par Jean-Louis
GUIGNARD
Le silence assourdissant de nos dirigeants et des
médias pour célébrer cet anniversaire (se sentiraient-ils menacés ?) mérite que
l'on réfléchisse à faire du 4 août la fête de l'Europe.
Il y a 225 ans, jour pour jour, l'Assemblée constituante
décrète "l'abolition des privilèges". Privilège : du latin privilegium, droit attaché à certaines conditions.
Dans les semaines qui suivent la prise de la Bastille la
paysannerie craint une réaction de la noblesse avec le retour des droits
féodaux tombés en désuétude. C'est la « Grande Peur » dans les campagnes. Le
tocsin sonne dans les églises semant la panique. Les privilégiés et les députés
siégeant à Versailles dans l'Hôtel des menus plaisirs sont inquiets des
débordements parfois violents. À la différence des bourgeois privilégiant la
répression, les nobles, mieux informés, recherchent l'apaisement. Il est vingt
heures ce 4 août, Armand-Désiré de Vignerod, duc d'Aiguillon (vinht-neuf
ans), un des chefs du Club breton, futur Club des Jacobins,
s'exclame :
Le peuple cherche à secouer un joug qui depuis tant de
siècles pèse sur sa tête... l'insurrection trouve son excuse dans les vexations
dont il est victime. »
Afin de rétablir l'ordre il propose aux paysans de
racheter les « droits seigneuriaux à prix modéré » (on voit qu'il ne
perd pas de vue ses intérêts!). Le vicomte de Noailles, acquis à la philosophie
des Lumières, monte à la tribune et surenchérit en proposant la fin des droits
« restes odieux de la féodalité ». L'objectif est de « faire tomber
les armes des mains des paysans » (A. Mattieux).
Dans un élan d'enthousiasme les nobles expriment leur soutien et les idées
fusent de tout côté. Le président Chapelier observe avec humour que le clergé
ne s'est pas exprimé. L'évêque de Chartres propose l'abolition des droits de
chasse, ce qui lui vaut la réplique amusée du duc de Chatelet
: « L'évêque nous ôte la chasse, je vais lui ôter la dîme! » (impôt payé à l'église par les seuls paysans).
Le « privilège » fut longtemps
synonyme de liberté en désignant « une loi particulière »; chaque fois que le
roi annexait une province il promettait le respect de ses « privilèges », lois,
coutumes et droits ancestraux garantissant ainsi les libertés locales. Les
représentants des régions se suivent à la tribune pour « faire don à la
Nation de leurs privilèges ».
Dans une folle ambiance de fête sont décrétés « l'abolition
des justices seigneuriales, les pénalités, les jurandes et les maitrises, la vénalité des charges, les privilèges des
provinces et des villes ». Il est décidé « le principe de l'égalité de
chaque citoyen devant l'impôt qui doit être proportionnel à la richesse,
l'égalité des citoyens pour être admis à tous les emplois, le plafonnement à 3 000 livres du cumul
des bénéfices touchés par les rentiers… ».
Les décisions de l'Assemblée rencontre une forte
opposition du roi et de la noblesse ; du 5 août au 5 octobre 1789 les troublent
continuent dans les campagnes. Le roi, contraint, donnera alors son accord : «
Le 25 août 1992 l'ensemble
des droits féodaux est irrévocablement aboli sans contreparties… mais pas
l'abolition de l'esclavage. ».
Ce n'est que le 4 février 1794 (décret du 16 Pluviôse an
II) que, sous l'impulsion de l'abbé Grégoire de Tours « la convention
nationale déclare aboli l'esclavage dans toutes ses colonies ; en conséquence elle
décrète que tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les
colonies, sont citoyens français et jouiront de tous les droits assurés par la
Constitution ».
À ce propos rappelons l'article 13 de la Déclaration
universelle des droits de l'Homme (1948) : « toute personne a le droit
de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un État ».
Le monde a bien changé, les privilèges ont changés de
nature mais perdurent ; chacun, chaque groupe recherche avantages et statuts particuliers
en oubliant que les avantages acquis pour les uns sont à la charge des autres.
La philosophie des Lumières reste d'actualité. En visitant notre histoire,
celle de la liberté, ne pouvons-nous pas jeter un regard critique sur notre
société? Il y a trois ans un de nos députés s'exclamait… « on
ne va quand même pas refaire le 4 août ! ».
Ensemble disons lui... CHICHE
et cerise sur le gâteau proposons de faire du 4 août la fête de l'Europe !
Réagir à l'article :
02.09.2014