plus en plus servi à financer des dépenses publiques inefficaces et la
consommation.
L'horizon s'est assombri. Les
investissements ont faibli. Les banques, les assurances et les autres
multinationales ont préféré aller investir ailleurs. En pouvant emprunter à de
faibles taux d'intérêt dans leurs pays d'origine.
Maintenant, l'économie
mondiale et celles de nos pays dépendent beaucoup plus des marchés financiers
et des multinationales que de nos gouvernements. Cela n'a pas profité à
l'Europe. Et la multiplication désordonnée irréfléchie des traités
internationaux de libre-échange et de « partenariat » aggrave la situation et
les perspectives.
Il ne faut pas négliger,
non plus, le fabuleux développement des moyens de communication (numérique, internet et réseaux sociaux compris) et de transport, dont
les coûts, indifférents aux pollutions et autres dégâts à l'environnement,
n'ont cessé de diminuer. Au point que, différentiels de taxation à
l'importation aidant, des entreprises chinoises peuvent importer de France du
bois brut (grumes de chêne, de hêtre...), le travailler en Chine puis vendre
les produit transformés (planchers, meubles) en France, en Europe... en étant «
compétitives » !
Inutile de parler des
autres concurrences déloyales qui alimentent nos chroniques. Il faut être bien
naïfs pour croire qu'en Chine, en Inde, au Pakistan, par exemple, où règne
encore la misère, des « codes de bonne conduite » économique et sociale calqués
sur les nôtres peuvent avoir un sens. Et espérer que la conscience, la maturité
écologique, la chasse aux pollutions, se développent rapidement là-bas, et ne
s'effacent plus totalement devant la compétitivité et la croissance aux plus
bas prix, à n'importe quel prix. Il faudra beaucoup de temps. En attendant,
puisque nos gouvernants ont abattu toutes les protections, il faut continuer de
subir.
Des événements majeurs
ont également bouleversé le cours des choses et les calculs des chefs
d'orchestre initiateurs et promoteurs de cette stratégie de « mondialisation
sans frontière ». Français, européens, nous pensons d'abord à la fin de la
guerre froide puis à l'effondrement de l'URSS qui a poussé les pays de l'Europe
de l'Est dans les bras grands ouverts de l'OTAN via ceux de l'UE. Nous revoyons (à la télé) la chute du mur de Berlin et
la réunification de l'Allemagne. Nous reviendrons plus loin sur ces événements,
marqueurs indélébiles de la défaite du système communiste et de l'entrée d'une
partie de ses prisonniers dans le monde dit libre... et libéral, qui n'a depuis
plus connu de concurrence « idéologique », de modèle mondial alternatif.
Au niveau européen, ces
événements ont eu des effets considérables. Sur le recul des grandes puissances
économiques dans le monde et le changement des hiérarchies, l'ouverture de la
Chine aux échanges internationaux dès sa sortie du Maoïsme a été encore plus
déterminante.
La Chine, première économie mondiale à partir de 2014
Dans World Economic Outlook Database, october 2014,
source ici, le FMI, présente des données annuelles remontant à 1980, et des
projections jusqu'en 2019 des PIB des pays, valorisés en dollars courants ainsi
qu' en termes de parité de pouvoir d'achat (PPA). Elles donnent le classement
et les montants suivants des PIB en 2013 des plus grandes puissances: 1 - USA,
16.800 milliards de dollars (Mds $), soit 22,5
% du PIB mondial, 2 - Chine, 9 470 Mds, 3 - Japon, 4
900 Mds, 4 - Allemagne, 3 640 Mds,
5 - France, 2 810 Mds, 6 - Royaume-Uni, 2 520 Mds, 7 - Brésil, 2 250 Mds, 8 -
Russie, 2 100 Mds, 9 - Italie, 2 070, Mds, 10 - Inde, 1 880 Mds,. On y
voit, sans surprise, la Chine, déjà en deuxième position. Apparaissent aussi
les trois autres « BRIC », le Brésil, la Russie et l'Inde.
