INSATIABLE, INCHIFFRABLE ET INDECHIFFRABLE REDISTRIBUTION

 

par Paul KLOBOUKOFF

 

En résumé

La redistribution, parée des vertus de la solidarité, et souvent comprise comme « certains paient au profit d'autres plus qu'ils ne reçoivent », est une des « valeurs» dominantes et montantes de notre société. À l'aide de données peu diffusées, le présent article vise à faire mieux connaître les proportions qu'elle prend, la pluralité des formes qu'elle emprunte et la diversité des domaines dans lesquels elle s'exerce. Il est quasiment impossible d'en faire le tour complet. D'ailleurs, personne ne cherche à le faire. Elle comporte trop d'anomalies et, surtout, son ampleur et les efforts demandés sans retour aux principaux payeurs sont peu avouables. Son poids, en partie seulement mesurable, additionné à celui des prestations sociales « non redistributives » (cf. mon dernier article) et avec les autres dépenses pléthoriques des Administrations nationales et locales, n'est plus supportable. Nous allons dans le mur et ne tarderons pas à dire adieu au « modèle social français » si un effort de rigueur et de sélectivité lucide n'intervient pas d'urgence. « Ce sera difficile ! » . « Ce ne sera pas facile ». À coup sûr. Mais, c'est indispensable !

Deux dimensions complémentaires basiques de la redistribution nous sont familières : les cotisations sociales et les impôts, d'un côté, et les prestations « sociales » gratuites ou partiellement payantes par leurs bénéficiaires, de l'autre côté. Nous en verrons d'autres aussi.

L'INSEE évalue chaque année « la redistribution monétaire », une partie de la redistribution « verticale », qui a pour but et/ou pour effet de réduire les inégalités de revenus entre les individus ou les ménages. Car le nivellement (par le bas) est, pour les gouvernants de la France et de l'UE, le meilleur garant de la paix sociale... ainsi qu'un argument politique clientéliste dont on ne veut pas se priver. En 2012, à elle seule, la redistribution monétaire est parvenue à diviser par deux le rapport entre le niveau de vie des 20 % des personnes les plus aisées et celui des 20 % les plus modestes. Elle a ramené ce rapport de 7,6 à 4. Elle a aussi multiplié par 2,4 les niveaux de vie des 10 % les plus modestes.

« C'est pas si mal », pourraient penser certains. « C'est très insuffisant, les écarts de revenus entre les riches et les pauvres sont insupportables », pourraient encore contester d'autres... presque tous étant, d'ailleurs, très mal informés par le Gouvernement, les partis politiques et les médias.

En réalité, la redistribution que l'on peut qualifier de « verticale » est beaucoup plus importante. Pour l'évaluer, il faut tenir compte de 70 milliards (Mds) d'impôts payés par les ménages en 2011 que l'évaluation de la redistribution monétaire n'intègre pas dans ses calculs.

En épluchant les comptes de la Protection sociale, on peut aussi retrouver 122 Mds de prestations d'aides sociales... alors que 52 Mds seulement ont été retenus par la redistribution monétaire.

Pour ces deux premières raisons, il est tout à fait possible que le rapport précédent estimé à 4 puisse approcher de 3. Merci pour les ménages « aisés ». Pour les classes moyennes également.

Ces estimations ne montrent pas la « solidarité interprofessionnelle », c'est à dire la redistribution opérée entre les régimes de protection sociale (assurance santé, retraite...), les excédents des uns (payés par leurs cotisants) venant au secours d'autres, déficitaires, que l'État est aussi obligé de renflouer. Elle se compte en Mds €.

L'assurance maladie, comme les autres assurances, est exclue des analyses annuelles de la redistribution. Pourtant, une étude intitulée « La redistribution verticale opérée par l'assurance maladie », réalisée sur l'année 2008 a montré l'importance de celle-ci. De ses résultats, il ressort notamment que pour environ 60 % des ménages, les plus modestes et les» médians », les cotisations à l'Assurance maladie obligatoire (AMO) ont été inférieures aux remboursements qu'elles ont reçus de la Sécurité sociale. À l'inverse, environ 40 % des ménages, les plus aisés, ont été remboursés moins qu'ils n'ont cotisé (les plus « riches », beaucoup moins), permettant de limiter le déficit de la Sécu. Depuis 2008, les règles du jeu ont considérablement changé, et une nouvelle étude sur le sujet serait utile, même si ses résultats n'entrent pas dans un bilan global quantifié de la redistribution... inexistant à ce jour.

Hors de la sphère de la Protection sociale sous le contrôle du ministère de la Santé et des Affaires sociales, l'Éducation est un haut lieu et un maquis de la redistribution. Les allocations, les bourses et les autres aides, presque toujours allouées « sur critères sociaux » y pullulent du primaire au supérieur. Je n'ai pas trouvé d'évaluation globale de ces aides. Une, partielle, fait état de 4,2 Mds de « bourses d'études et ARS » de l'Éducation nationale... en 2009. Lointaine, et très loin de concerner la totalité des aides financées par l'État, les régions, les départements, les communes, des fondations, l'Église catholique et des établissements privés. À quand un bilan ?

La plus grande partie des aides au logement ne figure pas dans les comptes de la Protection sociale. Le compte du logement 2011, lui, fait ressortir un total de 45 Mds d'aides « conférées aux consommateurs » et aux producteurs de services du logement Ce montant inclut les allocations, les subventions et aussi les avantages de taux d'intérêt (bonifiés) ainsi que les réductions d'impôts, ou niches fiscales. Selon ces données, aux aides sociales aux ménages comptées précédemment, il convient d'ajouter 14,6 Mds d'avantages fiscaux et de taux.

Ces aides ne sont pas exclusives du bénéfice de « tarifs sociaux », dont profitent les 5,2 millions de locataires du parc des logements sociaux, constitué à 80 % de HLM. Le montant total de ces aides sociales peut être estimé entre 14 et 15 Mdsen 2011.

À ce stade, la somme des aides sociales aux ménages quantifiables est de l'ordre de 150 Mds €. Soit 7,5 % du PIB ou 17 % des prélèvements obligatoires. Pas grand-chose, somme toute ?

Ce serait davantage en comptant les nombreuses niches fiscales. Elles sont une providence pour les « réformateurs » lors de leur création. Elles permettent alors de redistribuer sans augmenter le taux global des prélèvements obligatoires (PO), toujours sous surveillance. Au contraire, la chasse en cours aux niches fiscales, pour faire des « économies » (sans réduire le nombre de fonctionnaires), augmente les impôts et élève le taux des PO.

L'Impôt sur le revenu héberge une grande partie des niches, permettant à la moitié des « contribuables » de lui échapper et leur ouvrant les portes d'autres réductions ou exonérations fiscales (taxe d'habitation, taxe foncière, etc.) et celles de multiples aides sociales « sous condition ». De la grande redistribution ! Qui vise particulièrement, en ces temps difficiles, à accroître « la progressivité effective» de l'impôt, avec deux cibles « privilégiées », les familles aisées et les retraités, présumés riches.

