Les
réacteurs nucléaires au thorium : quels avantages ?
Chronique
livre par l'auteur du blog Pourquoi Comment
Combien : « Voici un ouvrage consacré à une technologie peu connue du grand
public mais beaucoup plus avancée et prometteuse que je ne le pensais : les
réacteurs nucléaires au Thorium ».
Les
avantages des réacteurs au thorium sont très nombreux :
- le thorium 232 est plus abondant que
l'uranium, on peut l'utiliser à 100 % contre quelques pour cents pour
l'uranium, et il n'y a pas besoin de l'enrichir ;
- le 232Th étant fertile et non fissile, il ne peut pas
produire de réaction en chaîne. Une centrale ne peut pas s'emballer, et elle
peut s'arrêter d'elle même en cas de défaut de refroidissement ;
- les déchets du 232Th ne sont dangereux que quelques
siècles, contre des centaines de milliers d'années pour ceux de l'uranium ;
- les centrales au thorium peuvent « incinérer » les
déchets des centrales à uranium, y compris le plutonium ;
- on
ne peut pas produire d'armes nucléaires avec une centrale au thorium.
Coté désavantages, en cherchant
bien, il y en a quelques-uns, mais le principal est qu'on ne peut pas
produire d'armes nucléaires avec une centrale au thorium. Selon
Jean-Christophe de Mestral, c'est ce qui a favorisé
la filière de l'uranium pendant la guerre froide alors que plusieurs
expériences ont démontré la faisabilité et la sécurité des solutions au
thorium. Entre autres :
Le réacteur expérimental de Shippingport aux USA qui a fonctionné comme surgénérateur
au thorium entre 1977 et 1982.
Plusieurs
réacteurs à très haute température (HTGR) ont fonctionné avec des barres de
combustible mixant Uranium 235 et Thorium 232 aux USA, mais aussi en Allemagne
entre 1966 et 1989.
Les réacteurs
expérimentaux et 7 réacteurs CANDU de 220 MW chacun utilisant un mix uranium/thorium qui fonctionnent actuellement en Inde.
L'Inde est le seul pays mentionnant claire-ment le
thorium dans son programme énergétique, pour une raison simple : l'Inde a très
peu d'uranium, et ne peut pas en importer facilement car elle n'a pas signé le
traité de non-prolifération. Par contre elle dispose de gros gisements de
thorium.
Et aussi le « Molten-Salt
Reactor Experiment » (MSRE)
qui fonctionna entre 1965 et 1969 avec divers combustibles, dont de l'uranium
233 produit à partir de thorium dans un autre réacteur.
Les réacteurs à sels fondus
(MSR) sont prometteurs à moyen terme. Ils sont d'ailleurs prévus par le «
Forum International Génération IV » dans les technologies disponibles d'ici
2030, mais hélas seulement dans leur version à l'uranium. Les réacteurs au
fluorure de thorium liquide (LFTR) n'ont pas été projetés dans cet horizon de
temps, tout comme le « Rubbiatron » qui nécessite un
accélérateur de particules d'ailleurs. Ce qui n'empêche pas l'AIEA d'en penser
du bien, ni la Chine de démarrer un ambitieux projet de LFTR, qui sera
probablement une première mondiale...
Du point de vue nucléaire, les
réacteurs à sels fondus n'ont que des avantages :
- le combustible
est dissous dans un sel, solide à basse température, liquide en fonctionnement
et servant en même temps de fluide de refroidissement primaire ;
- la réaction ne
se produit que dans le coeur car il faut à la fois une source de neutrons et un
volume suffisant pour que la probabilité que le neutron soit absorbé soit assez
élevée ;
- l'installation
fonctionne à pression ambiante : le très haut point d'ébullition du sel empêche
que le système devienne une cocote-minute ;
- si l'installation surchauffe, un
bouchon (Freeze Plug
sur le dessin) fond et le sel s'écoule par gravité dans des réservoirs (en
bleu) dont la géométrie stoppe les réactions nucléaires. C'est d'ailleurs comme
ça que le MSRE était arrêté pour maintenance.
Les difficultés et inconnues sont
surtout liés à la chimie de ces sels. Il faut
installer une usine chimique pour les purifier à côté de la centrale, notamment
pour en enlever le xenon 135. On ne sait pas trop
bien comment un LFTR vieillira, notamment en raison de la corrosion par les
sels.
ARE thorium : plus besoin de
réservoirs, on va pouvoir mettre des passagers aussi dans les ailes...
Au passage, j'ai découvert
l'existence du projet Aircraft Reactor Experiment qui visait
la propulsion nucléaire d'avions. C'était un MSR dont les sels à 850°
chauffaient l'air dans les réacteurs, qui fonctionna 1.000 heures en 1954,
quand on avait peur de rien sauf peut-être des rouges. Donc je ne le savais pas
mais oui, il existe dans les cartons une alternative au turboréacteur.
Le livre L'atome vert est
très intéressant et convaincant pour l'initié, mais il m'a semblé parfois trop
technique pour le grand public. Je le trouve aussi inutilement provocateur pour
les écolos irréductibles, notamment le passage comparant les risques des
diverses sources d'énergie par TWh produit et celui
comparant les taux de cancers dans les zones à forte radioactivité naturelle,
même si c'est très intéressant.
Enfin, même la conclusion me semble
trop touffue pour les politiciens lambda qui sont pourtant les personnes à
convaincre, alors je résume pour eux : « Thorium pouvoir produire Térawatts propres et pas chers pour remplacer pétrole et
charbon. Vous y'en a donner feu vert, nous s'occuper du reste. ». Je ne
sais pas ce que ça donne en hindi ou en mandarin, mais là-bas ils ont compris. ¾
Livre de Jean-Christophe de Mestral, L'atome vert : Le thorium, un nucléaire pour
le développement durable. Éditions Fabre.