Le regard est un peu différent lorsque les PIB des pays sont
mesurés en parité de pouvoir d'achat (PPA), c'est-à-dire en « neutralisant
» les distorsions causées par les différences des niveaux des prix pratiqués
dans les pays. Le classement change en faveur des pays émergents où les prix
sont nettement plus faibles. En 2013, les USA, avec un PIB représentant 16,5 %
du PIB mondial, ne précèdent que d'une courte tête la Chine, à 15,8 %. L'Inde
prend la 3ème place, à 6,7 %, devant le Japon, à 4,6 %, l'Allemagne, à 3,6 %,
la Russie, à 3,4 %, la France (septième puissance mondiale ici), à 2,5 %, le
Brésil, à 2,4 %, le Royaume-Uni, à 2,2 % et l'Italie, à 2 %. Consolation
(maigre), la somme des PIB des pays de l'UE atteint 17,2 %. Mais, c'était 27,9
% en 1985, et le FMI prévoit que leur part du PIB mondial sera de 15,3 % en
2019... derrièrela Chine, qui deviendra la
première puissance économique déjà en 2014, et sera à 18,7 % du PIB mondial
en 2019.
Contrairement à des idées reçues, les données du FMI montrent que les
croissances démographiques des deux géants les plus peuplés ne sont pas des
causes déterminantes de leurs performances économiques. Entre 1985 et 2013, la
population de l'Inde a crû de + 64 % pour atteindre 1.243 millions (Mi) de
personnes, certes. Mais, pendant ce temps, compté en dollars, son PIB a été
multiplié par plus de 11.
Quant à la Chine, sa population a augmenté de +
29 %, jusqu'à 1.361 Mi
de personnes en 2013. C'est
un peu moins que celle des USA qui a crû de + 33 % pour s'élever à 316 Mi en 2013. Or, le PIB
des USA a été multiplié par 3,9 pendant cette longue période, alors que celui
de la Chine a été multiplié par 30.
Ces chiffres illustrent l'ampleur des changements, des
bouleversements, qui sont intervenus et des « rattrapages »qui ont eu lieu.
La population de l'UE (507 Mi en 2013) est plus
nombreuse que celle des USA. Mais au plan de la croissance démographique comme
à celui de la progression des PIB, l'UE et ses membres ont été des maillons
faibles.
Les perspectives à long terme ne sont pas rassurantes pour
les pays (anciennement) avancés
Dans L'économie mondiale en 2050, le Centre
d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) a fourni des
estimations intéressantes des poids des « grandes » puissances en 2025 et 2050
exprimés en termes de Produits intérieurs bruts ( PIB
) valorisés en dollars.
En 2025,
l'UE et les États-Unis (USA) auront encore régressé et
se côtoieront à 21 % du PIB mondial.
En 2050, on aura changé de planète. La Chine sera
largement en tête à 28 %, soit au double des USA (14 %) et plus loin encore
devant l'UE (11 %) et le Japon (3 %). L'Inde, à 12 %, tiendra le troisième
rang.
Un autre regard, encore plus inquiet
Dans Horizon 2060 : perspectives de croissance
économique globale à long terme, l'OCDE a établi en 2012 des prévisions «
tendancielles » des PIB des pays mesurés en parité des pouvoirs d'achat aux
horizons 2030 et 2060.
La Chine monte à 28 % du PIB mondial en 2030,
s'éloignant des USA et de la zone euro.
Ne parlons pas des prévisions, encore plus hasardeuses, à
l'horizon 2060, où l'on trouve la Chine et l'Inde totalisant 46 % du PIB
mondial, les USA, 16 %, la ZE, 9% et le Japon, 3 %.
Spectaculaire rattrapage des pays émergents
Le rattrapage des pays les plus avancés par les pays en
développement (PED) a dépassé toutes les espérances et les prévisions. On peut
le voir dans la comparaison entre pays, et groupes de pays, des rapports entre
le PIB de 2013 et celui de 1985. Ce rapport a été de 6,1 pour le PIB mondial,
qui a atteint 74.700 milliards de dollars en 2013... et
a été multiplié par 6,1 en 28 ans en dollars courants.
Les PIB des USA, du Japon et du Canada ont été multipliés
respectivement par 3,9, par 3,5 et par 5, très en dessous de la moyenne
mondiale. Ensemble, avec un rapport de 5,7, les pays de l'UE n'ont
pas obtenu la moyenne. Finalement, le PIB du « tout puissant » G7 n'a été
multiplié que par 4,2. Finie, la suprématie indiscutée de ce groupe de pays qui
a été élargi jusqu'à compter 20 membres aujourd'hui au sein du G20.
Dans tous les autres groupes de pays, et particulièrement
dans les pays émergents, ces multiplications ont été plus fortes. Elles ont
été: de 6,8 pour les pays d'Afrique du Nord et du Moyen Orient, de 7,3 pour
l'Amérique latine ainsi que pour l'Afrique du Sud du Sahara, et de 17 pour les
PED et les pays émergents d'Asie.