Au-delà, nous entrons dans l'univers en pleine expansion des tarifs sociaux, de l'électricité, du gaz, du téléphone fixe et du mobile, d'internet, des transports... et même des voyages touristiques pour retraités. Il n'est plus « normal » qu'un produit, bien ou service, coûte le même prix pour tout le monde dans une « économie sociale solidaire » qui a gagné le secteur productif et voudrait y associer la recherche de la compétitivité avec la compassion.

Enfin, quelques exemples peuvent illustrer une dimension « amont » importante écartée de la redistribution, celle des « coups de pouce » ponctuels ou prolongés, plus ou moins appuyés, donnés aux salaires et aux pensions. Depuis longtemps, sans se cacher, ils travaillent à réduire les inégalités et à niveler les revenus.

À quand un état des lieux assez complet, qui porte aussi sur les bénéficiaires des aides? Sans oublier ceux qui reçoivent plusieurs d'entre elles, sans doute nombreux puisque une condition pour avoir droit à certaines aides est d'être non imposable et/ou de bénéficier déjà d'autres aides sociales. Un phénomène cumulatif, en quelque sorte.

 

La « redistribution monétaire », indicateur très partiel du nivellement

La « redistribution monétaire » prend en compte, d'un côté, des prestations sociales bénéficiant aux personnes en raison de leur situation familiale (allocations...) ou sociale (minima sociaux, alloca-tions logement), et de l'autre, des cotisations et des contributions sociales (CSG...) servant à financer ces prestations, ainsi que des impôts (impôt sur le revenu, taxe d’habitation) acquittés par les ménages, qu'ils bénéficient ou non des précédentes prestations.

Pour étudier « la façon dont ces transferts modifient les inégalités relatives de niveau de vie dans la population..., les individus ou les ménages sont le plus souvent répartis selon leur niveau de vie (NDV), par « quintiles » ou par « déciles » (20 % ou 10 % de l'ensemble des individus ou des ménages concernés).

Ainsi, l'INSEE (Portrait social de la France en 2012, source ici) observe-t-il que « La redistribution monétaire divise par deux le rapport entre le niveau de vie des 20 % des personnes les plus aisées et celui des 20 % les plus modestes ». Avant redistribution, le NDV moyen des 20 % les plus modestes est évalué à 7.300 € par an. Celui des 20 % les plus aisés, de 55.300 €, est 7,6 fois supérieur. Par les prestations sociales et les prélèvements, la redistribution monétaire majore le premier de + 55 % (taux de redistribution), le portant à 11.300 €. À l'inverse, elle réduit le second de - 18,8 %, ramenant le NDV à 44.300 €. Le rapport entre les NDV descend ainsi de 7,6 à 4.

Les écarts entre les revenus moyens et les taux de redistribution (TDR) sont encore plus forts entre les 10 % les plus aisés et les 10 % les plus modestes.

Pour les seconds, le TDR est de + 141 %; il fait monter leur revenu annuel moyen de 4.130 € à 9.950 €. Pour les premiers, il est de - 21,5 % et il abaisse le revenu de 72.200 € à 56.650 €. Ainsi, la redistribution monétaire divise par trois le rapport entre les revenus des 10 % les plus aisés et les 10 % les plus modestes, le ramenant à 5,7.

Dans le bas de l'échelle des revenus, la redistribution monétaire divise par 2 le rapport entre les NDV des 10 % des personnes du deuxième décile et ceux de 10 % les plus modestes (premier décile)... en le faisant chuter de 2,5 à 1,3... On comprend les interrogations sur la « justice » d'un système qui gomme ainsi les différences de revenu entre les personnes de ces deux déciles et qui, selon de nombreux avis, n'incite pas au travail.

Ces exemples traduisent une forte dégressivité des aides, très centrées sur les personnes aux plus bas revenus, d'une part, et la progressivité des prélèvements dès que les revenus augmentent.

40 % des personnes, celles aux revenus (avant redistribution) les plus modestes sont bénéficiaires nets de la redistribution monétaire, principalement grâce aux prestations sociales qu'elles perçoivent. Les autres 60 % reçoivent peu de prestations et supportent, ensemble, 92 % du montant total des prélèvements pris en compte.

Pourquoi nos médias « grand public » rechignent-t-ils à diffuser ces informations, et les politiciens semblent-ils les ignorer ? Pour ne pas nuire à la réputation de la vertueuse redistribution, pour entretenir le sentiment d'injustice sociale et les réclamations de plus de solidarité, de « partage », dans le brouillard.

Entre 2007 et 2011, le montant des prestations sociales a augmenté plus que celui des prélèvements, grimpant de 32,1 % des prélèvements en 2007 à 44,5 % en 2011. Un témoignage de l'effort croissant en faveur des plus modestes dans une conjoncture dégradée. Virage socialiste à 180° en 2012. Les recettes de l'impôt sur le revenu (IR) ont bondi de + 17,3 %. La très forte hausse de la fiscalité directe, assortie de l'augmentation du nombre de contribuables payants, a ramené le rapport précédent à 40,5 %. La baisse s'est poursuivie en 2013, l'IR montant de + 15 % supplémentaires. + 35 % en deux ans : merci infiniment aux gouvernants.

La redistribution a contribué à limiter la hausse du taux de pauvreté monétaire au plus fort de la crise financière entre 2008 et 2010, puis à le faire redescendre à son niveau de 2007, soit 12,5% en 2011, puis à 11,9% en 2012.

Précisions techniques explicatives :

Les prélèvements et les prestations par personne concernent ici, en fait, des « équivalents adultes », ou « unités de consommation » (UC). Dans un ménage, le premier adulte est compté pour 1 UC, le second et les enfants de 14 ans ou plus, pour 0,5 UC, et les plus jeunes, 0,3 UC. Le champ est la France métropolitaine. Les ménages dont le revenu n'est pas « positif ou nul » et ceux dont la « personne de référence » est étudiante en sont exclus. Les personnes vivant en collectivités aussi.

Du côté des prélèvements sur les ménages, sont comptés: l'Impôt sur le revenu, les Contributions sociales (CSG non santé) et les cotisations sociales salariales et patronales famille... uniquement.

Les prestations sociales retenues ne comprennent que : les prestations familiales (allocations et autres prestations: alloc. de soutien familial, alloc. d'éducation de l'enfant handicapé, complément de libre choix d'activité de la Paje, complément familial, allocation de base de la Paje et allocation de rentrée scolaire)), des aides au logement, des minima sociaux (le RSA « socle » , le minimum vieillesse (Aspa), l'allocation supplémentaire invalidité, l'allocation pour adulte handicapé et son complément).

