LE DÉVELOPPEMENT NORD-SUD ENTRE

ANTAGONISMES ET COOPÉRATIONS

« L'équilibre du monde est le seul rempart face aux hégémonies »

 

Par Christine Alfarge

À la fin de la seconde guerre mondiale sonne l'heure des indépendances et de la décolonisation sur la rive Sud, période qui s'étalera jusque dans les années 1960. Elle marquera le commencement de l'actuelle fracture Nord-Sud et la montée des contrastes des conditions de vie entre les deux rives.

Selon Alfred Sauvy dans Trois mondes, une planète, du 14 août 1952 « Ce qui importe à chacun des deux mondes, c'est de conquérir le troisième ou du moins de l'avoir de son côté. De là viennent tous les troubles de la coexistence ». En transposant la célèbre phrase de Sieyes sur le Tiers État pendant la Révolution française, il terminait son article ainsi : « Car enfin ce Tiers Monde ignoré, exploité, méprisé comme le Tiers État, veut, lui aussi être quelque chose ».

Avec la notion de Tiers Monde, les pays en développement ont voulu s'affirmer indépendamment des blocs de l'Est et de l'Ouest. Mais après l'âge d'or des années 70, les désillusions sont apparues. Si le Tiers Monde n'a plus de sens politique aujourd'hui, le problème du sous-développement demeure. Au XXIe siècle, la crise globale révèle la complexité des nouveaux rapports de force entre alimentation, énergie, ressources minérales et finance. Le système occidental dominait le monde, il n'a plus le monopole du bien ni des certitudes. Son modèle de croissance est condamné par la mondialisation financière, le facteur démographique a pris une revanche de masse. Nous vivons le renversement du monde confronté aux transitions démocratiques, climatiques, économiques, énergétiques face à des besoins vitaux.

Le développement à l'épreuve des enjeux démocratiques

Au fil du temps, les évolutions ont donné un sens moral en faisant apparaître un besoin de justice, de respect de l'individu d'une manière universelle. La signification historique philosophique et humaine notamment des révolutions arabes reste entière. Parti de Tunisie fin 2010 avec une ampleur plus ou moins grande selon les pays, un vent de démocratie a soufflé sur le monde arabe. Dans ce contexte évolutif sur les plans politique, économique et géostratégique s'inscrit une nouvelle donne dans l'espace moyen-oriental notamment sur les grands enjeux territoriaux, sécuritaires et énergétiques existants ou à venir.

Le développement à l'épreuve des enjeux économiques

L'Union pour la Méditerranée lancée sous l'impulsion française visant à intégrer les Européens et les habitants des pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée pour constituer un ensemble de 1 milliard de personnes vers 2030-2040, incarne cette volonté politique de relancer le partenariat euro-méditerranéen afin de réaliser des projets communs basés sur le co-développement. Plusieurs réflexions sont menées sur des enjeux incontournables tels que la question de l'énergie, celle d'une institution financière euro-méditerranéenne ainsi que sur la création d'une agence méditerranéenne de l'eau et la mise en place de mesures sur l'emploi et l'alimentaire, destinées à l'amélioration des conditions de vie des populations afin de diminuer les flux migratoires entre l'Afrique et l'Europe. Le fondement de la stabilité en Méditerranée passe avant tout par le règlement des problèmes sociaux et économiques des citoyens, la politique d'immigration étant toujours liée à des bouleversements politiques ou des problèmes économiques.


Aujourd'hui, face aux questions qui se posent autour des défis migratoires en France comme en Europe, il faut une politique d'État dont les dirigeants doivent assumer pleinement les décisions à prendre au regard des capacités de chaque pays. Le destin de l'Union européenne est lié à celui des pays du sud de la Méditerranée. Il est très important de comprendre que le renforcement de la coopération économique euro-méditerranéenne est nécessaire pour construire un territoire stable et durable.

Le développement à l'épreuve des enjeux climatiques

Intimement liée au développement de l'homme, la biodiversité et les services qu'elle rend sont gravement menacés par le réchauffement du climat. La biodiversité est source d'alimentation, fournit des matières premières et contribue au maintien de la qualité de l'eau, de l'air et des sols ou à stopper ou contenir la diffusion de maladies. À cet égard, les enjeux climatiques doivent être perçus comme une opportunité et pas comme une contrainte.

Il existe également une dualité entre le réchauffement climatique qui impose de restreindre les émissions de CO2 et la démographie et le développement économique venant de Chine, d'Inde et des autres pays émergents qui font craindre des pénuries. Les conflits de demain se conditionnent maintenant. Il est important d'avoir un regard universel. La géoclimatique doit être associée à la diplomatie. Aucun statut géographique ou politique ne protègera contre les effets climatiques. Les solutions passent par la volonté collective, avec quels types de financements innovants ?

Au cours des prochains mois, tous les pays du monde vont préparer leur contribution à l'effort collectif afin de lutter contre les effets du changement climatique. Ces propositions serviront de base à un nouvel accord international sur le climat, qui devra être approuvé à Paris fin d'année 2015. Une ambition collective est cruciale pour l'avenir de notre planète. Nous devons faire les choix conduisant à investir financièrement au service d'un projet industriel entrant dans « l'ère du bas carbone » où les emplois seront plus nombreux et l'environnement moins pollué.

Éviter une nouvelle guerre des blocs

Au lendemain de la crise économique des années 90, la création du G20 avait pour but de favoriser les échanges entre les principales puissances économiques du monde, en incluant les puissances émergentes comme l'Afrique du Sud, le Brésil ou l'Inde. Si l'on considère qu'il n'y a pas de pays développés ou sous-développés, mais uniquement des pays plus ou moins pauvres ou plus ou moins riches, occupant chacun une place distincte dans l'échelle mondiale des revenus, la crise mondiale devrait amener les États à s'entendre en développant les interdépendances économiques auprès des organisations internationales et des pays tiers.

Au fil de l'histoire, le Général de Gaulle ne cessera de nous éclairer sur l'ardente nécessité du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Dès1934, il écrit « Nous voyons naître des mouvements d'idées, de passions, d'intérêts, dont le but manifeste est la fin de notre domination ».

Le 30 janvier 1944, son célèbre Discours de Brazzaville, annoncera le prélude à l'autonomie et à l'indépendance de l'Afrique noire française. Dès la fin du conflit mondial, le Général de Gaulle pense que le mouvement de décolonisation est inéluctable. Son discours sur l'autodétermination de l'Algérie, le 16 septembre 1959, va rompre avec la politique traditionnelle de la France, il proclamera en effet la fin du régime colonial.

Au regard de l'équilibre dans les relations Nord- Sud, le Général de Gaulle mènera une politique cohérente basée sur des coopérations, ayant le souci pour les pays les plus défavorisés de l'accès au développement visant à réduire les écarts entre richesse et pauvreté.

Comme Alfred Sauvy l'a écrit, « Il y a un élément qui ne s'arrête pas, c'est le temps. Son action lente permet de prévoir que l'ampleur des ruptures sera, comme toujours, en rapport avec l'artifice des stagnations … » À méditer !

 



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07.01.2015
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