Dans le groupe des « BRIC », entre 1985 et 2013, les PIB
ont été multipliés par 9,7 au Brésil, par près de 8 en Russie et en Inde et,
nous l'avons déjà vu, par 30 en Chine.
La hiérarchie entre les puissances économiques a été
bousculée. L'épicentre de l'économie mondiale s'est résolument déplacé vers l'Asie
et le Pacifique, plus rapidement et davantage que prévu en Occident.
Mais de gros écarts de PIB par habitant subsistent avec
les pays riches
Les PIB par habitant sont des indicateurs sommaires des
revenus des populations des pays. Valorisés en dollars (ou une autre monnaie «
internationale »), ils donnent une idée du pouvoir d'achat sur les marchés
mondiaux. En 1985, les écarts entre les pays « riches » et les PED pouvaient
être énormes. Ainsi, en dollars, le PIB par habitant (PIB/H) aux USA était 62
fois plus élevé qu'en Chine, 58 fois supérieur à celui de l'Inde. Celui de
l'Allemagne était 28 fois plus élevé que celui de la Chine. Celui de la France
était presque 6 fois supérieur à celui du Brésil.
Ces écarts ont été considérablement
réduits. Ils restent cependant souvent importants. En 2013, toujours en
dollars, le rapport est de 4 entre la France et le Brésil, de 4,5 entre les USA
et la Chine, de 6,5 entre l'Allemagne et la Chine, de 7,6 entre les USA et la
Chine... et de 35 entre les USA et l'Inde !
C'est dire que des « avantages comparatifs » notables en
matière de coût de la main d'oeuvre existent encore. Et pas seulement pour les
pays « émergents » pris en exemple ici, mais pour de nombreux pays d'Afrique,
d'Amérique latine, d'Asie... Le rattrapage est loin d'être terminé. Le
nivellement par le bas aussi.
D'un autre côté, les écarts de PIB par habitant sont
nettement plus faibles s'ils sont mesurés à parité de pouvoir d'achat. Les
rapports tombent alors à 2,7 entre la France et le Brésil, à 3,7 entre
l'Allemagne et la Chine, à 7,6 entre les USA et la Chine et à 9,7 entre les USA
et l'Inde. Ces PIB/H en PPA sont surtout utilisés pour comparer des niveaux de
vie dans les pays. Ils sont moins instructifs pour analyser les rapports de
compétitivité entre pays.
Les prévisions avaient surestimé les capacités des pays
les plus avancés
À l'approche des années 1990, des prévisions de croissance
mondiale jusqu'à l'an 2000 ont été réalisées (source CEPII - OFCE). En 1988, en
dollars, la somme des PIB des membres du G7 (USA, Japon, Allemagne, France,
Royaume-Uni, Italie, Canada) atteignait 69 % du PIB mondial. De ce fait, ces
pays ont sans doute trop polarisé l'attention. Additionnés, les PIB des quatre
pays suivants du classement, les BRIC (Chine, Inde, Brésil et Russie), en
représentaient moins de 7 %. Ont-ils été pris à la légère pour cela dans les
prévisions ?
Les prévisions de croissance entre 1990 et 2000 ont
été trop « optimistes »pour l'Allemagne (+ 3,0 %°), pour la France et l'Italie
(+ 2,7 %). Leur PIB a crû, respectivement, de + 1,5 %, + 1,7 % et + 1,6 %. Pas
de quoi engendrer la création d'emplois, déjà! Pour le Japon, cela a été pire.
Le PIB a crû au rythme de + 1,3 %, au lieu des + 4,3 % prévus. Le Royaume-Unis s'en est tiré un peu mieux que prévu: + 2,5 %,
contre + 1,8 %. La croissance des USA avait été davantage sous-estimée, à + 2
%. Elle a été de + 3,5 %, éloignant davantage les USA des pays européens.
Sous-estimation pour la Chine: son PIB a progressé en
moyenne de + 10,3 % par an. Le « attrapage » anticipé n'était pas du tout de
cette importance. De son côté, l'Inde a vu son PIB croître au rythme de + 6 %.
Le même type d'erreurs s'est retrouvé dans les prévisions
2000-2010 du « scénario de référence à l'horizon 2030 » du CEPII.
Surestimations et très faibles croissances pour les six premiers de la classe:
USA: + 1,6 % au lieu de + 2,2 %; Japon: + 0,8 % contre + 1,3 %; Allemagne: + 1
% au lieu de + 2,2 %, France: + 1,6 % contre + 2,4 %; Italie : + 0,3 % contre +
1,7 %; Royaume-Uni: + 1,6 %. La somme des PIB de ces six pays n'a augmenté que
de + 15 % en dix ans.