En 2011, sur 27,1 millions (Mi) de ménages, 11,4 Mi, ont été bénéficiaires des prestations prises en compte dans le calcul de la redistribution monétaire, pour un coût total de 51,8 milliards (Mds) €. Dans Revenu et patrimoine des ménages, édition 2014, on lit aussi que :

- 6,9 Mi ménages ont bénéficié de prestations familiales, pour 23,2 Mds;

- 6,2 Mi ménages ont touché des allocations logement, pour 14,1 Mds;

- 3,1 Mi ménages ont bénéficié de minima sociaux, pour 13,5 Mds.

Ces nombres peuvent apparaître modestes. C'est normal, ils ne correspondent qu'à une partie de la grande redistribution effectuée beaucoup plus largement sous de multiples formes.

 

70 Mds € d'impôts payés par les ménages ne sont pas comptés dans la redistribution monétaire en 2011

 

En sus de la Contribution sociale généralisée (CSG), qui leur a coûté 86,7 Mds €, les ménages ont payé 146,7 Mds € d'impôts et taxes en 2011. Ce montant ne comprend pas la TVA et les autres taxes sur les biens et services qu'ils consomment. Les « spécialistes » considèrent que ces impôts indirects n'ont pas de rapport avec la redistribution.

Sur les 146,7 Mds d'impôts, la redistribution monétaire ne prend en compte que les 50,8 Mds de l'Impôt sur le revenu ou IR et les 16,5 Mds de la taxe d'habitation qui, ensemble, ont totalisé 67,3 Mds.

70 Mds € d'impôts ont été laissés de côté, dont les produits de: la taxe foncière (16,5 Mds), l'Impôt de solidarité sur la fortune ou ISF (4,3 Mds), les Droits d'enregistrement des donations et des successions (8,7 Mds), les Droits de mutation à titre onéreux de biens meubles et immeubles (12,1 Mds), les taxes sur les conventions d'assurance ou TCAS (7,3 Mds) et la Contribution sociale sur les revenus du patrimoine (5,9 Mds).

(Sources : comptes des ménages, INSEE, statistiques fiscales DGFIP du ministère des finances).


Pourtant, l'ISF est un impôt on ne peut plus « redistributif »... et punitif. La taxe foncière apporte des ressources aux collectivités locales leur permettant de financer des aides sociales, au même titre que la taxe d'habitation. L'imposition de la transmission et de la cession d'avoirs meubles et immeubles fait également partie de la panoplie des outils redistributifs en usage.

Les dernières décisions de réductions importantes des abattements fiscaux sur les successions et les donations sont sans équivoque à cet égard. Comme l'ISF, elle vise à « réduire les inégalités» de patrimoine. Quant à la Contribution sociale sur les revenus du patrimoine, son produit est reversé aux organismes sociaux des régions. Elle participe donc aussi à la redistribution.

Parenthèse indignée: il faut savoir que les TCAS ne portent pas sur le prix des services rendus par l'assureur, mais sur la totalité du coût de l'assurance. Or l'assurance est une « opération de répartition » consistant à « mutualiser », à faire partager des risques entre des assurés... comme le fait la Sécurité sociale. Les TCAS n'ont donc rien de commun avec la TVA et les autres taxes à la consommation.

Nos législateurs et politiciens devraient réprouver de telles taxes qui aggravent les coûts, déjà prohibitifs, des protections des personnes et de leurs biens.

Pour les assurances « non spécifiées » le taux des taxes est de 9 %. Pour l'assurance contre l'incendie des logements, il va de 7 % à 30 %. Pour les véhicules des particuliers, il est de 18 %, et pour les assurances de navigation de plaisance, il est de 19 %. Les assurances maladie n'échappent pas à la TCAS, au taux de 7 % si elles sont « solidaires et responsables », sinon, au taux de 14 %. Pourquoi ne pas taxer les cotisations de Sécurité sociale, tant que nous y sommes ?!

Ce ne serait que justice et égalité fiscale, finalement ! D'ailleurs, une partie des recettes des TCAS est affectée aux Départements, à la CNAF et à la CNAM.

Dans la plupart des cas, les TCAS sont assorties de contributions qui servent à financer divers fonds ou organismes de solidarité nationale (source : Fédération Française des Sociétés d'Assurances). Ainsi, les assurances maladie soumises à la TCAS supportent aussi une taxe de solidarité au profit du fonds CMU de 6,27 %.

Parmi les pires aberrations (à mon avis), figure la taxation de la responsabilité civile obligatoire de l'assurance automobile, dont le cumul des taxes atteint 35 %.

Etonnons-nous qu'autant de véhicules ne soient pas assurés. Pour l'assurance incendie des logements des particuliers, ce cumul est de 33,3 %. Qui s'en inquiète ?

Ces impôts et taxes manquent gravement dans l'évaluation de la redistribution monétaire. À l'exception des TCAS, les principaux payeurs font partie des personnes aux plus hauts revenus.

Si l'évaluation de la redistribution pouvait en tenir compte (au prix d'un travail statistique sans doute difficile), elle pourrait contribuer à désarmer un peu la démagogie clientéliste et décourager des excès fiscaux, qui touchent en premier lieu les « riches » , mais aussi les classes moyennes... pour permettre de dépenser et redistribuer « sans compter ».

Dans la jungle des prélèvements, le financement de la « solidarité » fait aussi appel à des taxes et des contributions « redistributives » supportées par les entreprises. Il en est ainsi, par exemple, de la contribution additionnelle de solidarité des sociétés (près de 1 Md en 2011), qui va au Fonds de solidarité vieillesse, de la contribution de solidarité autonomie (CSA) qui alimente le Fonds CSA (pour 2,3 Mds), abondant, lui-même, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, ainsi que de la taxe (2,6 Mds) au profit du Fonds national d'aide au logement.

Au total, c'est donc plus de 75 Mds d'impôts et de taxes que l'évaluation de la redistribution monétaire ne prend pas en compte.

 

122 Mds € d'aides sociales dans le champ de la Protection sociale


Les prestations d'aide sociale accordées aux ménages que l'on peut retrouver dans les comptes et statistiques de la DREES du ministère de la Santé et des Affaires sociales, et en particulier dans le rapport de 260 pages Les comptes de la protection sociale en France et en Europe – DT, atteignent près de 122 Mdsen 2011. Cette somme représente de l'ordre de 20 % de l'ensemble des prestations sociales. Elle mériterait d'être diffusée et de faire l'objet de débats politiques, car les discussions polémiques sur telle ou telle prestation prise séparément sont loin d'être suffisantes pour éclairer des décisions sensées. Et le cadre budgétaire, avec ses lois de finances, est très mal adapté pour avoir une vue d'ensemble des ressources mobilisées pour l'aide sociale, d'un côté, et ses emplois, de l'autre.

