Belgique, les fantômes de la collaboration

 

 

Par Luc Beyer de Ryke,

La Belgique a voté le 25 mai. Elle a désormais un nouveau Gouvernement. La droite et le centre-droit ont remplacé le centre-gauche. Si je résume ainsi cette alternance elle vaut les quelques lignes que je viens d'écrire.

Ce passage de témoin serait à même de satisfaire ou de déplaire et se réduirait à la banalité du quotidien. S'il justifie cet éditorial, s'il fait que j'ai été appelé à France Inter et à France Culture pour en parler et l'analyser, c'est qu'il est d'un tout autre ordre. Nous assistons à l'arrivée des nationalistes flamands. Ils ont désormais au pouvoir.

C'est Bart De Wever le président de la NVA (Nouvelle Alliance Flamande) qui est l'architecte du Gouvernement. S'il n'est pas Premier ministre c'est qu'il ne l'a pas voulu. Il a préféré avoir le libéral francophone Charles Michel comme paratonnerre et otage. N'oublions pas que la NVA a pour premier point de son programme la disparition du pays rebaptisé de manière romantique « l'évanouissement de la Belgique ».

L'engrenage

Comme en est-on arrivé là ? Au lendemain des élections chacun a sorti sa calculette. Au Sud, en Belgique romane, les libéraux recueillaient les lauriers. Dans les diverses assemblées fédérales et régionales ils obtenaient seize sièges supplémentaires. Les socialistes d'Elio Di Rupo résistaient mais se voyaient mordre aux basques par l'ultra gauche du PTB (Parti des Travailleurs de Belgique). Les intempéries politiques frappaient surtout les écologistes. Au Nord les lauriers allaient à la NVA grande triomphatrice avec plus de 33 % des suffrages.

On convint communément de négocier d'abord le Gouvernement fédéral, ensuite ceux des régions. Procédons par ordre et l'équilibre se fera. Chacun s'y engagea. Parole donnée, parole man-gée. Le PS se précipita, prit tout le monde de court et forma avec le CDH (démocrate-chrétien) le Gouvernement wallon. Puis, dans la foulée, le Gouvernement bruxellois avec les mêmes rejoints par les francophonisimes du FDF. Côté flamand, les chrétiens-démocrates et les libéraux de l'Open VLD.


Soulignons qu'en Wallonie les libéraux vainqueurs voyaient se perpétuer une exclusion qui durait depuis dix ans. Et qu'à Bruxelles, où ils figuraient, ils étaient boutés dehors.

Ô rage et désespoir…

J'ai rencontré Elio Di Rupo de passage à Paris et l'ai interrogé. L'ancien Premier ministre socialiste ne s'est pas dérobé et nous nous sommes entretenus de ce scénario catastrophe. Il en est ressort que la peur d'être exclu du pouvoir l'a emporté.

Ajoutez à cela des allergies et des problèmes d'égo et vous aurez la formule chimique de ces alliages politiques. Pour expliquer l'attitude des libéraux Elio Di Rupo eut cette formule pleine d'un a-propos nuancé d'humour : « Je comprends qu'ils aient pu se sentir affligés. ».

L'affliction se mua en colère froide. La NVA tendait les bras. « Ils n'oseront pas ! » se persuadèrent socialistes et démocrates-chrétiens francophones à propos des libéraux. Ils osèrent et… réussirent. L'opposition francophone n'en n'est pas encore revenue.

« L'affliction » changea de camp. Les socialistes, en particulier, en perdent la tête et le sens commun pour être hors du pouvoir central ou fédéral pour la première fois depuis vingt-cinq ans !

Souvenirs de la guerre

Tout désormais est bon pour s'opposer au nouveau Gouvernement. L'opposition fait flèche de tout bois. Cela étant, convenons-en, ce n'est pas le bois qui manque.

L'arrivée de la NVA fait ressurgir un passé lointain, jamais oublié, celui de la collaboration.

Les opposants au Gouvernement se muent en journalistes d'investigation.

Ils ont découvert que le nouveau ministre de l'Intérieur (NVA) avait honoré de sa présence il y a de nombreuses années une séance du St Maartensfonds. Cette association caritative venait en aide aux anciens du Front de l'Est (1) et de leurs familles ainsi qu'aux anciens SS-Vlaanderen. Dans leur journal Berkenkruis on célébrait l'anniversaire du führer.

Interrogé le ministre a dit condamner la collaboration qui fut « une erreur » mais en ajoutant que « les Flamands qui ont collaboré avec les Allemands avaient leurs raisons ». L'émoi fut grand côté francophone. D'autant plus que, quelques jours auparavant, le nouveau secrétaire d'État à l'Immigration Théo Francken fêtait le quatre-vingt-dixième anniversaire du fondateur du VMO (Vlaamse Militanten Orde), milice violente au service du radicalisme flamand le plus extrême.

Dans sa jeunesse l'homme avait fait partie de la « Nationaal-socialistische Jeugd » (jeunesse national-socialiste flamande).

Lorsque Bart De Wever, président de la NVA et bourgmestre d'Anvers revint de Chine ou il se trouvait en mission on l'interpella. On le somma de donner son avis …et l'avis vint.

« Tout cela, ce sont des foutaises de francophones. ». Le Premier ministre Charles Michel en demeura muet.

Mais sans doute n'est-ce pas ce que les francophones attendaient de lui… ¾

 

(1) Deux divisions SS combattirent durant la Seconde guerre mondiale sue le front russe. Les Flamands dans la division Langemark, les Wallons, commandés par Léon Degrelle, sous l'étendard bourguignon dans la Légion wallone.

 



      Réagir à l'article :
 


06.11.2014
Free counter and web stats
HTML Web Counter