Large sous-estimation encore pour la Chine, dont le PIB a
crû de + 10,5 % par an, contre + 6,2 % prévus et a été multiplié par 2,7 entre
2000 et 2010. Même chose pour l'Inde: + 7,6 % contre + 5,6 % prévus, et PIB
multiplié par 2,1 en 10 ans. À signaler aussi, la remontée du Brésil au rythme
de 3,5 % par an.
En définitive, sur les vingt ans de 1990 à 2010,
les pays du G7 et l'Europe semblent avoir refusé de voir la réalité,
contrariante pour les gouvernants, de l'UE en particulier, qui, aujourd'hui
plus que jamais, veulent se convaincre que la mondialisation débridée, sans
frontières et sans protections, est le bon plan, le meilleur plan pour tous.
Ils persistent dans l'erreur. Main dans la main avec les représentants des
multinationales américaines, toujours aussi arrogants et surs d'eux, ils
continuent à oeuvrer à l'avènement, à la consécration de l'hyper puissance chinoise.
La présomption de supériorité des économies occidentales a
été battue en brèche. Il serait temps d'en tirer les leçons, car les tendances
lourdes observées ne vont pas s'inverser. Une nouvelle voie est a trouver d'urgence.
Pourquoi de telles performances de la Chine
La Chine vit ses « trente glorieuses
», ou peut-être quarante. Quand on regarde ses performances « hors normes »
depuis trente ans, il ne faut pas perdre de vue qu'elles viennent après plus
d'un demi-siècle « perdu », gangréné par des
occupations étrangères, des guerres, de sanglants conflits internes et, depuis
1949, avec un peuple martyrisé par un régime communiste dictatorial dirigé par
Mao Dzedong jusqu'à son décès en 1976. Sa politique
du « Grand bond en avant » lancée en 1958, a été un échec qui a provoqué la famine
jusqu'en 1962 et a fait entre 20 millions et 55 millions de morts selon des «
estimations » d'historiens. En 1966, il a mis en marche la « Grande révolution
culturelle prolétarienne », utilisant les jeunes, embrigadés dans les rangs des
« Gardes rouges », pour « rééduquer » les intellectuels, les bourgeois, les
bureaucrates, les révisionnistes, les réfractaires et les cadres du parti. Une
façon aussi d'éliminer toute forme d'opposition. Bilan : des centaines de milliers
de morts d'après certains
historiens, des
millions pour d'autres. Ces saignées successives ont ruiné le pays, l'ont privé
de ressources humaines instruites, qualifiées, expérimentées, entreprenantes. Après
Mao, la Chine devait repartir de zéro. En 1980, compté en dollars, le PIB
par habitant était 40 fois inférieur à celui de la France. Les Chinois ne
pouvaient que désirer s'en sortir et être prêts à tous les efforts pour cela.
Longtemps encore après sa reconnaissance par la France en
1964 à l'initiative du Général De Gaulle et la très symbolique visite du
président américain Nixon en 1972, la Chine a vécu isolée, presque en autarcie.
Elle s'est véritablement ouverte au monde après la reconnaissance de la Chine
par les États- Unis au 1er janvier 1979. Dès 1978, Den
Xiaoping, successeur de Mao à la tête du Parti avait décidé d'instituer une «
économie sociale de marché ». C'est à lui, d'abord, resté aux commandes
jusqu'en 1992, que la Chine doit son décollage et son spectaculaire
redressement, que ses successeurs à la tête du Parti ont ensuite prolongés
d'une main de fer... voulant, de toute évidence, porter leur pays au sommet de
l'économie mondiale.
Une des clés de la réussite a été la vigueur de ses
exportations qui sont passées en surmultipliée avec l'adhésion de la Chine à
l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2002. Elles se sont appuyées sur
un coût faible du travail, des progrès techniques spectaculaires, ainsi que sur
une montée en gamme de ses produits jusqu'à la « High
Tech », qui n'ont pas manqué de faire appel aux « généreux » transferts qu'ont
dû lui offrir les multinationales et les autres investisseurs étrangers attirés
comme des mouches par son grand marché en expansion. L'espionnage industriel
est un accélérateur des transferts technologiques. La Chine fait partie des
suspects dans ce domaine, même en France où elle est soupçonnée depuis peu de
pointer de « grandes oreilles ». En 2012, elle est devenue le premier pays
exportateur mondial de biens, devant l'Allemagne et les USA, avec un montant de
ventes de 2.000 Mds de dollars. Ce montant représente
25 % du PIB du pays. La sous-évaluation notoire de sa monnaie, le yuan, que ses
grands concurrents lui reprochent, a été un stimulant supplémentaire.