Ces aides sont venues à concurrence de 59,9 Mds des « Régimes d'interventions sociales des pouvoirs publics » : État, Organismes divers d'administration centrale (ODAC) et collectivités locales (CL). Ces dernières sont devenues des acteurs majeurs de l'aide sociale. Leurs dépenses brutes consacrées à

l'action sociale et médico-sociale ont été de 40,4 Mds, sans compter celles des communes de moins de 10 000 habitants. Avec celles-ci, les dépenses brutes des CL ont probablement été voisines de 45 Mds € en 2011.

Pour leur part, les « Régimes d'intervention sociale des Institutions sans but lucratif » au service des ménages (ISBLSM - voir article précédent) ont dispensé pour 20,6 Mdsd'aides.

Aussi, les prestations d'aide prises en charge par les Régimes d'assurance sociale (principalement en faveur des personnes âgées ou dépendantes et du logement) et, dans une moindre mesure, par des apports des Régimes des employeurs et de ceux de la mutualité, se sont-elles limitées à 41,2 Mds, ce qui représente 7,3 % de l'ensemble des prestations que ces régimes dispensent.

Il est inutile de rappeler que les véritables « financeurs » ne sont pas ces régimes mais les entreprises et les ménages qui versent les cotisations sociales et les impôts.

Des aides partiellement comptées dans la redistribution monétaire

 


Les montants des prestations d'aide sociale ressortant des comptes précédents sont supérieurs à ceux que la redistribution monétaire (RM) a retenus pour la pauvreté, les aides au logement et les aides familiales.

Pauvreté, exclusion sociale: 15,8 Mds(contre 14,1 Mds dans la RM) en 2011.

Près de 10 Mds sont consacrés aux trois formes du Revenu de solidarité active (RSA): socle, activité et temporaire. 1,7 Md va à des aides pour l'hébergement et 2,1 Mds d'aides sont dispensés par les Centres communaux et intercommunaux d'assistance sociale (CCAS et CIAS).

Aides au logement: 16,8 Mds (contre 13,5 Mds dans la RM).

L'Aide personnalisée au logement (APL) mobilise 7,2 Mds, dont, il faut le signaler, 6,4 Mds vont à des locataires de HLM, qui paient des loyers subventionnés « moins chers » que les locataires du parc privé. 5 Mds sont attribués aux bénéficiaires de l'Allocation de logement social (ALS), et 4,2 Mds à ceux de l'Allocation logement familiale (ALF). Ces allocations attribuées sous conditions (de ressources, en particulier) vont en presque totalité à la location, l'aide à l'accession à la propriété étant très faible.

Aides familiales: 37,2 Mds (contre 23,2 Mds dans la RM)0

La redistribution monétaire prend en compte les Allocations familiales pour 11,8 Mds, l'Allocation de base de la Prestation d'aide au jeune enfant pour 4,3 Mds et une partie des Aides à la garde, pour 7,1 Mds.

Elle ne prend pas en compte une partie des allocations liées à la garde des enfants, qui totalisent 14 Mds, ainsi que des prestations d'hébergement et d'accueil de familles, chiffrées à 6,3 Mds.

Et plus de 52 Mds d'aides sociales absentes de la redistribution monétaire

La redistribution monétaire écarte totalement les aides sociales dispensées dans les domaines de la maladie, la vieillesse et la survie, l'invalidité, la dépendance, les accidents du travail et les maladies professionnelles, l'emploi. Pourtant, ces aides sont souvent attribuées et/ou leurs montants déterminés sous condition de ressources des bénéficiaires et ne sont pas dépendantes des cotisations et contributions sociales de ces derniers.

Selon mes estimations, ces prestations écartées totalisent un peu plus de 52 Mds. En font partie la Couverture maladie universelle (CMU), de base et complémentaire, l'Aide pour une complémentaire santé (ACS) et l'Aide médicale d'État (AME) dédiée aux étrangers sans papiers, qui ont coûté 2,3 Mds en 2011. Ces aides typiques de redistribution verticale ont valeur de symboles et font l'objet de nombreuses contestations (voir note en annexe).

Un peu plus de 44 Mds sont consacrés à des aides aux personnes âgées, à la dépendance et à l'invalidité, qui sont de grandes absentes de la redistribution monétaire.

L'ensemble (?) des crédits destinés à compenser la perte d'autonomie due à l'âge ou au handicap, soit près de 20 Mds en 2011, est centralisé au sein de la Caisse nationale pour l'Autonomie (CNSA). Celle-ci attribue aux directeurs des Agences régionales de santé (ARS) les dotations destinées aux établissements et aux services médicaux sociaux d'hébergement et de soins en fonction des priorités nationales. Elle veille à assurer l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire (source: cnsa.fr). En 2011, les contributions à la CNSA des régimes d'assurance maladie (ONDAM) ont été de 8,3 Mds en faveur des établissements (EHPA et EHPAD) et des services (SSIAD) accueillant des personnes âgées handicapées ou dépendantes, et de 7,6 Mds pour ceux accueillant des personnes âgées. Pour sa part, la Contribution solidarité autonomie a apporté 2,2 Mds.

De leur côté, les prestations médico-sociales en faveur des personnes âgées (EHPA, EHPAD, SSIAD...) ont été de 8,7 Mds et les autres prestations liées à la dépendance ont été de 7,8 Mds.

Par ailleurs, le montant des prestations du minimum vieillesse versées par les régimes de base a été de 3,1 Mds.

Près de 70 % des prestations d'invalidité, soit 22,7 Mds, ont été versées ou réalisées par des régimes d'intervention sociale de l'État, des ODAC, des Collectivités locales et des ISBLSM. L'Allocation aux adultes handicapés (AAH) a coûté 7,0 Mds, la Garantie de ressources aux personnes handicapées (GRTH), 1,2 Md, la Prestation de compensation du handicap (PCH), l'Allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), l'Allocation journalière de présence parentale (AJPP)... ont mobilisé 2,3 Mds. L'accueil et l'hébergement des personnes invalides a coûté 12,2 Mds.

À ces prestations d'invalidité, il convient d'ajouter 1,9 Md de prestations au titre d'accidents du travail et de maladies professionnelles, dont 0,7 Md pour les pensions militaires d'invalidité et 1,2 Md pour l'indemnisation des victimes de l'amiante.

Enfin, il faut compter au moins les 5,8 Mds consacrés par les régimes d'intervention sociale des pouvoirs publics et des ISBLSM pour l'aide à l'insertion et à la réinsertion professionnelle (3,1 Mds) et les prestations du Fonds de solidarité (ASS, AER, ATS...) qui mobilisent 2,7 Mds.

 

Solidarité et redistribution interprofessionnelle

Toujours dans la sphère de la Protection sociale (PS) relevant du ministère de la Santé et des Affaires sociales, opère un « système complexe » des « transferts entre régimes » de la PS destinés à assu-rer l'équilibre des différents régimes. La plupart de ces transferts «expriment une solidarité interprofessionnelle entre les assurés de ces régimes », lit-on. Dans les Comptes de la Protection sociale de la DREES précités, il est précisé que « Les principaux d'entre eux sont les mécanismes de compensation démographique entre les différents régimes de retraite et d'assurance maladie». Mais, ils ne sont pas les seuls, la CNAF, l'UNEDIC... sont aussi de la partie.

Au total, ces transferts se sont montés à 140,5 Mds en 2011.


Les premiers bénéficiaires « nets » en ont été les régimes : des ISBLSM (+ 20 Mds), des complémentaires de non- salariés (+ 5,7 Mds), des salariés agricoles (+ 3,6 Mds) et des exploitants agricoles

(+ 3,4 Mds). En sens inverse, les grands donateurs ont été les Fonds spéciaux (- 18,6 Mds), qu'il est très difficile de retrouver dans les statistiques, le Régime général de la Sécurité sociale (- 8,8 Mds), les Régimes de non-salariés agricoles (- 4,1 Mds) et les Régimes d'intervention sociale des pouvoirs publics (- 2,4 Mds).

Nous sommes ici dans une autre dimension de la redistribution, qui a des effets financiers sur les cotisations versées par les assurés des régimes concernés et sur les prestations dont ils peuvent bénéficier. Elle est évidemment trop complexe pour être expliquée au quidam. Il pourrait penser qu'on cherche à l'embrouiller.

L'assurance maladie survit grâce à la redistribution verticale


Ce sont les ménages aux niveaux de vie (NDV) les plus élevés qui paient pour ceux aux NDV modestes. Beaucoup plus de cotisations (y compris la CSG) et pas plus de remboursements de la Sécurité sociale. Cela ressort clairement d'une étude sur « La redistribution verticale opérée par l'assurance maladie » (DREES, mini. Santé, 15 octobre 2012). Elle porte sur l'année 2008 (déjà lointaine, hélas) et s'étend aux ménages « ordinaires » en métropole. Les dépenses de santé prises en compte sont celles présentées au remboursement de l'Assurance maladie.

Pour l'Assurance maladie obligatoire (AMO), les contributions des ménages sont très progressives en fonction des revenus. Pour les 10 % des ménages du décile D1, aux NDV les plus faibles (dont une partie bénéficie de la CMU ou de l'AME), le montant annuel moyen payé est de 607 €. Dans le décile suivant, D2, il est de 1 272 €. Puis, il croît rapidement. Il atteint 7 026 € pour les ménages du décile D9 et 12 420 € pour les 10% les plus aisés du D10.

En revanche, les montants des remboursements sont plus proches les uns des autres, allant de 3.100 € à 5.400 €, pour une moyenne de l'ordre de 4.200 €. Les ménages les moins remboursés, entre 3.100 et 3.200 €, sont ceux aux revenus les plus hauts. « Riches » et en bonne santé !

Environ 60 % des ménages, aux revenus modestes et « médians », sont remboursés plus qu'ils ne cotisent. Les « déficits » pour la Sécu vont en diminuant de - 3.600 € (en D1) à – 1.000 € (en D6). Au contraire, les 40 % des ménages les plus aisés apportent des « excédents » de ressources à la Sécu allant, en moyenne, de 1.000 € à 9.300 €. Indiscutablement, l'assurance maladie obligatoire opère donc une importante redistribution verticale. Le reconnaître est-il politiquement trop dérangeant ?

Pour l'assurance maladie complémentaire (AMC), la situation est très différente. Si l'on excepte les ménages aux revenus les plus faibles qui bénéficient de la CMU-C ou de l'ACS, les cotisations versées par les ménages augmentent peu avec leurs revenus ; ils vont, en moyenne dans les déciles, de 859 € à 1.083 € dans l'année.

Il y a relativement peu d'écarts entre les remboursements, qui varient d'un décile à l'autre entre 724 € à 820 €.

Il faut donc se débarrasser des clichés voulant que l'assurance maladie complémentaire soit l'apanage des riches et qu'elle leur profite plus qu'aux autres. Ou prétendre que « bénéficier » d'une assurance (ou mutuelle) santé complémentaire est un « privilège ». En effet, l'étude établit que les remboursements reçus par les bénéficiaires des AMC

sont de 20 % à 30 % inférieurs à leurs cotisations (je l'avais expliqué dans un précédent article). Les raisons ? Les coûts de gestion (surtout pour les « petites dépenses »), la nécessité ou la volonté par les assureurs d'augmenter leurs réserves, un zeste d'aide sociale et, ne l'oublions pas, la TCAS de 7 % ou 14 % et les taxes associées.

Et dire que les gouvernants veulent rendre l'AMC

obligatoire pour tous les travailleurs et soumettre à l'impôt sur le revenu les cotisations que des entreprises paient pour le compte de leurs salariés ! Au lieu de rendre les cotisations aux AMC payées par les particuliers déductibles de leur revenu imposable... comme le sont les cotisations sociales. Nous sommes dans le délire, et cela échappe à la Cour des comptes et au Conseil d'État.

L'Éducation, un haut-lieu et un maquis de la redistribution

Du primaire au supérieur, les allocations et les bourses abondent, presque toutes attribuées selon des « critères sociaux », nombre d'enfants, âge de ceux-ci, activités et revenus des parents, etc. La plus connue est l'Allocation de rentrée scolaire (ARS) avec ses 2,9 millions de bénéficiaires et un coût de 1,92 Md en 2013. Au titre des aides directes du ministère de l'Éducation nationale aux lycéens et aux collégiens, on trouve des bourses de collège, des bourses de lycée, des bourses au mérite - lycée, des primes lycée (prime d'entrée en seconde, en première ou en terminale, prime d'équipement, prime de qualification), des primes à l'internat - collège et lycée, des bourses d'enseignement d'adaptation et des Fonds sociaux. Au total, 0,6 Md € en 2012 pour 1,3 million de bénéficiaires.

Des bourses et des aides de l'Éducation nationale sont aussi accessibles aux étudiants de l'enseignement supérieur. Elles comprennent les bourses d'études sur critères sociaux, dont le montant peut atteindre actuellement 5.539 € pour une année scolaire complète, les bourses complémentaires pour raisons médicales (maternité, cure médicale...), l'ex bourse au mérite, remplacée aujourd'hui par « l'aide » au mérite, réservée aux méritants bénéficiaires de bourses sur critères sociaux, et l'aide à la mobilité internationale (études à l'étranger) accordée sur critères sociaux et cumulable avec les précédentes aides.

Il existe une Allocation pour la diversité dans la fonction publique, gérée par les préfectures, un Passeport mobilité pour les étudiants des DOM-TOM, une Aide d'urgence, financée par le Fonds national d'aide d'urgence pour permettre à des étudiants de moins de 35 ans en grande difficulté de continuer leurs études, les bourses de fondations telles la bourse de la fondation Giveka, la bourse de voyage Zelidja... Devraient aussi être comptées dans la redistribution les bourses ERASMUS, gérées par l'Union européenne et financées à l'aide de nos impôts.