Une autre caractéristique spécifique du modèle économique
chinois, que l'on doit, à mon avis analyser en fonction de sa situation « de
départ » à la fin des années 1970, est la très forte propension à l'épargne et
à l'investissement, productif avant tout. Avec la volonté, complémentaire,
d'assurer son financement à l'aide de ressources nationales. Une stratégie
inverse, en somme, de celles des USA, du Japon, des pays de l'UE et d'autres
pays occidentaux pseudo-keynésiens, qui ont abusé de
l'endettement et privilégié la consommation privée et publique pour soutenir la
croissance... jusqu'à l'épuisement que nous observons, subissons et déplorons.
Pendant les 30 ans de 1983 à 2013, le taux annuel
d'épargne/PIB n'a pas été inférieur à 34 %, est monté à 40 % en 2002, puis à
près de 50 % de 2011 à 2013.
C'est entre 2 et 3 fois le niveau du taux d'épargne de
la France, que nous considérons comme élevé. Trop élevé, disent certains.
Parallèlement, le taux d'investissent/PIB a été supérieur
à 35 % et est monté à 48 % entre 2010 et 2013. L'investissement productif
(constructions comprises) représente environ les 2/3
de l'investissement total et 1/3 du montant du PIB en fin de période.
Pas de problème de financement des actifs fixes,
l'autofinancement y pourvoit à 75 % dans les années 2010. Le recours au financement
budgétaire est très faible, l'appel au crédit intérieur avoisine les 15 % et le
poids des investissements directs étrangers (IDE) a diminué.
La soif d'accumulation du capital ne
s'arrête pas là. La Chine détient la plus grande réserve de devises du monde.
Elle apporte une contribution décisive au financement du gigantesque déficit
américain. Comme celles de l'Inde, ses firmes investissent de plus en plus à
l'étranger, non sans soulever des inquiétudes... comme dans « l'affaire » de
l'aéroport de Toulouse-Blagnac, rentable, que nos
gouvernants bradent à la quête du moindre sou.
Contrepartie de
l'importance des ressources nationales consacrées à l'investissement et à la
conquête des marchés extérieurs, celles dévolues à la consommation sont «
relativement » faibles. Elles étaient voisines de 65 % du PIB en 1980. Elles ne
sont plus que de 50 % en 2010 (source : China StatisticalYearbook, in croissanceusa.blog.
lemonde.fr/2013/ 07/15). Cependant, vu l'envolée du PIB, la croissance de
la consommation n'est pas négligeable.
Retour sur investissements étrangers: Il est bon de souligner les
apports des IDE, des multinationales notamment, en Chine en matière
d'innovation, de transfert de technologies et de formation des cadres et des
personnels qualifiés. Ils ont été amplifiés par les associations, très encouragées,
avec des firmes locales. Si le poids des IDE par rapport au PIB chinois a décru
depuis le sommet à 4,7 % atteint en 1997, leur montant a sans cesse augmenté.
Il était de 3,5 Mds de dollars en 1990, de plus de 40
Mds en 2000, et de 124 Mds
en 2013 (CNUCED).
Les multinationales sont-elles devenues trop envahissantes, indociles,
indisciplinées? En tout cas,
il semble que les Autorités veuillent faire
respecter les lois chinoises. Sur lefigaro.fr/conjoncture/ 2014/08/20, sous
le titre Pékin met les multinationales au pas, on pouvait lire: « Les
enquêtes virulentes de l'antitrust chinois reflètent un regain de patriotisme
économique... », et encore « Eté pourri pour
les multinationales en Chine... ». En effet, non sans motifs, les Autorités
osent s'en prendre à des géants tels Mercedes, le laboratoire britannique GSK, McDonalds, et à de grands
manitous américains des technologies, Microsoft et Qualcomm.
« Ces marques, symbole de la mondialisation à marche forcée de la seconde
économie mondiale, sont désormais sur la sellette. Elles qui ont contribué au
décollage irrésistible du géant endormi, en y investissant massivement depuis
les années quatre-vingt, sont dans le viseur de Pékin. » Très juste ! Mais
pas sans en avoir tiré des bénéfices.
En fait, les gouvernants chinois montrent
peut-être l'exemple en engageant un bras de fer avec des multinationales qui,
apparemment, ne respectent pas les règles de marché locales
et veulent imposer les leurs. ¾