Au titre de l'aide au logement, à côté de l'accès à l'APL et à l'ALS, on peut citer l'avance loca-pass et la nouvelle garantie des loyers loca-Pass, en cours d'expérimentation.

Le compte de l'éducation a retenu un montant des « Bourses d'études et ARS » de 4,2 Mds en 2009. Partiel, il ne comprend pas les aides exceptionnelles financées par le fonds social lycéen et gérées par les chefs d'établissement, ni celles du fonds social pour les cantines destinées aux élèves du second degré de milieux défavorisés.

Doivent aussi être ajoutées des aides financières dispensées au niveau local par les communes, les départements et les régions, dont les critères d'attribution et les montants varient d'un lieu à un autre.

Dans une certaine mesure, les collectivités « cornaquent » les établissements publics d'enseignement et ceux sous contrat. Ainsi, par exemple, dans le primaire et le secondaire, elles ont un rôle décisif dans la fixation des tarifs des cantines facturables aux familles... selon des critères sociaux. Ces tarifs sont bien inférieurs aux coûts de production et des service des repas. Les collectivités paient la différence. Il en va de même concernant l'internat, dont le coût pour les parents peut être partiellement pris en charge par les collectivités locales.

Enfin, de nombreuses écoles privées ont mis en place des « caisses de solidarité » accessibles aux parents aux revenus modestes... au moins en partie


abondés par d'autres parents. (Sources : cantinescolaire.net et internats.info).

La redistribution opérée par ces derniers canaux n'est pas négligeable puisqu'en 2009 le compte de l'éducation chiffrait les coûts totaux de l'hébergement et de la restauration à 10 Mds €.

Qui a une vue d'ensemble de ces aides ? Vu le maquis qu'elles constituent, on peut se demander comment les dirigeants politiques peuvent prendre des décisions lucides et comment les élèves et leurs parents peuvent se débrouiller et trouver les chemins vers les aides auxquelles ils ont droit.

 

Le gouffre sans fond des aides au logement


45 Mds ont été « conférés » à l'aide au logement en 2011. En 2000, ce n'était que 25,2 Mds! La hausse de + 78 % n'est pas due aux aides conférées aux « consommateurs » (les ménages locataires), qui n'ont crû que de + 33 % pour atteindre 18,2 Mds en 2011. Ces aides aux ménages sont constituées par les 16,6 Mds d'allocations logement, qui sont comptabilisées dans les prestations d'aide sociale (voir plus haut) et par 1,6 Md d'avantages fiscaux, des fameuses niches fiscales.

La hausse vertigineuse provient de la montée en flèche des « avantages » conférés aux producteurs de services de logement, qui ont été multipliés par plus de 2,3 pour s'élever à 26,7 Mds en 2011.

En leur sein, les ménages « producteurs » (propriétaires et accédants) ont bénéficié de 3,6 Mds « d'avantages de taux » sur des sommes empruntées à des taux bonifiés inférieurs à ceux du marché. Ils ont aussi obtenu des avantages fiscaux sous la forme de niches, de réductions de l'Impôt sur le revenu (IR) évaluées à 5,1 Mds (réductions sur intérêts d'emprunts, réductions sur dépenses d'équipement, déduction dégressive sur les revenus des logements neufs...). Le document de 280 pages du Service de l'observation et de la statistique (SOeS) du Commissariat général au développement durable le décrit en détail. Il est à noter que ces réductions fiscales de 5,1 Mds, ainsi que les 1,6 Mds précédents sont inclues dans l'IR compté dans la redistribution monétaire. Par contre, les 4,3 Mds d'avantages de taux associés au bénéfice de la TVA à 5,5 % pour les travaux ne le sont pas.

En 2011, les producteurs de services de logement social ont bénéficié de 8,8 Mds d'aides (2,4 Mds de subventions et 6,4 Mds d'avantages de taux. En complément, le rapport sur le compte indique qu'en 2011, les financements antérieurs à 1977 étaient encore à l'origine de 50 % du parc locatif des « bailleurs sociaux.

Et 12,6 Mds de « ristournes» en faveur de 5,2 millions de locataires du secteur social.

Pour un même logement dans le secteur privé, les locataires du parc social (constitué à 80 % par des HLM et pour le reste par des logements détenus par des collectivités territoriales et des établissements publics) auraient payé, en moyenne, 2.420 € de plus dans l'année. Le montant total de ces aides, non comptabilisées, est de 12,6 Mds. Celui des loyers payés est de 23 Mds... par des locataires qui ne sont pas tous « pauvres. Ce n'est plus un secret.

Cela change du secteur locatif « libre », où 6,6 millions de ménages ont acquitté pour 41,6 Mds de loyers.

Encore faut-il rappeler la grande part des allocations logement attribuées à des locataires du secteur social.

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Ainsi, à notre total précédent de 122 Mds de prestations d'aides sociales aux ménages comptés dans les prestations de protection sociale, nous pouvons ajouter au titre du logement + 6,7 Mds d'avantages fiscaux, + 7,9 Mds d'avantages de taux et + 12,6 Mds d'aides aux locataires du parc social. Ces 149 Mds représentent plus que la somme de la CSG (85 Mds) et de l'Impôt sur le revenu (47 Mds) en 2011.

Les nombreuses niches fiscales, armes à double tranchant dont on a abusé

 

Les « niches fiscales », redistributives par nature, sont souvent nées lors de la création ou de la majoration d'impôts, avec pour but d'épargner à certaines catégories de personnes de supporter la charge totale de prélèvements trop lourds, d'atténuer leur progressivité, pour des raisons relevant de politiques sociales et/ou familiales. Des réformateurs, professionnels ou amateurs, l'oublient trop souvent.

Le repaire le plus en vue de la plupart des niches, est l'impôt sur le revenu (IR). Et les gouvernants n'y font pas seulement dans le détail. Un « contribuable sur deux» est exempté de l'IR, ce qui lui ouvre la possibilité de bénéficier d'autres exonérations ou réductions fiscales (sur la taxe d'habitation, la taxe foncière, etc.) ainsi que d'accéder à pas mal d'aides sociales « sous condition ». De la grande redistribution ! Par la manipulation des taux et des seuils des tranches d'imposition, par l'élimination de niches et l'ouverture de nouvelles, plus ou moins discutables, les gouvernants déterminent la progressivité effective ou réelle de l'IR, les prélèvement que subiront les différentes catégories de contribuables et le montant total qu'ils entendent collecter, bien sûr.

En ces temps moroses, le cap fixé est, sans équivoque, d'accroître les impôts et la progressivité effective de l'IR. Les familles sont dans le collimateur. Le Quotient familial, en particulier, donnerait trop d'avantages fiscaux aux familles « riches »... et à celles des classes moyennes. Il faudrait le supprimer ou le réduire! Ou, mieux, individualiser l'IR. Autre cible, les retraités, plus riches que les actifs (chômeurs compris !) et peu défendus. Ainsi, pour un ménage de retraités était-il indispensable de plafonner l'abattement de 10 % .p our frais professionnels.

La redistribution monétaire prend en compte globalement ces avantages fiscaux dans le montant de l'IR utilisé dans ses calculs. Par contre, elle omet les niches fiscales attachées à la CSG. Aussi, elle n'inclura pas la majoration de la CSG pour les retraités par le passage en 2015 du taux réduit de 6,6 % au taux « normal» de 10 %. Normal ? Comme un président normal? Non, c'est un taux très majoré! Rappelons que lors de la création de la CSG par Michel Rocard en 1990, ce taux normal était de 1,1 %. Et il n'était pas question de rendre cet impôt progressif, comme le réclament certains aujourd'hui, pour redistribuer encore plus. Cette réforme « courageuse » devrait « rapporter » 2,7 Mds € à la Sécu. Pas un gros sacrifice pour les retraités ! La commission Moreau avait évalué l'an dernier à 14 Mds le coût des niches fiscales bénéficiant aux retraités. Alors, pourquoi se priver ? Il ne semble pas que les calculs aient été faits pour toutes les catégories de personnes, françaises ou étrangères. Normal ou étrange ?

Chaque loi de finances nous apporte ses lots de décès et de naissances de niches qui aggravent l'instabilité fiscale. Je viens de lire qu'à la mi-2015 sera mis en place un « superbonus » (Ségolène ?) qui sera cumulable avec le bonus écologique « traditionnel» [déjà !]. Il sera versé aux acheteurs ou aux locataires de véhicules neufs hybrides ou électriques. Les acheteurs les plus écolos pourront toucher jusqu'à 10.000 €. Cette niche, qui ne figurera pas dans les prestations sociales, vise à « développer » un marché français pour des voitures, françaises ou étrangères (ou hybrides) coûteuses, dont les avantages pratiques et les bienfaits (pour l'environnement et la croissance) ne sont pas évidents pour tous. Elle rappelle la traditionnelle « niche diésel », carburant moins taxé que l'essence, qui favorise encore la pollution par plus de particules fines. Des gaspillages ? Pas de souci, la France est un pays riche !

 

La prolifération des tarifs sociaux

Un des ancêtres les plus connus des « tarifs sociaux » transport a été la carte de réduction « familles nombreuses ». Depuis, dans le secteur des transports, les tarifs sociaux ont proliféré. À tel point que la SNCF offre plus de 600 de tels tarifs qui émanent des réductions accordées par les pouvoirs publics (pour les familles, pour les personnes handicapées, les militaires... et même pour les chasseurs le jour de la Saint Sylvestre (lci.tf1.fr, le 22 05 2013).

Chaque région propose aussi aux salariés, aux chômeurs ou aux bénéficiaires de minima sociaux, aux jeunes de moins de 26 ans et aux étudiants, des réductions ou la gratuité des transports, trains ou cars... plus intéressantes que celles de la SNCF. Le site aide-sociale.fr indique, région par région quelles sont les possibilités et comment y accéder. En Ile-de- France une carte de solidarité concerne tous les modes publics de transport.

Afin qu'ils puissent se chauffer mieux, 4 millions de foyers (1,7 million jusque-là) vont bénéficier automatiquement de tarifs sociaux de l'énergie à compter, rétroactivement, du 1er novembre 2013. Ces bénéficiaires seront identifiés par les organismes sociaux et l'Administration fiscale. Pour l'électricité, les réductions annuelles par foyer vont de 71 € à 140 €. Pour le gaz, elles vont de 94 € à 156 €. Condition : revenu fiscal annuel (hors alloc. familiales et supplément, alloc. logement...) inférieur à 2 175 € par part. (Source : gouvernement.fr ).

Orange propose aux bénéficiaires de minima sociaux (RSA, AAH, ASS...) un tarif réduit social pour l'abonnement téléphonique d'une ligne fixe (6,49 € mensuel, au lieu de 14,13 € HT et 16,96 € TTC) et de l'aide pour régulariser les impayés. À ceux qui touchent le RSA socle, un abonnement « téléphone fixe + Internet » (débit 20 mégas) est proposé au tarif mensuel réduit de 23 € (location de la box comprise). Les concurrents s'alignent. Il existe aussi de nombreux forfaits sociaux « mobile ». EDF, GDF, Orange... ne financent pas ces largesses en réduisant leurs marges. Ce sont des subventions qui les paient et/ou les autres utilisateurs dont les prix se trouvent majorés. Il est courant que les communes proposent aux seniors des voyages à prix étudiés. Des offres que j'ai reçues pour des déplacements de plusieurs jours en Alsace, en Normandie, sur la côte d'Opale et en Autriche, prévoient des tarifs progressifs en fonction des revenus décomptant 80 % de réduction si le revenu mensuel est inférieur à 787 € pour une personne seule (1.222 € pour un couple), à 50 % si le revenu est compris entre 1.104 et 1.293 € et à 0 % si le revenu dépasse 2.231 €.

Sans porter de jugement sur ces aides aux démunis, on doit constater qu'il devient presque anormal que pour un même produit, bien ou service, tout le monde paie le même prix. Pour se faire une idée de l'extension du mouvement, on peut se rendre sur le site du secrétariat d'État chargé du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Son nom, à lui seul, est tout un programme. Il révèle aussi l'interpénétration, pour les uns, la confusion croissante, pour d'autres, entre le « productif », qui exige la productivité et la compétitivité, et le « social solidaire » qui s'appuie sur la compassion.

Des « incivilités » aux confins de la redistribution

 

C'est pas grave, ce sont les assurances qui paient ! De telles paroles débiles sont entendues lorsque « tombent » discrètement les statistiques sur les voitures brûlées volontairement. 58.000, d'après les déclarations des pompiers en 2013. 34.441, selon l'Office national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP). Beaucoup plus qu'en Grande- Bretagne où, moyennant un combat déterminé, ce nombre a été ramené sous les 10.000. 116.300 vols de voitures en 2013, selon planetoscope.com. Mais 50 % des véhicules volés sont retrouvés. Ouf ! Il y aurait eu aussi 382.000 cambriolages en 2013 (même source). Rien que 1.000 par jour, donc.

Il ne faut pas dramatiser ! Ces « incivilités » ne menacent pas la sécurité et la paix sociale. Et puis, l'assurance fait partie de l'économie sociale et solidaire. Normal, les assurés paient les dégâts commis par d'autres, des malfaiteurs.

Du nivellement en amont de la redistribution

 

La redistribution, calculée à partir des revenus « avant redistribution » par le jeu des prélèvements obligatoires et des aides sociales, ne tient pas compte des « coups de pouce » ponctuels ou durablement répétés en faveur de bas revenus. Impossible de faire le tour de ceux, très nombreux, qui oeuvrent à la « réduction des inégalités ».

En voici quelques exemples assez familiers (sources principales : INSEE, AGIRC, ARRCO).


Entre 2001 et 2013, le SMIC horaire a été relevé de 6,43 € à 9,43 €, soit de + 44,4 %. Le salaire horaire net moyen des ouvriers et des employés (hors agriculture) a cru de + 37,1 %. L'écart a été un peu réduit.

Dans l'Administration, le salaire mensuel net moyen des agents catégorie A (les cadres supérieurs) est passé de 2.484 € en 2001 à 2.758 en 2010. + 11 % seulement. Celui des agents de catégorie C a progressé de 1.498 € à 1.869 €. Une hausse de + 24,8 %. Résultat: le salaire moyen de la catégorie A n'est plus que de 48 % supérieur à celui de la catégorie C. En matière de nivellement, il est difficile de faire mieux !

Pour les retraités, la valeur du point de l'AGIRC (cadres) est passée de 0,3678 € en 2001 à 0,4352 en 2013. + 18,3 % C'est à peine plus pour les retraités de l'ARRCO (non cadres). De 1,0364, la valeur du point est montée à 1,2513 €, soit de + 20,7 %. Les difficultés des deux régimes complémentaires, les réformes intervenues récemment et celles encore attendues n'augurent pas de prochains coups de pouce de rattrapage.

Ces chiffres montrent aussi que les retraites du privé sont très faiblement revalorisées, bien moins que les salaires.

La situation des retraités des régimes de la Fonction publique et des régimes spéciaux est moins inconfortable grâce aux subventions publiques massives que ces régimes reçoivent. C'est de la grosse redistribution. Et les gouvernants ne semblent pas prêts à s'attaquer aux problèmes que cela pose en matière de déficit public... et d'inégalités.

Je viens de recevoir un courriel (réexpédié), indiquant que la Cour des comptes s'intéresse enfin aux « retraités » algériens. En « épluchant» les comptes de la CNAV, elle aurait dénombré plus de 50.000 centenaires. Ce serait beaucoup plus que le nombre de centenaires recensés en Algérie. Et la CNAV verse chaque année, lit-on, 4 Mds de retraites à l'étranger, dont 1 Md en Algérie. Il semble quasiment impossible de juguler cette dernière hémorragie. La Cour de comptes n'est pas la Cour des miracles ! Il est donc probable que cette redistribution nord-sud va exprimer notre solidarité pendant encore un certain temps.

 


ANNEXE

La CMU, la CMU-C, l'ACS et l'AME des prestations santé qui font jaser

 


La Couverture maladie universelle (CMU ou CMU base) prend en charge la part normalement remboursable par la Sécurité sociale (dite part obligatoire) des dépenses de santé de personnes qui ne sont pas couvertes par l'Assurance maladie.

Pour celles qui le sont :

- la CMU-C est une assurance complémentaire gratuite qui prend en charge la part complémentaire (aussi avec l'avance des frais) ;

- l'Aide pour une complémentaire santé (ACS) est une contribution financière publique destinée à alléger le coût de l'assurance complémentaire du bénéficiaire.

Avantage supplémentaire, des déductions sur leurs factures d'électricité, de gaz et de transport peuvent être sollicitées par les bénéficiaires de ces prestations.

Ces trois aides sont accessibles à des personnes françaises ou étrangères en situation régulière et sont attribuées « sous conditions de ressources » en fonction des revenus et des situations familiales.

Le plafond annuel de ressources de référence (pour une personne seule) pour l'exonération de cotisation à la CMU base est de 9.534 euros. Pour bénéficier de la CMU-C, le plafond de référence est de 8.645 €. Pour l'ACS, il est de 11.670 €.

Le financement de la majeure partie des dépenses est assuré par un Fonds CMU, lui-même abondé presque entièrement par des contributions des organismes complémentaires (leurs cotisants). Les ressources (2,4 Mds en 2013) vont principalement aux régimes de base et aux organismes complémentaires dispensateurs des aides, pour un montant total de 2,1 Mds €.

Les bénéficiaires de la CMUC-C sont les plus nombreux: 4,47 millions en 2013. Depuis 2007, leur nombre n'a pas augmenté et, selon l'Observatoire des non recours aux droits et aux services (Odenore), près du quart des ménages éligibles n'en bénéficient pas.. En revanche, pendant le même temps, celui des bénéficiaires de la CMU de base a crû de + 58 %, montant de 1,4 à 2,22 millions. Celui des bénéficiaires de l'ACS, lui, a quasiment doublé pour atteindre 1 million en 2013 pour un coût total approchant 0,8 Md € (source CNAMTS).

De leur côté, les étrangers en situation irrégulière, sans papiers, et sans ressources, peuvent accéder à l'Aide médicale d'État (AME) qui prend en charge leurs dépenses de santé dans la limite des tarifs de la Sécurité sociale. Son coût prévu au budget de l'État pour 2013 était de 588 millions €. Il a atteint 744 millions! « Oui, la hausse constatée est liée à la forte poussée du nombre de bénéficiaires de l'AME et nous n'avions pas anticipé une augmentation aussi forte » a admis Marisol Touraine, alors ministre de la Santé, devant les sénateurs le 3 juin 2014. Le nombre de bénéficiaires avait été chiffré à 278.262 personnes en septembre 2013. La suspicion d'abus locaux plane au ministère. Va-t-on renforcer les contrôles aux frontières... des hôpitaux et des centres de soins ? La ministre aurait exprimé sa « préoccupation » face à « des filières de personnes étrangères venant se faire soigner en France dans certains hôpitaux français ». « Cela amène à la nécessité d'enclencher très rapidement un travail diplomatique de coopération internationale avec les pays d'origine » (source challenges.fr/economie/ 20140604). Voilà de quoi nous rassurer complètement, et calmer les esprits de ceux qui, dans les milieux médicaux notamment, dénoncent les abus et la gabegie qu'il leur est donné d'observer. Les CMU sont également en cause.

Nous pouvons observer que le coût de l'AME est 2.670 € par bénéficiaire, en moyenne, et qu'ainsi l'effort total consenti au profit de 278.000 personnes étrangères en situation irrégulière est de l'ordre du tiers de celui des CMU et de l'ACS qui est partagé entre plusieurs millions de français... ainsi que d'étrangers en situation régulière. Une telle pratique de la « préférence nationale » est, évidemment difficile à comprendre par tous.

Il est vrai que quasiment personne ne connait la somme pharamineuse qui est consacrée aux aides sociales et quels en sont les principaux bénéficiaires. Est-ce mieux ainsi ?
 



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08.10.2014

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